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08/04/2021 | FRANCE | N°19-23183

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 08 avril 2021, 19-23183


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 avril 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 337 F-D

Pourvoi n° S 19-23.183

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 AVRIL 2021

La société Distribution Casino France, société par action

s simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-23.183 contre l'arrêt rendu le 25 juin 2019 par la cour d'appel de Montpellier ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 avril 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 337 F-D

Pourvoi n° S 19-23.183

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 AVRIL 2021

La société Distribution Casino France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-23.183 contre l'arrêt rendu le 25 juin 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre C), dans le litige l'opposant à la société Gauvin, société civile immobilière, dont le siège est [...], chez la SCI Les Camélias, venant aux droits de la SCI Dalladel, défenderesse à la cassation.

La Société civile immobilière Gauvin a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Distribution Casino France, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Gauvin, et après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 25 juin 2019), la société Distribution Casino France (la locataire) est bénéficiaire d'un bail commercial consenti le 31 août 2005 par la société Gauvin.

2. Après avoir délivré un congé avec offre de renouvellement le 11 octobre 2013, la bailleresse a assigné la locataire devant le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé.

3. Le 11 avril 2016, la locataire a assigné la bailleresse devant le tribunal de grande instance pour voir réputée non écrite la clause d'indexation figurant au bail.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable

Enoncé du moyen

4. La société Gauvin fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande de la société Distribution Casino France de voir déclarer non écrite la clause d'indexation du bail commercial, alors :

« 1°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ; qu'en l'absence de dispositions transitoires expresses, une loi nouvelle ne peut avoir d'effet sur une situation contractuelle passée ; qu'en retenant néanmoins que la loi n° 2014-628 du 18 juin 2014 s'appliquait aux baux conclus antérieurement à son entrée en vigueur, la cour d'appel, qui a conféré à la loi un effet rétroactif, a violé l'article 2 du code civil ;

2°/ qu'une loi, même rétroactive, ne peut revenir sur une situation juridique définitivement acquise ; que, sauf volonté contraire expressément affirmée par le législateur, la loi qui modifie le délai d'une prescription n'a point d'effet sur la prescription définitivement acquise ; que, néanmoins, la cour d'appel a estimé que l'action tendant à faire réputer non-écrite la clause était recevable au motif que la clause contractuelle réputée non-écrite est censée n'avoir jamais existé, de sorte que la contestation de sa validité ne peut pas être soumise à une prescription particulière ; qu'en statuant ainsi, alors que la loi n° 2014-628 du 18 juin 2014, qui a substitué la sanction du réputé non-écrit à celle de la nullité, ne pouvait avoir d'effet sur la prescription de l'action antérieurement acquise, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ;

3°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ; qu'elle ne peut, par exception, produire un effet pour le passé que si cette rétroactivité est justifiée par un motif impérieux d'intérêt général ; que retenant que la loi n° 2014-628 du 18 juin 2014 était applicable au contrat de bail litigieux, conclu en 2005, sans procéder à la recherche nécessaire d'un motif impérieux d'intérêt général, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 du code civil, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentaux. »

Réponse de la Cour

5. La loi du 18 juin 2014, qui, en ce qu'elle a modifié l'article L. 145-15 du code de commerce, a substitué, à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours.

6. La cour d'appel a retenu à bon droit que l'action tendant à voir réputée non écrite une clause du bail n'est pas soumise à prescription.

7. Elle en a exactement déduit que l'action engagée par la locataire, le 11 avril 2016, soit après l'entrée en vigueur de la loi précitée, était recevable.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, et sur le troisième moyen du pourvoi principal, réunis

Enoncé des moyens

10. Par son deuxième moyen, pris en sa première branche, la société Gauvin fait grief à l'arrêt de confirmer les jugements rendus le 1er décembre 2015 et le 12 décembre 2017 et, partant, de fixer le prix du bail à la somme annuelle hors charges et hors taxes de 389 350 euros à compter du 11 octobre 2013, dit que les loyers arriérés porteront intérêt au taux légal avec capitalisation alors : « que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; qu'elle s'étend conformément à l'article 624 du code de procédure civile à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation qui interviendra sur le premier moyen emportera, par voie de conséquence et en raison du lien de dépendance nécessaire, la censure du chef de l'arrêt ayant accueilli la demande de révision du loyer formée par la société Dalladel ;

