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31/03/2021 | FRANCE | N°19-12289

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mars 2021, 19-12289


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 mars 2021

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 406 FS-P sur le 1er moyen, 2e branche

Pourvoi n° A 19-12.289

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 31 MARS 2021

La société Carl Zeiss Meditec, société par action

s simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 19-12.289 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2018 par la cour d'appel de Toulou...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 mars 2021

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 406 FS-P sur le 1er moyen, 2e branche

Pourvoi n° A 19-12.289

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 31 MARS 2021

La société Carl Zeiss Meditec, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 19-12.289 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2018 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2, chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. R... C..., domicilié [...] (Portugal), défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Carl Zeiss Meditec, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. C..., et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 février 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, M. Pietton, Mmes Le Lay, Mariette, MM. Barincou, Seguy, conseillers, Mme Duvallet, M. Le Corre, Mme Prache, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 14 décembre 2018), M. C... a été engagé le 14 juin 1999 en qualité de directeur de développement des affaires pharmaceutiques par la société Ioltech. En 2005, cette société a été rachetée par la société Carl Zeiss Meditec. Le 4 février 2010, M. C... a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et a été licencié pour faute lourde le 18 février 2010.

2. Le 9 février 2010, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de son contrat de travail puis, à titre subsidiaire, a contesté la régularité et le bien-fondé de son licenciement.

Examen des moyens

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaire fixe de février 2010, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, et d'indemnité de congés payés, alors « que le règlement intérieur applicable aux salariés avant le transfert de leurs contrats de travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail n'est pas transféré avec ces contrats de travail et n'est donc pas opposable au nouvel employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le salarié avait été initialement engagé par la société Ioltech qui avait été rachetée par la société Carl Zeiss Meditec en 2005 ; qu'en considérant néanmoins que le règlement intérieur de la société Ioltech était opposable à la société Carl Zeiss Meditec qui aurait dû respecter la procédure disciplinaire prévue par ce règlement et en en déduisant que le licenciement du salarié prononcé en violation des dispositions de ce règlement était privé de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1224-1 et L. 1321-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1224-1 du code du travail :

5. Dès lors que le règlement intérieur constitue un acte réglementaire de droit privé, dont les conditions d'élaboration sont encadrées par la loi, le règlement intérieur s'imposant à l'employeur et aux salariés avant le transfert de plein droit des contrats de travail de ces derniers en application de l'article L. 1224-1 du code du travail n'est pas transféré avec ces contrats de travail.

6. Pour juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la société Carl Zeiss Meditec n'a pas respecté les dispositions du règlement intérieur de la société Ioltech, qu'elle avait rachetée en 2005, prévoyant que tout salarié à l'égard duquel est envisagée une sanction disciplinaire est convoqué au moyen d'une lettre l'informant des griefs retenus contre lui.

7. En statuant ainsi, alors que la société Carl Zeiss Meditec n'était pas tenue d'appliquer le règlement intérieur de la société Ioltech qui ne lui avait pas été transmis en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Il résulte de l'article L. 3141-26 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016 du Conseil constitutionnel, que, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les dispositions des articles L. 3141-22 à L. 3141-25 du même code. Cette indemnité est due, que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur.

9. Il s'ensuit que la cassation à intervenir sur le premier moyen n'entraîne pas la cassation du chef de l'arrêt ayant condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 14 827, 09 euros à titre d'indemnité de congés payés.

10. Par ailleurs, elle n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt relatifs aux dépens et aux demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Carl Zeiss Meditec à verser à M. C... 5 620,40 euros à titre de rappel de salaire fixe de février 2010, 85 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 33 697,95 euros d'indemnité de préavis et 3 369,79 euros de congés payés afférents et 39 875,90 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 14 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Condamne M. C... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Carl Zeiss Meditec

