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14/04/2021 | FRANCE | N°19-20591

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 avril 2021, 19-20591


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 avril 2021

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 323 F-D

Pourvoi n° Z 19-20.591

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 AVRIL 2021

M. [A] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 19-20.

591 contre l'arrêt rendu le 20 juin 2019 par la cour d'appel de Caen (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [L] [L], domiciliée [Ad...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 avril 2021

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 323 F-D

Pourvoi n° Z 19-20.591

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 AVRIL 2021

M. [A] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 19-20.591 contre l'arrêt rendu le 20 juin 2019 par la cour d'appel de Caen (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [L] [L], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [D], de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [L], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 mars 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 20 juin 2019), un jugement a prononcé le divorce de Mme [L] et M. [D], mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, et ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. M. [D] fait grief à l'arrêt de dire qu'il est créancier à l'encontre de la communauté d'une récompense de 184 622,70 euros, alors :

« 1°/ que, d'une part, il incombe à celui qui demande récompense à la communauté d'établir que les deniers provenant de son patrimoine propre ont profité à celle-ci ; que, sauf preuve contraire, le profit résulte notamment de l'encaissement de deniers propres par la communauté, à défaut d'emploi ou de remploi ; que la cour d'appel a constaté que la communauté avait encaissé des fonds propres du mari pour une somme de 456 663,09 euros, déduction faite des donations-partages consenties aux enfants et d'une somme qui n'avait pas transité par le compte commun ; qu'en retenant néanmoins que l'exposant n'avait droit qu'à une récompense de 184 622,70 euros sans constater que la preuve aurait été rapportée par la femme que le reste des fonds propres encaissés par la communauté n'aurait pas profité à celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 1433 du code civil ;

2°/ que, d'autre part, sauf preuve contraire, le profit résulte notamment de l'encaissement de deniers propres par la communauté, à défaut d'emploi ou de remploi ; qu'en excluant du montant de la récompense les fonds propres ayant servi à financer des voyages du couple au prétexte que le financement de voyages d'agrément, dépenses non nécessaires, pouvant être qualifié de contribution aux charges du mariage, n'avait en toute hypothèse entraîné aucun accroissement du patrimoine de la communauté quand, à défaut d'emploi ou de remploi, le droit à récompense se déduit de l'encaissement des deniers propres par la communauté, la cour d'appel a derechef violé l'article 1433 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1433 du code civil :

4. Selon ce texte, il incombe à celui qui demande récompense à la communauté d'établir que les deniers provenant de son patrimoine propre ont profité à celle-ci. Sauf preuve contraire, le profit résulte notamment de l'encaissement de deniers propres par la communauté, à défaut d'emploi ou de réemploi.

5. Pour limiter le droit à récompense de M. [D] à la somme de 184 622,70 euros, après avoir constaté que la communauté a encaissé des deniers propres de celui-ci pour une somme de 456 663,09 euros et exactement énoncé que l'encaissement par la communauté de fonds propres pose le principe d'une présomption de profit de la communauté pouvant être détruite par la preuve contraire, l'arrêt retient que la notion de profit doit s'analyser à la lecture de l'article 1469 du code civil, que le profit subsistant est celui qui peut être quantifié au moment de la liquidation de la communauté se traduisant par un accroissement du patrimoine de celle-ci, que, dés lors, il y a lieu de dire que le financement de voyages d'agrément, dépenses non nécessaires, pouvant être qualifiées de contribution aux charges du mariage au sens de l'article 214 du code civil, n'ont en toute hypothèse entraîné aucun accroissement du patrimoine de la communauté et que Mme [L] démontre l'absence de profit subsistant pour la communauté de l'encaissement de fonds propres du mari par la communauté.

6. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la preuve n'était pas rapportée de ce que les deniers propres du mari, déposés sur un compte joint, n'avaient pas été utilisés dans l'intérêt commun, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne Mme [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L] et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [D]

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé qu'un mari (M. [D], l'exposant) était créancier à l'encontre de la communauté d'une récompense de 184 622 € seulement ;