11. Par son troisième moyen, la société Gauvin fait grief à l'arrêt de confirmer les jugements rendus le 1er décembre 2015 et le 12 décembre 2017 et, partant, de dire que le montant du dépôt de garantie résulte de l'application de la clause d'échelle mobile au montant initial, de deux termes de loyers, augmenté des intérêts légaux pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes et rejeté la demande de restitution de la société distribution Casino France au titre d'un trop perçu résultant de l'indexation du dépôt de garantie, alors : « que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; qu'elle s'étend conformément à l'article 624 du code de procédure civile à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation qui interviendra sur le premier moyen emportera, par voie de conséquence et en raison du lien de dépendance nécessaire, la censure du chef de l'arrêt ayant rejeté la demande de condamnation de la société Dalladel au paiement de la somme de 39.791 euros au titre des ajustements du dépôt de garantie en application de la clause d'indexation. »

Réponse de la Cour

12. La cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée.

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

13. La société fait grief à l'arrêt de fixer le prix du bail à une certaine somme annuelle hors charges et hors taxes à compter du 11 octobre 2013 et de dire que les loyers arriérés porteront intérêt au taux légal avec capitalisation, alors :

« 2°/ que conformément à l'article R. 145-8 du code de commerce, les obligations incombant normalement au bailleur mais dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire constituent un facteur de diminution de la valeur locative ; qu'à défaut de clause expresse, le preneur n'est pas redevable des grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil ; qu'en l'espèce, en jugeant que la mise à la charge du preneur de telles obligations n'est pas une clause exorbitante en matière de bail commercial, de sorte qu'elle ne constitue pas un facteur de diminution de la valeur locative, la cour d'appel a violé les articles précités, ensembles l'article L. 145-33 du code de commerce ;

3°/ conformément à l'article R. 145-8 du code de commerce, les obligations incombant normalement au bailleur mais dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire constituent un facteur de diminution de la valeur locative ; qu'à défaut de clause expresse, le preneur n'est pas redevable de la taxe foncière ; qu'en l'espèce, en jugeant que la mise à la charge du preneur d'un tel impôt n'est pas une clause exorbitante en matière de bail commercial, de sorte qu'elle ne constitue pas un facteur de diminution de la valeur locative, la cour d'appel a violé l'article précité, ensembles l'article L. 145-33 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 145-33 et R. 145-8 du code de commerce :

14. Selon le premier de ces textes, à défaut d'accord entre les parties, le montant du loyer du bail renouvelé doit correspondre à la valeur locative déterminée, notamment, au regard des obligations respectives des parties. Selon le second, les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire constituent un facteur de diminution de la valeur locative.

15. Pour fixer le montant du loyer du bail renouvelé, l'arrêt retient qu'il est d'usage, dans les centres commerciaux et pour des grandes surfaces, que les charges relatives aux travaux visées à l'article 606 du code civil et au remboursement de la taxe foncière soient imposées au preneur, qu'elles ne sont pas exorbitantes en matière de bail commercial s'agissant de grandes surfaces de vente et que les valeurs locatives de référence concernent des locaux et des baux incluant la prise en charge par le preneur de l'impôt foncier et des travaux de l'article 606 du code civil.

16. En statuant ainsi, alors que, sauf disposition expresse, tant les grosses réparations que le paiement de la taxe foncière sont à la charge du bailleur et que les obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire, constituent un facteur de diminution de la valeur locative, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à la somme de 389 350 euros le prix du bail renouvelé à compter du 11 octobre 2013, l'arrêt rendu le 25 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne la société Gauvin aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gauvin et la condamne à payer à la société Distribution Casino France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens au pourvoi principal produits par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Distribution Casino France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé les jugements rendus le 1er décembre 2015 et le 12 décembre 2017, sauf en ce que ce dernier a déclaré irrecevable la demande de la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE de voir déclarer non écrite la clause d'indexation du bail commercial et, y ajoutant, déclaré non écrite la mention particulière dans la clause d'indexation du bail : « la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base » ;

Aux motifs que « La clause contractuelle d'indexation du loyer prévoit un ajustement pour chaque période annuelle au 1er janvier en fonction de la variation en plus ou moins de l'indice du coût de la construction, et énonce particulièrement : "la valeur de l'indice de base sera celle du 2e trimestre 2005 ; les indices de comparaison seront relevés avec une périodicité annuelle ; la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base ;".

L'article L 145-15 du code de commerce stipule que son réputé non écrites, les clauses, stipulations, qui ont pour effet de faire échec aux dispositions (notamment) de l'article L 145-39 qui prévoit une révision chaque fois que le jeu de la clause d'échelle mobile entraîne une augmentation ou une diminution de plus d'un quart.

L'article L 112-1 du code monétaire et financier dispose qu'est réputée non écrite la clause prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision.

Il en résulte, d'une part que l'interdiction de ramener le loyer à un montant inférieur au loyer de base fait échec aux dispositions de l'article L 145-39 du code de commerce qui n'autorise pas de fixer un plancher à l'application de la clause d'échelle mobile, d'autre part que l'ajustement au 1er janvier de chaque année caractérise pour la première échéance du 1er janvier 2006, seulement quatre mois après le début du bail le 31 août 2005, la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée écoulée au moment de cette première révision.

