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14/04/2021 | FRANCE | N°19-19062

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 avril 2021, 19-19062


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 avril 2021

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 347 F-D

Pourvoi n° N 19-19.062

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 AVRIL 2021

La société Twin Jet, société par

actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 19-19.062 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 avril 2021

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 347 F-D

Pourvoi n° N 19-19.062

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 AVRIL 2021

La société Twin Jet, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 19-19.062 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-3), dans le litige l'opposant à la société Aviapartner, société par actions simplifiée unipersonnelle dont le siège est [Adresse 2], ayant un établissement secondaire [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Boisselet, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Twin Jet, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Aviapartner, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 mars 2021 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Boisselet, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 mai 2019), la compagnie aérienne Twin Jet et la société Map Handling Nice ont conclu un contrat de prestation de services aéroportuaires en escale. A la suite de la mise en redressement judiciaire de la seconde et de la reprise de son activité par la société Aviapartner, ce contrat a été transféré à cette dernière.

2. Des difficultés sont apparues entre les parties à propos de l'utilisation d'un logiciel de contrôle des départs, la société Twin Jet soutenant que la société Aviapartner devait utiliser le logiciel prévu au contrat et dénommé « Altea GH DCS » et la société Aviapartner soutenant, pour sa part, qu'il appartenait au prestataire d'organiser et de faire fonctionner un équipement permettant l'accès au système de la société d'assistance aéroportuaire et qu'elle avait donc proposé son propre logiciel à la société Twin Jet, qui avait refusé. La société Twin Jet a vainement mis en demeure la société Aviapartner de lui fournir le logiciel Altea qu'elle utilisait jusqu'alors et a émis quatre factures les 10 juin et 14 décembre 2015, 27 janvier et 8 juin 2016 d'un montant total de 225 288 euros correspondant à un coût de 45 euros par escale. La société Aviapartner ayant refusé de payer ces factures et résilié le contrat le 12 mai 2016, à effet au 1er septembre 2016, la société Twin Jet l'a assignée en paiement des factures précitées et réparation de son préjudice.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Twin Jet fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires contre la société Aviapartner, alors « que les juges du fond doivent se prononcer sur tout ce qui leur est demandé ; qu'en l'espèce, elle faisait valoir que la défaillance de la société Aviapartner lui avait causé un préjudice qu'elle évaluait à 225 288 euros au titre des prestations que cette dernière n'avait pas effectuées et pour lequel elle demandait sa condamnation indemnitaire ; qu'en écartant cette demande, au seul motif qu'elle ne pouvait être présentée par le biais de factures qui étaient nulles, tout en constatant la défaillance contractuelle de la société Aviapartner et le caractère indemnitaire des sommes réclamées à ce titre, sans évaluer ce préjudice et le réparer bien qu'elle ait été saisie de conclusions en ce sens, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :

5. Aux termes du premier de ces textes l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Aux termes du second, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

6. Pour rejeter la demande de la société Twin Jet en paiement d'une indemnité de 225 288 euros au titre des prestations non réalisées, l'arrêt, après avoir constaté que la société Aviapartner avait failli à ses obligations contractuelles en déployant un logiciel différent de celui qui était prévu au contrat, retient que, dans la mesure où des dommages-intérêts ne peuvent faire l'objet d'une quelconque facturation, il y a lieu d'annuler les quatre factures émises par la société Twin Jet correspondant au montant supplémentaire proposé par la société Aviapartner pour conserver le logiciel.

7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter tout préjudice subi par la société Twin Jet en conséquence du manquement contractuel de la société Aviapartner qu'elle retenait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il disait que les quatre factures émises par la société Twin Jet sont non fondées et, par conséquent, frappées de nullité, et en ce qu'il statue sur les dépens d'appel et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 9 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Aviapartner aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Aviapartner et la condamne à payer à la société Twin Jet la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Twin Jet.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR confirmé le jugement entrepris et débouté la société Twin Jet de ses demandes indemnitaires à l'encontre de la société Aviapartner ;

