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05/05/2021 | FRANCE | N°19-17053

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 mai 2021, 19-17053


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

D1917053CIV. 1

NL4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 mai 2021

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 332 F-D

Pourvoi n° D 19-17.053

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 MAI 2021

La société Salha-Juzan-Fagoaga-Alonso, société civi

le professionnelle, anciennement dénommée société Larralde Fagoaga Coustou, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 19-17.053 contr...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

D1917053CIV. 1

NL4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 mai 2021

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 332 F-D

Pourvoi n° D 19-17.053

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 MAI 2021

La société Salha-Juzan-Fagoaga-Alonso, société civile professionnelle, anciennement dénommée société Larralde Fagoaga Coustou, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 19-17.053 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2019 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [C] [J],

2°/ à Mme [W] [G], épouse [J],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

3°/ à M. [W] [M],

4°/ à Mme [I] [P], épouse [M],

domiciliés tous deux [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Salha-Juzan- Fagoaga-Alonso, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. et Mme [J] et de M. et Mme [M], et après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 12 mars 2019), à la suite de la vente, par l'intermédiaire de la SCP notariale Larralde Fagoaga Coustou, devenue la SCP Salha - Juzan - Fagoaga - Alonso (la SCP notariale), de biens immobiliers appartenant à M. [R], malgré une hypothèque inscrite sur ces biens par M. et Mme [J] et M. et Mme [M] (les consorts [J]-[M]), un jugement du 4 octobre 1993 a déclaré la SCP notariale et M. [R], placé en liquidation judiciaire par un jugement du 19 janvier 1990, solidairement responsables du préjudice subi par les consorts [J]-[M]. Constatant que ce préjudice était encore indéterminé dans son quantum, le tribunal a renvoyé l'affaire devant le juge de la mise en état.

2. Un jugement du 19 août 1997 a déclaré irrecevables les demandes à l'encontre du liquidateur de M. [R] et sursis à statuer sur l'évaluation définitive du préjudice jusqu'à la fin des opérations de liquidation le concernant. Par une ordonnance du 20 novembre 2011, le juge de la mise en état a radié l'instance et précisé que l'affaire ne pourrait être réinscrite que sur conclusions des demandeurs ou justification des diligences sollicitées.

3. Par acte du 4 août 2016, après avoir été informés, par lettre du liquidateur du 31 mars 2016, qu'en raison de l'insuffisance d'actifs, ils ne pourraient recouvrer leurs créances, les consorts [J]-[M] ont assigné la SCP notariale en fixation du montant de leur préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La SCP notariale fait grief à l'arrêt de la condamner à payer différentes sommes aux consorts [J]-[M], alors :

« 1°/ que l'assignation constitue un acte introductif d'instance ; qu'en retenant que l'assignation délivrée le 4 août 2016 par les consorts [J]-[M] valait reprise de l'instance, seulement suspendue, initiée devant la juridiction bayonnaise en 1992, quand l'assignation délivrée le 4 août 2016 avait eu pour effet d'introduire une nouvelle instance autonome et distincte de la précédente, de sorte qu'elle ne pouvait valoir reprise d'instance, la cour d'appel a violé les articles 53 et 54 du code de procédure civile, ensemble l'article 377 du même code ;

2°/ qu'en toute hypothèse, la demande de rétablissement de l'affaire au rôle s'analyse comme une demande de reprise volontaire de l'instance qui ne peut intervenir que dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense ; qu'en retenant, pour juger que l'assignation délivrée par les consorts [J]-[M] le 4 août 2016 permettait la reprise de la précédente instance ayant fait l'objet d'une radiation le 20 novembre 2011, qu'aucune disposition n'oblige la partie qui souhaite reprendre l'instance à agir par voie de conclusions, quand la demande de rétablissement de l'affaire au rôle à la suite de sa radiation devait être faite par voie de conclusions, la cour d'appel a violé les articles 373, 381, 382 et 383 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Selon les articles 379 et 383 du code de procédure civile, à l'expiration du sursis à statuer, l'instance est poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge et, en cas de radiation, l'affaire est rétablie, sur justification des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci. Selon l'article 56 du même code, l'assignation vaut conclusions.