Concernant le plancher à l'application de la clause d'échelle mobile, le bailleur oppose que les dispositions de l'article L 145-15 du code de commerce relèvent d'une loi du 18 juin 2014 postérieure à la conclusion du bail, qui ne lui est donc pas applicable.

Cependant, il n'oppose aucune argumentation au motif du premier juge qui retient que les dispositions s'appliquent aux baux en cours, et à l'argumentation adverse qui appuie cette application immédiate sur une réponse ministérielle du 31 mai 2016 qui affirme la volonté du législateur de régir immédiatement les situations juridiques en cours, et notamment les baux commerciaux conclus avant l'entrée en vigueur de la loi.

La cour confirme la pertinence du motif du premier juge pour retenir une application au bail entre les parties des dispositions de la loi.

Le texte de l'article L 145-15 interdit les clauses ou stipulations contraires à une liberté de variation du loyer y compris à la baisse.

Il convient donc de déclarer non écrite uniquement la stipulation contraire qui ne résulte que de la mention particulière "la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base".

Le preneur n'est pas fondé à faire déclarer non écrites en application de l'article L 145-15 les autres mentions de la clause d'indexation du loyer, qui ne font pas échec aux dispositions de l'article L 145-39 du code de commerce.

Le preneur ne prétend pas avoir été privé par l'effet de la clause d'échelle mobile d'une diminution de loyer au-delà du plancher de la clause désormais non écrite.

Concernant la conformité avec le code monétaire et financier, la cour observe que le texte répute non écrite une clause prévoyant la prise en compte de la distorsion de la période de référence, ce qui dans la clause en litige ne pourrait concerner que l'application de la première échéance de révision le 1er janvier 2006, alors que cette révision n'a jamais été appliquée ni revendiquée.

La clause en litige ne prévoit effectivement la prise en compte d'une distorsion que pour une première échéance de révision qui n'a pas été mise en oeuvre, les dispositions précises de la clause étant par ailleurs parfaitement exclusives de toute distorsion pour l'avenir, par la mention notamment : « les indices de comparaison successifs seront séparés les uns des autres par une période de variation d'un an ».

Il en résulte que le preneur n'est pas fondé à prétendre faire déclarer non écrite la clause d'indexation du loyer, à l'exception de la seule mention : "la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base" » ;

1°) Alors que, d'une part doit être réputée non écrite dans son intégralité une clause d'indexation qui stipule que le loyer ne peut être révisé qu'à la hausse, excluant ainsi la réciprocité de la variation éventuelle ; qu'en l'espèce, en jugeant que seule devait être réputée non écrite la stipulation contraire à la liberté de variation des loyers à la baisse, la cour d'appel a violé les articles L. 145-15 et L. 145-39 du code de commerce ;

2°) Alors que, d'autre part, à titre subsidiaire, en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (conclusions d'appel, pp. 7 et s.), si la clause d'indexation ne revêtait pas un caractère indivisible, de sorte que celle-ci devait être réputée non écrite dans son intégralité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-15 et L. 145-39 du code de commerce ;

3°) Alors que, de troisième part, en tout état de cause, l'article L. 112-1, alinéa 2, du code monétaire et financier prohibe toute distorsion entre la période de variation de l'indice et la durée s'écoulant entre deux révisions ; qu'en l'espèce, en jugeant que, faute d'avoir été mise en oeuvre, la distorsion constatée au titre de la première échéance de révision ne permettait pas d'appliquer les dispositions précitées, la cour d'appel a violé l'article précité.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé les jugements rendus le 1er décembre 2015 et le 12 décembre 2017 et, partant, d'avoir fixé le prix du bail à la somme annuelle hors charges et hors taxes de 389.350 euros à compter du 11 octobre 2013, dit que les loyers arriérés porteront intérêt au taux légal avec capitalisation ;

Aux motifs propres que « Le preneur n'est pas fondé à contester le prix du bail retenu par le jugement du 1er décembre 2015 sur le fondement de la contestation de la validité de la clause d'échelle mobile qui a été rejetée par la cour, sauf pour une mention qui n'a affecté à aucun moment avant son annulation la révision de la valeur locative.

À titre subsidiaire dans le dispositif de ses écritures d'appel du jugement du 1er décembre 2015, le preneur reprend les critiques des éléments d'appréciation de l'expert judiciaire sur la valeur locative, au regard de la surface pondérée des locaux, de la prise en compte de la charge du preneur des gros travaux de l'article 606 du Code civil, et du paiement de l'impôt foncier.

