La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/04/2021 | FRANCE | N°19-10289

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 avril 2021, 19-10289


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 avril 2021

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 344 F-D

Pourvoi n° B 19-10.289

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 AVRIL 2021

1°/ Le directeur général des douanes et droi

ts indirects, domicilié [Adresse 1], agissant poursuites et diligences du directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1],

2°...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 avril 2021

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 344 F-D

Pourvoi n° B 19-10.289

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 AVRIL 2021

1°/ Le directeur général des douanes et droits indirects, domicilié [Adresse 1], agissant poursuites et diligences du directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1],

2°/ le directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1],

3°/ le receveur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° B 19-10.289 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Atradius credito y caucion SA de seguros y reaseguros, dont le siège est [Adresse 3], et dont l'établissement principal en France est [Adresse 4], venant aux droits de la société Atradius Credit Insurance NV,

2°/ à la société Care distribution, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], représentée par la société [Personne physico-morale 1], en la personne de M. [K] [Z], domiciliée [Adresse 6], en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Care distribution,

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des douanes et droits indirects, du directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1] et du receveur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des sociétés Atradius credito y caucion SA de seguros y reaseguros et Care distribution, représentée par la société [Personne physico-morale 1], en qualité de liquidateur de cette société, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 mars 2021 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 8 novembre 2018) et les productions, la société Care distribution (la société Care), entrepositaire agréé par l'administration des douanes, stocke de la bière et du vin en suspension de droits d'accises pour le compte de ses clients, puis les réexpédie sous régime suspensif de droits d'accises vers d'autres entrepositaires agréés dans l'Union européenne. La dette fiscale susceptible de naître de son activité est garantie par le cautionnement de la société Atradius Credit Insurance NV, aux droits de laquelle vient la société Atradius credito y caution SA de seguros y reaseguros (la société Atradius).

2. Le 26 juin 2014, la société Care a été mise en redressement judiciaire, procédure convertie en liquidation judiciaire le 17 juillet 2014. La société [Z], représentée par M. [Z], a été désignée en qualité de liquidateur de la société.

3. Le 29 juillet 2014, l'administration des douanes a procédé à un inventaire des stocks dans l'entrepôt de la société Care, M. [Z], ès qualités, étant représenté, puis, elle a, le 7 août 2014, adressé à celui-ci un avis préalable de taxation des stocks d'alcools détenus dans les entrepôts de la société Care et, le 19 septembre 2014, un avis définitif de taxation.

4. L'administration des douanes a émis deux avis de mise en recouvrement (AMR) le 22 septembre 2014 à l'encontre des sociétés Care et Atradius, que celles-ci ont contestés le 20 octobre 2014. L'administration des douanes ayant rejeté ces contestations, les sociétés Care et Atradius l'ont assignée aux fins d'obtenir l'annulation des AMR et des décisions de rejet de leur contestation.

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. L'administration des douanes fait grief à l'arrêt d'annuler les AMR du 22 septembre 2014 et les décisions de rejet des 20 avril 2015 et 24 avril 2015, alors « que le délai de trente jours est précisément ouvert, le cas échéant, pour que le contribuable fasse état des insuffisances ou des imprécisions affectant les données, confrontées à celles que détient le contribuable au vu de l'inventaire qui a été dressé s'il y a procédure collective et des documents dont la tenue et la conservation est obligatoire dès lors que l'entreprise a la qualité d'entrepositaire agréé ; qu'en opposant l'imprécision et insuffisance de la motivation de l'avis préalable de taxation, les juges du fond, qui se sont déterminés sur la base de motifs inopérants, ont violé l'article L. 80 M du livre des procédures fiscales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 80 M du livre des procédures fiscales :

7. Selon ce texte, en matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre l'administration et le contribuable, qui est informé, par tout agent de l'administration, des motifs et du montant de la taxation encourue et invité à faire connaître ses observations. Si le contribuable demande à bénéficier d'une communication écrite, l'administration lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une proposition de taxation qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Il dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition de taxation pour formuler ses observations ou faire connaître son acceptation. A la suite des observations du contribuable ou, en cas de silence de ce dernier, à l'issue de ce délai de trente jours, l'administration prend sa décision.

