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12/05/2021 | FRANCE | N°20-12264

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 mai 2021, 20-12264


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 403 F-D

Pourvoi n° U 20-12.264

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MAI 2021

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale

et d'allocations familiales (URSSAF) du [Localité 1], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-12.264 contre l'arrêt rendu le ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 403 F-D

Pourvoi n° U 20-12.264

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MAI 2021

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du [Localité 1], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-12.264 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre, N°RG : 18/02690), dans le litige l'opposant à la société Lisotherme, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Taillandier-Thomas, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) [Localité 1], de Me Balat, avocat de la société Lisotherme, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Taillandier-Thomas, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 novembre 2019), l'URSSAF du [Localité 1] (l'URSSAF) a notifié à la société Lisotherme (la société) une mise en demeure, puis lui a décerné, le 3 juillet 2015, une contrainte, à laquelle la société a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la mise en demeure et la contrainte, alors :

« 1°/ que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que satisfait à ces exigences la mise en demeure qui précise la nature des cotisations réclamées en indiquant qu'elles sont dues au titre du régime général ; qu'en jugeant, en l'espèce, que la mise en demeure du 21 avril 2015 qui indiquait « nature des cotisations : régime général », sans détailler la branche ou le risque concerné ne permettait pas à la société débitrice de connaître la nature de son obligation, le tribunal a violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que satisfait à ces exigences la mise en demeure établie sur la base des déclarations de la cotisante qui précise que la dette correspond à une absence de versement de cotisations ; qu'en l'espèce, l'URSSAF du [Localité 1] soutenait, sans être contestée, que la mise en demeure du 21 avril 2015 avait été établie sur la base d'éléments communiqués par la cotisante de sorte que la mention faisant référence à une absence de versement de cotisations suffisait pour lui permettre d'avoir connaissance de la cause, de la nature et de l'étendue de son obligation ; qu'en jugeant qu'à défaut de connaître la nature des cotisations appelées la société ne pouvait s'assurer de l'exactitude de l'assiette et des calculs de cotisations opérés par l'URSSAF sans rechercher, comme elle y était invitée par l'URSSAF, si cette connaissance ne résultait pas des éléments qu'elle avait elle-même transmis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

3°/ que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que satisfait à ces exigences la mise en demeure qui précise le montant des cotisations réclamées et la période à laquelle elles se rapportent ; qu'en jugeant en l'espèce que la mise en demeure du 21 avril 2015, qui mentionnait expressément un montant total de cotisations de 7 069 euros ainsi que la période concernée, ne permettait pas à la société débitrice de connaître l'étendue de son obligation faute de ventiler ce montant entre les risques concernés, le tribunal a violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-1596 du 18 décembre 2009, applicable au litige :

4. Il résulte de ce texte que la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à celui-ci d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

5. Pour annuler la mise en demeure et la contrainte subséquente, l'arrêt retient que la mise en demeure relative à la période du 1er trimestre 2015, établie le 21 avril 2015 pour un montant de 7 069 euros, ne comporte, sur la nature des cotisations appelées, que la mention « régime général » sans aucune précision sur la branche ou le risque concerné, que la mention « incluses contributions d'assurance chômage, cotisations AGS », figurant sous un astérisque, n'est pas suffisante pour assurer une information complète de la cotisante sur sa dette à défaut de se rapporter précisément à des cotisations d'assurance maladie, d'assurance vieillesse, d'allocations familiales ou d'accidents du travail, et qu'à défaut de connaître la nature des cotisations appelées, la société ne peut pas s'assurer que l'assiette de cotisations, puis les calculs opérés par l'URSSAF sont exacts, d'autant plus que seul un montant total de cotisations est indiqué, sans aucune ventilation entre les risques qu'il concerne.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations que les mentions de la mise en demeure litigieuse permettaient à la société de connaître la cause, la nature et l'étendue de son obligation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

7. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de condamnation à une amende civile, alors « que la cassation qui interviendra sur le deuxième moyen tiré de la régularité de la mise en demeure et de la contrainte émises respectivement le 21 avril et le 3 juin 2015 entraînera la censure de l'arrêt en ce qu'il dit qu'il n'y avait pas lieu de prononcer une amende civile, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