La cour adopte les motifs pertinents et circonstanciés du jugement du 1er décembre 2015 pour homologuer l'évaluation proposée par l'expert judiciaire, qui ne font pas l'objet d'éléments critiques nouveaux en appel, ou qui n'auraient pas pu être soumis à la discussion contradictoire au cours de l'expertise.

La cour ne constate aucune irrégularité dans les opérations d'expertise de nature à fonder la demande du preneur au bénéfice d'une nouvelle mesure d'expertise judiciaire » ;

Aux motifs adoptés que « L'article L. 145-33 du Code de commerce dispose que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après:

- 1° Les caractéristiques du local considéré,
- 2° La destination des lieux,
- 3° Les obligations respectives des parties,
- 4° Les facteurs locaux de commercialité,
- 5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

L'article L. 145-39 du même code dispose que si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire.

L'article R. 145-7 du même code dispose que les références sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

L'article R. 145-8 du même code dispose que, du point de vue des obligations respectives des parties, les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur les locataires sans contrepartie constituent une faveur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.

Il est de jurisprudence constante que viole l'article 1134 du Code civil une cour d'appel qui détermine le montant du loyer de renouvellement une certaine somme, déduction faite du montant de l'impôt foncier hors charges d'ordures ménagères, alors qu'elle a constaté que le locataire devait supporter contractuellement la charge de cet impôt.

Il ressort du rapport d'expertise les éléments suivants. Sont notamment à la charge du preneur les grosses réparations de l'article 606 du Code civil et les impôts fonciers. La surface pondérée est de 2 995 m2, soit 2388 m2 pour la surface de vente, 210m² pour les bureaux et locaux sociaux, 327m² x 1 = 327 m² pour les ateliers et chambres froides et (193 m² + 43 m²) x 0,3 = 70 m² pour les réserves et locaux techniques. La valeur locative peut s'apprécier à 130 euros par an au m² de surface pondérée, soit un loyer annuel de 2995 m² x 130 euros = 389 350 euros.

La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE fait, tout d'abord, valoir les éléments suivants. Monsieur S... R..., expert près la Cour d'appel de Paris, retient un coefficient de 1 pour les surfaces de vente, de 0,5 pour les annexes à rez-de-chaussée, de 0,25 pour les annexes situées au premier sous-sol et au premier étage, enfin de 0,125 pour les annexes situées au deuxième sous-sol et au deuxième étage. La surface pondérée est donc de 2 722 m², soit 2 388 m² x 1 = 2 388 m2 pour la surface de vente, 563 m² x 0,5 = 281,5 m² pour les ateliers, chambres froides, réserves et locaux techniques et 210 m² x 0,25 = 52,5 m² pour les bureaux et locaux sociaux.

En pages 18 et 19 de son rapport, l'expert judiciaire indique, toutefois, les éléments suivants. Il a retenu au coefficient 1 les ateliers et chambres froides parce qu'ils font indiscutablement partie des surfaces de vente, même s'ils ne sont pas directement accessibles au public. Ils ne sont pas séparés de la vente au sens des recommandations préconisées par la Charte de l'expertise en évaluation immobilière. Pour les réserves et locaux techniques, il a retenu le coefficient 0,3 préconisé par la Charte lorsque ces locaux se trouvent en rez-de-chaussée. S'agissant des surfaces affectées à usage de bureaux et locaux sociaux, ils sont pris en m² réels, toujours selon les préconisations de la Charte.

La société DALLADEL indique, en outre, qu'une méthode de pondération identique doit être retenue pour estimer les valeurs de référence.

Il convient, dès lors, de rejeter cette argumentation.

La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE fait, ensuite, valoir que, compte tenu de ce que le preneur a à sa charge l'intégralité des réparations, y compris les grosses réparations de l'article 606 du Code civil, elle demande au tribunal de retenir une valeur locative de 120 euros par an au m², soit 326 640 euros pour une surface pondérée de 2 722 m². Les taxes foncières s'analysant comme un surloyer, il convient de fixer la valeur locative 326 640 euros - 71 093,77 euros = 255 546,23 euros.

Elle produit, tout d'abord, l'article 215 15 intitulé Les aménagements contractuels des charges, travaux, taxes et impôts du Lamy Baux Commerciaux – Revue des Loyers de juin 2015, dont il ressort qu'au moment de la révision du loyer du bail renouvelé, les charges anormales telles que le transfert sur le preneur de la taxe foncière ou des grosses réparations de l'article 606 du Code civil sont considérées comme des suppléments de loyer.