8. Pour dire irrégulière la procédure suivie par l'administration et annuler les AMR du 22 septembre 2014 et les décisions de rejet de contestation des 20 et 24 avril 2015, l'arrêt relève que lorsque, le 7 août 2014, l'administration des douanes a adressé un avis préalable de taxation à M. [Z], liquidateur de la société Care, celle-ci avait fait l'objet, moins de six semaines auparavant, d'un redressement judiciaire et ses dirigeants étaient en détention provisoire et retient que le délai de trente jours qui a été laissé à M. [Z] pour faire des observations, ainsi adressé au coeur de l'été alors qu'il représentait la société depuis vingt jours et ne disposait pas d'interlocuteurs dans l'entreprise, n'était pas suffisant pour assurer l'exercice effectif des droits de la défense, ce d'autant que l'avis, manquant de clarté et de cohérence, ne lui permettait pas d'émettre son point de vue en toute connaissance de cause dans le délai imparti puisque, ne possédant pas de compétence particulière en la matière, il devait s'adjoindre les conseils d'un avocat avant de pouvoir émettre des observations utiles, qu'il n'a pu effectivement formaliser que le 20 octobre 2014, après avoir reçu l'avis de taxation définitive et l'AMR.

9. En statuant ainsi, par des motifs inopérants dès lors qu'elle avait constaté que l'administration des douanes avait respecté les termes de l'article L. 80 M du livre des procédures fiscales et que les circonstances invoquées n'étaient pas de nature à priver le contribuable de la possibilité de discuter le caractère contradictoire ou incohérent, voire erroné de l'avis, au cours du délai imparti, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;

