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08/04/2021 | FRANCE | N°20-15357

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 08 avril 2021, 20-15357


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 avril 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 343 F-D

Pourvoi n° F 20-15.357

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 AVRIL 2021

Mme U... XI... K..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° F 20-1

5.357 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Papeete (chambre des terres), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme T... S...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 avril 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 343 F-D

Pourvoi n° F 20-15.357

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 AVRIL 2021

Mme U... XI... K..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° F 20-15.357 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Papeete (chambre des terres), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme T... S..., épouse H..., domiciliée [...] ,

2°/ à Mme O... GO... B... S..., épouse I..., domiciliée [...] ,

3°/ à Mme L... S..., domiciliée [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme K..., de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat des consorts S..., après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 19 décembre 2019), les consorts S... ont assigné Mme K... en revendication d'une partie de la terre Ootatii située à [...], que leur père, décédé en 2009, aurait, selon eux, acquise par prescription trentenaire.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. Mme K... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors « qu'en retenant que « les consorts S... font la preuve d'une occupation continue, paisible, dénuée d'équivoque et considérée par tous comme étant effectuée en qualité de propriétaire et ce depuis plus de trente ans », à partir de motifs dont il résulte que la possession de Monsieur A... C... S... aurait débuté « aux débuts des années quatre vingt », lorsqu'il a procédé à la construction de la maison sur la colline, pour s'achever, au mieux, puisque celui-ci est survenu à Papeete, à la date de son décès, le 21 avril 2009, sans relever que les consorts S... auraient ensuite continué à posséder le surplus litigieux de la terre Ootatti sise à [...], en effectuant des actes matériels de nature à caractériser la possession, voire même en manifestant simplement leur intention de posséder, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'existence d'une possession trentenaire, a privé sa décision de base légale au regard des articles 2229, 2235 et 2262 dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2261, 2265 et 2272 du code civil :

3. Il résulte de ces textes que, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire d'une durée de trente ans, et que, pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur.

4. Pour juger que les consorts S... avaient acquis la propriété de la terre litigieuse par prescription trentenaire, l'arrêt retient que A... S... a entretenu et exploité la parcelle, sur laquelle il avait édifié une construction au début des années 1980 pour y habiter jusqu'à son décès en 2009.

5. En se déterminant ainsi, sans relever d'actes matériels de possession antérieurs à l'édification de cette construction ou postérieurs au décès de A... S..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete autrement composée ;

Condamne les consorts S... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme K...

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, statuant de nouveau, dit que les consorts S..., pour venir aux droits de Monsieur A... C... S..., décédé le 21 avril 2009 à Papeete, sont propriétaires par prescription trentenaire acquisitive du surplus de la Terre Ootatti sise à [...] (archipel des Australes) cadastrée [...] et, y ajoutant, ordonné la transcription de l'arrêt au bureau de la Conservation des Hypothèques de Papeete aux frais des consorts S..., ainsi que rejeté tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire à l'arrêt ;

Aux motifs que :

Sur l'origine de propriété de la Terre Ootatti sise à [...] (archipel des Australes) :

Aucune déclaration de propriété n'a été retrouvée concernant la Terre Ootatti.

Un procès-verbal de bornage n° 86 établi le 8 décembre 1943 qui concerne plusieurs terres dont la terre N... a été cependant retrouvé. Il est précisé à ce procès-verbal que ces terres ont été attribuées à G... R... par testament authentique de D... a V... en date du 8 février 1919 et enregistré le 11 mars 1919. Les consorts S... ont indiqué ne pas avoir pu obtenir la production de ce testament dans la mesure où ils n'ont pas la qualité d'ayant droit de Madame V..., ni de son époux, Monsieur G....

Il est versé aux débats la transcription de diverses ventes concernant la terre Ootatti :

La transcription faite le 29 janvier 1948 mentionne le dépôt auprès de Me Y..., notaire à Papeete, d'un acte sous seing privé, en date du 22 décembre 1947 à [...], contenant vente par Monsieur G... R... à Monsieur E... K... de diverses terres sises à [...] dont la terre Ootatti. Il est mentionné à cet acte que Monsieur G... R... est propriétaire de la terre Ootatti pour l'avoir reçue « de sa femme, la dame D... a V... par testament du 8 février 1919 ».