Elle produit, ensuite, un arrêt n° 08/03357 de la 2ème Chambre de la Cour d'appel de Royen du 17 juin 2010, indiquant "[
] la valeur proposée par l'expert sera retenue, sauf qu'il y a lieu de tenir compte de l'incidence financière de la clause mettant à la charge du locataire la moitié de l'impôt foncier et de faire venir celui-ci en déduction de la valeur locative. En effet, peu importe l'existence de l'usage (au demeurant non démontré) d'une telle clause dans les centres commerciaux et le caractère non exorbitant d'une clause que les parties un bail commercial ont effectivement la liberté d'insérer. Il n'en demeure pas moins que l'obligation dont se décharge le bailleur est, aux termes de l'article R 145-8 du code de commerce, un facteur de diminution de la valeur locative [
]".

Elle produit, enfin un arrêt n° 10/0508 de la chambre 3 de la Cour d'appel de Paris du 30 novembre 2011 indiquait : « La société Uni commerces fait valoir que l'impôt foncier ne saurait être déduit car il ne constitue pas une charge exorbitante ; L'article R 145-28 du code de commerce précise bien que toutes les obligations dont le bailleur s'est déchargé sur son locataire constitue un facteur de diminution de la valeur locative. L'impôt foncier pèse en principe sur le bailleur et l'allégation que l'usage en centre commercial est de faire supporter par le preneur la charge de l'impôt foncier est inopérante dès lors qu'un tel usage, à le supposer établi, ne peut contrevenir à une disposition claire de la loi et que la circonstance que les autres locataires ont négocié leur loyer en fonction de cette charge reviendrait à la prendre en compte deux fois n'est pas pertinente dès lors que les loyers de voisinage ne servent que de références, la valeur locative du local considéré étant fixée en fonction de ses caractéristiques propres ».

Dans son avant-dernier paragraphe, l'article 215 15 susvisé indique, tout d'abord : "il est à noter que, lorsque le bail porte sur un bâtiment entier, il était d'usage de mettre à la charge du preneur les réparations de l'article 605 du code civil et même celles de l'article 606 dudit code".

Tel est le cas du local litigieux.

Tel n'est, en revanche, pas le cas des locaux des arrêts n° 08/03357 et 10/05085 susvisés.

En page 91 de son rapport, l'expert judiciaire indique, ensuite, les éléments suivants. En réalité, ces charges ne sont pas exorbitantes en matière de bail commercial, surtout s'agissant de grandes surfaces de vente. Ces charges sont toujours imposées au preneur dans cette catégorie d'immeuble commercial et les valeurs locatives de référence concernent des locaux et des baux incluant la prise en charge par le preneur de l'impôt foncier et des travaux de l'article 606 du Code civil.

En pages 12 à 14, il indique, ainsi, que les baux des établissements SIMPLY MARKET et NETTO mettent les impôts fonciers à la charge du preneur, que les baux des références MetC ; BUREAU VALLEE et LE CHENE VERT dépendant de la zone de l'hyper CARREFOUR de Trifontaine incluent les impôts fonciers, seul celui de la référence PICARD mettant la moitié des impôts fonciers à la charge du preneur, enfin que les baux des références PIER IMPORT et CINNA dépendant de la zone de l'hyper CARREFOUR de la route de Carnon mettent la impôts fonciers à la charge du preneur, seul celui de la référence LEADER PRICE laissant l'impôt foncier à la charge du bailleur.

Sept baux sur neuf mettent, donc, la totalité des impôts fonciers à la charge du preneur.

Il résulte, dès lors, de l'avis de l'expert de la Cour d'appel de Rouen, de l'avant-dernier paragraphe de l'article 215 15, de l'avis de l'expert judiciaire et de ces sept baux que cet usage paraît suffisamment démontré.

L'existence de cet usage dans les centres commerciaux et le caractère non exorbitant de cette clause importent en outre.

L'article R. 145-8 susvisé mentionne, en effet, tant les obligations incombant normalement au bailleur que celles imposées au locataire au-delà des usages.

Un tel usage peut, en tout état de cause, contrevenir à une disposition claire de la loi et a fortiori du règlement si cette disposition n'est pas d'ordre public.

Dans son arrêt n° 09-10.808 du 1er février 2011, la troisième chambre civile de la Cour de cassation casse, ainsi, l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13 novembre 2008 au motif qu'elle avait déduit l'impôt foncier hors charges d'ordres ménagères du montant du loyer de renouvellement alors qu'elle avait constaté que le locataire devait supporter contractuellement la charge de cet impôt.

L'argument selon lequel la déduction de cet impôt du montant du loyer de renouvellement reviendrait à le prendre en compte deux fois dans la mesure où les autres locataires ont négocié leur loyer en fonction du transfert de cet impôt sur le preneur est, en outre, pertinent.

La valeur locataire du local litigieux n'est, en effet, pas fixée en fonction de ses seules caractéristiques propres.

