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01/04/2021 | FRANCE | N°19-25078

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 01 avril 2021, 19-25078


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er avril 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 316 F-D

Pourvoi n° B 19-25.078

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER AVRIL 2021

Mme G... F..., divorcée N..., domiciliée [...] , a form

é le pourvoi n° B 19-25.078 contre l'arrêt rendu le 3 octobre 2019 par la cour d'appel de Nancy (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er avril 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 316 F-D

Pourvoi n° B 19-25.078

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER AVRIL 2021

Mme G... F..., divorcée N..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° B 19-25.078 contre l'arrêt rendu le 3 octobre 2019 par la cour d'appel de Nancy (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. W... J..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme N..., de la SCP Boulloche, avocat de M. J..., après débats en l'audience publique du 2 mars 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 3 octobre 2019), par acte du 25 novembre 1998, Mme G... F... épouse N..., a consenti à M. J... un bail rural de dix-huit ans, expirant le 30 septembre 2016, sur diverses parcelles.

2. Par acte du même jour, M. D... N..., Mme G... N... et leur fils, M. P... N..., ont consenti à M. J... un bail de même durée sur d'autres parcelles.

3. Par acte du 26 mars 2015, Mme N... a signifié un congé au 30 septembre 2016 pour ces deux baux à M. J..., qui a saisi le tribunal pour en obtenir l'annulation.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

5. Mme N... fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du congé et de rejeter ses demandes tendant, d'une part, à ce qu'il soit interdit à M. J..., ainsi qu'à tout exploitant de son chef, de pénétrer dans les terres visées au congé et, d'autre part, à la condamnation du preneur à lui payer une indemnité d'occupation, alors « que pour prétendre au renouvellement de son bail, le preneur doit justifier qu'il est en règle au regard de la législation sur le contrôle des structures, ce que le juge doit vérifier au besoin d'office, et cette condition s'apprécie du chef de la société bénéficiaire de la mise à disposition des terres louées ; qu'en énonçant, pour statuer comme elle l'a fait, que la vérification de cette condition ne doit être effectuée que lorsque l'autorisation d'exploiter est nécessaire et qu'en l'espèce, rien ne venait indiquer que M. J... se trouvait dans une situation nécessitant une autorisation administrative d'exploiter, quand, ayant constaté qu'en cours de bail, M. J... avait mis les terres louées à la disposition du GAEC de Rapré, de sorte qu'elle devait vérifier si ce groupement détenait, si nécessaire, une autorisation administrative d'exploiter, la cour d'appel a violé les articles L. 331-2, L. 411-46, et L. 411-53 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 331-2, L. 411-46 et L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime :

6. Il résulte de ces textes que le renouvellement du bail ne peut être accepté si le preneur n'est pas en règle avec le contrôle des structures et que, lorsque les terres louées sont destinées à être exploitées par une société ou, ont été mises à sa disposition, la nécessité d'obtenir ou non une autorisation d'exploiter s'apprécie du chef de la société.

7. Pour dire que rien ne s'oppose au renouvellement du bail dont bénéficie M. J..., l'arrêt retient que la vérification du fait qu'il est en règle avec le contrôle des structures doit effectivement être effectuée lorsque l'autorisation administrative d'exploiter est nécessaire, mais que toutefois, en l'espèce, rien ne vient indiquer que M. J... se trouve dans une situation nécessitant une autorisation administrative d'exploiter.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si le GAEC de Rapré, pour lequel elle avait constaté que les terres louées avaient été mises à disposition en cours de bail, était en règle avec les obligations du contrôle des structures, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il prononce la nullité du congé en ce qu'il porte sur « des portions de terre » du « bail n° 2 », l'arrêt rendu le 3 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet l'affaire et les parties, sauf sur ce point, dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne M. J... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille vingt et un.

Le conseiller rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour Mme N....

