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12/05/2021 | FRANCE | N°19-24411

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 mai 2021, 19-24411


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 405 F-D

Pourvoi n° B 19-24.411

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MAI 2021

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [Localité 1], dont le siège

est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 19-24.411 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 405 F-D

Pourvoi n° B 19-24.411

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MAI 2021

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [Localité 1], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 19-24.411 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à la société Multi services, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Taillandier-Thomas, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1], de Me Le Prado, avocat de la société Multi services, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Taillandier-Thomas, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 septembre 2019), la société Multi services a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une contestation de l'opposabilité à son égard de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] (la caisse) de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, des arrêts et soins médicaux consécutifs à l'accident dont Mme [F], sa salariée, a été victime le 5 décembre 2014.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses six premières branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa dernière branche

Enoncé du moyen

3. La société Multi services fait grief à l'arrêt de la condamner aux dépens d'appel postérieurs au 1er janvier 2019, alors « que la loi ne dispose que pour l'avenir ; qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; que l'article 11 du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 a abrogé, à compter du 1er janvier 2019, les dispositions de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale selon lesquelles, en matière de sécurité sociale, « La procédure est gratuite et sans frais. L'appelant qui succombe est condamné au paiement d'un droit qui ne peut excéder le dixième du montant mensuel du plafond prévu à l'article L. 241-3 ; il peut toutefois être dispensé du paiement de ce droit par une mention expresse figurant dans la décision » ; qu'en condamnant la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] aux dépens d'un appel formé le 14 août 2018, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article 11 du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018. »

Réponse de la Cour

4. En application de l'article 2 du code civil et de l'article 17, III, du décret du 29 octobre 2018, les dispositions de ce texte abrogeant l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale sont d'application immédiate.

5. Dès lors, c'est sans encourir le grief du moyen, que la cour d'appel a condamné la caisse aux dépens d'appel.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] et la condamne à payer à la société Multi services la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1]