L'article L. 145-33 du Code de commerce vise, ainsi, également les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

L'article R. 145-7 du même code dispose, en outre, que ces références sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les modalités de fixation des prix.

Il conviendrait, dès lors, de réintégrer la totalité de l'impôt foncier dans le montant du loyer de la référence LEADER PRICE et la moitié de cet impôt dans celui de la référence PICARD.

Ces réintégrations interviendraient, toutefois, en défaveur de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.

LA société DALLADEL sollicite, cependant, l'homologation du rapport d'expertise.

La déduction de cet impôt du montant du loyer du local litigieux reviendrait, en revanche, à dénaturer les calculs de l'expert judiciaire et à fixer ce loyer à un montant anormalement bas.

Il convient dès lors de rejeter cette argumentation » ;

1°) Alors que, d'une part, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; qu'elle s'étend conformément à l'article 624 du code de procédure civile à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation qui interviendra sur le premier moyen emportera, par voie de conséquence et en raison du lien de dépendance nécessaire, la censure du chef de l'arrêt ayant accueilli la demande de révision du loyer formée par la société DALLADEL ;

2°) Alors que, d'autre part, conformément à l'article R. 145-8 du code de commerce, les obligations incombant normalement au bailleur mais dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire constituent un facteur de diminution de la valeur locative ; qu'à défaut de clause expresse, le preneur n'est pas redevable des grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil ; qu'en l'espèce, en jugeant que la mise à la charge du preneur de telles obligations n'est pas une clause exorbitante en matière de bail commercial, de sorte qu'elle ne constitue pas un facteur de diminution de la valeur locative, la cour d'appel a violé les articles précités, ensembles l'article L. 145-33 du code de commerce ;

3°) Alors que, de troisième part, conformément à l'article R. 145-8 du code de commerce, les obligations incombant normalement au bailleur mais dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire constituent un facteur de diminution de la valeur locative ; qu'à défaut de clause expresse, le preneur n'est pas redevable de la taxe foncière ; qu'en l'espèce, en jugeant que la mise à la charge du preneur d'un tel impôt n'est pas une clause exorbitante en matière de bail commercial, de sorte qu'elle ne constitue pas un facteur de diminution de la valeur locative, la cour d'appel a violé l'article précité, ensembles l'article L. 145-33 du code de commerce ;

4°) Alors que, de quatrième part, le motif inopérant équivaut à un défaut de motif ; qu'en relevant que la déduction de la taxe foncière du montant du loyer « reviendrait à le prendre deux fois dans la mesure où les autres locataires ont négocié leur loyer en fonction du transfert de cet impôt sur le preneur » lorsque la seule question à trancher par l'arrêt consistait à déterminer si, conformément à l'article R. 145-8 du code de commerce, cette charge incombait normalement au bailleur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) Alors que, de cinquième part, conformément à l'article L. 145-33 du code de commerce, l'évaluation de la valeur locative doit prendre en considération les prix couramment pratiqués dans le voisinage ; qu'en ne recherchent pas, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (conclusions d'appel, pp. 22 et s.), si, du fait des prix pratiqués dans le voisinage, la valeur locative des locaux loués par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne devait pas être diminuée, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 145-33 du code de commerce, ensemble l'article R. 145-7 du même code.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé les jugements rendus le 1er décembre 2015 et le 12 décembre 2017 et, partant, d'avoir dit que le montant du dépôt de garantie résulte de l'application de la clause d'échelle mobile au montant initial, de deux termes de loyers, augmenté des intérêts légaux pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes et rejeté la demande de restitution de la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE au titre d'un trop perçu résultant de l'indexation du dépôt de garantie ;

Aux motifs propres que « La cour confirme la recevabilité prononcée par le jugement du 12 décembre 2017 de la demande du preneur de déclarer non écrite la clause relative au dépôt de garantie, laquelle n'est pas critiquée au-delà des moyens relatifs à l'autorité de la chose jugée, le désistement du preneur, la prescription, l'application à ce bail de l'article L 145-15 du code de commerce, sur lesquels la cour a déjà statué.

Les parties ne critiquent pas davantage sur le fond l'appréciation du premier juge de déclarer non écrit seulement le passage de la clause prévoyant que le dépôt de garantie n'est pas productif d'intérêts au regard des dispositions de l'article L 145-40 du code de commerce.