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité du congé délivré le 26 mars 2015 et d'avoir débouté en conséquence Mme N... de ses demandes tendant d'une part, à ce qu'il soit interdit à M. J..., ainsi qu'à tout exploitant de son chef, de pénétrer dans les terres visées au congé et, d'autre part, à la condamnation du preneur à lui payer une indemnité d'occupation ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE

« Le congé délivré par Mme G... N... à M. W... J... comportait deux parties distinctes : le congé sur les parcelles du bail n°1 et le congé sur "les portions de terres" du bail n°2.
(
)
Sur les parcelles du bail n°1
Le congé signifié à M. W... J... par Mme G... N... est motivé par cette dernière dans les termes suivants :
‘‘Ce congé vous est donné au motif qu'en application de l'article L411-53 du code rural et de la pêche maritime, le renouvellement des baux vous est refusé pour :
- non-exploitation personnelle des terres par le fermier,
- mauvaise exploitation des terres louées : pas de fumures, pas de traitement des plantes parasites,
- changement non autorisé de la nature des terres (parcs retournés contrairement aux obligations de l'article L. 411-29).
- clôtures négligées,
- échanges de parcelles non autorisées par la bailleresse ».
En application de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l'espèce, il appartient donc à Mme G... N... de prouver la réalité de cinq faits qu'elle a invoqués pour motiver le non-renouvellement du bail.
1°/ L'exploitation personnelle des terres louées
Le preneur ne peut bénéficier du renouvellement automatique du bail que sous réserve qu'il participe effectivement et personnellement à l'exploitation du fonds.
Mme G... N... soutient qu'il est de "notoriété publique" que M. W... J... n'a plus un état de santé compatible avec la bonne exploitation des terres. A l'appui de cette affirmation, elle se borne à produire la lettre que M. W... J... lui a adressée le 26 août 2012 pour l'informer qu'il avait déposé auprès de l'administration une demande de "cessation laitière pour raison de santé".

Le fait d'arrêter la production laitière pour raison de santé ne prouve nullement que M. W... J... n'est plus en état de participer personnellement et effectivement à l'exploitation des terres louées.
Au contraire, M. W... J... justifie avoir, en 2014, mis les terres affermées à la disposition du GAEC de Rapré, dont MM. M... et L... J... sont les co-gérants, M. W... J... s'étant engagé dans l'acte de mise à disposition à participer effectivement au sein du groupement à l'exploitation des biens mis à disposition. Le respect de cet engagement est établi par des attestations de témoins produites aux débats M. E... F..., agriculteur à [...], M. S... Q..., agriculteur à [...] et M. H... C..., agriculteur à [...], déclarent que MM. M..., L... et W... J... exploitent bien leurs parcelles, et cela sans discontinuité depuis 1998. Ces attestations sont d'autant plus crédibles qu'elles sont rédigées par des agriculteurs et que ceux-ci résident dans le secteur où sont situées les terres affermées. En outre, est produite l'attestation de M. X... T..., technicien de la société Avenir Agi, qui est le conseiller agronomique du GAEC de Rapré et qui déclare que les visites des parcelles, dans le cadre de sa mission de conseil, s'effectuent soit avec M. L... J..., soit avec M. W... J... (ce qui prouve l'implication de ce dernier dans l'exploitation des terres).
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le grief formé par Mme G... N... contre M. W... J... au titre de la non-participation de ce dernier à l'exploitation des terres données en en location n'est pas établi. M. W... J... prouve au contraire son implication personnelle et effective dans l'exploitation des terres. Il n'y a donc pas lieu à mesure d'instruction sur les capacités physiques de M. W... J... ou sur son statut à l'égard de la MSA (M. W... J... prouvant d'ailleurs être affilié à cet organisme de sécurité sociale en qualité de "membre de société agricole non salarié").

