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12/05/2021 | FRANCE | N°19-16514

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 mai 2021, 19-16514


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Cassation sans renvoi

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 405 FS-P+R

Pourvoi n° T 19-16.514

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MAI 2021

M. [U] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourv

oi n° T 19-16.514 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la s...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Cassation sans renvoi

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 405 FS-P+R

Pourvoi n° T 19-16.514

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MAI 2021

M. [U] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 19-16.514 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Justitia Debt Finance AG, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2] (Suisse), venant aux droits de la caisse régionale de Crédit maritime mutuel, défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP FabianiFabiani, Luc-Thaler et PinatelLuc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [C], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Justitia Debt Finance AG, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 20 novembre 2018), suivant acte notarié du 16 juin 1995, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Morbihan, aux droits de laquelle vient la société Intrum Justitia Debt Finance (société Intrum), a consenti un prêt à M. et Mme [C].

2. Le 5 avril 2000, la société Intrum a inscrit, sur un immeuble appartenant à M. [C], une hypothèque judiciaire provisoire à laquelle a été substituée, le 12 mai 2000, une inscription définitive.

3. La société Intrum ayant délivré aux emprunteurs un commandement de payer valant saisie immobilière, le juge de l'exécution a déclaré prescrite l'action en paiement et nul le commandement.

4. M. [C] a assigné la société Intrum aux fins d'obtenir la radiation de l'inscription hypothécaire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. M. [C] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « que les hypothèques s'éteignent par l'extinction de l'obligation principale ; que la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps ; qu'après avoir constaté la prescription biennale de l'action en paiement du professionnel prononcée par un jugement définitif en date du 2 août 2016, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les articles L. 137-2 du code de la consommation, 2488 et 2219 du code civil, rejeter la demande de radiation de l'hypothèque litigieuse en considérant que l'obligation principale aurait survécu à la prescription de l'action en paiement. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 2488, 1° et 4°, deuxième alinéa, du même code :

6. Selon le premier de ces textes, les obligations s'éteignent par la prescription.

7. En application du second, les privilèges et hypothèques s'éteignent par l'extinction de l'obligation principale, sous réserve du cas prévu par l'article 2422 du code civil, et la prescription est acquise au débiteur, quant aux biens qui sont dans ses mains, par le temps fixé pour la prescription des actions qui donnent l'hypothèque ou le privilège.

8. En précisant que la prescription est acquise au débiteur resté détenteur de l'immeuble hypothéqué par le temps fixé pour la prescription de l'action qui naît de l'obligation principale dont l'hypothèque ou le privilège est l'accessoire, les rédacteurs du code civil ont souhaité proscrire la règle de l'ancien droit, selon laquelle l'action hypothécaire survivait à la prescription de l'action personnelle en devenant l'accessoire d'une obligation naturelle, et faire, au contraire, coïncider la prescription de la créance et l'extinction de l'hypothèque.

9. Admettre que l'hypothèque ou le privilège puisse survivre à la prescription de l'action en exécution de l'obligation principale remettrait en cause cet objectif, en permettant l'exercice de l'action hypothécaire après prescription de l'action personnelle.

10. Il en résulte que la prescription, qu'elle concerne l'obligation principale ou l'action en paiement emporte, par voie de conséquence, l'extinction de l'hypothèque ou du privilège.

11. Pour rejeter la demande de radiation, l'arrêt retient que la prescription de l'action en paiement résultant de l'application des dispositions de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation n'éteint pas le droit du créancier, auquel elle interdit seulement d'exiger l'exécution de l'obligation, et que cette prescription n'a pas non plus pour effet d'éteindre le titre constatant la créance.