La cour rejette l'argumentation du preneur pour obtenir la restitution du montant du réajustement contractuel du dépôt de garantie, en ce qu'elle est fondée sur la prétention déjà écartée par la cour à déclarer non écrite la clause d'indexation du loyer » ;

Aux motifs adoptés que « Il résulte de l'article L145-40 du code de commerce que les loyers payés d'avance, sous quelque forme que ce soit, et même à titre de garantie, portent intérêt au profit du locataire au taux pratiqués par la Banque de France pour les avances sur titre, pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes.
La clause relative au dépôt de garantie n'est donc pas parfaitement conforme à cette disposition, puisqu'elle stipule que le dépôt ne sera "ni productif d'intérêts, ni imputable sur la dernière échéance de loyer".

Il n'y a cependant pas lieu déclarer la clause de garantie non écrite dans son intégralité alors que ses autres dispositions sont légales.

Sera seule déclarée non écrit le passage de la clause de garantie prévoyant que le dépôt n'est pas productif d'intérêts.

En revanche, la demande de la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE tendant à voir réduire le montant dudit dépôt, sur la base de l'annulation de la clause d'indexation contractuelle, ne peut qu'être rejetée. En effet, la question de la licéité de la clause d'indexation a été tranchée par le juge des loyers commerciaux, dans son jugement du 1er décembre 2015, et ce tribunal n'est pas compétent pour en connaître.

Dans ces conditions, le montant du dépôt de garantie résulte de l'application de la clause d'échelle mobile au montant initial, de deux termes de loyers, augmenté des intérêts légaux pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes » ;

Alors que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; qu'elle s'étend conformément à l'article 624 du code de procédure civile à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation qui interviendra sur le premier moyen emportera, par voie de conséquence et en raison du lien de dépendance nécessaire, la censure du chef de l'arrêt ayant rejeté la demande de condamnation de la société DALLADEL au paiement de la somme de 39.791 euros au titre des ajustements du dépôt de garantie en application de la clause d'indexation. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Gauvin.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la demande de la SAS Distribution Casino France de voir déclarer non écrite la clause d'indexation du bail commercial ;

Aux motifs que « la question de la recevabilité de la contestation de la clause d'indexation du loyer ne peut pas être fondée en appel des deux jugements respectivement en date du 1er décembre 2015 et du 12 décembre 2017 sur l'autorité de la chose jugée le 1er décembre 2015, alors que l'appel suspensif exclut une autorité de chose jugée de ce jugement déféré à la cour ; que l'article 397 du code de procédure civile stipule que le désistement est exprès ou implicite ; que le désistement implicite ne se présume pas ; que le juge du fond apprécie souverainement la volonté de mettre fin à l'instance par le désistement ; que dans l'espèce, un désistement implicite du preneur de discuter la validité de la clause d'indexation du loyer n'est pas suffisamment établi par l'indication dans des écritures devant le juge des loyers commerciaux qu'il s'en rapporte sur l'application de la clause pour le calcul du montant du loyer, ni par l'absence dans le dispositif des premières écritures d'appel de la prétention de déclarer la clause non écrite, alors que la volonté de désistement n'est expressément mentionnée dans aucun dispositif des écritures successives du preneur, et que la prétention est au contraire clairement mentionnée dans le dispositif des dernières écritures, seules de nature à déterminer les prétentions soumises à la cour ; que le bailleur demande également de constater la tardiveté de la demande, en invoquant comma motif la prescription par cinq ans d'une demande à caractère personnel en application de l'article 2224 du Code civil ; que cependant, la clause contractuelle réputée non écrite est censée n'avoir jamais existé, de sorte que la contestation de sa validité ne peut pas être soumise à une prescription particulière ; que la clause contractuelle d'indexation du loyer prévoit un ajustement pour chaque période annuelle au 1er janvier en fonction de la variation en plus an moins de l'indice du cout de la construction, et énonce particulièrement : « la valeur de l'indice de base sera celle du 2e trimestre 2005 ; les indices de comparaison seront relevés avec une périodicité annuelle ; la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base ; » ; que l'article L. 145-15 du code de commerce stipule que son réputé non écrites, les clauses, stipulations, qui ont pour effet de faire échec aux dispositions (notamment) dc l'article L 145-39 qui prévoit une révision chaque fois que le jeu de la clause d'échelle mobile entraine une augmentation ou une diminution de plus d'un quart ; que l'article L. 112-1 du code monétaire et financier dispose qu'est réputée non écrite la clause prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à 1a durée s'écoulant entre chaque révision ; il en résulte, d'une part que l'interdiction de ramener le loyer à un montant inférieur au loyer de base fait échec aux dispositions de l'article L. 145-39 du code de commerce qui n'autorise pas de fixer un plancher à l'application de la clause d‘échelle mobile, d'autre part que l'ajustement au 1er janvier de chaque année caractérise pour la première échéance du 1er janvier 2006, seulement quatre mois après le début du bail le 31 août 2005, 1a prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée écoulée au moment de cette première révision ; que concernant le plancher à l'application de la clause d'échelle mobile, le bailleur oppose que les dispositions de l'article L. 145-15 du code de commerce relèvent d'une loi du 18 juin 2014 postérieure à 1a conclusion du bail, qui ne lui est donc pas applicable ; que cependant, il n'oppose aucune argumentation au motif du premier juge qui retient que les dispositions s'appliquent aux baux en cours, et à l'argumentation adverse qui appuie cette application immédiate sur une réponse ministérielle du 31 mai 2016 qui affirme la volonté du législateur de régir immédiatement les situations juridiques en cours, ct notamment les baux commerciaux conclus avant l'entrée en vigueur de la loi ; que la cour confirme la pertinence du motif du premier juge pour retenir une application au bail entre les parties des dispositions de la loi ; que le texte de l'article L. 145-15 interdit les clauses ou stipulations contraires à une liberté de variation du loyer y compris à la baisse ; qu'il convient donc de déclarer non écrite uniquement la stipulation contraire qui ne résulte que de la mention particulière « la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base » ; que le preneur n‘est pas fondé à faire déclarer non écrites en application de l‘article L. 145-15 les autres mentions de la clause d‘indexation du loyer, qui ne font pas échec aux dispositions de l'article L. 145-39 du code de commerce ; que preneur ne prétend pas avoir été privé par l'effet de la clause d'échelle mobile d'une diminution de loyer au-delà du plancher de la clause désormais non écrite ; que concernant la conformité avec 16 code monétaire et financier, la com observe que le texte répute non écrite une clause prévoyant la prise en compte de la distorsion de la période de référence, ce qui dans la clause en litige ne pourrait concerner que l'application de la première échéance de révision le 1er janvier 2006, alors que cette révision n'a jamais été appliquée ni revendiquée ; que la clause en litige ne prévoit effectivement la prise en compte d'une distorsion que pour une première échéance de révision qui n'a pas été mise en oeuvre, les dispositions précises de la clause étant par ailleurs parfaitement exclusives de toute distorsion pour l'avenir, par la mention notamment : « les indices de comparaison successifs seront séparés les uns des autres par une période de variation d'un an » ; qu'il en résulte que le preneur n'est pas fondé à prétendre faire déclarer non écrite la clause d'indexation du loyer, à l'exception de la seule mention : « la présente clause d 'échelle mobile me saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base » (arrêt p. 8 à 10).

