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08/04/2021 | FRANCE | N°19-20385

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 avril 2021, 19-20385


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 avril 2021

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 444 F-D

Pourvoi n° A 19-20.385

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 AVRIL 2021

La société Eurovia Provence Alpes Côte d'Azur, socié

té par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Eurovia Méditerranée, a formé le pourvoi n° A 19-20.385 c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 avril 2021

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 444 F-D

Pourvoi n° A 19-20.385

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 AVRIL 2021

La société Eurovia Provence Alpes Côte d'Azur, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Eurovia Méditerranée, a formé le pourvoi n° A 19-20.385 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'opposant à M. H... W..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

M. W... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Eurovia Provence Alpes Côte d'Azur, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. W..., et après débats en l'audience publique du 17 février 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mai 2019), M. W... a été engagé en qualité de chef de chantier routier par la société Eurovia Méditerranée devenue société Eurovia Provence Alpes Côte d'Azur (la société) suivant contrat à durée indéterminée du 22 février 2008.

2. Le 25 janvier 2013, il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire et d'indemnités.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi incident du salarié, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal de l'employeur

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le protocole d'accord du 26 novembre 2001 inopposable au salarié, de le condamner à payer diverses sommes à titre de rappel de salaires sur les heures supplémentaires, outre congés payés afférents, de dire qu'il devra délivrer, sous astreinte, un bulletin de salaire récapitulatif et de le condamner au paiement d'une indemnité de procédure, outre les dépens, alors :

« 1°/ que l'article 4 de l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 26 novembre 2001 dispose que " la programmation peut être révisée en cours de période sous réserve que les salariés concernés soient prévenus du changement d'horaire au minimum cinq jours calendaires à l'avance sauf contraintes ou circonstances particulières affectant de manière non prévisible le fonctionnement de l'entreprise et avec l'accord de l'intéressé (
). Les horaires de travail sont fixés au plus tard le jeudi précédant la semaine concernée. Le comité d'entreprise est informé de ce ou de ces changements d'horaire et des raisons qui l'ont ou les ont justifiés. Les salariés auront le choix de la prise de cinq jours de modulation (continus ou non) soit l'équivalent d'une sixième semaine de congés payés légaux (sauf accord du chef d'entreprise (
) " ; qu'en jugeant que le choix laissé aux salariés de la prise de ces jours de modulation est la contrepartie de la modulation elle-même, et non des changements d'horaires, la cour d'appel a violé l'article 4 de l'accord du 26 novembre 2001 ;

2°/ que si l'article L. 3122-13 du code du travail dans sa rédaction alors applicable imposait à l'employeur de communiquer au moins une fois par an au comité d'entreprise un bilan de l'application de la modulation, nulle disposition n'exigeait que cette obligation figure dans l'accord ; qu'en jugeant qu'à défaut pour l'accord du 26 novembre 2001 de prévoir une telle communication au comité d'entreprise, celui-ci ne répondait pas aux exigences légales, la cour d'appel a violé l'article L. 3122-13 du code du travail ;

3°/ que l'article 4 de l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 26 novembre 2001 dispose que " la modulation est établie après consultation du comité d'entreprise selon une programmation indicative communiquée aux salariés concernés, avant le début de chaque période de modulation. Cette consultation des représentants du personnel au moins quinze jours avant le début de ladite période " ; que le fait, pour l'employeur, de ne pas communiquer aux salariés le programme indicatif de la modulation ne saurait, à lui seul, priver d'effet l'accord de modulation dès lors que l'employeur a consulté le comité d'entreprise ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 4 de l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 26 novembre 2001 ;

4°/ que le seul fait pour l'employeur de ne pas respecter le délai de quinze jours pour consulter le comité d'entreprise ne saurait, à lui seul, priver d'effet l'accord de modulation dès lors que l'employeur a consulté le comité d'entreprise ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 4 de l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 26 novembre 2001 ;

5°/ que l'article 4 de l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 26 novembre 2001 dispose que " la programmation peut être révisée en cours de période sous réserve que les salariés concernés soient prévenus du changement d'horaire au minimum cinq jours calendaires à l'avance sauf contraintes ou circonstances particulières affectant de manière non prévisible le fonctionnement de l'entreprise et avec l'accord de l'intéressé (
). Les horaires de travail sont fixés au plus tard le jeudi précédant la semaine concernée. Le comité d'entreprise est informé de ce ou de ces changements d'horaire et des raisons qui l'ont ou les ont justifiés" ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir prévenu le salarié des changements de ses horaires de travail dans le délai de sept jours avant la date à laquelle ce changement devait intervenir ni avoir consulté comité d'établissement sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 4 de l'accord précité. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 20, V, de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, les accords conclus en application de l'article L. 3122-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la publication de cette loi restent en vigueur. Il en résulte que l'appréciation de l'opposabilité d'un de ces accords aux salariés concernés s'apprécie, notamment, au regard de la conformité de celui-ci aux dispositions de l'article L. 3122-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi susvisée.