9. La cassation, prononcée sur le deuxième moyen, du chef de dispositif annulant la mise en demeure et la contrainte, entraîne la cassation, par voie de conséquence, de l'arrêt en ce qu'il déboute l'URSSAF de sa demande de condamnation à une amende civile, ce chef de dispositif ayant un lien de dépendance nécessaire avec les dispositions de l'arrêt cassé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la mise en demeure du 21 avril 2015 et la contrainte du 3 juin 2015 et déboute l'URSSAF de sa demande de condamnation à une amende civile, l'arrêt rendu le 14 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Lisotherme aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lisotherme et la condamne à payer à l'URSSAF du [Localité 1] la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) [Localité 1]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement rendu le 18 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Eure et Loir en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir soulevée par l'URSSAF [Localité 1] du chef de défaut de motivation du recours et dit que l'opposition formée par la société Lisotherme était recevable, d'AVOIR rejeté la demande de l'URSSAF formulée au titre de l'article 700 et de l'AVOIR condamnée à supporter pour moitié les dépens d'appel.

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'URSSAF reproche à la société de ne pas avoir motivé son recours devant le tribunal relevant s'il lui était loisible de ne développer qu'un seul argumentaire pour l'ensemble des contraintes contestées, elle devait néanmoins expliquer pour chacune d'elle ce qui était reproché et ne pas se limiter à une contestation globale ; la société rétorque qu'elle a contesté les trois mises en demeure en même temps et que l'argumentation proposée s'appliquait nécessairement à toutes ; sur ce, aux termes de l'article R133-3 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner la contrainte mentionnée à l'article L. 244-9 ou celle mentionnée à l'article L. 161-1-5. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la lettre recommandée mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine. L'huissier de justice avise dans les huit jours l'organisme créancier de la date de signification. Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la signification. L'opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l'organisme créancier dans les huit jours de la réception de l'opposition ; en l'espèce, la société a formé opposition à trois contraintes au moyen d'un argumentaire commun ; s'il apparaît qu'il est fait particulièrement référence à une mise en demeure (non concernée par la présente opposition), la société mentionne par ailleurs expressément qu'aucune d'elles ne lui permet d'avoir connaissance de l'étendue de sa dette ; il sera en outre rappelé que celui qui fait opposition à une contrainte n'a pas l'obligation, au moment du dépôt de son recours, de faire valoir l'ensemble des moyens qu'il entend développer, de sorte qu'un seul moyen suffit à établir la motivation de l'opposition ; en conséquence, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la fin de non recevoir soulevée par l'URSSAF ; le jugement sera confirmé sur ce point ; »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'URSSAF [Localité 1] reproche à la SAS Lisotherme de ne pas avoir motivé son recours au motif qu'en ayant déposé un seul argumentaire visant les différentes contraintes contestées, elle n'expose qu'une contestation globale et non des moyens relatifs à chaque contrainte querellée ; vu l'article R133-3 du code de la sécurité sociale ; en l'espèce, la SAS Lisotherme a formé le 20 juillet 2015 trois oppositions à trois contraintes au moyen d'un seul argumentaire valable pour ces trois recours ; s'il est exact que l'opposante fait référence dans ses écritures à une mise en demeure non visée dans la présent recours, il n'empêche que l'opposante y mentionne expressément qu'elle s'oppose à la contrainte de l'espèce au motif principal que la mise en demeure qui lui a été précédemment adressée ne lui permet pas d'avoir connaissance de l'étendue de sa dette ; en outre, il est de jurisprudence constante que l'opposant n'a pas l'obligation au moment du dépôt de son recours de faire valoir l'ensemble de ses moyens qu'il entend développer ; de sorte qu'un seul moyen suffit à établir la motivation de l'opposition ; ainsi, la fin de non recevoir soulevée par l'URSSAF [Localité 1] sera rejetée et le recours est recevable ; »