Condamne la société Care distribution, représentée par la Selarl [Personne physico-morale 1], en qualité de liquidateur judiciaire, et la société Atradius credito y caution SA de seguros y reaseguros aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Atradius credito y caution SA de seguros y reaseguros et la condamne à payer au directeur général des douanes et droits indirects, au directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1] et au receveur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le directeur général des douanes et droits indirects, le directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1] et le receveur régional des douanes et droits indirects de [Localité 1].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a annulé les avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014 et les décisions de rejet du 20 avril 2015 et 24 avril 2015 ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L 80 M du Livre des procédures fiscales dispose que « I 1. En matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l'administration. Le contribuable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par tout agent de l'administration. Il est invité à faire connaître ses observations. […] 2. Si le contribuable demande à bénéficier d'une communication écrite, l'administration lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une proposition de taxation qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. A la suite des observations du contribuable ou, en cas de silence de ce dernier, à l'issue du délai de trente jours prévu à l'alinéa précédent, l'administration prend sa décision. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée. II. […] ; Que cette garantie de procédure a été accordée au contribuable à la suite d'une série de la Cour de justice de l'Union européenne dont l'arrêt Sopropé rendu le 18 octobre 2008 en matière de droits de douane ; qu'au travers de cet arrêt, la CJUE a jugé que « les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l'administration entend fonder sa décision » (point 37) et qu'il appartient au juge national « de s'assurer que le délai, [destiné à recueillir les observations des intéressés ] ainsi individuellement assigné par l'administration correspond à la situation particulière de la personne ou de l'entreprise en cause et qu'il leur a permis d'exercer leurs droits de la défense dans le respect du principe d'effectivité »(souligné par la cour) ; qu'en l'espèce, il convient de rappeler que lorsque l'administration des douanes a adressé le 7 août 2014 à Me [Z], liquidateur de la société Care Distribution, un avis préalable de taxation pour un montant total de 25.532 euros suite à un inventaire du stock de la société effectué le 29 juillet 2014, ladite société était à l'arrêt et placée sous scellés judiciaires, dépourvue de ses dirigeants mis en examen et placés en détention dans le cadre d'une information judiciaire ouverte par le tribunal de grande instance de Lille en mars 2014 ; la société avait fait l'objet moins de six semaines auparavant d'un redressement judiciaire prononcé par jugement du 26 juin 2014 sur la requête du ministère public et le liquidateur venait d'être désigné par jugement du 17 juillet 2014. L'avis préalable de taxation était ainsi adressé au coeur de l'été, alors que Me [Z] représentait la société depuis 20 jours et ne disposait pas d'interlocuteurs dans l'entreprise ; que dans ce contexte particulier qui plaçait le liquidateur dans une situation très difficile, le délai de trente jours prévu par l'article L 80 M du Livre des procédures fiscales pour permettre au contribuable de faire des observations, que l'administration a appliqué à la lettre , n'était pas suffisant pour assurer l'exercice effectif des droits de la défense, ce d'autant que la motivation contenue dans l'avis préalable de taxation manquait de clarté et de cohérence et ne permettait pas à Me [Z] d'émettre son point de vue en toute connaissance de cause dans le délai de trente jours qui lui était imparti par l'administration ; que cet avis préalable est ainsi motivé : L'article L237-2 du code de commerce précise que la personnalité morale de l'entreprise subsiste pour les besoins de sa liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci. La survenance de la liquidation judiciaire entraîne l'exigibilité des droits sur stocks. Toutefois les marchandises continuent d'être détenues dans l'entrepôt de l'opérateur dans l'attente de leur commercialisation. Les droits doivent être acquittés au fur et à mesure de leur commercialisation. A cet effet, je vous adresse ci-joint un état liquidatif détaillé, établi par catégorie de produits et nature d'imposition (tableau de calcul des accises joint au présent courrier). Le liquidateur est tenu de reverser au comptable des douanes les droits facturés et acquittés par l'acquéreur des produits lors de leur commercialisation, qui ne constituent pas un actif d'entreprise. En cas de cession du stock sous le régime de la suspension à un autre opérateur agréé, le liquidateur sera invité à justifier de leur cession en droits suspendus. A contrario, les droits sont exigibles en cas de cession à un opérateur agréé ; Que cette motivation contient une contradiction en ce qu'elle indique tout à la fois que les droits d'accises sont immédiatement exigibles à raison de l'ouverture de la liquidation judiciaire sans même attendre la clôture de celle-ci, et que ces droits ne sont exigibles qu'au fur et à mesure de la commercialisation du stock, laissant ainsi comprendre que la société bénéficie toujours du régime de suspension des droits jusqu'à la clôture de la procédure collective dans l'hypothèse où la cession du stock est réalisée au profit d'un opérateur agréé ; que cette motivation contradictoire ne permettait pas au liquidateur judiciaire d'en saisir précisément le sens et la portée. Elle pouvait lui laisser croire que les droits ne seraient pas exigés en cas de vente des stocks à un opérateur agréé, cession qui nécessitait une vérification de l'administration postérieurement à l'émission de l'avis préalable de taxation, incompatible avec une taxation définitive dans le délai de 30 jours. Me [Z] ne possédant pas de compétence particulière en la matière, devait s'adjoindre les conseils d'un avocat avant de pouvoir émettre des observations utiles qu'il n'a pu effectivement formaliser que le 20 octobre 2014, par lettre de son conseil adressée à l'administration des douanes, après avoir reçu notification de l'avis de taxation déifnitive et de l'avis de mise en recouvrement. Que par ailleurs, la réponse qui a été apportée à ces observations le 20 avril 2014 est très insuffisante, l'administration se bornant à affirmer, sans même exposer la doctrine citée : « en cas de liquidation judiciaire, la doctrine administrative prévoit l'émission d'un AMR (avis de mise en recouvrement) à l'encontre du redevable et de sa caution solidaire dans le cadre de la notification de créances ». Qu'elle ne reprend pas les motifs invoqués dans son avis préalable de taxation et ne répond pas aux observations de Me [Z], fondées quant à elles sur cet avis. Ce faisant, elle n'a pas respecté les dispositions de l'article L 80 M du Livre des procédures fiscales lui imposant de motiver sa réponse aux observations du contribuable ; que la procédure suivie par l'administration à l'encontre de la société Care Distribution et de sa caution la société Atradius est ainsi entachée de nullité faute d'avoir permis l'exercice effectif des droits de la défense. »