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré inopposable à la société Multi Services l'ensemble des arrêts de travail prescrits à Mme [F] suite à son accident du 5 décembre 2014 pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail par la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] et d'avoir condamné la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] aux dépens d'appel postérieurs au 1er janvier 2019, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il « résulte de l'article 11 du code de procédure civile que les parties ont l'obligation d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf pour le juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus ;
Qu'aux termes de l'article 275 du même code, les parties ont l'obligation de remettre sans délai à l'expert tous les documents que celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;
Qu'en outre, l'article L.141-2-2 du code de la sécurité sociale dispose que, lorsqu'en application de l'article L.142-1 du même code, les conditions de reconnaissance d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ou l'imputabilité des lésions ou des prestations servies à ce titre, le praticien-conseil du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puisse lui être opposé l'article L.226-13 du code pénal, à l'attention de l'expert judiciaire tous les éléments médicaux ayant contribué à la décision de prise en charge ou de refus et à la justification des prestations servies ; Qu'en l'occurrence, il résulte des termes du jugement mixte rendu le 7 avril 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale [Localité 1] que l'expert désigné devait se faire communiquer tous documents médicaux utiles ct que la CPAM [Localité 1] avait l'obligation de lui adresser l'entier dossier médical de [F] [F] ;
Qu'il est constant que le médecin conseil de l'échelon local du service médical [Localité 1] a uniquement adressé au docteur [W] [U] un courrier du 17 mai 2017 rédigé dans les termes suivants : « Mon cher confrère, Vous allez voir en expertise à la demande du TASS, Mme [F] [F], 46 ans, agent de service, victime d'une chute au travail le 5/12/14. Elle se plaint de douleur au poignet et à l'épaule gauche. Après consultation aux urgences, on lui prescrit le port d'une attelle du poignet. L'arrêt de travail s'est poursuivi jusqu'au 15/06/15 (soins jusqu'au 31/07/15). Mme [F] n'a aucun antécédent connu de notre part. L'employeur n'apporte aucun élément permettant d'impacter l'arrêt à une cause totalement étrangère à l'accident. »
Qu'en l'état de cette seule communication, cet expert judiciaire, le docteur [U] a rendu un rapport de carence ;
Qu'il y a lieu de constater que la CPAM [Localité 1] n'a pas respecté son obligation de participer loyalement à la mesure d'expertise ordonnée par le premier juge ;
Que, si elle soutient qu'elle ne disposait d'aucun dossier médical concernant cette assurée, elle produit pourtant en cause d'appel les certificats médicaux d'arrêts de travail de [F] [F] dont il ressort des numéros horodateurs qu'elle les détenait depuis 2015 ;
Que, cependant, elle rappelle que la présomption d'imputabilité attachée aux arrêts de travail et soins découlant de l'accident du travail dont a été victime [F] [F] le 5 décembre 2014 ne peut être écartée qu'en apportant le preuve d'une cause totalement étrangère ;
Qu'en effet, cette présomption d'imputabilité découlant de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale est une présomption simple pouvant être combattue par tous moyens ;
Que la Sarl Multi Services ne disposant pas des éléments médicaux concernant ses salariés et la CPAM [Localité 1] étant la seule destinataire des arrêts de travail comportant les constatations médicales détaillées, la mesure d'expertise ordonnée par le tribunal était justifiée ;
Que cette mesure d'instruction n'a pu aboutir du seul fait de la carence de la caisse et de son service médical ;
Que le premier juge était par conséquent légitime à tirer toutes les conséquences de l'attitude de la caisse ;
Qu'en conséquence, la demande d'expertise sollicitée par la caisse doit être considérée comme dilatoire et ce, d'autant plus qu'elle persiste à affirmer qu'elle ne dispose que du courrier écrit par son médecin conseil le 17 mai 2017, soit deux an et demi après la survenue de l'accident litigieux ; Que, dès lors, l'ensemble des arrêts de travail ct les soins consécutifs à l'accident du travail dont a été victime [F] [F] le 5 décembre 2014 doivent être déclarés inopposables à la Sarl Multi Sservices ;
Qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Qu'en l'absence de demande formulée par la Sarl Multi Services de paiement de la somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la demande de la caisse tendant au rejet d'une demande de condamnation à ce titre doit être rejetée comme étant sans objet ;
Que la CPAM [Localité 1] qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel postérieurs au 1er janvier 2019, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile. »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article L.141-2-2 du code de la sécurité sociale, auquel se réfère la société, dispose que lorsque sont contestées, en. application de l'article L.142-1 du présent code, les conditions de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ou l'imputabilité des lésions ou des prestations servies à ce titre, le praticien conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puisse lui opposé l'article 226-1 3 du code pénal, à l'attention du médecin expert désigné par la juridiction compétente, les éléments médicaux ayant contribué à la décision de prise en charge ou de refus et à la justification des prestations servies à ce titre, à la demande de l'employeur, ces éléments sont notifiés au médecin qu'il mandate à cet effet ;
que le moyen tiré du secret professionnel invoqué par la CPAM ne peut être retenu au regard des dispositions sus visées et dès lors que le service médical n'a pas respecté l'obligation qui lui est faite de communiquer au médecin expert désigné par le tribunal les éléments médicaux justifiant la décision de l'organisme de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, des prestations servies au litre de l'accident, il convient de déclarer inopposable à la société Multi Services l'ensemble des arrêts de travail prescrits à Mme [F] suite à son accident du 5 décembre 2014. »

ALORS DE PREMIERE PART QUE nonobstant leur dénomination, les certificats médicaux de prolongation d'arrêt de travail constituent des documents administratifs et non de réels éléments médicaux s'agissant de formulaires sur lesquels le médecin prescripteur se contente d'indiquer la pathologie à l'origine de la prescription ; considérant que (arrêt pages 4 et 8) « les certificats médicaux d'arrêts de travail de [F] [F] dont il ressort des numéros horodateurs qu'elle les détenait depuis 2015 » la CPAM [Localité 1] aurait fait obstacle à la réalisation de la mesure d'instruction ordonnée afin de permettre à l'employeur de combattre la présomption simple qui jouait à son encontre, la cour d'appel a dénaturé ces certificats médicaux et violé l'article 1103 du code civil (ancien article 1134).