2°/ Le retournement des prairies
M. W... J... ne conteste pas avoir retourné une prairie pour la mettre en culture. Il n'établit pas pour autant avoir respecté la procédure prévue par l'article L. 411-29 du code rural et de la pêche maritime avant de procéder à ce changement de culture.
Toutefois, le changement de culture sans l'autorisation du bailleur ne constitue pas en soi un motif de non-renouvellement du bail, d'autant que Mme G... N... n'établit pas en quoi ce changement de culture aurait entraîné une dégradation du fonds.
Ce motif ne peut donc être valablement retenu pour justifier le non-renouvellement du bail.
3°/ La mauvaise exploitation du fonds et le défaut d'entretien des clôtures
Le non-renouvellement du bail est encouru lorsque les agissements du preneur sont de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.
En l'occurrence, Mme G... N... invoque, pour justifier son grief de "culture défaillante", le rapport établi non contradictoirement par M. V... I..., expert foncier et agricole, qui a examiné depuis la voie publique des parcelles que Mme G... N... lui a présentées comme données en location à M. W... J.... Selon Mme G... N..., ce rapport mettrait en évidence des "manquements" imputables à M. W... J... : "blé clairsemé, beaucoup de mauvaises herbes, manques (sic), présence d'avoine folle dans le blé". Or, les clichés photographiques incorporés au rapport de M. I... ne montrent au contraire qu'une seule parcelle recouverte de mauvaises herbes : celle qui sert de support non pas à une culture de blé, mais d'assiette à un hangar. Concernant les autres parcelles, autant que les clichés photographiques permettent d'en juger, elles présentent une belle homogénéité culturale et ne montrent aucun défaut de conduite agronomique susceptible de caractériser des "agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds". Au surplus, M. W... J... produit aux débats de nombreuses factures de la société Avenir Agro qui démontrent les fonds investis dans les engrais et intrants pour l'entretien de ses parcelles agricoles.
Mme G... N... incrimine encore le défaut d'entretien des clôtures et ne produit qu'un seul élément y faisant référence : le rapport de M. I... qui évoque une clôture en très mauvais état le long de la parcelle de [...]. Mais Mme G... N... ne justifie pas que cette clôture était en bon état lorsqu'elle a donné cette parcelle en location à M. W... J.... En outre, le mauvais état de cette unique clôture ne saurait justifier à lui seul le non-renouvellement d'un bail qui porte sur plus de quarante hectares répartis sur de multiples parcelles.
L'inanité des critiques formées sur la mauvaise exploitation du fonds ne justifie pas une mesure d'expertise avant dire droit qui ne serait que le moyen de suppléer la carence de Mme G... N... dans l'administration de la preuve.
4°/ Les échanges de parcelles non autorisés
Mme G... N... a invoqué ce motif dans son congé, mais elle ne donne pas la moindre explication à ce sujet. Notamment, elle ne produit aucune pièce pour justifier de la réalité des échanges allégués.
Enfin, Mme G... N... invoque le fait qu'il appartiendrait à la cour de vérifier si M. W... J... est en règle avec le contrôle des structures. Cette vérification doit effectivement être effectuée lorsque l'autorisation administrative d'exploiter est nécessaire. Toutefois, en l'espèce, rien ne vient indiquer que M. W... J... se trouve dans une situation nécessitant une autorisation administrative d'exploiter.
Par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de constater que les motifs du congé ne sont pas valables, que le congé doit être annulé, sans que rien ne justifie que soient ordonnées les mesures avant dire droit sollicitées par Mme G... N... et que rien ne vienne s'opposer au renouvellement du bail dont bénéficie M. W... J.... Le jugement déféré sera donc confirmé sur tous ces points.
Le bail étant renouvelé, les demandes en paiement d'indemnités d'occupation formées par Mme G... N... sont dépourvues d'objet. Le jugement déféré sera également confirmé à cet égard » (arrêt p. 5 à p. 10) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la demande d'annulation du congé
La demande d'annulation du congé ayant été formée dans le délai de quatre mois, elle est recevable.
Pour conclure à la nullité du congé délivré, M. J... présente différents moyens à titre principal et, à titre subsidiaire, des moyens relatifs aux motifs du congé.
(
)
Sur les moyens présentés à titre subsidiaire portant sur les motifs du congé Le congé précisait être donné au motif que, en application de l'article L.411-53 du code rural et de la pêche maritime, le renouvellement des baux était refusé pour :
- non-exploitation personnelle des terres par le fermier,
-mauvaise exploitation des terres louées: pas de fumures, pas de traitement des plantes parasites,
- changement non autorisé de la nature des terres (parcs retournés contrairement aux obligations de l'article L.411-29).
- clôtures négligées,
- échanges de parcelles non autorisés par la bailleresse.