6. La cour d'appel a constaté qu'en application d'un protocole d'accord conclu le 26 novembre 2001, l'employeur avait mis en place au sein de l'entreprise un dispositif de modulation du temps de travail par lequel la durée hebdomadaire de travail variait sur l'ensemble de l'année de façon à ce que les semaines de haute activité fussent compensées par les semaines de moindre activité.

7. Puis elle a énoncé, à bon droit, qu'en application des textes susvisés, les salariés doivent être prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai de sept jours ouvrés au moins avant la date à laquelle ce changement doit intervenir, que ce délai peut être réduit dans des conditions fixées par la convention ou l'accord collectif lorsque les caractéristiques particulières de l'activité, précisées dans l'accord, le justifient et que des contreparties au bénéfice des salariés doivent alors être prévues dans la convention ou l'accord.

8. Or elle a relevé que l'article 4 du protocole d'accord prévoit que « la programmation peut être révisée en cours de période sous réserve que les salariés concernés soient prévenus du changement d'horaire au minimum cinq jours calendaires à l'avance » et retenu justement que les contreparties à la réduction du délai de prévenance ne pouvaient pas être constituées par la mise en place d'une prime de flexibilité prévue par l'article 10 de l'accord ni par le choix laissé aux salariés de la prise de cinq jours de modulation, l'accord démontrant que les mesures prises en faveur des salariés étaient la contrepartie de la modulation elle-même.

9. Elle en a exactement déduit que le protocole d'accord ne répondait pas aux exigences légales sur ce point et, abstraction faite de motifs surabondants critiqués par le moyen pris en ses deuxième à cinquième branches, jugé que le salarié était bien fondé à demander qu'il lui fût déclaré inopposable et à prétendre au paiement d'heures supplémentaires décomptées sur la base de 35 heures hebdomadaires pour la période non atteinte par la prescription.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi incident du salarié

Enoncé du moyen

11. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à voir son employeur condamné à le rétablir dans son déroulement normal de carrière avec la qualification de chef de chantier niveau E, alors « que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu et que les dispositions des articles L. 2141-5 à L. 2141-8 du code du travail ne font pas obstacle à ce que le juge ordonne le reclassement d'un salarié victime d'une discrimination prohibée ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle eût constaté que le salarié avait été victime d'une discrimination syndicale ayant eu des incidences sur sa carrière qui n'avait pas subi la moindre évolution depuis son embauche en 2008, ce dernier étant resté positionné au niveau D, a néanmoins, pour le débouter de sa demande en reclassement au niveau E, énoncé que rien ne permettait de vérifier qu'il pourrait prétendre au niveau revendiqué, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire que le salarié était en droit de se voir reclasser à un poste de qualification supérieur, violant ainsi les articles susvisés, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. »

Réponse de la Cour

12. Ayant constaté que rien ne permettait de vérifier que le salarié pourrait prétendre au niveau E qu'il revendiquait, la cour d'appel a souverainement retenu que compte tenu des circonstances de la discrimination subie, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'elle avait eues pour l'intéressé telles qu'elles ressortaient des pièces et des explications fournies, le préjudice en résultant serait réparé par l'allocation d'une somme à titre de dommages-intérêts dont elle a souverainement fixé le montant.

