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12/05/2021 | FRANCE | N°19-22850

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 mai 2021, 19-22850


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Cassation partielle
sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 424 F-D

Pourvoi n° E 19-22.850

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MAI 2021

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM

) d[Localité 1], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 19-22.850 contre l'arrêt rendu le 26 juin 2019 par la cour d'appel de Rou...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Cassation partielle
sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 424 F-D

Pourvoi n° E 19-22.850

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MAI 2021

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d[Localité 1], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 19-22.850 contre l'arrêt rendu le 26 juin 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à Mme [N] [A], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le Défenseur des droits a présenté des observations en application de l'article 33 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [Localité 1], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de Mme [A], et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 26 juin 2019), Mme [A] (l'assurée), atteinte d'une maladie orpheline nommée syndrome de Chiari, a sollicité de la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] (la caisse) l'autorisation préalable de prise en charge d'une intervention chirurgicale devant être réalisée dans une clinique privée spécialisée en Espagne. La caisse a rejeté la demande par décision du 20 novembre 2015.

2. L'assurée, qui a subi l'intervention le 14 janvier 2016, a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à rembourser à l'assurée la somme de 16 800 euros, alors « que les soins dispensés aux personnes bénéficiaires de la prise en charge des frais de santé au titre des articles L. 160-1 et L. 160-2 et aux personnes qui leur sont rattachées au sens des règlements européens qui s'avèrent médicalement nécessaires au cours d'un séjour temporaire dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse font l'objet, en cas d'avance de frais, d'un remboursement par les caisses d'assurance maladie dans les conditions prévues dans l'Etat de séjour ou, en cas d'accord de l'assuré social, dans les conditions prévues par la législation française ; qu'en condamnant la CPAM [Localité 1] à prendre en charge l'intégralité de la somme exposée pour les soins dispensés en Espagne cependant que ni la législation espagnole ni la législation française ne prévoyaient la prise en charge de l'opération subie par Mme [A] en Espagne, la cour d'appel a violé l'article R. 160-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 332-3 et R. 332-4, devenus R. 160-1 et R. 160-2, du code de la sécurité sociale, 20 § 2 du règlement (CE) n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale :

4. Selon le premier de ces textes, les soins dispensés aux assurés sociaux ou à leurs ayants droit qui s'avèrent médicalement nécessaires au cours d'un séjour temporaire dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse font l'objet, en cas d'avance de frais, d'un remboursement par les caisses d'assurance maladie dans les conditions prévues dans l'Etat de séjour ou, en cas d'accord de l'assuré social, dans les conditions prévues par la législation française, sans que le montant du remboursement puisse excéder le montant des dépenses engagées par l'assuré et sous réserve des adaptations prévues aux articles R. 332-4 à R. 332-6.

5. Il résulte du deuxième que les soins dispensés, sur autorisation préalable des caisses d'assurance maladie, dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse, dans le cadre d'un déplacement aux fins de recevoir un traitement adapté, sont soumis aux mêmes règles de remboursement. En l'absence de réponse de la caisse dans le délai qui lui est imparti pour statuer sur la demande de l'assuré, l'autorisation est réputée accordée.

6. Pour condamner la caisse à payer à l'assurée la somme de 16 800 euros au titre de la facture de l'opération chirurgicale litigieuse, l'arrêt énonce que la caisse reconnaît devoir prendre en charge les frais en cause, faute d'avoir répondu à la demande d'autorisation dans le délai qui lui était imparti, et que le litige porte exclusivement sur la question du montant du remboursement auquel l'assurée peut prétendre. Il ajoute qu'il n'est pas contesté que la sécurité sociale espagnole ne prend en charge que les soins délivrés dans le secteur public, que l'assurée, qui a été opérée dans une clinique privée, ne sollicite d'ailleurs pas la prise en charge de ses frais par l'Espagne. Il relève qu'il est constant que l'intervention dont a bénéficié l'assurée n'est pas pratiquée sur le territoire national et ne fait donc l'objet d'aucune tarification. L'arrêt ajoute que la caisse prétend à un remboursement par assimilation à une tarification connue, soit le GHS 30, pour limiter ce remboursement à la somme forfaitaire de 4 854 euros, qu'il est pourtant démontré qu'il existe au-delà du GHS 30, correspondant à des interventions sur le rachis et la moelle pour des affections neurologiques de niveau 1, également des GHS 31 à 33 correspondant aux mêmes interventions pour des niveaux de 2 à 4 et pour des forfaits pouvant aller jusqu'à 14 923,69 euros et que la caisse n'explique pas ce qui s'oppose à leur application. Il en déduit qu'en l'absence de tarification dans la nomenclature française et de justification du remboursement par assimilation préconisée par la caisse, sans qu'une expertise puisse pallier ce manque, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la caisse à prendre en charge l'intégralité de la facture réglée par l'assurée.