12. En statuant ainsi, alors que l'acquisition de la prescription biennale de l'action du professionnel contre le consommateur entraîne, par voie de conséquence, l'extinction de l'hypothèque qui constitue l'accessoire de la créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

15. L'acquisition de la prescription biennale de l'action de la société Intrum entraînant la prescription de l'hypothèque, il y a lieu d'accueillir la demande de radiation.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE la radiation de l'hypothèque judiciaire définitive inscrite sur l'immeuble situé à [Adresse 3][Localité 1], lieudit [Localité 2], cadastré section [Cadastre 1] pour une contenance de 4 a 35 ca ;

Condamne la société Intrum Justitia Debt Finance aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Intrum Justitia Debt Finance et la condamne à payer à M. [C] la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP FabianiFabiani, Luc-Thaler et PinatelLuc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [C].

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de Monsieur [C] tendant à voir ordonner la radiation pure et simple de l'hypothèque judiciaire définitive, concernant les droits immobiliers dont est propriétaire M. [C], situés sur la commune de Monthoiron, au lieu dit « [Localité 2] », cadastrés section [Cadastre 1], pour une contenance de 04a 35ca ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « L'article 2443 du Code civil dispose : "la radiation doit être ordonnée par les tribunaux lorsque l'inscription a été faite sans être fondée ni sur la loi, ni sur un titre, ou lorsqu'elle l'a été en vertu d'un titre soit irrégulier, soit éteint ou soldé ou lorsque les droits de privilège ou d'hypothèque sont effacés par les voies légales". Au terme de l'article 2488 du Code civil, "Les privilèges et hypothèques s'éteignent : 1° par l'extinction de l'obligation principale sous réserve du cas prévu à l'article 2422, 2° par la renonciation du créancier à l'hypothèque sous la même réserve, 3° par l'accomplissement des formalités et conditions prescrites aux tiers détenteurs pour purger les biens par eux acquis, 4° par la prescription. La prescription est acquise au débiteur, quant aux biens qui sont dans ses mains, par le temps fixé pour la prescription des actions qui donnent l'hypothèque ou le privilège. Quant aux biens qui sont dans la main d'un tiers détenteur, elle lui est acquise par le temps réglé pour la prescription de la propriété à son profit : dans le cas où la prescription suppose un titre, elle ne commence à courir que du jour où ce titre a été publié. 5° par la résiliation permise au dernier alinéa de l'article 2423". Par jugement du 2 août 2016 revêtu de l'autorité de la chose jugée, le juge de l'exécution, par application de l'article L137-2 du Code de la consommation, a dit prescrite l'action en paiement de la société Intrum Justifia Debt finance AG venant aux droits du Crédit Agricole. Il est exact ainsi que l'indique l'intimée, que la prescription de l'action en paiement résultant de l'application des dispositions de l'article L137-2 devenu l'article L218-2 du Code de la consommation concerne l'action exercée par le professionnel et n'éteint pas le droit du créancier mais lui interdit seulement d'exiger l'exécution de l'obligation. Cette prescription de l'action en paiement n'a pas non plus pour effet d'éteindre le titre constatant la créance, c'est à dire ici l'acte de prêt reçu par Me [R] du 16 juin 1995 ou de le rendre irrégulier, au sens de l'article 2443 du Code civil précité. Ce titre n'est pas davantage soldé puisque les mesures recommandées par la commission de surendettement des particuliers [Localité 3] ne prévoyaient pas l'effacement du surplus de la créance après règlement des 96 mensualités et qu'il ressort du décompte arrêté au 10 décembre 2015 produit par l'intimée en pièce 2 non contesté par M. [C] que ce dernier a réglé les 96 mensualités prévus par le plan et que compte tenu du restant dû après le plan de 65,564,55? et des intérêts au taux contractuel, la créance de la société Intrum Justifia Debt finance AG s'élève à la somme de 111.983,336 arrêtée au 10 décembre 2015. Il n'y a donc pas lieu à radiation de l'inscription d'hypothèque en application de l'article 2443 du Code civil. Il est exact ainsi que l'indique l'appelant, que l'article 2488 du Code civil prévoit que l'hypothèque s'éteint non seulement par l'extinction de l'obligation principale (1°) mais aussi par la prescription (4°). Néanmoins, ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal, la disposition de l'alinéa 2 du 4°, concernant