ALORS QU'aux termes de l'article R 281-1 du Livre des procédures fiscales, les contestations relatives au recouvrement font l'objet d'une demande adressée au Directeur général des douanes et droits indirects ; qu'en application de l'article R.281-5 du même Livre, le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service et le redevable ne peut lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qui ont été produites ou invoquer des faits autres que ceux qui ont été invoqués auprès du chef de service ; que ces règles sont d'ordre public et que leur inobservation doit être relevée d'office dès lors que le juge peut la mettre en oeuvre au vu des éléments du dossier dont il dispose ; qu'en l'espèce, les juges du second degré ont estimé que le délai ouvert à la société CARE DISTRIBUTION « n'était pas suffisant pour permettre l'exercice effectif des droits de la défense du contribuable, ce d'autant que l'avis préalable de taxation présentait un manque de clarté et de cohérence » ; qu'en l'espèce, ni la réclamation de la société CARE DISTRIBUTION du 20 octobre 2014, ni la réclamation de la société ATRADIUS du 4 novembre 2014 ne se prévalait de ce que le délai de trente jours était insuffisant pour permettre l'exercice des droits de la défense, sachant que ces circonstances de fait n'étaient pas davantage invoquées devant le juge de première instance ainsi qu'il résulte des assignations du 10 juin 2015 et du 24 juin 2015 et des conclusions du 26 février 2018 et du 1er mars 2018; qu'en s'abstenant de relever que les demandeurs se prévalaient de faits nouveaux, non soumis à l'administration dans le cadre de la procédure préalable, les juges du fond ont violé l'article R.281-5 du Livre des procédures fiscales