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le licenciement de Monsieur C... sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société CARL ZEISS MEDITEC à payer à Monsieur C... diverses sommes à titre de rappel de salaire fixe de février 2010, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, des congés payés y afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, et d'indemnité de congés payés ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le licenciement et ses conséquences et sur le salaire de février 2010 M. C... fait valoir, en premier lieu, l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement au motif que la lettre de convocation à entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement ne contient pas, comme le prévoit le règlement intérieur de la société employeur, l'énoncé des griefs retenus contre lui de sorte qu'il a été privé de la garantie de fond prévue dans ledit règlement. Le règlement intérieur de la société Ioltech reprise par la société Cari Zeiss Méditée dispose dans son paragraphe intitulé "2 procédure disciplinaire" que tout salarié à l'égard duquel est envisagée une sanction disciplinaire mentionnée à l'article 1 ci-dessus, est convoqué par la direction au moyen d'une lettre recommandée avec accusé de réception l'informant des griefs retenus contre lui et de la sanction envisagée. Parmi les sanctions énumérées à l'article 1er figure le licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement ni indemnité compensatrice de congés payés. La lettre de convocation de M. C... à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement notifiée par huissier le 4 février 2010 précise : " Monsieur, nous vous informons que nous sommes amenés à envisager à votre égard une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute lourde.... Au cours de cet entretien, nous vous exposerons les motifs de la décision que nous envisageons et nous recevrons vos explications sur les faits qui vous sont reprochés ..." La société Cari Zeiss Méditée qui s'est expliquée à l'audience sur ce moyen de droit soulevé par M. C... n'a pas contesté l'applicabilité de ce règlement intérieur à la procédure de licenciement dont a fait l'objet M. C... ; elle a indiqué que le défaut de respect du règlement intérieur était sans conséquence sur la validité de la procédure de licenciement dans la mesure où il ne primait pas sur la loi et où la loi ne prévoyait pas l'obligation d'énoncer les motifs du licenciement dans la lettre de convocation à l'entretien préalable. Contrairement à ce qu'elle prétend, la société Cari Zeiss Méditée était tenue de respecter la procédure disciplinaire prévue au règlement intérieur de l'entreprise même si cette procédure présentait des exigences qui ne figurent pas dans la procédure légale de licenciement. Il résulte de la lecture de la lettre de convocation à l'entretien préalable que la société Cari Zeiss Méditée a omis de préciser à M. C... les griefs retenus contre lui alors qu'elle envisageait un licenciement pour faute lourde. Ce faisant, elle a privé M. C... d'une protection des droits de la défense supérieure à celle prévue par la loi ; cette privation d'une garantie de fond prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris qui a déclaré le licenciement justifié sera infirmé sur l'absence de cause réelle et sérieuse et les conséquences indemnitaires en découlant. M. C... est bien fondé à prétendre au paiement du salaire du mois de février 2010 qui figure sur le bulletin de paye et qui ne lui a pas été payé ; la somme déduite du salaire sur ledit bulletin de paye en raison de la mise à pied conservatoire sera réintroduite dans le calcul du salaire de sorte que la société Cari Zeiss Méditée sera condamnée au paiement de la somme de 5 620, 40 € au titre de la rémunération fixe de février 2010. M. C... qui comptait plus de deux ans d'ancienneté au sein d'une entreprise occupant plus de 10 salariés est bien fondé à prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3 dans sa rédaction applicable au litige. La cour constate que la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif qui s'élevait à 97 000 € en première instance a été portée devant la cour à 3 230 330 €, soit une somme multipliée par 33. M. C... ne justifie pas de sa situation au regard de l'emploi après le licenciement, se contentant de faire état d'une situation de chômage, puis de retraite, sans verser aucune pièce aux débats de sorte qu'il lui sera alloué des dommages et intérêts à hauteur des salaires des 6 derniers mois, tels que mentionnés sur l'attestation Pôle Emploi, somme à laquelle s'ajoutera la rémunération variable de l'exercice 2008/2009 soit 32 499,40 € somme qui aurait dû être payée en février 2010 (le salaire fixe de février qui correspond à un mois non complet n'a pas été pris en compte). Ces dommages et intérêts s'élèvent à la somme minimale de 84 676, 68 € que la cour arrondira à la somme de 85 000 €. M. C... sera débouté du surplus de ses demandes et notamment des dommages et intérêts que M. C... estime liés aux nombreuses procédures opposant les parties, sans lien de causalité avec l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement seule indemnisable dans le cadre de la présente instance. Il ne justifie pas du caractère particulièrement abusif et vexatoire de son licenciement, la mesure de mise à pied conservatoire étant justifiée par la nature des fautes lourdes qui lui étaient reprochées de sorte qu'il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires par confirmation du jugement dont appel. En l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, M. C... peut également prétendre au bénéfice de ses indemnités de rupture calculées sur la base d'un salaire moyen reconstitué avec la rémunération variable de 11 232, 65 €, à savoir : 33 697, 95 € à titre d'indemnité de préavis outre 3 369, 79 € au titre des congés payés y afférents, 39 875, 90 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement » ;