AUX MOTIFS QUE le litige soumis à la cour d'appel était circonscrit à la revendication d'une récompense par le mari vis à vis de la communauté (lettre du 11 septembre 2014) portant sur une somme de 624 839,15 € ; que le premier juge avait fait droit à cette demande en se fondant sur le rapport du notaire désigné qui, pour autant, n'avait pas suivi M. [D] dans son argumentation en précisant que si la communauté avait effectivement encaissé une somme de 624 839,15 € au titre des fonds propres, seules les dépenses servant à financer les travaux d'amélioration de l'ancienne clinique vétérinaire et ainsi que les dépenses effectuées dans la maison pouvant donner lieu à récompense ; que, de la somme de 595 935,25 €, devait être soustrait le montant des donations-partages faites par le mari aux enfants les 29 mai et 14 juin 2012 pour un montant de 121 960 € ajoutée des frais de notaire de 2 900 € ainsi que la somme de 14 412,16 € qui n'avait pas transité par le compte joint des époux mais par un compte personnel ; que de cette analyse, il devait en être déduit que la communauté avait encaissé des fonds propres du mari pour une somme de 595 935,25 € - (121 960 € + 2 900 € + 14 412, 16 €) = 456 663,09 €, de laquelle devaient être déduites les plusvalues de cession payées par la communauté ; que, sur le profit subsistant au bénéfice de la communauté, l'encaissement par celle-ci de fonds propres posait le principe d'une présomption de profit de la communauté qui pouvait cependant être détruite par la preuve contraire ; que, par essence, le profit subsistant était celui qui pouvait être quantifié au moment de la liquidation de la communauté, se traduisant par un accroissement du patrimoine de celle-ci ; que, dès lors, il y avait lieu de dire que le financement de voyages d'agrément, dépenses non nécessaires, pouvant être qualifiées de contribution aux charges du mariage, n'avaient en toute hypothèse entraîné aucun accroissement du patrimoine de la communauté ; qu'il en allait différemment des tableaux, meubles et assimilés tels que recensés dans les conclusions de l'appelante, qui était décrite comme exerçant la profession de restauratrice de tableaux dans le projet de liquidation du 13 octobre 2014 ; qu'ils existaient à l'heure actuelle dans le patrimoine commun pour une somme de 160 409,02 € et avaient été financés à l'aide du compte commun au vu des pièces produites aux débats ; que, par ailleurs, l'appelante démontrait dans ses écritures et travers les pièces produites l'absence de profit subsistant pour la communauté de l'encaissement de biens propres du mari par la communauté ; qu'il n'était pas démontré en particulier que la clinique vétérinaire eut été financée par des fonds propres, le remboursement des prêts auprès du crédit agricole avait toujours été assuré par la société SCI Juvima qui percevait, à titre de loyers des sommes supérieures au montant de ces prêts permettant par ailleurs un versement mensuel régulier sur le compte des époux ; qu'il y avait lieu aussi de rappeler qu'aux termes de leur contrat de mariage du 10 juillet 1973, étaient considérés comme des acquêts et donc communs ceux " faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle, que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres" ; qu'il n'était pas davantage prouvé que les saillies des chevaux l'eurent été à l'aide de fonds communs compte tenu de la production aux débats des relevés de gains alloués au couple par la société d'encouragement à l'élevage du cheval français ; que, en conclusion, il y avait lieu de dire que seules pouvaient être retenues au titre du profit subsistant de l'utilisation des fonds propres du mari la somme totale de 184 622,70 € ;

ALORS QUE, d'une part, il incombe à celui qui demande récompense à la communauté d'établir que les deniers provenant de son patrimoine propre ont profité à celle-ci ; que, sauf preuve contraire, le profit résulte notamment de l'encaissement de deniers propres par la communauté, à défaut d'emploi ou de remploi ; que la cour d'appel a constaté que la communauté avait encaissé des fonds propres du mari pour une somme de 456 663,09 €, déduction faite des donations-partages consenties aux enfants et d'une somme qui n'avait pas transité par le compte commun ; qu'en retenant néanmoins que l'exposant n'avait droit qu'à une récompense de 184 622,70 € sans constater que la preuve aurait été rapportée par la femme que le reste des fonds propres encaissés par la communauté n'aurait pas profité à celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 1433 du code civil ;

ALORS QUE, d'autre part, sauf preuve contraire, le profit résulte notamment de l'encaissement de deniers propres par la communauté, à défaut d'emploi ou de remploi ; qu'en excluant du montant de la récompense les fonds propres ayant servi à financer des voyages du couple au prétexte que le financement de voyages d'agrément, dépenses non nécessaires, pouvant être qualifié de contribution aux charges du mariage, n'avait en toute hypothèse entraîné aucun accroissement du patrimoine de la communauté quand, à défaut d'emploi ou de remploi, le droit à récompense se déduit de l'encaissement des deniers propres par la communauté, la cour d'appel a derechef violé l'article 1433 du code civil ;

ALORS QUE, enfin, sous le régime de la communauté, sauf preuve contraire, les deniers déposés sur le compte bancaire d'un époux sont présumés, dans les rapports entre conjoints, être des acquêts ; qu'il s'en déduit que les fonds propres déposés sur le compte personnel d'un époux doivent être regardés comme encaissés par la communauté ; qu'en retenant que la somme de 14 412,16 € ne pouvait être analysée pareillement pour la seule raison qu'elle n'avait pas transité par le compte commun mais déposée sur un compte personnel, la cour d'appel a derechef violé l'article 1433 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-20591
Date de la décision : 14/04/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 20 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 avr. 2021, pourvoi n°19-20591


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.20591
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