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a annulé les avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014 et les décisions de rejet du 20 avril 2015 et 24 avril 2015 ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L 80 M du Livre des procédures fiscales dispose que « I 1. En matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l'administration. Le contribuable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par tout agent de l'administration. Il est invité à faire connaître ses observations. […] 2. Si le contribuable demande à bénéficier d'une communication écrite, l'administration lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une proposition de taxation qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. A la suite des observations du contribuable ou, en cas de silence de ce dernier, à l'issue du délai de trente jours prévu à l'alinéa précédent, l'administration prend sa décision. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée. II. […] ; Que cette garantie de procédure a été accordée au contribuable à la suite d'une série de la Cour de justice de l'Union européenne dont l'arrêt Sopropé rendu le 18 octobre 2008 en matière de droits de douane ; qu'au travers de cet arrêt, la CJUE a jugé que « les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l'administration entend fonder sa décision » (point 37) et qu'il appartient au juge national « de s'assurer que le délai, [destiné à recueillir les observations des intéressés ] ainsi individuellement assigné par l'administration correspond à la situation particulière de la personne ou de l'entreprise en cause et qu'il leur a permis d'exercer leurs droits de la défense dans le respect du principe d'effectivité »(souligné par la cour) ; qu'en l'espèce, il convient de rappeler que lorsque l'administration des douanes a adressé le 7 août 2014 à Me [Z], liquidateur de la société Care Distribution, un avis préalable de taxation pour un montant total de 25.532 euros suite à un inventaire du stock de la société effectué le 29 juillet 2014, ladite société était à l'arrêt et placée sous scellés judiciaires, dépourvue de ses dirigeants mis en examen et placés en détention dans le cadre d'une information judiciaire ouverte par le tribunal de grande instance de Lille en mars 2014 ; la société avait fait l'objet moins de six semaines auparavant d'un redressement judiciaire prononcé par jugement du 26 juin 2014 sur la requête du ministère public et le liquidateur venait d'être désigné par jugement du 17 juillet 2014. L'avis préalable de taxation était ainsi adressé au coeur de l'été, alors que Me [Z] représentait la société depuis 20 jours et ne disposait pas d'interlocuteurs dans l'entreprise ; que dans ce contexte particulier qui plaçait le liquidateur dans une situation très difficile, le délai de trente jours prévu par l'article L 80 M du Livre des procédures fiscales pour permettre au contribuable de faire des observations, que l'administration a appliqué à la lettre , n'était pas suffisant pour assurer l'exercice effectif des droits de la défense, ce d'autant que la motivation contenue dans l'avis préalable de taxation manquait de clarté et de cohérence et ne permettait pas à Me [Z] d'émettre son point de vue en toute connaissance de cause dans le délai de trente jours qui lui était imparti par l'administration ; que cet avis préalable est ainsi motivé : L'article L237-2 du code de commerce précise que la personnalité morale de l'entreprise subsiste pour les besoins de sa liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci. La survenance de la liquidation judiciaire entraîne l'exigibilité des droits sur stocks. Toutefois les marchandises continuent d'être détenues dans l'entrepôt de l'opérateur dans l'attente de leur commercialisation. Les droits doivent être acquittés au fur et à mesure de leur commercialisation. A cet effet, je vous adresse ci-joint un état liquidatif détaillé, établi par catégorie de produits et nature d'imposition (tableau de calcul des accises joint au présent courrier). Le liquidateur est tenu de reverser au comptable des douanes les droits facturés et acquittés par l'acquéreur des produits lors de leur commercialisation, qui ne constituent pas un actif d'entreprise. En cas de cession du stock sous le régime de la suspension à un autre opérateur agréé, le liquidateur sera invité à justifier de leur cession en droits suspendus. A contrario, les droits sont exigibles en cas de cession à un opérateur agréé ; Que cette motivation contient une contradiction en ce qu'elle indique tout à la fois que les droits d'accises sont immédiatement exigibles à raison de l'ouverture de la liquidation judiciaire sans même attendre la clôture de celle-ci, et que ces droits ne sont exigibles qu'au fur et à mesure de la commercialisation du stock, laissant ainsi comprendre que la société bénéficie toujours du régime de suspension des droits jusqu'à la clôture de la procédure collective dans l'hypothèse où la cession du stock est réalisée au profit d'un opérateur agréé ; que cette motivation contradictoire ne permettait pas au liquidateur judiciaire d'en saisir précisément le sens et la portée. Elle pouvait lui laisser croire que les droits ne seraient pas exigés en cas de vente des stocks à un opérateur agréé, cession qui nécessitait une vérification de l'administration postérieurement à l'émission de l'avis préalable de taxation, incompatible avec une taxation définitive dans le délai de 30 jours. Me [Z] ne possédant pas de compétence particulière en la matière, devait s'adjoindre les conseils d'un avocat avant de pouvoir émettre des observations utiles qu'il n'a pu effectivement formaliser que le 20 octobre 2014, par lettre de son conseil adressée à l'administration des douanes, après avoir reçu notification de l'avis de taxation déifnitive et de l'avis de mise en recouvrement. Que par ailleurs, la réponse qui a été apportée à ces observations le 20 avril 2014 est très insuffisante, l'administration se bornant à affirmer, sans même exposer la doctrine citée : « en cas de liquidation judiciaire, la doctrine administrative prévoit l'émission d'un AMR (avis de mise en recouvrement) à l'encontre du redevable et de sa caution solidaire dans le cadre de la notification de créances ». Qu'elle ne reprend pas les motifs invoqués dans son avis préalable de taxation et ne répond pas aux observations de Me [Z], fondées quant à elles sur cet avis. Ce faisant, elle n'a pas respecté les dispositions de l'article L 80 M du Livre des procédures fiscales lui imposant de motiver sa réponse aux observations du contribuable ; que la procédure suivie par l'administration à l'encontre de la société Care Distribution et de sa caution la société Atradius est ainsi entachée de nullité faute d'avoir permis l'exercice effectif des droits de la défense. »

ALORS QUE premièrement, que nommé mandataire judiciaire le 26 juin 2014 avant que d'être désigné comme liquidateur, la SELARL [Personne physico-morale 1], représentée par Maître [Z], a disposé de plus de deux mois, entre le 26 juin 2014 et le 7 septembre 2014, date d'expiration du délai de trente jours, pour prendre connaissance de la situation et formuler ses observations ; qu'en outre, en cas d'ouverture d'un redressement judiciaire, a fortiori s'il est suivi d'une liquidation judiciaire, un inventaire doit impérativement être dressé, dès l'ouverture de la procédure, et en tout cas à bref délai ; que les droits d'accises sont dus lorsque les marchandises ne se retrouvent pas dans les stocks, sachant que les manquements relevés par l'administration concernaient les exercices 2013 et 2014 ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces diverses circonstances à l'effet de déterminer si eu égard à ces éléments, le délai de trente jours était ou non trop bref, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L.80 M du Livre des procédures fiscales ;