ALORS d'abord QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, pour considérer que le licenciement de Monsieur C... était dépourvu de cause réelle et sérieuse du fait du non-respect par la société CARL ZEISS MEDITEC de la procédure disciplinaire prévue par le règlement intérieur de la société IOLTECH, la Cour d'appel a notamment relevé que la société exposante, qui s'était expliquée à l'audience sur ce moyen de droit soulevé par Monsieur C..., n'avait pas contesté l'applicabilité de ce règlement à la procédure de licenciement dont avait fait l'objet le salarié ; qu'en statuant ainsi alors qu'il ressort des notes d'audience que l'applicabilité du règlement intérieur aux faits de la cause n'était envisagée qu'à titre subsidiaire par la société CARL ZEISS MEDITEC, ce dont il se déduisait qu'à titre principal, la société contestait l'applicabilité de ce règlement intérieur, la Cour d'appel a violé les dispositions articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

ALORS ensuite QUE le règlement intérieur applicable aux salariés avant le transfert de leurs contrats de travail en application de l'article L. 1224-1 du Code du travail n'est pas transféré avec ces contrats de travail et n'est donc pas opposable au nouvel employeur ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que Monsieur C... avait été initialement engagé par la société IOLTECH qui avait été rachetée par la société CARL ZEISS MEDITEC en 2005 ; qu'en considérant néanmoins que le règlement intérieur de la société IOLTECH était opposable à la société CARL ZEISS MEDITEC qui aurait dû respecter la procédure disciplinaire prévue par ce règlement et en en déduisant que le licenciement de Monsieur C... prononcé en violation des dispositions de ce règlement était privé de cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1224-1 et L. 1321-1 du Code du travail ;

ALORS encore et en toute hypothèse QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, il ressort des notes d'audience que la société CARL ZEISS MEDITEC avait fait valoir à l'audience qu'à supposer que le règlement intérieur de la société IOLTECH soit applicable, la procédure prévue par ce règlement avait été respectée puisqu'on pouvait considérer que Monsieur C... avait été informé des griefs retenus contre lui dès lors que la mention de la faute lourde constitue un grief et qu'en outre, le jour de la notification de la lettre de convocation à entretien préalable Monsieur C... avait également reçu signification d'une requête et d'une ordonnance qui visaient les griefs retenus contre lui ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant soulevé par la société exposante, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS enfin et en toute hypothèse QUE, quand bien même les dispositions du règlement intérieur de la société IOLTECH prévoyaient que tout salarié à l'égard duquel est envisagée une sanction, est convoqué par la direction au moyen d'une lettre recommandée avec accusé de réception, l'informant des griefs retenus contre lui et de la sanction envisagée, le salarié ne saurait être considéré comme ayant été privé d'une garantie de fond et son licenciement comme dépourvu de ce fait de cause réelle et sérieuse en cas de non-respect de ces dispositions, s'il est par ailleurs établi qu'il a effectivement été informé par écrit des griefs retenus contre lui concomitamment à la réception de la lettre de convocation à entretien préalable ; qu'en l'espèce, après avoir constaté qu'il résultait de la lecture de la lettre de convocation à entretien préalable que la société CARL ZEISS MEDITEC avait omis de préciser à Monsieur C... les griefs retenus contre lui alors qu'elle envisageait un licenciement pour faute lourde, la Cour d'appel a estimé que la société exposante avait ainsi privé le salarié d'une garantie de fond, ce qui privait son licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée par la société CARL ZEISS MEDITEC, si le salarié n'avait pas été informé des griefs retenus contre lui par la signification, intervenue le même jour que celle de la lettre de convocation à entretien préalable, d'une requête et d'une ordonnance qui visaient ces griefs, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1332-1, L. 1332-2, L. 1232-2 et L. 1235-1 du Code du travail ensemble des dispositions du III, article 2, du règlement intérieur susvisé.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société CARL ZEISS MEDITEC à payer à Monsieur C... une somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

AUX MOTIFS QUE « Le non respect par la société Carl Zeiss Meditec de son obligation de sécurité qui est établi dans la mesure où l'employeur n'a pas fait en sorte que son salarié ait un suivi régulier auprès du médecin du travail justifie l'allocation de 1 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à ce manquement, par infirmation du jugement déféré. La somme sollicitée est en effet excessive eu égard au préjudice effectivement subi, M. C... ayant bénéficié d'un suivi médical auprès de son médecin traitant et de son médecin psychiatre, étant rappelé qu'il a consulté lui même le médecin du travail quand son état de santé s'est dégradé » ;