Et aux motifs éventuellement adoptés que « sur la demande tendant à voir déclarer non écrite la clause relative au dépôt de garantie ; que la règle nouvelle relative aux demandes tendant à voir constater qu'une clause est réputée non écrite, issue de la loi n°2014-628 du 18 juin 2014, s'applique aux baux conclus avant l'entrée en vigueur de ladite loi ; qu'aussi aucun délai de prescription ne peut-il être invoqué par la SCI DALLADEL ; que la demande de la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE relative à la clause de dépôt de garantie est donc recevable » (jugement du 12 décembre 2017, p. 8)

1) Alors que la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ; qu'en l'absence de dispositions transitoires expresses, une loi nouvelle ne peut avoir d'effet sur une situation contractuelle passée ; qu'en retenant néanmoins que la loi n° 2014-628 du 18 juin 2014 s'appliquait aux baux conclus antérieurement à son entrée en vigueur, la cour d'appel, qui a conféré à la loi un effet rétroactif, a violé l'article 2 du code civil ;

2) Alors qu'une loi, même rétroactive, ne peut revenir sur une situation juridique définitivement acquise ; que, sauf volonté contraire expressément affirmée par le législateur, la loi qui modifie le délai d'une prescription n'a point d'effet sur la prescription définitivement acquise ; que, néanmoins, la cour d'appel a estimé que l'action tendant à faire réputer non-écrite la clause était recevable au motif que la clause contractuelle réputée non-écrite est censée n'avoir jamais existé, de sorte que la contestation de sa validité ne peut pas être soumise à une prescription particulière ; qu'en statuant ainsi, alors que la loi n° 2014-628 du 18 juin 2014, qui a substitué la sanction du réputé non-écrit à celle de la nullité, ne pouvait avoir d'effet sur la prescription de l'action antérieurement acquise, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ;

3) alors, en tout état de cause, que la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ; qu'elle ne peut, par exception, produire un effet pour le passé que si cette rétroactivité est justifiée par un motif impérieux d'intérêt général ; que retenant que la loi n° 2014-628 du 18 juin 2014 était applicable au contrat de bail litigieux, conclu en 2005, sans procéder à la recherche nécessaire d'un motif impérieux d'intérêt général, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 du code civil, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentaux ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-23183
Date de la décision : 08/04/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 25 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 08 avr. 2021, pourvoi n°19-23183


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.23183
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