ALORS QUE, deuxièmement, si l'avis préalable de l'administration doit comporter une motivation et si dès lors l'absence de motivation peut entraîner sa nullité, en revanche la nullité ne peut être déduite de la qualité de la motivation ; qu'en énonçant qu'elle manquait de clarté et de cohérence, quand ce critère était inopérant, les juges du fond ont violé l'article L.80 M du Livre des procédures fiscales ;

ET ALORS QUE, troisièmement, et en tout état de cause, le délai de trente jours est précisément ouvert, le cas échéant, pour que le contribuable fasse état des insuffisances ou des imprécisions affectant les données, confrontées à celles que détient le contribuable au vu de l'inventaire qui a été dressé s'il y a procédure collective et des documents dont la tenue et la conservation est obligatoire dès lors que l'entreprise a la qualité d'entrepositaire agréé ; qu'en opposant l'imprécision et insuffisance de la motivation de l'avis préalable de taxation, les juges du fond, qui se sont déterminés sur la base de motifs inopérants, ont violé l'article L.80 M du Livre des procédures fiscales.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a annulé les avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014 et les décisions de rejet du 20 avril 2015 et 24 avril 2015 ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L 80 M du Livre des procédures fiscales dispose que « I 1. En matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l'administration. Le contribuable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par tout agent de l'administration. Il est invité à faire connaître ses observations. […] 2. Si le contribuable demande à bénéficier d'une communication écrite, l'administration lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une proposition de taxation qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. A la suite des observations du contribuable ou, en cas de silence de ce dernier, à l'issue du délai de trente jours prévu à l'alinéa précédent, l'administration prend sa décision. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée. II. […] ; Que cette garantie de procédure a été accordée au contribuable à la suite d'une série de la Cour de justice de l'Union européenne dont l'arrêt Sopropé rendu le 18 octobre 2008 en matière de droits de douane ; qu'au travers de cet arrêt, la CJUE a jugé que « les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l'administration entend fonder sa décision » (point 37) et qu'il appartient au juge national « de s'assurer que le délai, [destiné à recueillir les observations des intéressés ] ainsi individuellement assigné par l'administration correspond à la situation particulière de la personne ou de l'entreprise en cause et qu'il leur a permis d'exercer leurs droits de la défense dans le respect du principe d'effectivité »(souligné par la cour) ; qu'en l'espèce, il convient de rappeler que lorsque l'administration des douanes a adressé le 7 août 2014 à Me [Z], liquidateur de la société Care Distribution, un avis préalable de taxation pour un montant total de 25.532 euros suite à un inventaire du stock de la société effectué le 29 juillet 2014, ladite société était à l'arrêt et placée sous scellés judiciaires, dépourvue de ses dirigeants mis en examen et placés en détention dans le cadre d'une information judiciaire ouverte par le tribunal de grande instance de Lille en mars 2014 ; la société avait fait l'objet moins de six semaines auparavant d'un redressement judiciaire prononcé par jugement du 26 juin 2014 sur la requête du ministère public et le liquidateur venait d'être désigné par jugement du 17 juillet 2014. L'avis préalable de taxation était ainsi adressé au coeur de l'été, alors que Me [Z] représentait la société depuis 20 jours et ne disposait pas d'interlocuteurs dans l'entreprise ; que dans ce contexte particulier qui plaçait le liquidateur dans une situation très difficile, le délai de trente jours prévu par l'article L 80 M du Livre des procédures fiscales pour permettre au contribuable de faire des observations, que l'administration a appliqué à la lettre , n'était pas suffisant pour assurer l'exercice effectif des droits de la défense, ce d'autant que la motivation contenue dans l'avis préalable de taxation manquait de clarté et de cohérence et ne permettait pas à Me [Z] d'émettre son point de vue en toute connaissance de cause dans le délai de trente jours qui lui était imparti par l'administration ; que cet avis préalable est ainsi motivé : L'article L237-2 du code de commerce précise que la