ALORS en premier lieu QU'il appartient au juge, tenu de motiver sa décision, de procéder à une analyse, même sommaire, des pièces qui lui sont soumises par les parties et de préciser celles sur lesquelles il se fonde ; qu'en l'espèce, pour retenir que la société CALR ZEISS MEDITEC avait manqué à son obligation de sécurité et allouer à Monsieur C... des dommages et intérêts de ce chef, la Cour d'appel s'est contentée d'affirmer de façon purement péremptoire que ce manquement était établi dans la mesure où l'employeur n'avait pas fait en sorte que son salarié ait un suivi régulier auprès du médecin du travail ; qu'en statuant par de tels motifs, sans procéder à aucune analyse des pièces versées aux débats, ni même préciser celles sur lesquelles elle se fondait pour considérer ce manquement comme établi, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS en second lieu et en toute hypothèse QUE le manquement de l'employeur à son obligation de faire passer au salarié les visites médicales obligatoires ne donne lieu à l'allocation de dommages et intérêts que si le salarié justifie avoir subi un préjudice du fait de ce manquement ; qu'en l'espèce, tout en retenant que le non-respect de son obligation de sécurité par la société CARL ZEISS MEDITEC, qui n'avait pas fait en sorte que son salarié ait un suivi régulier auprès du médecin du travail, justifiait l'allocation d'une somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à ce manquement, la Cour d'appel a relevé que Monsieur C... avait bénéficié d'un suivi médical auprès de son médecin traitant et de son médecin psychiatre et qu'il avait consulté lui-même le médecin du travail quand son état de santé s'était dégradé ; qu'en allouant des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité à Monsieur C... alors qu'il découlait de ses propres constatations que ce dernier n'avait subi aucun préjudice du fait l'absence de suivi régulier par la médecine du travail, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 4121-1 du Code du travail et des articles R. 4624-10 et R. 4624-16 du Code du travail dans leur version applicable au litige.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société CARL ZEISS MEDITEC à payer à Monsieur C... une somme de 32 499,40 euros à titre de solde de rémunération variable ;

AUX MOTIFS QUE « Le contrat de travail du 14 juin 1999 prévoyait le paiement d'une rémunération fixe de 600 000 F (91 470 €) par an, outre une première partie variable, dite bonus annuel, de 140 000 F (21 343 €) calculée en fonction de la réalisation des objectifs annuels assignés par le supérieur, et une seconde partie variable d'un montant annuel de 100 000 F (15 245 €), accordée au vu de l'activité d'ensemble et des résultats sous forme de stock options ou en numéraire. Il résulte de la lecture des termes du contrat de travail que, contrairement à ce que soutient M. C..., le bonus annuel et le bonus variable n'étaient pas fixes mais fonction, pour le bonus annuel, de la réalisation des objectifs individuels fixés par le supérieur hiérarchique de M. C..., et, pour le bonus variable, de l'activité d'ensemble et des résultats, le tout dans les limites des sommes fixées au contrat. Cette lecture du contrat de travail repose sur le calcul qui doit être fait chaque année des bonus et de leur caractère variable, et c'est ainsi que les parties ont exécuté l'accord passé entre elles, les bonus variant chaque année, comme précisé dans le contrat. M. C... est encore mal venu à prétendre au bénéfice d'une augmentation des bonus dans la même proportion que celle de sa rémunération fixe, aucune clause d'indexation ou d'augmentation de ces bonus ne figurant dans la convention des parties, étant précisé qu'aucun avenant au contrat de travail n'a été signé pendant le cours de la relation de travail. Contrairement à ce que soutient la société Cari Zeiss Méditée, le fait que M. C... ait développé pendant plusieurs années une activité pour le compte de la société Inteyes, sous couvert de sa compagne Mme V..., ne dispensait pas la société Carl Zeiss Meditec de son obligation de payer le salaire convenu au contrat de travail. La société Carl Zeiss Meditec verse aux débats les courriers du service du personnel notifiant à M. C... ses objectifs individuels et les objectifs groupe pour les exercices 2005/2006, 20067 2007, 2007/2008, 2008/2009 que l'appelant n'a jamais discutés de sorte qu'il est mal venu à prétendre ne pas avoir reçu notification d'objectifs. Il n'a pas plus discuté le montant de la rémunération variable qui lui a été payée au regard de ses objectifs et si pour l'exercice 2005/2006 il n'a pas perçu de bonus annuel mais seulement un bonus variable, c'est en raison de la non réalisation de ses objectifs individuels. Pour la rémunération variable de l'exercice 2008/2009 qui devait être payée en février 2010 à hauteur de 32 499, 40 €, la société Carl Zeiss Meditec explique qu'elle l'a portée sur le bulletin de paye de février 2010 avant de ne pas s'en acquitter eu égard à l'absence de prestation de travail réelle effectuée et aux fautes lourdes commises par M. C... La cour estime que la société Carl Zeiss Meditec ne démontre pas l'absence d'exécution de la prestation de travail de M. C... pendant l'exercice 2008/2009, mais au contraire cette exécution et la réalisation des objectifs, étant mal venue à prétexter que la déloyauté de son salarié puisse justifier le non paiement d'une rémunération contractuelle dont elle a reconnu le montant en la faisant figurer sur le bulletin de paye de février 2010, étant précisé que le 14 octobre 2009, M. C... avait mis en demeure son employeur de régulariser sa situation salariale. De sorte que la société Carl Zeiss Meditec sera condamnée, par infirmation du jugement entrepris, à payer à M. C... la somme de 32 499, 40 € à titre de solde de rémunération variable mais déboutée du surplus de sa demande de rappel de rémunération variable par confirmation du jugement déféré» ;