13. Le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause cette appréciation souveraine, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Eurovia Provence Alpes Côte d'Azur aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Eurovia Provence Alpes Côte d'Azur et la condamne à payer à M. W... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Eurovia Provence Alpes Côte d'Azur

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le protocole d'accord sur la Réduction et l'Aménagement du Temps de Travail conclu le 26 novembre 2001 inopposable au salarié, d'AVOIR en conséquence condamné la société EUROVIA PROVENCE ALPES COTE D'AZUR à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaires sur les heures supplémentaires effectuées au titre de la période du 1 er janvier 2008 au 31 décembre 2018 et au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante, avec intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2013 sur 12 500,00 euros et à compter du 11 mars 2019 sur le surplus, d'AVOIR dit que la SAS EUROVIA PROVENCE ALPES COTE D'AZUR doit délivrer au salarié un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt, cette remise devant intervenir dans le délai de quinze jours suivant le présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 50,00 euros par jour de retard, et d'AVOIR condamné la société à verser au salarié une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

AUX MOTIFS QUE « Il ressort des pièces produites qu'en application d'un protocole d'accord conclu le 26 novembre 2001, l'employeur a mis en place au sein de l'entreprise un dispositif de modulation du temps de travail par lequel la durée hebdomadaire de travail varie sur l'ensemble de l'année de façon à ce que les semaines de haute activité soient compensées par les semaines de moindre activité.
Dans la mesure où ce mode d'organisation déroge aux règles légales de décompte des heures supplémentaires et entraîne pour les salariés une modification du mode de détermination des heures supplémentaires constituant une modification du contrat de travail, l'instauration d'une organisation du travail prévoyant que la durée hebdomadaire du travail varie sur l'année requérait l'accord exprès de chacun des salariés auxquels elle devait être appliquée.
Il est vrai que l'article 45 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 insère dans le code du travail l'article L. 3122-6, selon lequel la mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail, mais ce texte, qui, modifiant l'état du droit existant, n'a ni caractère interprétatif, ni effet rétroactif, n'est applicable qu'aux décisions de mise en oeuvre effective de la modulation du temps de travail prises après publication de ladite loi.
En l'espèce, comme l'employeur a mis en oeuvre la modulation du temps de travail avant l'entrée en vigueur de la loi du 22 mars 2012 susvisée, cette décision constituait une modification du contrat de travail nécessitant l'accord exprès des salariés concernés. Le salarié ne conteste pas avoir donné son accord mais invoque seulement le non-respect des dispositions applicables.
En application des articles L 3122-9 et suivants du code du travail, dans leur rédaction applicable au cas d'espèce, une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas en moyenne trente-cinq heures par semaine travaillée et, en tout état de cause, le plafond de 1 607 heures au cours de l'année.
Dans ce cadre, constituent des heures supplémentaires, les heures effectuées au-delà de la durée maximale hebdomadaire fixée par la convention ou l'accord, ainsi que, à l'exclusion de ces dernières, les heures effectuées au-delà de la durée moyenne annuelle calculée sur la base de la durée légale et, en tout état de cause, de 1 607 heures.
Les conventions et accords définis par ces dispositions doivent fixer le programme indicatif de la répartition de la durée du travail. Ce programme de la modulation doit être soumis par l'employeur pour avis avant sa mise en oeuvre au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel. Le chef d'entreprise doit communiquer au moins une fois par an au comité d'entreprise, ou, à défaut, aux délégués du personnel, un bilan de l'application de la modulation.
Les salariés doivent être prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai de sept jours ouvrés au moins avant la date à laquelle ce changement doit intervenir. Ce délai peut être réduit dans des conditions fixées par la convention ou l'accord collectif lorsque les caractéristiques particulières de l'activité, précisées dans l'accord, le justifient. Des contreparties au bénéfice du salarié doivent alors être prévues dans la convention ou l'accord. Les modifications du programme de la modulation font l'objet d'une consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
S'il est vrai, ainsi que le souligne l'employeur, que les dispositions des articles L 3122-9 et suivants du code du travail ont été abrogées par la loi n02008-789 du 20 août 2008, cette même loi précise que les stipulations des accords collectifs conclus, notamment, sur le fondement de ces textes restent en vigueur sans limitation de durée. Toutes les clauses de ces accords relatifs à la modulation continuent donc à s'appliquer dans les conditions prévues par ces accords et par la législation antérieure applicable à ces accords.
En l'espèce, il ressort du protocole d'accord sur la Réduction et l'Aménagement du Temps de Travail conclu le 26 novembre 2001 qui instaure et organise le principe de la modulation du temps de travail au sein de l'entreprise que l'horaire hebdomadaire de travail peut varier autour de l'horaire moyen hebdomadaire de 35 heures dans le cadre d'une période de 12 mois consécutifs (du 1er janvier au 31 décembre) de telle sorte que les heures effectuées au-delà et en deçà de cet horaire moyen se compensent arithmétiquement. Le tunnel de modulation permet de faire varier la durée hebdomadaire de travail entre 0 et 46 heures sans que les heures effectuées au-delà de 35 heures ne soient qualifiées d'heures supplémentaires, à condition que le total des heures effectuées annuellement ne dépasse par 1607 heures.
L'article 4 prévoit que "la modulation est établie après consultation du comité d'entreprise selon une programmation indicative communiquée aux salariés concernés, avant le début de chaque période de modulation". il précise que "cette consultation des représentants du personnel a lieu au moins 15 jours avant le début de ladite période".
Ce même article dispose que "la programmation peut être révisée en cours de période sous réserve que les salariés concernés soient prévenus du changement d'horaire au minimum 5 jours calendaires à l'avance (..). le comité d'entreprise est informé de ce ou de ces changements d'horaire et des raisons qui l'ont ou les ont justifiés".
Le salarié fait valoir que cet accord ne respecte pas les dispositions légales en ce qu'il ne précise pas les contreparties dont les salariés doivent bénéficier du fait de la réduction du délai de prévenance et ne prévoit pas la communication au comité d'entreprise du bilan d'application sur la modulation.
L'employeur ne saurait valablement soutenir que les contreparties à la réduction du délai de prévenance seraient constituées par la mise en place d'une prime de flexibilité prévue par l'article 10 de l'accord et par le choix laissé aux salariés de la prise de 7 jours de modulation soit l'équivalent d'une sixième semaine de congés payés, les termes de l'accord démontrant sans ambiguïté possible que ces mesures prises en faveur des salariés sont la contrepartie de la modulation elle-même.
S'agissant de la communication au comité d'entreprise du bilan d'application sur la modulation, la disposition de l'accord, mentionnée au Titre 4, selon laquelle un bilan est transmis, en fin de période, aux organisations syndicales signataires concernant les emplois créés, l'égalité professionnelle, le travail à temps partiel, la rémunération et la formation, ne saurait tenir lieu de la communication exigée par la loi au comité d'entreprise qui doit porter sur la mise en oeuvre du programme indicatif de la variation de la durée du travail.
En l'absence de tout autre élément, il est ainsi suffisamment établi que le protocole d'accord ne répond pas aux exigences légales sur les deux points soulevés par le salarié »