ALORS DE DEUXIEME PART QUE la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant la consolidation de l'état de la victime ; qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire ; qu'en déduisant l'inopposabilité à l'employeur des arrêts de travail et soins prescrits à Mme [F] à la suite de l'accident du travail non contesté du 5 décembre 2014 du fait que la CPAM [Localité 1] n'aurait pas communiqué à l'expert les éléments médicaux du dossier de l'assuré, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE si, en application des articles 11 et 275 du Code de procédure civile, les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction et de remettre à l'expert éventuellement désigné tous les documents que celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission, la carence d'une partie ne remet pas en cause le principe du contradictoire ; qu'en décidant au contraire que le prétendu défaut de communication de l'ensemble des pièces demandée, par la CPAM [Localité 1], entachait le caractère contradictoire de la procédure et rendait en conséquence la décision de prise en charge inopposable, les juges du fond ont violé les articles 11, 16 et 275 du Code de procédure civile, ensemble les articles L. 411-1 et R. 441-11 du Code de la sécurité sociale ;

ALORS DE QUATRIEME PART QUE la violation du principe du contradictoire dans le cadre d'une expertise est sanctionnée par la nullité de l'expertise et en aucun cas, à défaut de disposition à cet effet, par l'exclusion de l'inopposabilité d'une décision prise antérieurement par l'une des parties ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 16 du Code de procédure civile, ensemble les articles L. 411-1 et R. 441-11 du Code de la sécurité sociale ;

ALORS DE CINQUIEME PART QUE le dossier médical est détenu par le service du contrôle médical, service dépendant de la CNAMTS, établissement public de l'Etat, et que dès lors la CPAM [Localité 1] ne pouvait se voir reprocher de ne pas avoir communiqué ces documents ; qu'en décidant le contraire les juges du fond ont violé les articles 11et 275 du Code de procédure civile ;

ALORS DE SIXIEME PART QU' aucune inopposabilité ne saurait être invoquée par l'employeur, au motif que le service médical n'aurait pas communiqué le dossier médical à l'expert, dès lors que l'expert a été en mesure de se prononcer sur la difficulté soulevée ; qu'en décidant que le prétendu défaut de communication de l'ensemble des pièces demandées, par la CPAM [Localité 1], entachait le caractère contradictoire de la procédure et rendait en conséquence la décision de prise en charge inopposable, sans avoir préalablement constaté que l'expert n'aurait pas été en mesure de se prononcer sur la difficulté soulevée au vu des éléments contenus dans le dossier du médecin traitant de l'assuré, la cour d'appel a privé la décision de base légale au regard des articles 11 et 275 du Code de procédure civile ;

ALORS DE SEPTIEME ET DERNIERE PART QUE la loi ne dispose que pour l'avenir ; qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; que l'article 11 du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 a abrogé, à compter du 1er janvier 2019, les dispositions de l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale selon lesquelles, en matière de sécurité sociale, « La procédure est gratuite et sans frais. L'appelant qui succombe est condamné au paiement d'un droit qui ne peut excéder le dixième du montant mensuel du plafond prévu à l'article L.241-3 ; il peut toutefois être dispensé du paiement de ce droit par une mention expresse figurant dans la décision » ; qu'en condamnant la CPAM [Localité 1] aux dépens d'un appel formé le 14 août 2018, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article 11 du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-24411
Date de la décision : 12/05/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 13 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 mai. 2021, pourvoi n°19-24411


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boutet et Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.24411
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