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25/03/2021 | FRANCE | N°20-14009

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 25 mars 2021, 20-14009


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 306 F-D

Pourvoi n° R 20-14.009

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

1°/ Mme M... N..., veuve A..., domiciliée [...] , venants aux droits

de son époux E... A..., décédé,

2°/ Mme G... J..., domiciliée [...] ,

3°/ Mme U... J... A..., domiciliée [...] ,

ont formé le pourvoi n° R 20...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 306 F-D

Pourvoi n° R 20-14.009

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

1°/ Mme M... N..., veuve A..., domiciliée [...] , venants aux droits de son époux E... A..., décédé,

2°/ Mme G... J..., domiciliée [...] ,

3°/ Mme U... J... A..., domiciliée [...] ,

ont formé le pourvoi n° R 20-14.009 contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-8), dans le litige les opposant à M. T... V..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme N..., veuve A..., de Mmes J... et J... A..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. V..., et après débats en l'audience publique du 16 février 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 janvier 2020), E... A..., propriétaire d'un appartement donné à bail à M. V... pour une durée de six ans à compter du 1er janvier 2012, l'a assigné afin de voir dire que le bail ne portait pas sur la résidence principale du locataire et était arrivé à son terme le 31 décembre 2017 et de voir ordonner en conséquence la libération des lieux.

2. E... A... étant décédé, l'instance a été reprise par Mmes M... A..., G... J... A... et U... J... A... (les consorts A...).

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les consorts A... font grief à l'arrêt de qualifier le bail de contrat de bail à usage d'habitation principale, alors « que la résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l'habitation ; que dans ses conclusions, le bailleur faisait valoir et démontrait que le preneur sous-louait depuis 2012 le logement loué pour des périodes allant de six à neuf mois par an ; que, pour dire le bail soumis à la loi du 6 juillet 1989, la cour d'appel s'est déterminée au regard du caractère soi disant initialement accessoire du bail à la profession du preneur, du paiement de la taxe sur les logements vacants correspondant à une autre résidence appartenant à M. V..., et du défaut de mention de la qualification de résidence secondaire sur tous les exemplaires de bail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas examiné l'incidence, sur le caractère de la résidence du preneur, du moyen dont le bailleur l'avait saisie, de nature à établir que le logement n'était pas, à la date de la délivrance du congé, la résidence principale du preneur, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

6. Pour dire que le bail est à usage d'habitation principale, l'arrêt retient que le premier juge a, à bon droit, décidé que le caractère de résidence principale de ce logement était suffisamment démontré par le caractère initialement accessoire du bail à la profession du locataire, par l'absence de qualification de résidence secondaire sur pas moins de trois baux et par le fait que M. V... paye à Peypin une taxe sur les logements vacants, que les contrats de baux versés aux débats sont tous relatifs à des locaux vacants non meublés servant d'habitation principale selon les mentions cochées par les signataires en tête des documents et que le fait qu'une des copies comporte une croix manquante à côté du mot habitation principale alors qu'une autre copie porte tracée une croix ne constitue pas en soi un élément fondamental, l'autre option n'étant pas résidence secondaire mais usage mixte professionnel et habitation principale.

7. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des consorts A... qui soutenaient que le preneur sous-louait l'appartement depuis 2012 pour des périodes de six à neuf mois par an, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. Les consorts A... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme nouvelle en appel la demande en résiliation du bail et en restitution des loyers issus des sous-locations, alors « que la demande initiale du bailleur devant le tribunal ayant pour objet de voir constater que M. V... était occupant sans droit ni titre et de voir ordonner son expulsion, et la demande, formée en cause d'appel, ayant pour objet le prononcé de la résiliation du bail pour sous-location irrégulière, révélée pendant la procédure d'appel, et expulsion du preneur, tendaient au même but, la libération des lieux ; que la sous-location irrégulière n'ayant été révélée au bailleur que le 3 août 2018, soit après le prononcé du jugement le 14 juin 2018, celui-ci était en droit de se fonder sur ce fait nouveau, révélé en cause d'appel, pour soumettre à la cour d'appel sa demande aux fins de résiliation du bail et d'expulsion du preneur, soit une finalité identique à celle de la demande initiale ; qu'en affirmant que la demande aux fins de restitution des loyers était nouvelle et partant irrecevable, la cour d'appel qui a méconnu l'objet de la demande, soit la résiliation du bail, et retenu celle de restitution des sous-loyers qui n'en était que la conséquence, s'est en outre abstenue de confronter la demande en résiliation du bail avec la demande initiale en expulsion du preneur pour déterminer l'identité de but entre les demandes successives ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 565 et 564 du code de procédure civile ensemble l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse au moyen