1/ ALORS QUE l'article 4 de l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 26 novembre 2001 dispose que « la programmation peut être révisée en cours de période sous réserve que les salariés concernés soient prévenus du changement d'horaire au minimum 5 jours calendaires à l'avance sauf contraintes ou circonstances particulières affectant de manière non prévisible le fonctionnement de l'entreprise et avec l'accord de l'intéressé (
). Les horaires de travail sont fixés au plus tard le jeudi précédant la semaine concernée. Le comité d'entreprise est informé de ce ou de ces changements d'horaire et des raisons qui l'ont ou les ont justifiés. Les salariés auront le choix de la prise de 5 jours de modulation (continus ou non) soit l'équivalent d'une sixième semaine de congés payés légaux (sauf accord du chef d'entreprise (
) » ; qu'en jugeant que le choix laissé aux salariés de la prise de ces jours de modulation est la contrepartie de la modulation elle-même, et non des changements d'horaires, la cour d'appel a violé l'article 4 de l'accord du 26 novembre 2001 ;

2/ ALORS QUE si l'article L 3122-13 du code du travail dans sa rédaction alors applicable imposait à l'employeur de communiquer au moins une fois par an au comité d'entreprise un bilan de l'application de la modulation, nulle disposition n'exigeait que cette obligation figure dans l'accord; qu'en jugeant qu'à défaut pour l'accord du 26 novembre 2001 de prévoir une telle communication au comité d'entreprise, celui-ci ne répondait pas aux exigences légales, la cour d'appel a violé l'article L 3122-13 du code du travail ;