les biens qui sont dans les mains du débiteur, doit s'entendre en ce que la prescription entraîne l'extinction de l'hypothèque par voie accessoire lorsque la créance garantie par l'hypothèque, est elle-même éteinte par la prescription, l'extinction de l'hypothèque par la prescription, indépendamment de la créance, étant prévue lorsque le bien est entre les mains d'un tiers détenteur (alinéa 3 du 4°). M. [C] n'allègue ni à fortiori ne démontre que la créance est éteinte par prescription ou par une autre cause comme son paiement. En conséquence, l'hypothèque étant l'accessoire de la créance, elle subsiste malgré l'extinction de l'action de la banque. Le jugement sera donc confirmé et M. [C] débouté de ses demandes » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « par acte du 16 juin 1995 de Me [R], notaire à Talmont Saint-Hilaire, la Caisse Régionale de Crédit Agricole du Morbihan a consenti un prêt de 1 072 000 fr. à M. [U] [C] et Mme [E] [Z], son épouse, en vertu duquel elle a, le 5 avril 2000, régularisé une hypothèque judiciaire provisoire, pour sûreté d'une créance évaluée à 200.000 fr., ayant effet jusqu'au 5 avril 2003, à laquelle s'est substituée le 12 mai 2000 une hypothèque judiciaire définitive ayant effet jusqu'au 11 mai 2010, renouvelée le 6 avril 2010 selon bordereau non communiqué. Par ordonnance du 17 janvier 2000, le juge d'instance a donné force exécutoire aux mesures recommandées par la commission de surendettement [Localité 3] dans le cadre du dossier concernant M. [U] [C] et son épouse Madame [C] [Z] , la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole étant consacrée à hauteur de 526 078 fr. et 96 mensualités de 1000 fr. chacune devant être réglées, délai expiré à ce jour, sans qu'aucune des parties ne précise ni ne justifie de l'issue de cette procédure. Par décision du 2 août 2016, le juge de l'exécution de Poitiers a dit prescrite l'action en paiement de la SA Intrum Justitia Debt Finance AG, venant aux droits de la Caisse Régionale de Crédit Agricole du Morbihan, au titre de cette créance. Aux termes des dispositions de l'article 2488 du Code civil, les privilèges et hypothèques s'éteignent par la prescription acquise au débiteur, quant aux biens qui sont dans ses mains, par le temps fixé pour la prescription des actions qui donnent l'hypothèque ou le privilège. Cette disposition doit s'entendre en ce que la prescription entraîne l'extinction de l'hypothèque indirectement, lorsque la créance garantie par l'hypothèque, est elle-même éteinte par la prescription libératoire, l'hypothèque la garantissant disparaissant alors par voie accessoire. Or en l'espèce, il n'est pas prétendu que la créance soit éteinte du fait de la prescription libératoire, la prescription d'une action ne devant pas se confondre avec la prescription de la créance qui la sous-tend. La demande en mainlevée d'hypothèque ne peut donc être accueillie en l'état et sera en conséquence rejetée » ;

ALORS QUE les hypothèques s'éteignent par l'extinction de l'obligation principale ; que la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps ; qu'après avoir constaté la prescription biennale de l'action en paiement du professionnel prononcée par un jugement définitif en date du 2 août 2016, la Cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les articles L137-2 du Code de la consommation, 2488 et 2219 du Code civil, rejeter la demande de radiation de l'hypothèque litigieuse en considérant que l'obligation principale aurait survécu à la prescription de l'action en paiement.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-16514
Date de la décision : 12/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Paiement - Action - Prescription - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs - Acquisition - Extinction de la créance - Hypothèque - Effet

SURETES REELLES IMMOBILIERES - Hypothèque - Hypothèque judiciaire - Extinction - Fondement - Extinction de la créance principale - Cas - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs - Prescription

L'acquisition de la prescription biennale de l'action du professionnel contre le consommateur entraîne, par voie de conséquence, l'extinction de l'hypothèque qui constitue l'accessoire de la créance


Références :

article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016

article 2488, 1° et 4°, alinéa 2, du code civil.

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 20 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 mai. 2021, pourvoi n°19-16514, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.16514
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