Vu les articles 4 et 565 du code de procédure civile :

9. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Selon le second, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

10. Pour déclarer irrecevable la demande en restitution des loyers perçus au titre de la sous-location et rejeter la demande des consorts A... en résiliation du bail pour cause de sous-locations prohibées, l'arrêt retient que la demande de restitution, qui n'a jamais été présentée devant le tribunal, est nouvelle en appel et partant irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile, et que l'examen de cette demande ne pouvant avoir lieu à ce stade, il ne peut en être déduit, si la sous-location était avérée, qu'elle constituerait un motif de résiliation du bail.

11. En statuant ainsi, alors que la demande en résiliation du bail en raison des sous-locations consenties par M. V... était indépendante de la demande en restitution des loyers issus des sous-locations et tendait, comme celle soumise aux premiers juges, à mettre un terme au bail et à obtenir la libération des lieux, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée;

Condamne M. V... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. V... et le condamne à payer aux consorts A... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme N..., veuve A..., de Mmes J... et J... A...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir qualifié le contrat de bail relatif à l'appartement situé [...] , occupé par M. V..., de contrat de bail à usage d'habitation principale et débouté les héritières de E... A... de leurs demandes,

AUX MOTIFS QUE la discussion sur la qualité à agir des appelants ne fait plus de difficultés, dans la mesure où les pièces versées aux débats établissent que leur auteur, E... A..., avait bien régulièrement reçu le bien immobilier en question d'H... X..., au décès de celle-ci ;

Que le premier juge a qualifié le contrat de bail liant les parties de bail à usage d'habitation principale ;

Qu'il a, à bon droit, décidé que le caractère de résidence principale de ce logement était suffisamment démontré par le caractère initialement accessoire du bail à la profession du locataire, par l'absence de qualification de résidence secondaire sur pas moins de trois baux et par le fait que M. V... paye à Peypin une taxe sur les logements vacants ;

Que les contrats de baux versés aux débats, en photocopie seulement, sont établis de façon manuscrite sur des imprimés en vente dans le grand commerce et sont tous relatifs à des locaux vacants non meublés servant d'habitation principale, selon les mentions cochées par les signataires en tête des documents ;

Que le fait que l'une des copies comporte une croix manquante à côté du mot habitation principale alors qu'une autre copie porte tracée une croix ne constitue pas en soi un élément fondamental, l'autre option n'étant pas résidence secondaire, mais usage mixte professionnel et habitation principale ;

Que si les appelants arguaient le document de faux, ils n'auraient pas manqué de verser l'original à la procédure, ce qu'ils n'ont pas fait ;

Qu'il est constant que l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit son applicabilité aux habitations qui constituent la résidence principale du locataire ;

Que le premier juge a justement retenu l'application de ce texte, et écarté l'analyse des appelants qui soutenaient que le bail conclu était un simple bail civil répondant aux dispositions des articles 1708 et s. du code civil ;

Qu'il a également rejeté la demande de délivrance des quittances de loyers qui était imprécise ;

Que c'est dont à bon droit que le premier juge a débouté E... A... aux droits duquel sont intervenues Mme N... veuve A..., Mme G... J... A... et Mme U... J... A... de ses demandes ;

Qu'il y a lieu en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 juin 2018 par le tribunal d'instance de Fréjus ;