6. Il résulte de ces textes que la reprise de l'instance n'est soumise à aucune forme particulière, sous réserve de la justification de l'accomplissement des diligences attendues par le juge, et qu'elle peut être effectuée par la voie d'une assignation.

7. C'est dès lors, à bon droit, qu'après avoir constaté qu'en délivrant l'assignation du 4 août 2016 les consorts [J]-[M] avaient demandé la liquidation de leur préjudice à l'égard de la SCP notariale dont la responsabilité était irrévocable, que le lien avec la procédure suspendue par le sursis à statuer était sans équivoque et qu'ils avaient effectué les diligences attendues par le magistrat de la mise en état, la cour d'appel en a déduit que l'instance, engagée le 18 juin 1992, avait été régulièrement reprise.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. La SCP notariale fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux consorts [J]-[M] la somme de 15 000 euros, en réparation de leur préjudice financier et moral, alors :

« 1°/ que les juges doivent motiver leur décision et ne peuvent retenir un fait contesté par une partie sans indiquer les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent ; qu'en affirmant que les consorts [J]-[M] avaient subi un préjudice financier et moral résultant, pour le premier, de l'impossibilité de faire face à leurs échéances d'emprunt, ayant entraîné la mise en oeuvre de procédures d'exécution à leur encontre, et, pour le second, de la nécessité de changer leur train de vie important, sans viser aucun élément de nature à justifier ces affirmations, et alors que la SCP notariale faisait valoir que celles-ci n'étaient étayées par aucun élément de preuve versé aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en toute hypothèse, la faute de la victime est une cause d'exonération ; qu'en retenant, pour condamner la SCP notariale à indemniser les consorts [J]-[M] de leur préjudice financier et moral résultant notamment du fait d'avoir dû faire face pendant trente ans à l'angoisse de ne jamais sortir de leurs difficultés, que la SCP ne verse aucune preuve concrète de ce que les consorts [J]-[M] seraient à l'origine d'une partie de leur dommage, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si la circonstance qu'ils aient attendu près de trente ans après l'ouverture de la procédure collective de M. [R] et presque vingt ans après le jugement du 19 août 1997 pour poursuivre leur procès, n'était pas constitutive d'une faute ayant contribué à la réalisation du préjudice invoqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

10. Le moyen ne tend, en sa première branche, qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine de l'existence et de l'étendue des préjudices matériel et moral des consorts [J]-[M] par les juges du fond qui, contrairement à ce que soutient la seconde branche, ont procédé à la recherche prétendument omise quant à l'existence d'une faute de leur part qu'ils ont écartée comme n'étant pas établie.

11.Il ne peut donc être accueilli.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. La SCP notariale fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux consorts [J]-[M], la somme de 246 229,73 euros en réparation de leur perte de chance de voir apurer leur créance détenue à l'encontre de M. [R] à hauteur de l'inscription de l'hypothèque, alors « que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en retenant que l'indemnisation de la perte de chance, subie par les consorts [J]-[M], de voir apurer leur créance détenue à l'encontre de M. [R] à hauteur de l'hypothèque qu'ils avaient inscrites sur ses biens devait être évaluée à la totalité du montant garanti par cette hypothèque, la cour d'appel, qui a indemnisé la perte de chance à hauteur de la totalité du préjudice subi, a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil :

13. Il résulte de ce texte que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

14. Pour condamner la SCP notariale au paiement de la somme de 246 229,73 euros, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le dommage subi par les consorts [J]-[M] est caractérisé par la perte de chance de voir apurer leur créance détenue à l'encontre de M. [R] et que cette perte de chance doit être évaluée à la totalité du montant final de la créance garantie par l'hypothèque provisoire, soit au 12 juin 1986, la somme de 146 375 euros, actualisée à celle de 246 229,73 euros pour tenir compte de l'inflation.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du deuxième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la SCP notariale Larralde Fagoaga Coustou, devenue la SCP [F]Salha - Juzan - Fagoaga - Alonso, à payer à M. et Mme [J] et à M. et Mme [M], la somme globale de 246 229,73 euros au titre de la perte de chance, l'arrêt rendu le12 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. et Mme [J] et M. et Mme [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat
aux conseils, pour la SCP Salha - Juzan - Fagoaga - Alonso

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SCP Larralde et Fagoaga à régler aux époux [J] et [M] la somme de 246 229,73 euros en réparation de leur perte de chance de voir apurer leur créance détenue à l'encontre de M. [R] à hauteur de l'inscription de l'hypothèque, d'AVOIR condamné la SCP Larralde et Fagoaga à régler aux époux [J] et [M] la somme de 246 229,73 euros en réparation de leur perte de chance de voir apurer leur créance détenue à l'encontre de M. [R] à hauteur de l'inscription de l'hypothèque et d'AVOIR débouté la SCP Larralde et Faoaga de l'ensemble de ses fins et moyens ;

AUX MOTIFS QUE sur l'irrecevabilité alléguée de l'assignation délivrée le 4 août 2016, la SCP notariale soutient que l'acte introductif est irrecevable en ce que les consorts [J]-[M] ont engagé une nouvelle procédure tendant aux mêmes fins que l'action qui est toujours pendante devant le tribunal de grande instance de BAYONNE depuis la décision de sursis à statuer du 19 août 1997 ; qu'elle fait, par ailleurs, observer que le jugement querellé a été rendu alors qu'aucun avocat n'intervenait en son nom ; qu'elle indique dans ses conclusions, que « pour une raison inexpliquée » (sic) la constitution de son avocat n'est pas parvenue au tribunal qui a donc statué par jugement réputé contradictoire à son égard. Elle prétend à cet égard que la juridiction a enfreint le principe du contradictoire et affirme que «le Tribunal aurait dû considérer qu'il n'était pas possible de considérer que la SCP notariale était défaillante et aurait dû inviter les demandeurs à se désister de la procédure engagée le 4 août 2016 et à relancer la procédure initiale... » (sic) ; qu'en premier lieu, la cour relève que l'assignation introductive d'instance délivrée le 4 août 2016 par l'huissier mandaté par les consorts [J]-[M], a été remise au siège de la SCP requise et à la personne d'un notaire associé habilité à recevoir un tel acte, et que la régularité de la procédure qui a été conduite par le magistrat de la mise en état du tribunal n'est pas critiquée par l'appelante ni remise en cause par les éléments du dossier ; que la SCP appelante laisse en réalité entendre que les consorts [J]-[M] ne pouvaient reprendre l'instance suspendue par la décision de sursis à statuer prise le 19 août 1997, en leur faisant délivrer une assignation ; qu'il sera rappelé que, dans son jugement du 19 août 1997, le tribunal a : - repris les dispositions de sa précédente décision du 4 octobre 1993, notamment celles retenant la responsabilité solidaire de M. [R] et de la SCP notariale, et condamnant les parties à réparer le préjudice causé aux consorts [J]-[M], en soulignant qu'il avait seulement différé la liquidation du préjudice à l'issue des opérations de la procédure collective suivie contre M. [R], - ordonné le sursis à statuer sur la liquidation du préjudice à l'issue des opérations de la procédure collective suivie contre M. [R] ; que, pas plus que la précédente, cette décision du 19 août 1997 n'a été frappée d'appel ; qu'ainsi, force est de constater qu'en délivrant l'assignation du 4 août 2016, les consorts [J]-[M] qui ont, entre-temps, appris de manière certaine qu'ils ne pourraient pas obtenir réparation dans le cadre de la liquidation judiciaire de M. [R], n'ont fait que demander au tribunal de liquider leurs préjudices à l'égard de la SCP notariale irrévocablement jugée responsable par les jugements précités, poursuivant ainsi l'instance engagée par assignation du 18 juin 1992 conformément à l'article 379 du code de procédure civile ; qu'en effet, aucune disposition n'oblige la partie qui souhaite reprendre l'instance, à agir nécessairement par voie de conclusions, étant observé qu'une assignation vaut conclusions et qu'en l'espèce, le lien avec la procédure suspendue par le sursis à statuer est sans équivoque ; que dès lors, l'assignation du 4 août 2016 constituait manifestement les diligences attendues par le magistrat de la mise en état qui a ainsi considéré que l'instance était régulièrement reprise ; que du reste, rien n'empêchait la SCP notariale de constituer avocat à la délivrance de ladite assignation et de porter la difficulté procédurale devant le magistrat de la mise en état, mais elle n'a pourtant pas assuré sa représentation à la barre du tribunal ; que la SCP fait également valoir que l'action est prescrite pour avoir été engagée le 4 août 2016, soit 30 ans après les faits qui sont reprochés à Maître LARRALDE ayant rédigé les actes de vente litigieux reçus entre le 20 juin et le mois de décembre 1986 ; que ceci étant, comme l'indique l'article 378 du code de procédure civile, le sursis à statuer suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'évènement qu'elle détermine ; que rien n'indique que les opérations de liquidation de M. [R] sont achevées mais en revanche, il est acquis depuis le 31 mars 2016, que les consorts [J]-[M] n'obtiendront pas le recouvrement de leurs créances à l'égard de ce débiteur ; qu'ils étaient ainsi fondés à reprendre l'instance suspendue par la décision de sursis à statuer, et c'est à juste titre, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation de poursuivre ou non le sursis à statuer, que le tribunal a accueilli leur demande et vidé sa saisine ;