ALORS d'une part QUE la mention d'une somme sur le bulletin de salaire ne vaut pas reconnaissance par l'employeur du fait que cette somme est due au salarié si l'employeur rapporte la preuve que cette mention procède d'une erreur de sa part ; qu'en l'espèce, pour considérer que la société CARL ZEISS MEDITEC devait être condamnée à verser à Monsieur C... une somme à titre de solde de rémunération variable pour l'exercice 2008-2009, la Cour d'appel a relevé, en substance, qu'en faisant figurer cette somme sur le bulletin de paye de février 2010, la société avait reconnu que Monsieur C... avait exécuté sa prestation de travail et réalisé ses objectifs et que la somme litigieuse lui était due ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si, ainsi que le faisait valoir la société CARL ZEISS MEDITEC, ce bulletin de salaire n'avait pas été établi avant que la société ne découvre, sur l'ordinateur professionnel du salarié, les documents démontrant qu'en réalité, Monsieur C... n'avait pas réalisé les prestations de travail attendues et qu'il ne pouvait donc pas prétendre à la rémunération en cause, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 3243-2 et R. 3243-1 du Code du travail dans leur version applicable au litige ;

ALORS d'autre part QUE, lorsqu'un salarié ne fournit pas la prestation inhérente à son contrat de travail, l'employeur ne peut être tenu de lui verser son salaire ; qu'en l'espèce, pour faire droit à la demande de Monsieur C... tendant au paiement de sa rémunération variable pour l'exercice 2008-2009, la Cour d'appel a estimé que la société CARL ZEISS MEDITEC ne démontrait pas l'absence d'exécution de la prestation de travail de Monsieur C... pendant cet exercice ; qu'en statuant ainsi alors qu'elle a relevé par ailleurs que Monsieur C... « menait une double vie professionnelle, menant de front ses activités au sein de la société CARL ZEISS MEDITEC mais aussi pour le compte de la société INTEYES sous couvert de contrats conclus par lui au nom de sa compagne », ce dont il se déduisait que le salarié n'avait, au moins en partie, pas exécuté la prestation de travail attendue pour le compte de la société CARL ZEISS MEDITEC, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1221-1 du Code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société CARL ZEISS MEDITEC de sa demande reconventionnelle de répétition de l'indu ;

AUX MOTIFS QUE « II appartient à la société Carl Zeiss Meditec d'établir qu'elle a indûment versé à M. C... la somme de 366 000 € qui correspond, selon elle, à des salaires indûment versés alors que M. C... ne travaillait pas pour son compte mais pour celui de la société concurrente Inteyes et pour celui de la société Farmagea pour laquelle il exerçait le mandat d'agent commercial. La cour a déjà indiqué dans le paragraphe sur le salaire dû à M. C... que le fait que ce dernier ait travaillé pour le compte d'une société gérée par sa compagne ou pour une société concurrente n'avait pas pour conséquence d'exonérer la société Carl Zeiss Meditec de son obligation de paiement des salaires dans la mesure où le contrat de travail n'était pas suspendu. De sorte que, contrairement à ce que soutient l'intimée, les salaires versés à M. C... dont elle réclame la répétition à hauteur de 366 000 € étaient bien dus par elle, ce qui conduit la cour à rejeter la demande de répétition formée par la société Carl Zeiss Meditec, par confirmation du jugement entrepris » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « la Société CARL ZEISS MEDITEC SAS, bien que victime des agissements de nuisance de la part de Monsieur R... C..., n'apporte pas d'éléments suffisants afin de prouver la hauteur de sommes réclamées au titre de la répétition du supposé indu sur cinq ans. Vu, l'article L. 1235-1 du Code du travail. Attendu que, il appartient au juge d'apprécier le motif invoqué. Attendu que, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis. Que, un doute subsiste sur la demande la partie défenderesse au titre de la répétition de l'indu, ce doute profite au salarié. Attendu en conséquence, il ne pourra être fait droit à sa demande reconventionnelle sur le fondement de la répétition de l'indu » ;