1) ALORS QUE la résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l'habitation ; que dans ses conclusions, le bailleur faisait valoir et démontrait que le preneur sous-louait depuis 2012 le logement loué pour des périodes allant de six à neuf mois par an ; que, pour dire le bail soumis à la loi du 6 juillet 1989, la cour d'appel s'est déterminée au regard du caractère soi disant initialement accessoire du bail à la profession du preneur, du paiement de la taxe sur les logements vacants correspondant à une autre résidence appartenant à M. V..., et du défaut de mention de la qualification de résidence secondaire sur tous les exemplaires de bail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas examiné l'incidence, sur le caractère de la résidence du preneur, du moyen dont le bailleur l'avait saisie, de nature à établir que le logement n'était pas, à la date de la délivrance du congé, la résidence principale du preneur, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE dans ses conclusions, le bailleur faisait également valoir que le preneur jouissait en outre dans le même immeuble d'un second appartement, libre de toute occupation, ayant initialement une double destination de bureaux et d'habitation mais désormais, d'habitation exclusivement, par l'effet de la cessation de son activité par le preneur ; qu'il se déduisait de ce moyen que le logement loué à M. V... n'était pas sa résidence principale, faute de pouvoir jouir de deux logements dans le même immeuble à titre de résidence principale ; que, pour dire le bail soumis à la loi du 6 juillet 1989, la cour d'appel s'est déterminée au regard du caractère initialement accessoire du bail à la profession du preneur, du paiement de la taxe sur les logements vacants correspondant à une autre résidence appartenant à M. V..., et du défaut de mention de la qualification de résidence secondaire sur tous les exemplaires de bail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas examiné l'incidence, sur le caractère de la résidence du preneur, du moyen dont le bailleur l'avait saisie, de nature à établir que le logement n'était pas, à la date de la délivrance du congé, la résidence principale du preneur, a de nouveau méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à la cour d'appel d'avoir déclaré irrecevable comme nouvelle en appel la demande présentée par les consorts A... au titre de la résiliation du bail et de la restitution des loyers perçus en sous- location en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE les consorts A... soutenant que M. V... a sous-loué sans autorisation l'appartement qu'il avait pris à bail sollicitent que les loyers perçus leur soient restitués ;

Mais qu'ainsi que l'a fait observer l'intimé, cette demande qui n'a jamais été présentée devant le tribunal est nouvelle en appel, et partant irrecevable, en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile ;

Que l'examen de cette demande ne pouvant avoir lieu à ce stade, il ne peut en être déduit, si la sous-loué était avérée, qu'elle constituerait un motif de résiliation du bail et qu'il y aurait lieu d'expulser M. V... ;

ALORS QUE la demande initiale du bailleur devant le tribunal ayant pour objet de voir constater que M. V... était occupant sans droit ni titre et de voir ordonner son expulsion, et la demande, formée en cause d'appel, ayant pour objet le prononcé de la résiliation du bail pour sous-location irrégulière, révélée pendant la procédure d'appel, et expulsion du preneur, tendaient au même but, la libération des lieux ; que la sous-location irrégulière n'ayant été révélée au bailleur que le 3 août 2018, soit après le prononcé du jugement le 14 juin 2018, celui-ci était en droit de se fonder sur ce fait nouveau, révélé en cause d'appel, pour soumettre à la cour d'appel sa demande aux fins de résiliation du bail et d'expulsion du preneur, soit une finalité identique à celle de la demande initiale ; qu'en affirmant que la demande aux fins de restitution des loyers était nouvelle et partant irrecevable, la cour d'appel qui a méconnu l'objet de la demande, soit la résiliation du bail, et retenu celle de restitution des sous- loyers qui n'en était que la conséquence, s'est en outre abstenue de confronter la demande en résiliation du bail avec la demande initiale en expulsion du preneur pour déterminer l'identité de but entre les demandes successives ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 565 et 564 du code de procédure civile ensemble l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-14009
Date de la décision : 25/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 30 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 25 mar. 2021, pourvoi n°20-14009


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.14009
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