ET AUX MOTIFS QUE « Il ressort, par ailleurs, des dispositions légales applicables que l'information préalable des salariés constitue une modalité obligatoire de la mise en oeuvre de la modulation sans laquelle son application ne peut être imposée, la modulation instaurant une modification de la répartition des horaires de travail au cours de l'année et ayant pour effet de faire varier la durée du travail d'une semaine sur l'autre.
Le salarié reproche ainsi à l'employeur de ne pas avoir respecté les obligations mises charge par l'accord d'entreprise et par la loi en ce qu'il ne démontre pas avoir informé les salariés le programme indicatif de modulation, ni avoir informé et consulté le comité d'établissement sur programme, ni l'avoir informé et consulté sur les changements d'horaires et sur les motifs ayant justifié les changements de planning. il reproche, en outre, à l'employeur de ne pas avoir transmis au comité d'établissement le bilan d'application de la modulation en fin de période.
A l'appui de ses dires, il produit le compte rendu de la réunion du comité d'établissement du 27 novembre 2015 au cours de laquelle il a été reproché à l'employeur le non-respect des dispositions légales et conventionnelles concernant la fixation des périodes hautes et basses de modulation, le délai de prévenance, l'avis du comité d'établissement préalable à chaque période de modulation, l'information au comité d'établissement sur les modifications de plannings. Aux termes de ce compte rendu, l'employeur a admis que le planning indicatif donné au comité d'établissement en début d'année n'est qu'un "document papier" qu'il ne peut appliquer au vu des contraintes qui lui sont imposées par la réalité du métier.
L'employeur ne saurait valablement soutenir avoir rempli son obligation d'information du salarié en produisant les bulletins de salaire du salarié correspondant au mois de décembre de chaque année. Si ces bulletins comportent en annexe un "compteur des annualisés" faisant figurer les heures de travail exécutées au cours de l'année écoulée, un tel décompte ne peut tenir lieu d'information sur le programme indicatif de modulation laquelle doit être préalable à la période de modulation en application de l'accord de 2001. La société EUROVIA verse aux débats des tableaux établis pour chaque année intitulés "modulation d'horaires par équipe à 1607 heures" mais, outre que ces documents ne sont pas nominatifs, rien ne permet de vérifier qu'ils auraient été communiqués à l'intéressé avant le début de chaque période de modulation.
L'employeur verse aux débats les comptes rendus des réunions annuelles du comité d'établissement pour les années 2010 à 2016 au cours desquelles les membres du comité ont reçu une information sur la programmation indicative de la modulation mais il en ressort que cette information a toujours été donnée (sauf en 2017 et en 2018) dans un délai inférieur à celui prévu par l'accord de 2001 (15 jours avant le début de la période de modulation). Quelques fois, cette information n'a été donnée qu'au cours du mois de janvier de l'année en cours.
L'employeur ne démontre pas davantage avoir prévenu le salarié des changements de ses horaires de travail dans le délai de sept jours avant la date à laquelle ce changement devait intervenir ni avoir consulté comité d'établissement sur ce point, se bornant à soutenir que les changements d'horaires auraient toujours été dictés dans l'intérêt de l'entreprise, ce qui ne répond pas aux exigences de l'accord de 2001.
Dans la mesure où, au cours de la période considérée, l'employeur n'a pas respecté les dispositions légales et conventionnelles applicables en matière de modulation, notamment en ce qui concerne l'information en temps utile du salarié sur le programme indicatif annuel de la répartition de la durée du travail, les changements d'horaires ainsi que la consultation dans les délais prévus des institutions représentatives du personnel sur la programmation et les changements d'horaires, le salarié est bien fondé à demander que l'accord de modulation lui soit déclaré inopposable et à prétendre au paiement d'heures supplémentaires décomptées sur la base de 35 heures hebdomadaires pour la période non atteinte par la prescription.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses prétentions à ce titre »

3/ ALORS QUE l'article 4 de l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 26 novembre 2001 dispose que « la modulation est établie après consultation du comité d'entreprise selon une programmation indicative communiquée aux salariés concernés, avant le début de chaque période de modulation. Cette consultation des représentants du personnel au moins 15 jours avant le début de ladite période »; que le fait, pour l'employeur, de ne pas communiquer aux salariés le programme indicatif de la modulation ne saurait, à lui seul, priver d'effet l'accord de modulation dès lors que l'employeur a consulté le comité d'entreprise; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 4 de l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 26 novembre 2001;

4/ ALORS QUE le seul fait pour l'employeur de ne pas respecter le délai de 15 jours pour consulter le comité d'entreprise ne saurait, à lui seul, priver d'effet l'accord de modulation dès lors que l'employeur a consulté le comité d'entreprise; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 4 de l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 26 novembre 2001;