7. En statuant ainsi, après avoir relevé que l'intervention chirurgicale litigieuse n'était pas prise en charge par la législation espagnole, et ne figurait pas davantage au nombre des actes dont la prise en charge est prévue par la réglementation française, ce dont il résultait que la caisse n'était pas tenue au remboursement des frais avancés par l'assurée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

10. La caisse n'étant pas tenue au remboursement des soins litigieux, il y a lieu de lui donner acte, conformément à sa demande, du montant de la prise en charge accordée à hauteur de la somme de 4 854 euros et de débouter l'assurée de sa demande en ce qu'elle tend au remboursement intégral du coût de l'intervention en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evreux en tant qu'il condamne la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] à payer à Mme [A] la somme de 16 800 euros, l'arrêt rendu le 26 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DONNE ACTE à la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] du montant du remboursement retenu par celle-ci à hauteur de 4 854 euros ;

Déboute Mme [A] de sa demande en ce qu'elle tend au remboursement intégral du coût de l'intervention chirurgicale subie, le 14 janvier 2016, en Espagne ;

Condamne Mme [A] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les parties, tant devant la Cour de cassation que devant les juridictions du fond ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [Localité 1]

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la CPAM [Localité 1] à payer à Mme [A] la somme de 16 800 euros au titre de la facture de l'opération réalisée à Barcelone le 14 janvier 2016 ;

Aux motifs que la caisse primaire reconnaissait devoir prendre en charge les frais exposés par Mme [A] pour ses soins à l'étranger faute d'avoir répondu à sa demande d'autorisation dans le délai qui lui était imparti de sorte que ne se posait plus que la question du montant du remboursement auquel l'assurée pouvait prétendre ; qu'il n'était pas utilement contesté que la sécurité sociale espagnole ne prenait en charge que les soins délivrés dans le secteur public, Mme [A], qui avait été opérée dans une clinique privée, ne sollicitait d'ailleurs pas la prise en charge de ses frais par l'Espagne ; qu'il résultait des articles 25 et 26 du règlement CE 987/2009 que si la législation de l'État membre de séjour (en l'espèce l'Espagne) ne prévoit pas le remboursement des soins programmés dont l'assuré a effectivement supporté le coût, l'institution compétente (en l'espèce la caisse primaire d'assurance-maladie) peut rembourser les frais dans les limites et conditions des tarifs de remboursement fixés par sa législation sans l'accord de la personne assurée ; qu'il résultait également, en droit interne, de l'application combinée des articles R. 160-1 et R.160-2 du code de la sécurité sociale que les soins prodigués sur autorisation préalable à l'étranger font l'objet, en cas d'avance de frais, d'un remboursement par les caisses d'assurance-maladie dans les conditions prévues dans l'Etat de séjour, ou en cas d'accord de l'assuré social, dans les conditions prévues par la législation française, sans que le montant du remboursement puisse excéder le montant des dépenses engagées par l'assuré ; que l'intervention dont avait bénéficié Mme [A] n'était pas pratiquée sur le territoire national et ne faisait donc l'objet d'aucune tarification ; que la caisse prétendait donc à un remboursement par assimilation à une tarification connue soit le GHS30 ; que bien que le motif essentiel du tribunal des affaires de sécurité sociale pour condamner la caisse à prendre en charge l'intégralité des soins fût le défaut de justification de la référence au GHS30 et qu'elle disposât de tous les éléments médicaux nécessaires versés aux débats au moins depuis le 6 mars 2017 pour interroger à nouveau son médecin conseil, la caisse, pour limiter le remboursement à la somme forfaitaire de 4 854 euros, persistait à se référer uniquement à un courriel du Dr [H] lequel, après avoir déploré que les éléments transmis dans le dossier soient très succincts et se limitent à la facture de l'établissement de soins, écrit que « dans la réglementation française, compte tenu des éléments transmis (facture de l'établissement en Espagne), le GHS30 peut correspondre à la facturation de la prise en charge telle que décrite » ; qu'il était pourtant démontré qu'il existait au-delà du GHS30, correspondant à des interventions sur le rachis et la moelle pour des affections neurologiques de niveau 1, également des GHS 31 à 33 correspondant aux mêmes interventions pour des niveaux de 2 à 4 et pour des forfaits pouvant aller jusqu'à 14 923,69 euros et que la caisse n'expliquait pas ce qui s'opposait à leur application ; qu'ainsi, en l'absence de tarification dans la nomenclature française et de justification du remboursement par assimilation préconisée par la caisse, sans qu'une expertise puisse pallier ce manque, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la caisse à prendre en charge l'intégralité de la facture réglée par Mme [A], soit 16 800 euros ainsi qu'il en était justifié ;