1°) ALORS QUE l'assignation constitue un acte introductif d'instance ; qu'en retenant que l'assignation délivrée le 4 août 2016 par les époux [J] et [M] valait reprise de l'instance, seulement suspendue, initiée devant la juridiction bayonnaise en 1992, quand l'assignation délivrée le 4 août 2016 avait eu pour effet d'introduire une nouvelle instance autonome et distincte de la précédente, de sorte qu'elle ne pouvait valoir reprise d'instance, la cour d'appel a violé les articles 53 et 54 du code de procédure civile, ensemble l'article 377 du même code ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la demande de rétablissement de l'affaire au rôle s'analyse comme une demande de reprise volontaire de l'instance qui ne peut intervenir que dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense ; qu'en retenant, pour juger que l'assignation délivrée par les époux [J] et [M] le 4 août 2016 permettait la reprise de la précédente instance ayant fait l'objet d'une radiation le 20 novembre 2011, qu'aucune disposition n'oblige la partie qui souhaite reprendre l'instance à agir par voie de conclusions, quand la demande de rétablissement de l'affaire au rôle à la suite de sa radiation devait être faite par voie de conclusions, la cour d'appel a violé les articles 373, 381, 382 et 383 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SCP Larralde et Fagoaga à régler aux époux [J] et [M] la somme de 246 229,73 euros en réparation de leur perte de chance de voir apurer leur créance détenue à l'encontre de M. [R] à hauteur de l'inscription de l'hypothèque ;