M. J... fait valoir que Mme N... ne démontre ni la réalité, ni la gravité des griefs qu'elle formule, le congé étant de ce fait nul en raison de son absence de motivation sérieuse.
En ce qui concerne l'absence d'exploitation personnelle des terres par le preneur, Mme N... prétend qu'il serait "de notoriété publique" que M. J... "n'a plus un état de santé compatible avec la bonne exploitation des biens loués" et qu'il avait demandé pour ce motif la "cessation laitière" en 2012.
Cependant, il est tout d'abord relevé que les deux contrats de bail du 25 novembre 1998 prévoient expressément (chacun en page 11) que le bailleur autorise le preneur à mettre les biens loués à la disposition du GAEC de Rapre.
En outre, il ne peut qu'être constaté que Mme N... ne produit aucune pièce et en particulier aucun courrier qu'elle aurait adressé à M. J..., qui établirait son désaccord à ce sujet.
Enfin, le fait que les terres soient exploitées par le GAEC de Rapre ne signifie pas pour autant que M. J... ne participe pas personnellement à cette exploitation. Ainsi, M. J... pourrait participer à cette exploitation en réalisant des tâches non pénibles, adaptées le cas échéant à l'état de santé allégué par la défenderesse. Mme N... ne rapporte aucunement la preuve de l'absence de toute exploitation personnelle par M. J....
Etant rappelé que, en vertu des dispositions du second alinéa de l'article 146 du code de procédure civile, « En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve", Mme N... sera déboutée de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à M. J... de produire tout document utile relatif à sa situation administrative au regard de sa capacité physique à exploiter, et à la MSA de Lorraine de préciser le statut de M. J....
S'agissant du motif tenant à la mauvaise exploitation des terres louées (absence de fumures et de traitement des plantes parasites) et à l'absence d'entretien des clôtures, Mme N... produit en pièce n° 8 ce qu'elle désigne comme un « rapport de constat » réalisé par un expert agricole qui, selon elle, établirait que les parcelles ne sont pas cultivées de façon conforme aux règles de l'art et que les bâtiments sont laissés à l'abandon.
Cependant, il est tout d'abord souligné que ce document, contrairement aux termes employés par la défenderesse dans son bordereau de pièces, n'est ni un rapport d'expertise, ni un procès-verbal de constat d'huissier. En effet, l'expert foncier et agricole qui l'a rédigé le décrit quant à lui comme un "compte rendu de visite". Surtout, le caractère probant de ce document est remis en cause par sa réalisation non contradictoire. Ce compte rendu indique en effet que son rédacteur a fait ses observations à la demande de Mme N... en étant accompagné de celle-ci. Ce compte rendu ne précise aucunement que M. J... aurait été présent, ni même invité à participer à cette visite, ce que Mme N... n'allègue pas. Pourtant, cette dernière aurait pu faire procéder à une expertise privée en présence de M. J..., ou encore faire intervenir un huissier de justice afin de procéder à des constatations de manière contradictoire. Etant rappelé que selon l'article 146 du code de procédure civile, une mesure d'instruction ne saurait être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, Mme N... sera nécessairement déboutée dc sa demande subsidiaire tendant à ce que soit ordonnée une expertise contradictoire portant sur la qualité dc l'exploitation et sur la dégradation des lieux loués.
Etant ajouté que M. J... produit de nombreuses pièces se rapportant à l'exploitation et à l'entretien des lieux loués (plans d'épandages et attestations, notamment de M. X... T... relative au désherbage et aux fumures), ce motif sera également écarté.
Concernant le changement de la nature des terres, Mme N... expose que les parcelles, louées en nature de prairie, ont été retournées à son insu.
M. J... rétorque à juste titre que la transformation de prés en terres représente une plus- value pour le bailleur. M. J... ajoute que la défenderesse le savait parfaitement et qu'elle ne s'y est pas opposée. Il ne peut en effet qu'être constaté que Mme N... ne produit aucune pièce, et en particulier aucun courrier qu'elle aurait adressé à son preneur, dans lequel elle aurait contesté cet état de fait. Ce motif ne peut donc pas être retenu.
Enfin, s'agissant des échanges de parcelles non autorisés par la bailleresse, force est de constater que Mme N... n'explicite aucunement ce reproche dans ses conclusions, ni ne le prouve par les pièces qu'elle produit. Ce motif ne sera donc pas davantage retenu.
Compte tenu des développements qui précèdent, il y a lieu de prononcer la nullité du congé signifié à M. J... à la demande de Mme N... par acte d'huissier en date du 26 mars 2015.
Mme N... sera donc déboutée de sa demande tendant à ce qu'il soit interdit à M. J..., ainsi qu'à tout exploitant de son chef de pénétrer dans les terres visées au congé, ainsi que de sa demande de condamnation de M. J... à lui payer une indemnité d'occupation » (jugement p. 4 à p.7) ;