La transcription faite le 25 avril 1950, Volume 347 n° 20, précisant que, par-devant Me P... X..., notaire par intérim, a été déposé un contrat sous seing privé, en date du 8 mars 1950, contenant vente, par Monsieur E... K... à Monsieur J... F..., d'une parcelle de la Terre Ootatti, d'une superficie de 5 ha. Cet acte précise, concernant l'origine de propriété, que Monsieur K... est propriétaire de la parcelle vendue pour l'avoir acquise de Monsieur G... R... par acte du 22 décembre 1947, enregistré et transcrit le 29 janvier 1948, Volume 339 n° 132.

L'enregistrement effectué le 27 juillet 1953 (F° 20 n° 224) de l'acte de vente sous seing privé, passé entre les époux F... et Monsieur W..., d'une parcelle de la Terre Ootatti d'une superficie de 5 ha.

La transcription faite le 12 juillet 1960, Volume 409 n° 44, concernant la vente faite par Monsieur BN... W... au profit de Monsieur A... C... S... d'une parcelle de terre dénommée Ootatti d'une superficie de 5 ha. Il résulte de la transcription de cette vente que l'immeuble appartenait en propre à Monsieur W... au moyen de l'acquisition qu'il en avait faite de Monsieur Q... F... et de Madame EN... ME..., son épouse.

Aux termes de la succession de ces actes de vente ayant fait l'objet de transcription, il doit être acquis aux débats que Monsieur A... C... S..., puis ses ayants-droit, sont propriétaires par titre d'une parcelle de la Terre Ootatti d'une superficie de 5 ha pour l'avoir acquis de Monsieur BN... W... le 4 juillet 1960. Il doit également être acquis aux débats que le surplus de la terre Ootatti est propriété par titre de Monsieur E... K....

Il est cependant soutenu devant la Cour par les consorts S... que leur père a occupé le surplus de la terre Ootatti pour l'avoir acquise de Monsieur E... K... aux termes d'un acte de vente sous seing privé qui n'a pu être retrouvé et qui n'aurait pas été transcrit.

L'absence de cet acte conduit nécessairement à répondre à la question de la prescription acquisitive trentenaire du surplus de la Terre Ootatti par Monsieur A... C... S....

Sur la demande de prescription acquisitive trentenaire par Monsieur A... C... S... du surplus de la terre Ootatti :

Aux termes des articles 711 et 712 du code civil, la propriété des biens s'acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, et par l'effet des obligations. La propriété s'acquiert aussi par accession ou incorporation, et par prescription.

Il résulte de l'articulation des articles 2229, 2235 et 2262 du code civil, dans leur rédaction applicable en Polynésie française, qu'il faut, pour pouvoir prescrire, une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire durant 30 ans, en joignant le cas échéant sa possession à celle de son auteur.

En l'espèce, les témoins entendus par le premier Juge dans le cadre de l'enquête s'accordent pour dire que la maison construite sur la colline l'a été par Monsieur A... C... S.... La majorité des témoins fixent la date de construction de la maison sur la colline aux débuts des années quatre vingt.

Il n'est par ailleurs pas contesté que cette maison soit sur le surplus de la terre Ootatti, pour laquelle Monsieur S... est sans titre. La Cour retient cependant que en son courrier adressé au premier juge en date du 5 janvier 2012, Madame L... K... indiquait que « Je n'ai en ma possession aucun acte de vente officialisant la propriété de la terre Ootatti à Monsieur S.... Cependant, feu E... K..., mon père m'a indiqué avoir vendu 8 hectares à A... S..., pour une somme certes dérisoire. C'est la raison pour laquelle Monsieur S... a bâti une maison sur cette parcelle et qu'il s'y est domicilié depuis plus de trente ans ». Devant la Cour, Madame L... K... ne conteste pas être l'auteur de ce courrier.