AUX MOTIFS QUE sur le fond du litige tranché par le premier juge, la SCP appelante se borne à critiquer la décision en ce qu'elle a évalué le préjudice subi par les consorts [J]-[M] sur la base d'éléments extérieurs aux pièces produites aux débats, en ce qu'elle a pris en compte un « simple» certificat d'irrecouvrabilité pour établir que le préjudice était certain et en ce qu'elle n'a pas retenu que le préjudice pouvait être imputable pour une large part, à la carence des consorts [J]?[M] qui ont attendu près de 30 ans pour poursuivre le procès ; que l'appelante ne produit pas d'éléments matériels nouveaux à l'appui de son argumentation et n'établit pas que contrairement à ce qu'induit la délivrance d'un certificat d'irrecouvrabilité, il existait des fonds dans la liquidation judiciaire de M. [R] permettant le désintéressement des consorts [J]?[M] ; que du reste, le jugement du 4 octobre 1993 a déclaré M. [R] et la SCP solidairement responsables du préjudice des consorts [J]?[M] de sorte que ces derniers peuvent réclamer l'intégralité de l'indemnisation indifféremment à l'un des co-responsables ; que s'agissant du quantum de la réparation, il apparaît que le premier juge n'a tenu compte que des éléments du dossier, estimant à juste titre que la faute du notaire était équivalente à celle de M. [R] et qu'ensemble, ils avaient occasionné aux consorts [J]?[M] un préjudice matériel et moral avéré ; que la SCP ne verse aux débats, aucune preuve concrète de ce que les consorts [J]¬[M] seraient à l'origine d'une partie de leur dommage qui a été très exactement chiffré par le tribunal ; qu'elle n'excipe pas davantage d'éléments commandant de remettre en cause la réactualisation de la créance telle qu'expliquée dans le jugement dont appel ; qu'en conséquence, l'appel étant sans fondement, la SCP SALHA?JUZAN?FAGOAGA? ALONSO sera déboutée de ses prétentions, le jugement sera confirmé et l'appelante condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure aux intimés ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE le tribunal a déjà indiqué dans sa décision du 19 août 1997 que le dommage des consorts [J]/[M] est d'abord caractérisé par la perte de chance de voir apurer leur créance détenue à l'encontre de M. [R] dès 1988 à hauteur du montant visé par l'inscription de l'hypothèque provisoire et cette analyse ne peut être qu'être confirmée ; que cette perte de chance est évaluée à la totalité du montant final de la créance garantie par l'hypothèque provisoire, soit au 12 juin 1986 la somme de 960 163,41 francs, soit 146 375 ? ; que toutefois, ce montant doit nécessairement être actualisé en tenant compte de l'inflation du franc depuis la date à laquelle les consorts [J]/[M] auraient dû disposer de la somme ; qu'en tenant compte des indices Insee relatifs à l'inflation du franc depuis 1986, c'est la somme de 246 229,73 ? que doivent recevoir les consorts [J]/[M] de la SCP Larralde et Fagoaga ;

1°) ALORS QUE la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ;qu'en retenant que l'indemnisation de la perte de chance, subie par les époux [J] et [M], de voir apurer leur créance détenue à l'encontre de M. [R] à hauteur de l'hypothèque qu'ils avaient inscrites sur ses biens devait être évaluée à la totalité du montant garanti par cette hypothèque, la cour d'appel, qui a indemnisé la perte de chance à hauteur de la totalité du préjudice subi, a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en se bornant à juger, pour évaluer la perte de chance subie par les époux [J] et [M] de voir apurer leur créance détenue à l'encontre de M. [R] à hauteur de l'hypothèque qu'ils avaient inscrites sur ses biens, que la SCP notariale ne versait aux débats aucune preuve concrète de ce que les époux [J] et [M] seraient à l'origine d'une partie de leur dommage, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si la circonstance qu'ils aient attendu près de trente ans après l'ouverture de la procédure collective de M. [R] et presque 20 ans après le jugement du 19 août 1997 pour poursuivre leur procès, n'était pas constitutive d'une faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SCP Larralde et Fagoaga à régler aux époux [J] et aux époux [M] la somme de 15 000 euros chacun en réparation de leur préjudice financier et moral ;