1°) ALORS QUE justifie le refus de renouvellement du bail le retournement des terres affermées effectué sans autorisation du bailleur, lorsqu'il compromet la bonne exploitation du fonds ; qu'ayant constaté que M. J... ne contestait pas avoir retourné une prairie pour la mettre en culture et n'établissait pas avoir respecté la procédure prévue par l'article L. 411-29 du code rural et de la pêche maritime avant de procéder à ce changement, la cour d'appel, qui a énoncé que la bailleresse n'établissait pas en quoi ce changement de culture aurait entraîné une dégradation du fonds sans examiner les observations écrites de l'expert foncier mandaté par la bailleresse, M. I..., qui relevait dans son compte-rendu du 29 juillet 2015 les faits attestant d'une mauvaise exploitation des parcelles cultivées, ce dont résultait bien la compromission fonds, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 411-29, L. 411-31, L. 411-46 et L. 411-53 du code rural et de la pêche maritime ;

2°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que justifie le refus de renouvellement du bail, tout agissement du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, tel le fait de laisser les bâtiments tomber en ruines ; que pour refuser le renouvellement du bail à M. J... pour mauvaise exploitation des terres louées, Mme N... invoquait l'abandon des bâtiments constaté par l'expert agricole dans son compte-rendu du 29 juillet 2015 (concl. p. 6) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE justifie le refus de renouvellement du bail, tout agissement du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds tel le défaut d'exploitation des terres ; qu'en considérant que les agissements du preneur n'étaient pas de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, sans tenir compte, comme elle y était invitée, d'une part, des observations écrites de l'expert foncier, M. I..., qui, dans son constat du 29 juillet 2015, indiquait que sur la première parcelle située à [...], « le blé est assez clair et je constate la présence de mauvaises herbes bien développées (avec prédominance de vulpin, parfois d'avoine folle). Il y a également des manques », que sur la parcelle de blé située près du cimetière de [...] « de la route, j'ai vu les mauvaises herbes notamment sur [...] » et que sur la commune [...], la parcelle les petites fins était « envahie de mauvaises herbes » et, d'autre part, de l'attestation de M. A... qui reconnaissait que lors de l'exploitation des parcelles par M. E... N... les rendements constatés sur les terres étaient supérieurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-31, L. 411-46 et L. 411-53 du code rural et de la pêche maritime ;

4°) ALORS QUE pour prétendre au renouvellement de son bail, le preneur doit justifier qu'il est en règle au regard de la législation sur le contrôle des structures, ce que le juge doit vérifier au besoin d'office, et cette condition s'apprécie du chef de la société bénéficiaire de la mise à disposition des terres louées ; qu'en énonçant, pour statuer comme elle l'a fait, que la vérification de cette condition ne doit être effectuée que lorsque l'autorisation d'exploiter est nécessaire et qu'en l'espèce, rien ne venait indiquer que M. J... se trouvait dans une situation nécessitant une autorisation administrative d'exploiter, quand, ayant constaté qu'en cours de bail, M. J... avait mis les terres louées à la disposition du GAEC de Rapré, de sorte qu'elle devait vérifier si ce groupement détenait, si nécessaire, une autorisation administrative d'exploiter, la cour d'appel a violé les articles L. 331-2, L. 411-46, et L. 411-53 du code rural et de la pêche maritime.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-25078
Date de la décision : 01/04/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 03 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 01 avr. 2021, pourvoi n°19-25078


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.25078
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