De plus, en son témoignage en date du 22 juillet 2015 produit devant la Cour par Madame L... K..., Monsieur KN... CU... indique que Monsieur S... y a cultivé une grande partie. S'il dit avoir été induit en erreur quant à la propriété de la terre, il précise que Monsieur S..., associé à Monsieur ET..., ont créé la société de développement. Il dit apporter son soutien à Madame L... K... car elle s'est présentée avec les documents de propriété. La Cour en déduit qu'avant cette présentation, il pensait, comme l'ensemble des habitants de [...] qui ont été induits en erreur à son sens, que Monsieur A... C... S... était le propriétaire.

Au vu de l'ensemble des témoignages recueillis au cours de l'enquête et produit devant elle, la Cour retient que les habitants de [...] pensaient, comme la propre fille de Monsieur E... K..., que Monsieur A... C... S... était propriétaire de l'ensemble de la terre Ootatti qu'il cultivait et qu'il habitait. De plus, il n'est pas contesté que Monsieur E... K... ait été un homme avisé, en capacité de défendre ses droits et qu'il habitait [...] au temps où Monsieur A... C... S... mettait en oeuvre des actes d'occupation sur la terre Ootatti au-delà des 5 hectares qu'il avait acquis de Monsieur BN... W.... Le silence de Monsieur E... K... conduit à considérer qu'il reconnaissait des droits de propriété à Monsieur A... C... S... au-delà de la parcelle pour laquelle il possédait un titre, ce qui confirme ce qu'il avait dit à sa fille, à savoir avoir vendu à Monsieur A... C... S... le surplus de la terre Ootatti dont il restait propriétaire pour ne pas l'avoir vendu à Monsieur J... F....

En conséquence, la Cour dit que les consorts S... font la preuve d'une occupation continue, paisible, dénuée d'équivoque et considérée par tous comme étant effectuée en qualité de propriétaire et ce depuis plus de trente ans.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement du Tribunal de Première Instance de Papeete, chambre des terres n°11/00106, n° de minute 347 en date du 30 août 2017 en toutes ses dispositions. La Cour dit que les consorts S..., pour venir aux droits de Monsieur A... C... S... décédé le 21 avril 2009 à Papeete, sont propriétaires par prescription trentenaire acquisitive du surplus de la terre Ootatti sise à [...] (archipels des Australes) ;

Alors, d'une part, qu'en retenant que « les consorts S... font la preuve d'une occupation continue, paisible, dénuée d'équivoque et considérée par tous comme étant effectuée en qualité de propriétaire et ce depuis plus de trente ans », à partir de motifs dont il résulte que la possession de Monsieur A... C... S... aurait débuté « aux débuts des années quatre vingt », lorsqu'il a procédé à la construction de la maison sur la colline, pour s'achever, au mieux, puisque celui-ci est survenu à Papeete, à la date de son décès, le 21 avril 2009, sans relever que les consorts S... auraient ensuite continué à posséder le surplus litigieux de la terre Ootatti sise à [...], en effectuant des actes matériels de nature à caractériser la possession, voire même en manifestant simplement leur intention de posséder, la Cour d'appel, qui n'a pas constaté l'existence d'une possession trentenaire, a privé sa décision de base légale au regard des articles 2229, 2235 et 2262 dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

Alors, d'autre part, qu'en relevant, pour caractériser la possession, que Monsieur A... C... S... avait fait construire et habité une maison sur le surplus litigieux de la terre Ootatti sise à [...], sans répondre aux conclusions de Madame K... dans lesquelles celle-ci soutenait que cette construction avait été effectuée sans permis de construire, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Et alors, enfin, qu'en se bornant à relever, à l'appui de sa décision, que Monsieur A... C... S... avait fait construire et habité une maison sur le surplus litigieux de la terre Ootatti sise à [...], qu'il avait également cultivé, faits ne révèlent pas, en eux-mêmes, la volonté de Monsieur A... C... S... de se conduire en propriétaire de ce surplus, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2229, 2235 et 2262 dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-15357
Date de la décision : 08/04/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 19 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 08 avr. 2021, pourvoi n°20-15357


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.15357
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