AUX MOTIFS QUE « Le déploiement d'un logiciel DCS différent de celui mentionné à l'annexe B du contrat liant les parties devait faire l'objet d'une modification dans les conditions de l'article 11.3 ci-dessus rappelé et la SAS Aviapartner a failli à ses obligations contractuelles.
La SAS Twin Jet soutient que cette violation des dispositions du contrat lui a causé un préjudice qu'elle entend voir réparer par l'allocation de :
- une indemnité de 225.288 € au titre des prestations non-réalisées ;
- une indemnité de 486.000 € au titre des préjudices financiers et organisationnels;
- une indemnité de 50.000 € au titre du préjudice résultant de la résistance abusive à l'exécution d'un contrat;
- une indemnité de 30.000 € au titre du préjudice moral et de réputation.
Le montant réclamé au titre des prestations non-réalisées est constitué par des factures émises par la SA Twin Jet correspondant au montant supplémentaire de 45 € que lui proposait la SAS Aviapartner pour conserver le logiciel Altea comme elle le souhaitait.
Il ne s'agit nullement de « prestation » mais de dommages et intérêts qui ne pouvaient faire l'objet d'une quelconque facturation et c'est à juste titre que les premiers juges ont déclarées nulles ces factures et rejeté toute indemnisation à ce titre.
La SAS Twin Jet sollicite en outre des dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et organisationnel causé par la nécessité d'utiliser le logiciel imposé par la SAS Aviapartner en se fondant sur des attestations de son personnel. En l'absence de tout document comptable pouvant seul attester de tels préjudices, la demande a été justement rejetée par les premiers juges. Il en va de même pour le préjudice moral et de réputation allégué qui n'est justifié par aucune pièce.
Enfin il n'est caractérisé aucun abus ou intention de nuire, lesquels ne peuvent être déduits de la seule violation d'une disposition contractuelle » ;

1°) ALORS QUE les juges du fond doivent se prononcer sur tout ce qui leur est demandé ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que la défaillance de la société Aviapartner lui avait causé un préjudice qu'elle évaluait à 225.288 € au titre des prestations que cette dernière n'avait pas effectuées et pour lequel elle demandait la condamnation indemnitaire de la société Aviapartner ; qu'en écartant cette demande, au seul motif qu'elle ne pouvait être présentée par le biais de factures qui étaient nulles, tout en constatant la défaillance contractuelle de la société Aviapartner et le caractère indemnitaire des sommes réclamées à ce titre, sans évaluer ce préjudice et le réparer bien qu'elle ait été saisie de conclusions en ce sens, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE, en statuant ainsi, la cour d'appel a également privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction applicable ;

3°) ALORS QUE la preuve entre commerçants est libre, comme celle des faits juridiques, de sorte que les juges du fond ne peuvent refuser d'examiner toutes les pièces produites ; qu'en l'espèce, la société Twin Jet sollicitait une indemnité réparant le préjudice financier et organisationnel que lui avait causé la défaillance de la société Aviapartner et la nécessité pour elle de pallier l'absence d'exécution par cette dernière des prestations liées à l'utilisation du logiciel Altea concernant le transfert de données relatives à l'embarquement des passagers ; que pour rejeter la demande, la cour d'appel s'est contentée d'écarter les pièces produites par la société Twin Jet sans les examiner, en arguant de ce que seuls des documents comptables seraient utiles ; qu'en statuant ainsi, elle a méconnu la liberté de la preuve et a violé l'article 1353, anciennement 1315, du Code civil, et l'article L. 110- 3 du Code de commerce ;

4°) ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies ; qu'en l'espèce, la société Twin Jet sollicitait une indemnité réparant le préjudice financier et organisationnel que lui avait causé la défaillance de la société Aviapartner et la nécessité pour elle de pallier l'absence d'exécution par cette dernière des prestations liées à l'utilisation du logiciel Altea concernant le transfert de données relatives à l'embarquement des passagers ; que pour rejeter la demande, la cour d'appel s'est contentée, sans examiner les preuves produites, de relever l'absence de documents comptables seuls susceptibles d'attester de tels préjudices et a ainsi violé l'article 4 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-19062
Date de la décision : 14/04/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 09 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 avr. 2021, pourvoi n°19-19062


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.19062
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