1.ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, dans son courrier daté du 21 juillet 2015, la société Lisotherme spécifiait s'opposer à trois contraintes qui lui avaient été signifiées le 10 juillet 2015 afin de lui réclamer le paiement des sommes de 2527,73 euros pour le premier trimestre 2014, 32 287,47 euros pour le 4ème trimestre 2014 et 7254,68 euros pour le premier trimestre 2015, la société indiquait que suite à son intervention l'URSSAF s'était désistée d'une instance qui concernait une nouvelle relance effectuée « le 21 janvier 2015 » et un avis émis « le 20 février », elle précisait par ailleurs « la mise en demeure de l'URSSAF comme son assignation ne donnent pas le détail des sommes et ne peuvent donc suffire à me permettre de vérifier le bienfondé des montants réclamés (?) en l'espèce la mise en demeure adressée le 21 janvier à Lisotherme, puis l'avis du 20 février précisent bien le montant et la période du premier trimestre 2014 à laquelle ils se rapportent. En revanche, la seule mention ?insuffisance de versement' ou ?absence de versement' ou ?part patronale' ou ?part ouvrière' ne renseigne pas suffisamment sur l'origine de la dette », enfin la société cotisante énonçait « de même les trois assignations reçues le 10 juillet sont en contradiction avec la signification de contrainte reçue le 3 mars » ; qu'en affirmant, pour rejeter la fin de non recevoir soulevée par l'URSSAF à l'encontre de l'opposition formée contre la contrainte émise le 3 juin 2015 que le courrier du 21 juillet 2015 mentionnait « expressément » qu'aucune des trois contraintes signifiées le 10 juillet 2015 ne permettait à la cotisante d'avoir une connaissance de l'étendue de sa dette quand seuls étaient expressément visés par ce reproche « la mise en demeure du 21 janvier » et « l'avis du 20 février » et que l'unique argument soulevé à l'encontre de ces trois contraintes concernait une contradiction avec une contrainte reçue « le 3 mars » ayant fait l'objet d'un désistement de la part de l'URSSAF, la cour d'appel a dénaturé le courrier du 21 juillet 2015 et violé le principe faisant interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ;

2 .ALORS en tout état de cause QUE l'opposition à contrainte doit être motivée ; que si le cotisant peut former opposition à plusieurs contraintes dans le même acte, il doit motiver son opposition pour chacune d'elles ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le courrier du 21 juillet 2015 faisait référence à une mise en demeure non visée par le présent recours ; qu'en retenant, pour juger recevable l'opposition formée contre la contrainte émise le 3 juin 2015, que dans ce courrier la cotisante « avait formé opposition à trois contraintes » et mentionné « qu'aucune d'elles » ne lui permettait d'avoir connaissance de l'étendue de sa dette, quand cette opposition ne mentionnait ni la date à laquelle avait été émise la contrainte contestée dans la cadre de l'instance, ni celle de la mise en demeure qui l'avait précédée et ne formulait aucun grief spécifique contre la contrainte émise le 3 juin 2015, la cour d'appel a violé l'article R.133-3 du code de la sécurité sociale ;

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement rendu le 18 mai 2018 en ce qu'il a annulé la mise en demeure du 21 avril 2015 notifiée par l'URSSAF [Localité 1] à la société Lisotherme et la contrainte du 3 juin 2015 signifiée le 10 juillet à la SAS Lisotherme, d'AVOIR débouté l'URSSAF [Localité 1] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'AVOIR condamnée à supporter pour moitié les dépens d'appel ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « La société Lisotherme plaide qu'elle est une entreprise récente qui du fait des sommes investies en recherche et développement et suite à des déménagements successifs pour accompagner sa croissance, se retrouve régulièrement avec des périodes de trésorerie fragiles ; en vérifiant le bien fondé des sommes réclamées par l'Urssaf, elle estime qu'il existe des écarts dans les réclamations qu'elle ne s'explique pas ; elle remet également en cause le formalisme de la mise en demeure établie par l'Urssaf ainsi que celle de la contrainte qui, selon elle, ne donnent pas le détail des sommes qui sont réclamées de sorte qu'elle n'est pas en mesure de vérifier le bien fondé de leur montants ; elle estime ainsi que les seules mentions « insuffisance de versement », « absence de versement », « part patronale » et « part ouvrière » ne renseignent pas suffisamment sur l'origine de la dette (cotisation maladie, cotisation retraite, CSG,CRDS?) ; l'Urssaf rétorque que la mise en demeure réponds aux exigences de l'article R244-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elle précise la nature , la cause et le montant de l'obligation ; sur ce, l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale dispose toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant. Le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. L'avertissement ou la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. Qu'à cette fin il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ; en l'espèce, la cour ne peut que constater que la mise en demeure établie le 21 avril 2015 pour un montant de 7069 euros relative à la période du 1 er trimestre 2015, ne comporte qu'une seule mention sur la nature des cotisations appelées à savoir « régime général » sans aucune précision sur la branche ou le risque concerné ; le fait que soit indiqué, sous un astérisque, la mention « incluses contributions d'assurance chômage, cotisations AGS » n'est pas suffisant pour assurer une information complète du cotisant sur sa dette à défaut de se rapporter précisément à des cotisations d'assurance maladie, d'assurance vieillesse, de cotisations familiales, d'allocations familiales ou d'accidents du travail ; a défaut de connaître la nature des cotisations appelées, la Société ne peut pas s'assurer que l'assiette de cotisations puis les calculs opérés par l'Urssaf sont exacts d'autant plus que, là encore, seul un montant total de cotisations est indiqué, sans aucune ventilation entre les risques qu'il concerne ; la cour estime en conséquence que cette mise en demeure puis la contrainte émise à sa suite, qui ne précise même plus qu'elle porte sur les cotisations du régime général, ne permettent pas à la Société de connaître la nature et l'étendue de son obligation. Tant la mise en demeure du 21 avril 2015 que la contrainte émise le 3 juin 2015 doivent être annulées ; le jugement est confirmé sur ce point ; sur les dépens, l'article 700 du code de procédure civile et sur l'amende civile ; les parties succombant partiellement à l'instance, elles supporteront, pour moitié chacune, les dépens d'appel et seront déboutées de leur demande respective au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; de même, au regard de la décision intervenue, il n'y a pas lieu de prononcer une amende civile ».

AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « sur la validité de mise en demeure et de la contrainte la SAS Lisotherme soulève la non conformité de la mise en demeure du 21 avril 2015 et de la contrainte du 3 juin 2015 au motif que l'origine de la dette n'est pas précisée, la seule mention « absence de versement » ne lui permettant pas de vérifier le bien fondé des sommes réclamées ; vu les articles L244-2 et R.244-1 du code de la sécurité sociale ; en l'espèce, la mise en demeure du 21 avril 2015 indique : « motif de mise en recouvrement : absence de versement nature des cotisations : régime général » les périodes concernées et les montants réclamés sont expressément mentionnés ; il s'induit des prescriptions précitées que la mise en demeure doit préciser, à peine de nullité, la cause, la nature et l'étendue de la dette ainsi que la période à laquelle elle se rapporte ; or la seule mention de cotisations relevant du régime général sans détailler la branche concernée, à savoir assurance maladie, assurance vieillesse, cotisations familiales ou régime des accidents du travail, ne peut suffire à déterminer la nature de la dette en cause ; de plus, seul un montant total de cotisations est indiqué ; là encore, il aurait fallu que ce montant soit détaillé en fonction du risque qu'il concerne ; ainsi la lecture de cette mise en demeure puis la contrainte correspondante, ne permet pas à la SAS Lisotherme de connaître la nature et l'étendue de son obligation ; au vu de ces éléments, la mise en demeure du 21 avril 2015 n'est pas valide puisque contraire à l'article R244-1 du code de la sécurité sociale, elle sera en conséquence annulée ; de surcroit, la contrainte datée du 3 juin 2015 ayant été délivrée sur le fondement d'une mise en demeure nulle est viciée ; elle sera donc annulée »

1.ALORS QUE la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que satisfait à ces exigences la mise en demeure qui précise la nature des cotisations réclamées en indiquant qu'elles sont dues au titre du régime général ; qu'en jugeant, en l'espèce, que la mise en demeure du 21 avril 2015 qui indiquait « nature des cotisations : régime général », sans détailler la branche ou le risque concerné ne permettait pas à la société débitrice de connaitre la nature de son obligation, le tribunal a violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

2.ALORS QUE la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que satisfait à ces exigences la mise en demeure établie sur la base des déclarations de la cotisante qui précise que la dette correspond à une absence de versement de cotisations ; qu'en l'espèce, l'URSSAF [Localité 1] soutenait, sans être contestée, que la mise en demeure du 21 avril 2015 avait été établie sur la base d'éléments communiqués par la cotisante de sorte que la mention faisant référence à une absence de versement de cotisations suffisait pour lui permettre d'avoir connaissance de la cause, de la nature et de l'étendue de son obligation (conclusions p. 7) ; qu'en jugeant qu'à défaut de connaitre la nature des cotisations appelées la société ne pouvait s'assurer de l'exactitude de l'assiette et des calculs de cotisations opérés par l'URSSAF sans rechercher, comme elle y était invitée par l'URSSAF, si cette connaissance ne résultait pas des éléments qu'elle avait elle-même transmis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

3. ALORS QUE la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que satisfait à ces exigences la mise en demeure qui précise le montant des cotisations réclamées et la période à laquelle elles se rapportent ; qu'en jugeant en l'espèce que la mise en demeure du 21 avril 2015, qui mentionnait expressément un montant total de cotisations de 7069 euros ainsi que la période concernée, ne permettait pas à la société débitrice de connaitre l'étendue de son obligation faute de ventiler ce montant entre les risques concernés, le tribunal a violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale.