ALORS d'abord QUE lorsqu'un salarié ne fournit pas la prestation inhérente à son contrat de travail, l'employeur ne peut être tenu de lui verser son salaire, peu important que le contrat de travail du salarié ne soit pas suspendu ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande reconventionnelle en répétition de l'indu formée par la société CARL ZEISS MEDITEC, la Cour d'appel a retenu que le fait que Monsieur C... ait travaillé pour le compte d'une société gérée par sa compagne ou pour une société concurrente n'avait pas pour conséquence d'exonérer la société CARL ZEISS MEDITEC de son obligation de paiement des salaires dans la mesure où le contrat de travail n'était pas suspendu ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

ALORS ensuite QUE, lorsqu'un salarié ne fournit pas la prestation inhérente à son contrat de travail, l'employeur ne peut être tenu de lui verser son salaire ; qu'en l'espèce, pour débouter la société CARL ZEISS MEDITEC de sa demande reconventionnelle au titre de la répétition de l'indu, la Cour d'appel, après avoir rappelé qu'il appartenait à la société CARL ZEISS MEDITEC de démontrer qu'elle avait indument versé à Monsieur C... la somme sollicitée, la Cour d'appel a considéré que le fait que Monsieur C... ait travaillé pour le compte d'une société gérée par sa compagne ou pour une société concurrente n'avait pas pour conséquence d'exonérer la société exposante de son obligation de paiement des salaires ; qu'en statuant ainsi alors qu'il se déduisait au contraire de ces faits que le salarié n'avait, au moins en partie, pas exécuté la prestation de travail attendue pour le compte de la société CARL ZEISS MEDITEC, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

ALORS enfin et en toute hypothèse QU'en cas de faute lourde, la responsabilité du salarié envers son employeur est engagée ; qu'en l'espèce, la demande reconventionnelle de la société CARL ZEISS MEDITEC tendant à obtenir la condamnation de Monsieur C... à lui verser une somme de 366 000 euros sur le fondement de la répétition de l'indu motif pris de ce que le salarié n'avait pas travaillé pour son compte mais pour celui de la société concurrente INTEYES qu'il avait créée et pour celui de la société FARMAGEA pour laquelle il exerçait le mandat d'agent commercial, incluait implicitement mais nécessairement une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute lourde ainsi commise par le salarié ; qu'en se contentant de rejeter cette demande au motif que le fait que Monsieur C... ait travaillé pour le compte d'une société gérée par sa compagne ou pour une société concurrente n'avait pas pour conséquence d'exonérer la société exposante de son obligation de paiement des salaires, sans rechercher si celle-ci n'était pas néanmoins fondée à solliciter le paiement de dommages et intérêts de ce chef compte tenu du préjudice qu'elle avait subi, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 4 et 5 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-12289
Date de la décision : 31/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Transfert des contrats de travail - Effets - Règlement intérieur - Transmission (non) - Portée

TRAVAIL REGLEMENTATION, CONTROLE DE L'APPLICATION DE LA LEGISLATION - Règlement intérieur - Nature - Acte réglementaire de droit privé - Effets - Détermination - Portée

Le règlement intérieur s'imposant à l'employeur et aux salariés avant le transfert de plein droit des contrats de travail de ces derniers, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, n'est pas transféré avec ces contrats de travail, dès lors que ce règlement constitue un acte réglementaire de droit privé dont les conditions d'élaboration sont encadrées par la loi


Références :

Article L.1224-1 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 14 décembre 2018

Sur l'exclusion du transfert du règlement intérieur au repreneur à la suite du transfert des contrats de travail des salariés en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, à rapprocher : Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-16465, Bull. 2018, V, (rejet).Sur le caractère réglementaire du règlement intérieur, à rapprocher : Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-16465, Bull. 2018, V, (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mar. 2021, pourvoi n°19-12289, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.12289
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