Alors 1°) que si la législation de l'Etat membre de séjour ne prévoit pas le remboursement des frais médicaux exposés dans son pays, le remboursement des soins dispensés à l'étranger ne constitue pour les caisses françaises qu'une simple faculté ; qu'en faisant obligation à la caisse d'assurance maladie de prendre à sa charge l'intégralité de la facture réglée par Mme [A] à hauteur de 16 800 euros pour les soins dispensés en Espagne, la cour d'appel a violé l'article 25.7 du règlement CE 987/2009 du 16 septembre 2009 et l'article L. 160-7 du code de la sécurité sociale ;

Alors 2°) que les soins dispensés aux personnes bénéficiaires de la prise en charge des frais de santé au titre des articles L. 160-1 et L. 160-2 et aux personnes qui leur sont rattachées au sens des règlements européens qui s'avèrent médicalement nécessaires au cours d'un séjour temporaire dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse font l'objet, en cas d'avance de frais, d'un remboursement par les caisses d'assurance maladie dans les conditions prévues dans l'Etat de séjour ou, en cas d'accord de l'assuré social, dans les conditions prévues par la législation française ; qu'en condamnant la CPAM [Localité 1] à prendre en charge l'intégralité de la somme exposée pour les soins dispensés en Espagne cependant que ni la législation espagnole ni la législation française ne prévoyaient la prise en charge de l'opération subie par Mme [A] en Espagne, la cour d'appel a violé l'article R. 160-1 du code de la sécurité sociale ;

Alors 3°) que le juge ne peut violer le principe du contradictoire ; qu'en ayant d'office fait application des GHS 31 à 33 dont aucune des parties ne se prévalait sans inviter la CPAM [Localité 1] à présenter ses observations et en lui reprochant de surcroît de n'avoir pas expliqué ce qui s'opposait à leur application, que personne ne revendiquait, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Alors 4°) que le juge ne peut méconnaître les termes du litige ; qu'en ayant énoncé qu'il était « démontré » qu'il existait au-delà du GHS 30, correspondant à des interventions sur le rachis et la moelle, des GHS 31 à 33 correspondant à des interventions identiques pour des niveaux de 2 à 4, cependant qu'aucune des parties ne s'en prévalait et que Mme [A] elle-même reconnaissait dans ses écritures (p. 16) que sa pathologie ne correspondait pas à une intervention sur le rachis ou la moelle et qu'elle ne faisait l'objet d'aucune codification en France, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors 5°) que tout jugement doit être motivé ; qu'en ayant seulement énoncé qu'il existait des « GHS 31 à 33 correspondant à des interventions identiques pour des niveaux de 2 à 4 » sans expliquer en quoi ils s'appliquaient à l'espèce, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 6°) qu'en ayant condamné la CPAM [Localité 1] à prendre en charge la somme de 16 800 euros après avoir déclaré faire application de forfaits allant jusqu'à 14 923,69 euros, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article R. du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-22850
Date de la décision : 12/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 26 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 mai. 2021, pourvoi n°19-22850


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.22850
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