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13/04/2021 | FRANCE | N°21-80872

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 avril 2021, 21-80872


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° P 21-80.872 F-D

N° 00602

RB5
13 AVRIL 2021

CASSATION SANS RENVOI

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 AVRIL 2021

M. [X] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 15 janvier 2021, qui, dans l'informa

tion suivie contre lui des chefs de meurtre en bande organisée, destruction par moyen dangereux aggravé, association de mal...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° P 21-80.872 F-D

N° 00602

RB5
13 AVRIL 2021

CASSATION SANS RENVOI

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 AVRIL 2021

M. [X] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 15 janvier 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de meurtre en bande organisée, destruction par moyen dangereux aggravé, association de malfaiteurs et recel aggravé, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [Y], et les conclusions de M. Aubert, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 avril 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Mis en examen le 26 juin 2020 des chefs précités, M. [Y] a été placé en détention provisoire le même jour.

3. Par déclaration auprès du greffe de l'établissement pénitentiaire du 6 juillet 2020, il a interjeté appel de cette décision, sans demande de comparution et avec demande d'examen immédiat par la chambre de l'instruction.

4. La déclaration d'appel n'a pas été inscrite sur le registre des appels de l'établissement pénitentiaire et n'a pas été transmise au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.

5. M. [Y] en a mentionné l'existence pour la première fois le 1er décembre 2020. Sur question du juge d'instruction à l'établissement pénitentiaire le 24 décembre 2020, un agent du greffe, se présentant comme référent du quartier d'isolement et se disant particulièrement attentif à la situation de M. [Y], a répondu n'avoir aucun souvenir d'un tel appel et n'en avoir pas trouvé trace.

6. L'acte d'appel, retrouvé dans des circonstances non précisées, a été transmis par la direction de l'établissement pénitentiaire au greffe du juge d'instruction le 5 janvier 2021. Le greffier a procédé à sa transcription le jour-même sur le registre des appels prévus à l'article 502 du code de procédure pénale et le procureur général a fixé l'affaire à l'audience du 13 janvier 2021.

Examen du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué sur l'appel interjeté par M. [Y] à l'encontre de l'ordonnance de placement en détention provisoire, six mois et neuf jours après la formalisation par celui-ci de son intention de faire appel au greffe de la maison d'arrêt [Établissement 1] et d'avoir confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire, alors :

« 1°/ que la chambre de l'instruction doit, en matière de détention provisoire, se prononcer dans les plus brefs délais et, au plus tard, dans les dix jours de l'appel, faute de quoi la personne concernée est remise d'office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables, extérieures au service de la justice, mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le délai prévu ; que le simple retard de transmission d'un acte d'appel du greffe du centre pénitentiaire à celui du tribunal judiciaire n'est ni imprévisible, ni irrésistible, ni extérieur au service public de la justice, de sorte que la chambre de l'instruction, qui a statué le 15 janvier 2021, soit six mois et neuf jours après l'appel de l'ordonnance de placement en détention provisoire interjeté le 6 juillet 2020 par M. [Y], et a refusé de constater que celui-ci est détenu sans titre, a méconnu les dispositions des articles 147, 194, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'il appartient à la chambre de l'instruction saisie d'une demande de mise en liberté de caractériser les diligences particulières ou les circonstances insurmontables de nature à expliquer, au regard des exigences conventionnelles, le dépassement du délai prévu par l'alinéa 4 de l'article 194 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, l'exposant a interjeté appel de son placement en détention provisoire le 6 juillet 2020, que son appel n'a été jugé par la chambre de l'instruction que le 15 janvier 2021, soit plus de six mois après le dépassement du délai légal, qu'ainsi, s'étant bornée à considérer que « si la transcription de l'appel de M. [Y] a été effectuée au greffe du cabinet d'instruction dès sa transmission par le greffe du centre pénitentiaire [Établissement 1], soit le 5 janvier 2021, elle n'a pu intervenir que près de six mois après la déclaration d'appel en raison d'une transmission de la déclaration d'appel tardive » sans avoir caractérisé les diligences particulières des autorités ou les éventuelles circonstances insurmontables susceptibles de justifier la durée de la détention provisoire et en affirmant péremptoirement que « la détention de M. [Y] n'est dès lors entachée d'aucune irrégularité et qu'il n'y a pas lieu d'ordonner d'office sa remise en liberté », la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a méconnu les dispositions des articles 147, 194, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en tout état de cause, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que tout retard dans l'enregistrement de la déclaration d'appel par les services pénitentiaires, dans la transmission de cette déclaration ou dans sa transcription par le greffe de la chambre de l'instruction ne peut, sauf circonstance imprévisible ou insurmontable extérieure au service de la justice, avoir pour effet d'allonger le délai d'examen de l'appel ; qu'ainsi, il appartient à la chambre de l'instruction saisie d'une demande de mise en liberté de caractériser les diligences particulières ou les circonstances insurmontables de nature à expliquer, au regard des exigences conventionnelles, le dépassement du délai prévu par l'alinéa 4 de l'article 194 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer péremptoirement que la déclaration d'appel avait été volontairement « dissimulée » par M. [U] sans jamais rechercher ni caractériser le caractère frauduleux des agissements qui lui sont reprochés, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 147, 194, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ qu'à tout le moins, la durée de la détention provisoire ne doit pas excéder un délai raisonnable ; qu'en l'espèce, en justifiant la durée particulièrement longue du maintien en détention provisoire de M. [Y] par des circonstances relatives uniquement à des contingences administratives d'organisation propres, soit au service public de la justice, soit aux desiderata de différents acteurs et intervenants à la procédure, mais étrangères au mis en examen, aux faits qui lui étaient reprochés et au contexte même de sa détention, la chambre de l'instruction s'est abstenue de caractériser les diligences particulières ou les circonstances insurmontables de nature à expliquer, notamment au regard des exigences conventionnelles européennes, la durée de sa détention provisoire entre la décision de placement en détention provisoire et l'examen de son appel régulièrement interjeté devant la chambre de l'instruction. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 503, D. 45-26,194, 593 du code de procédure pénale et 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme :

8. Il résulte des deux premiers de ces textes que lorsque l'appelant est détenu, l'appel peut être fait au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire et que ce document est transmis le jour même ou le premier jour ouvrable suivant par ce dernier au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.

9. Il se déduit du troisième de ces textes que, le délai de dix jours imparti à la chambre de l'instruction pour statuer sur l'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire courant à compter de la transcription de la déclaration d'appel sur le registre public prévu à cet effet, tout retard dans l'enregistrement de la déclaration d'appel par les services pénitentiaires, dans la transmission de cette déclaration ou dans sa transcription par le greffe de la chambre de l'instruction ne peut, sauf circonstance imprévisible ou insurmontable extérieure au service de la justice, avoir pour effet d'allonger le délai d'examen de l'appel.

10. Il résulte du quatrième de ces textes que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

11. Selon le dernier de ces textes, toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

12. Pour statuer, par arrêt du 15 janvier 2021, sur l'appel interjeté le 6 juillet 2020 par M. [Y] à l'encontre de son placement en détention provisoire et confirmer la décision, l'arrêt attaqué énonce que la déclaration d'appel, non seulement n'a pas été transmise, mais n'a pas été enregistrée dans le registre des appels de l'établissement pénitentiaire, que la difficulté avec laquelle le document a été découvert atteste qu'il n'était pas facilement accessible, que si ce premier constat permettait déjà de suspecter une dissimulation par l'agent du greffe, les renseignements qu'il a donnés au juge d'instruction le 24 décembre 2020 ne laissaient guère de doute sur sa volonté de le dissimuler.

13. Les juges ajoutent que la décision prise par cet agent pénitentiaire de ne pas procéder à la transmission de la déclaration d'appel constitue une faute personnelle de celui-ci, détachable de sa fonction, et que la dissimulation de ce document a fait obstacle au contrôle de l'administration pénitentiaire ou de l'autorité judiciaire.

14. Ils en concluent que ces éléments caractérisent l'existence de circonstances imprévisibles et insurmontables, extérieures au service de la justice.

15. Ils retiennent encore que ces circonstances sont également à l'origine du non-respect du bref délai, prévu à l'article 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, dans lequel il doit être statué sur le recours d'une personne privée de sa liberté, et relèvent encore que l'intéressé n'a pas permis à la chambre de l'instruction de le garantir dans ses droits faute d'avoir évoqué sa déclaration d'appel lors de deux saisines postérieures.

16. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés, pour les raisons qui suivent.

17. D'une part, la chambre de l'instruction, qui a déduit de faits ténus et intrinsèquement non probants que l'agent du greffe pénitentiaire interrogé sur le sort de la déclaration d'appel avait procédé à une dissimulation volontaire de cet acte, s'est déterminée par des motifs insuffisants à établir un tel comportement imputable à cette personne.

18. D'autre part, à la supposer établie, la dissimulation volontaire de l'acte d'appel par cet agent du greffe pénitentiaire ne saurait, sauf concert frauduleux en vue de porter atteinte à la régularité de la détention, constituer une circonstance extérieure au service de la justice.

19. Enfin, la circonstance que la chambre de l'instruction a été saisie ultérieurement par le demandeur sans que celui-ci fasse état de l'appel toujours pendant ne saurait exonérer les juges de leur obligation de statuer à bref délai sur la privation de liberté.

20. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquence de la cassation

21. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 15 janvier 2021 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT que M. [Y] est détenu sans titre depuis le 17 juillet 2020 ;

ORDONNE sa mise en liberté s'il n'est détenu pour autre cause ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize avril deux mille vingt et un.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 21-80872
Date de la décision : 13/04/2021
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, 15 janvier 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 avr. 2021, pourvoi n°21-80872


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:21.80872
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