4. ALORS QUE la contrainte, comme la mise en demeure, doit permettre à son destinataire de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation ; que cette connaissance peut résulter des mentions de la mise en demeure à laquelle se réfère la contrainte ; qu'en retenant, pour juger que la société cotisante n'avait pas été en mesure de connaitre la nature, la cause et l'étendue de son obligation que la contrainte émise le 3 juin 2015, qui faisait expressément référence à la mise en demeure du 21 avril 2015 qui l'avait précédée, ne précisait plus qu'elle portait sur les cotisations du régime général, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté l'URSSAF [Localité 1] de sa demande de condamnation à une amende civile et de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'AVOIR condamnée à supporter pour moitié les dépens d'appel ;

AUX MOTIFS QUE : « La société Lisotherme plaide qu'elle est une entreprise récente qui du fait des sommes investies en recherche et développement et suite à des déménagements successifs pour accompagner sa croissance, se retrouve régulièrement avec des périodes de trésorerie fragiles ; en vérifiant le bien fondé des sommes réclamées par l'Urssaf, elle estime qu'il existe des écarts dans les réclamations qu'elle ne s'explique pas ; elle remet également en cause le formalisme de la mise en demeure établie par l'Urssaf ainsi que celle de la contrainte qui, selon elle, ne donnent pas le détail des sommes qui sont réclamées de sorte qu'elle n'est pas en mesure de vérifier le bien fondé de leur montants ; elle estime ainsi que les seules mentions « insuffisance de versement », « absence de versement », « part patronale » et « part ouvrière » ne renseignent pas suffisamment sur l'origine de la dette (cotisation maladie, cotisation retraite, CSG,CRDS?) ; l'Urssaf rétorque que la mise en demeure répins aux exigences de l'article R244-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elle précise la nature , la cause et le montant de l'obligation ; sur ce, l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale dispose toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois ; si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant ; le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; l'avertissement ou la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ; en l'espèce, la cour ne peut que constater que la mise en demeure établie le 21 avril 2015 pour un montant de 7069 euros relative à la période du 1 er trimestre 2015, ne comporte qu'une seule mention sur la nature des cotisations appelées à savoir « régime général » sans aucune précision sur la branche ou le risque concerné ; le fait que soit indiqué, sous un astérisque, la mention « incluses contributions d'assurance chômage, cotisations AGS » n'est pas suffisant pour assurer une information complète du cotisant sur sa dette à défaut de se rapporter précisément à des cotisations d'assurance maladie, d'assurance vieillesse, de cotisations familiales, d'allocations familiales ou d'accidents du travail ; a défaut de connaître la nature des cotisations appelées, la Société ne peut pas s'assurer que l'assiette de cotisations puis les calculs opérés par l'Urssaf sont exacts d'autant plus que, là encore, seul un montant total de cotisations est indiqué, sans aucune ventilation entre les risques qu'il concerne ; la cour estime en conséquence que cette mise en demeure puis la contrainte émise à sa suite, qui ne précise même plus qu'elle porte sur les cotisations du régime général, ne permettent pas à la Société de connaître la nature et l'étendue de son obligation. Tant la mise en demeure du 21 avril 2015 que la contrainte émise le 3 juin 2015 doivent être annulées ; le jugement est confirmé sur ce point ; sur les dépens, l'article 700 du code de procédure civile et sur l'amende civile ; les parties succombant partiellement à l'instance, elles supporteront, pour moitié chacune, les dépens d'appel et seront déboutées de leur demande respective au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; de même, au regard de la décision intervenue, il n'y a pas lieu de prononcer une amende civile » ;

ALORS QUE la cassation qui interviendra sur le deuxième moyen tiré de la régularité de la mise en demeure et de la contrainte émises respectivement le 21 avril et le 3 juin 2015 entrainera la censure de l'arrêt en ce qu'il dit qu'il n'y avait pas lieu de prononcer une amende civile, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-12264
Date de la décision : 12/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 14 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 mai. 2021, pourvoi n°20-12264


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.12264
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