personnalité morale de l'entreprise subsiste pour les besoins de sa liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci. La survenance de la liquidation judiciaire entraîne l'exigibilité des droits sur stocks. Toutefois les marchandises continuent d'être détenues dans l'entrepôt de l'opérateur dans l'attente de leur commercialisation. Les droits doivent être acquittés au fur et à mesure de leur commercialisation. A cet effet, je vous adresse ci-joint un état liquidatif détaillé, établi par catégorie de produits et nature d'imposition (tableau de calcul des accises joint au présent courrier). Le liquidateur est tenu de reverser au comptable des douanes les droits facturés et acquittés par l'acquéreur des produits lors de leur commercialisation, qui ne constituent pas un actif d'entreprise. En cas de cession du stock sous le régime de la suspension à un autre opérateur agréé, le liquidateur sera invité à justifier de leur cession en droits suspendus. A contrario, les droits sont exigibles en cas de cession à un opérateur agréé ; Que cette motivation contient une contradiction en ce qu'elle indique tout à la fois que les droits d'accises sont immédiatement exigibles à raison de l'ouverture de la liquidation judiciaire sans même attendre la clôture de celle-ci, et que ces droits ne sont exigibles qu'au fur et à mesure de la commercialisation du stock, laissant ainsi comprendre que la société bénéficie toujours du régime de suspension des droits jusqu'à la clôture de la procédure collective dans l'hypothèse où la cession du stock est réalisée au profit d'un opérateur agréé ; que cette motivation contradictoire ne permettait pas au liquidateur judiciaire d'en saisir précisément le sens et la portée. Elle pouvait lui laisser croire que les droits ne seraient pas exigés en cas de vente des stocks à un opérateur agréé, cession qui nécessitait une vérification de l'administration postérieurement à l'émission de l'avis préalable de taxation, incompatible avec une taxation définitive dans le délai de 30 jours. Me [Z] ne possédant pas de compétence particulière en la matière, devait s'adjoindre les conseils d'un avocat avant de pouvoir émettre des observations utiles qu'il n'a pu effectivement formaliser que le 20 octobre 2014, par lettre de son conseil adressée à l'administration des douanes, après avoir reçu notification de l'avis de taxation déifnitive et de l'avis de mise en recouvrement. Que par ailleurs, la réponse qui a été apportée à ces observations le 20 avril 2014 est très insuffisante, l'administration se bornant à affirmer, sans même exposer la doctrine citée : « en cas de liquidation judiciaire, la doctrine administrative prévoit l'émission d'un AMR (avis de mise en recouvrement) à l'encontre du redevable et de sa caution solidaire dans le cadre de la notification de créances ». Qu'elle ne reprend pas les motifs invoqués dans son avis préalable de taxation et ne répond pas aux observations de Me [Z], fondées quant à elles sur cet avis. Ce faisant, elle n'a pas respecté les dispositions de l'article L 80 M du Livre des procédures fiscales lui imposant de motiver sa réponse aux observations du contribuable ; que la procédure suivie par l'administration à l'encontre de la société Care Distribution et de sa caution la société Atradius est ainsi entachée de nullité faute d'avoir permis l'exercice effectif des droits de la défense. »

ALORS QUE l'article L 80 M du Livre des procédures fiscales dispose que le contribuable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par l'administration et est invité à faire connaître ses observations ; qu'en l'espèce, tant l'avis préalable de taxation que l'avis définitif de taxation émis par l'administration des douanes énonçaient de façon claire et précise que la survenance de la liquidation judiciaire entraîne l'exigibilité immédiate des droits de sorte que l'administration a suffisamment respecté ses obligations avant de procéder à un avis de mise en recouvrement à l'égard des sociétés CARE DISTRIBUTION et ATRADIUS ; qu'en décidant le contraire, et juger que les droits de la défense n'avaient pas été respectés, les juges du fond ont violé l'article L 80-M du Livre des procédures fiscales.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-10289
Date de la décision : 14/04/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 08 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 avr. 2021, pourvoi n°19-10289


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.10289
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award