5/ ALORS QUE l'article 4 de l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 26 novembre 2001 dispose que « la programmation peut être révisée en cours de période sous réserve que les salariés concernés soient prévenus du changement d'horaire au minimum 5 jours calendaires à l'avance sauf contraintes ou circonstances particulières affectant de manière non prévisible le fonctionnement de l'entreprise et avec l'accord de l'intéressé (
). Les horaires de travail sont fixés au plus tard le jeudi précédant la semaine concernée. Le comité d'entreprise est informé de ce ou de ces changements d'horaire et des raisons qui l'ont ou les ont justifiés » ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir prévenu le salarié des changements de ses horaires de travail dans le délai de sept jours avant la date à laquelle ce changement devait intervenir ni avoir consulté comité d'établissement sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 4 de l'accord précité. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. W...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. W... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour défaut de communication des pointages personnels quotidiens ;

SANS MOTIF ;

ALORS QUE M. W... soutenait, dans ses écritures d'appel (p. 27 et 33), que la société Eurovia avait engagé sa responsabilité en s'abstenant de lui communiquer ses pointages personnels quotidiens et sollicitait des dommages et intérêts de ce chef ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions déterminantes pour la solution du litige, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. W... de sa demande tendant à voir son employeur condamné à le rétablir dans son déroulement normal de carrière avec la qualification de chef de chantier niveau E ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande au titre de la discrimination syndicale, l'article L. 1132-1 du code du travail interdit toute forme de discrimination à raison des activités syndicales du salarié ; qu'il appartient au salarié qui se plaint d'être victime d'une mesure discriminatoire de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, M. W... fait valoir que, depuis son embauche, il occupe le poste de chef de chantier, niveau D, et qu'il n'a pas évolué alors que, depuis 2014, il est titulaire de plusieurs mandats électifs et désignatifs (membre du comité d'établissement, membre du CHSCT) ; qu'il soutient que plusieurs salariés, dont il cite les noms et dont il a fait sommation à l'employeur de produire les bulletins de salaire, ont bénéficié d'une progression de leur carrière ; qu'il ajoute que, de 2008 à 2011, il a perçu, chaque mois de mars, une prime s'élevant entre 600,00 euros et 1.000,00 euros et que, depuis 2012, cette prime a été réduite, s'élevant désormais à 300,00 euros ; qu'il en justifie par ses bulletins de salaire ; qu'il convient de relever que l'employeur ne conteste pas l'absence d'évolution de carrière de M. W... ; qu'il soutient que 4 des salariés auxquels celui-ci se compare étaient déjà positionnés au niveau E en mars 2008 et qu'un seul, engagé en mars 2005, a connu une évolution de carrière du niveau D au niveau E ; que cependant, ces éléments ne sont pas de nature à expliquer l'absence de toute évolution de carrière de M. W... qui, embauché en 2008, est resté positionné au niveau D ; qu'ils ne sont pas davantage de nature à expliquer la diminution de la prime versée en mars de chaque année ; que l'employeur affirme que cette prime différerait selon les chantiers et selon les affectations des chefs de chantier mais rien ne permet de vérifier ses dires ; qu'il s'ensuit que l'employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par M. W... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la discrimination est, dès lors, établie ; que compte tenu des circonstances de la discrimination subie, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'elle a eu pour le salarié telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice en résultant pour M. W... sera réparé en lui allouant la somme de 2.000,00 euros à titre de dommages-intérêts ; qu'en revanche, rien ne permettant de vérifier que M. W... pourrait prétendre au niveau E qu'il revendique, sa demande à ce titre sera rejetée ;

ALORS QUE la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu et que les dispositions des articles L. 2141-5 à L. 2141-8 du code du travail ne font pas obstacle à ce que le juge ordonne le reclassement d'un salarié victime d'une discrimination prohibée ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que le salarié avait été victime d'une discrimination syndicale ayant eu des incidences sur sa carrière qui n'avait pas subi la moindre évolution depuis son embauche en 2008, ce dernier étant resté positionné au niveau D, a néanmoins, pour débouter l'exposant de sa demande en reclassement au niveau E, énoncé que rien ne permettait de vérifier qu'il pourrait prétendre au niveau revendiqué, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire que le salarié était en droit de se voir reclasser à un poste de qualification supérieur, violant ainsi les articles susvisés, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-20385
Date de la décision : 08/04/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 23 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 avr. 2021, pourvoi n°19-20385


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.20385
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