AUX MOTIFS QUE sur le fond du litige tranché par le premier juge, la SCP appelante se borne à critiquer la décision en ce qu'elle a évalué le préjudice subi par les consorts [J]-[M] sur la base d'éléments extérieurs aux pièces produites aux débats, en ce qu'elle a pris en compte un « simple » certificat d'irrecouvrabilité pour établir que le préjudice était certain et en ce qu'elle n'a pas retenu que le préjudice pouvait être imputable pour une large part, à la carence des consorts [J]?[M] qui ont attendu près de 30 ans pour poursuivre le procès ; que l'appelante ne produit pas d'éléments matériels nouveaux à l'appui de son argumentation et n'établit pas que contrairement à ce qu'induit la délivrance d'un certificat d'irrecouvrabilité, il existait des fonds dans la liquidation judiciaire de M. [R] permettant le désintéressement des consorts [J]?[M] ; que du reste, le jugement du 4 octobre 1993 a déclaré M. [R] et la SCP solidairement responsables du préjudice des consorts [J]?[M] de sorte que ces derniers peuvent réclamer l'intégralité de l'indemnisation indifféremment à l'un des co-responsables ; que s'agissant du quantum de la réparation, il apparaît que le premier juge n'a tenu compte que des éléments du dossier, estimant à juste titre que la faute du notaire était équivalente à celle de M. [R] et qu'ensemble, ils avaient occasionné aux consorts [J]?[M] un préjudice matériel et moral avéré ; que la SCP ne verse aux débats, aucune preuve concrète de ce que les consorts [J]¬[M] seraient à l'origine d'une partie de leur dommage qui a été très exactement chiffré par le tribunal ; qu'elle n'excipe pas davantage d'éléments commandant de remettre en cause la réactualisation de la créance telle qu'expliquée dans le jugement dont appel ; qu'en conséquence, l'appel étant sans fondement, la SCP SALHA?JUZAN?FAGOAGA? ALONSO sera déboutée de ses prétentions, le jugement sera confirmé et l'appelante condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure aux intimés ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le tribunal estime qu'au-delà de la perte de chance de recouvrer leur créance, les consorts [J]/[M] ont subi un réel préjudice lié aux répercussions financières et morales d'un tel manque à gagner ; qu'ils ont été contraints de faire face au règlement de leur emprunt qu'ils auraient pu solder par le fruit des ventes réalisées par la SCP Larralde Fagoaga en dehors de leurs frais de logement ;que ne pouvant plus faire face au paiement des échéances, la déchéance du terme a été prononcée par l'UCB qui a engagé des procédures d'exécution à leur encontre (saisie des rémunérations) ; qu'ils ont ainsi dû faire face pendant 30 ans à un préjudice moral important (angoisses de ne jamais sortir de leurs difficultés) et à la nécessité de changer de train de vie important ; que la SCP Larralde et Fagoaga sera condamnée dès lors à régler la somme de 15 000 ? au titre de leur préjudice moral et financier tant aux époux [J] qu'aux époux [M] ;

1°) ALORS QUE les juges doivent motiver leur décision et ne peuvent retenir un fait contesté par une partie sans indiquer les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent ; qu'en affirmant que les époux [J] et [M] avaient subi un préjudice financier et moral résultant, pour le premier, de l'impossibilité de faire face à leurs échéances d'emprunt, ayant entrainé la mise en oeuvre de procédures d'exécution à leur encontre, et, pour le second, de la nécessité de changer leur train de vie important, sans viser aucun élément de nature à justifier ces affirmations, et alors que l'exposante faisait valoir que celles-ci n'étaient étayées par aucun élément de preuve versé aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la faute de la victime est une cause d'exonération ;qu'en retenant, pour condamner la SCP notariale à indemniser les époux [J] et [M] de leur préjudice financier et moral résultant notamment du fait d'avoir dû faire face pendant 30 ans à l'angoisse de ne jamais sortir de leurs difficultés, que la SCP ne verse aucune preuve concrète de ce que les consorts [J] et [M] seraient à l'origine d'une partie de leur dommage, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si la circonstance qu'ils aient attendu près de trente ans après l'ouverture de la procédure collective de M. [R] et presque 20 ans après le jugement du 19 août 1997 pour poursuivre leur procès, n'était pas constitutive d'une faute ayant contribué à la réalisation du préjudice invoqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-17053
Date de la décision : 05/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 12 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 mai. 2021, pourvoi n°19-17053


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.17053
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