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25/03/2021 | FRANCE | N°20-10659

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 25 mars 2021, 20-10659


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 265 F-D

Pourvoi n° Z 20-10.659

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

M. O... D..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Z 20-1

0.659 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2019 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant à Mme Q... L....

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 265 F-D

Pourvoi n° Z 20-10.659

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

M. O... D..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Z 20-10.659 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2019 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant à Mme Q... L..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de M. D..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme L..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 13 novembre 2019), M. D... a assigné, sur le fondement de l'article 138 du code de procédure civile, Mme L..., notaire, devant un tribunal de grande instance, à fin de communication des actes de vente le concernant, susceptibles d'avoir été dressés par M. X... A... G... D..., notaire, en 1943 ou ultérieurement.

2. Mme L... a demandé, à titre reconventionnel, la condamnation de M. D... à des dommages-intérêts pour procédure abusive.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. D... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à voir enjoindre à Mme L... de produire le minutier de l'année 1943 qu'elle détient dans son étude ou, subsidiairement, de se voir autorisé à se rendre à l'étude notariale en présence d'un huissier de justice, afin de pouvoir consulter les minutes de l'année 1943, alors :

« 1°/ que si, dans le cours d'une instance, une partie entend faire état d'un acte authentique, elle peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que M. D... ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 138 du code de procédure civile, que la demande de production forcée n'avait pas été réalisée au cours d'une instance au sens de ce texte, bien que M. D... ait sollicité la production d'un acte authentique de vente établi à son profit en 1943, ainsi que la consultation du minutier du notaire de la même année, ce qui constituait l'instance en cours au sens dudit texte, la cour d'appel a violé les articles 138 et 142 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge peut ordonner la production d'un ou plusieurs actes détenus par une partie ou un tiers, dès lors que ces actes sont suffisamment identifiés ou identifiables ; qu'en affirmant néanmoins, pour débouter M. D... de sa demande de production d'un acte, que cette demande ne visait aucun acte déterminé, après avoir pourtant constaté que M. D... demandait à voir ordonner la production d'un acte authentique de vente dont il était bénéficiaire, figurant dans le minutier de l'année 1943 de M. A... G... D..., notaire à [...], et désormais détenu par Mme L..., de sorte que l'acte était identifié, ou à tout le moins identifiable, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 138 et 142 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge ne peut exiger de celui qui sollicite la production forcée d'une pièce qu'il rapporte préalablement la preuve que sa demande a précisément pour objet de fournir ; qu'en affirmant néanmoins, pour débouter M. D... de sa demande tendant à voir ordonner la production d'un acte de vente établi à son profit en 1943, que celui-ci n'apportait aucun élément de preuve permettant de soutenir qu'il aurait été bénéficiaire d'une telle vente, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé les articles 138 et 142 du code de procédure civile ;

4°/ que lorsqu'un acte a été conclu au profit du demandeur mais est exclusivement détenu par une partie, le demandeur peut exiger la production forcée dudit acte en justice ; qu'en décidant néanmoins que M. D... ne pouvait solliciter la production forcée en justice d'un acte auquel il avait été partie, bien que n'étant pas en possession d'une copie de cet acte, il ait pu en solliciter la production en justice, la cour d'appel a violé les articles 138 et 142 du code de procédure civile ;

5°/ que le secret professionnel ne constitue pas un empêchement légitime, lorsque la demande de production forcée est dirigée contre un notaire, non en sa qualité de tiers, mais comme partie au procès intenté à son encontre ; qu'en décidant néanmoins que la demande de M. D... de l'année 1943, se heurtait au secret professionnel du notaire, bien que cette dernière ait été partie à l'instance, ce dont il résultait qu'elle ne pouvait se prévaloir du secret professionnel pour s'opposer à la demande de production forcée d'un acte formée par M. D..., la cour d'appel a violé les articles 138, 141, et 142 du code de procédure civile ;

6°/ que, subsidiairement, le secret professionnel ne fait pas obstacle, en lui-même, à une demande de production forcée d'un acte par une partie ou un tiers, lorsque cette production est indispensable à l'exercice du droit à la preuve du demandeur ; qu'en affirmant néanmoins, pour débouter M. D... de sa demande de production d'un acte, que la demande se heurtait au secret professionnel du notaire, dès lors que s'il était fait droit à cette demande, M. D... pourrait être amené à consulter des actes notariés qui ne le concernaient pas, sans rechercher si la demande de M. D... tendant à enjoindre Mme L... de produire le minutier de l'année 1943, ainsi que de sa demande tendant à se voir autorisé à se rendre à l'étude notariale de Mme L... en présence d'un huissier de justice, afin de pouvoir consulter les minutes de l'année 1943, n'était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée aux intérêts en présence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 du code civil, ensemble les articles 138, 141 et 142 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. C'est dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire que la cour d'appel, saisie sur le fondement de l'article 138 du code de procédure civile, d'une demande de communication de pièces détenues par une partie et non par un tiers, a refusé de faire droit à cette demande.

5. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. M. D... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme L... la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre 8 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, alors :

1°/ « que l'exercice d'une action en justice ne présente pas, en elle-même, un caractère fautif ; que seule constitue une faute, l'action faisant dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice ; qu'en se bornant, pour décider que M. D... avait abusé de son droit d'agir en justice, à relever que l'action qu'il avait exercée s'était révélée triplement infondée et qu'elle n'était étayée par aucun élément probant, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une faute de M. D... de nature à faire dégénérer en abus son droit d'agir en justice, a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 32-1 du code de procédure civile, ensemble l'article 1240 du code civil ;

2°/ que l'exercice d'une action en justice ne présente pas, en elle-même, un caractère fautif ; que seule constitue une faute, l'action faisant dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que M. D... avait abusé de son droit d'agir en justice, qu'il avait introduit une action en justice, bien qu'ayant été informé par Mme L..., préalablement à l'introduction de l'instance, que celle-ci n'était détentrice d'aucune des pièces revendiquées et qu'il ne disposait d'aucun élément de preuve permettant de contredire cette affirmation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme L... n'avait jamais répondu aux lettres de M. D... des 4 janvier et 10 mars 2014, par lesquelles il interrogeait le notaire sur l'existence d'un ou plusieurs actes de vente conclus à son profit durant l'année 1943, qui auraient été dressés par M. X... A... G... D..., ce dont il résultait que M. D... avait été contraint, en raison du silence du notaire sur ce point, d'introduire une action en justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 32-1 code de procédure civile, ensemble l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1240 du code civil :

7. L'exercice d'une action en justice peut dégénérer en un abus du droit d'ester en justice, qui suppose la démonstration d'une faute.

8. Pour condamner M. D... à des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient, d'une part, que M. D... a introduit une action en justice qui s'est révélée triplement infondée, et qui n'était étayée par aucun élément probant, puisque sur les quatre pièces produites, trois pièces étaient des lettres émanant du demandeur lui-même, la quatrième pièce étant une lettre purement informative de la direction des interventions départementales aux archives départementales et, d'autre part, que, M. D..., en introduisant et poursuivant cette action en justice, alors même que Mme L... avait indiqué ne pas être détentrice de la ou des pièces revendiquées, et qu'il ne disposait d'aucun élément permettant de contredire cette énonciation, a fait preuve d'un comportement abusif qui a nécessairement causé des tracas et désagréments à la défenderesse.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. D... n'avait pas été contraint, en raison du silence du notaire à ses courriers, d'introduire une action en justice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne M. D... à payer à Mme L... la somme de 3 000 euros pour procédure abusive, les dépens et la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne Mme L... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. D...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur O... D... de ses demandes tendant à voir enjoindre à Maître Q... L... de produire le minutier de l'année 1943 qu'elle détient dans son étude ou, subsidiairement, de se voir autorisé à se rendre à l'étude notariale de Maître Q... L... en présence d'un huissier de justice, afin de pouvoir consulter les minutes de l'année 1943, puis de l'avoir condamné à payer à Madame Q... L... la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,, outre 8.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur D... fonde sa demande de production au greffe de la Cour d'appel, et subsidiairement de consultation en l'étude du notaire intimé, du minutier de l'année 1943 de l'étude de Maître X... A... G... D..., sur la base des articles 138 et 139 du Code de procédure civile, ainsi que sur celle de l'article 1240 du Code civil ; que comme l'a rappelé le premier juge, les deux premiers textes supposent qu'une instance soit en cours au cours de laquelle une partie entend faire état d'un acte auquel elle n'a pas été partie ou d'une pièce détenue par un tiers ; qu'en l'espèce, la demande de l'appelant se situe hors de toute instance judiciaire ; que de plus, elle ne concerne aucun acte en particulier, mais vise à la consultation de tous les actes passés par le notaire au cours de l'année 1943 ; que les demandes, tant la principale que la subsidiaire, sont donc dépourvues de fondement procédural ; que de plus, elles se heurtent aux règles concernant le secret professionnel des notaires, car si Monsieur D... obtenait satisfaction, il serait amené à consulter des actes ne le concernant en rien et n'intéressant aucune procédure judiciaire dans laquelle il serait partie ; que d'ailleurs, l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI, mentionné dans les écritures des parties, qui réglemente le secret professionnel, évoque la possibilité de donner connaissance de certains actes en dehors des personnes intéressées ou de leurs héritiers et ayants droits, sur autorisation du Président du Tribunal de grande instance, ce qui n'est pas la voie procédurale choisie en l'espèce ; que c'est à juste titre que le Tribunal a rejeté les demandes de Monsieur D... ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Monsieur D... fonde ses demandes sur l'article 138 du Code de procédure civile, qui dispose que si, dans le cours d'une instance, une partie entend faire faire état d'un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n'a pas été partie ou d'une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ou de la pièce ; qu'en application de cet article, si le juge peut ordonner la production d'un ou de plusieurs actes de tenus par un tiers, encore faut-il que ces actes soient suffisamment déterminés ; que la demande doit être accompagnée de précision permettant d'identifier les pièces ; que de même, il ne peut être ordonné de production de pièces sans que l'existence de ces dernières soit, sinon établie avec certitude, du moins vraisemblable ; qu'enfin, les parties à un acte notarié pouvant avoir connaissance de la minute de cet acte en l'étude du notaire ne saurait se prévaloir de l'application de cet article ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que la demande de production de Monsieur D... n'a pas été réalisée au cours d'une instance, mais qu'elle est l'objet même de l'introduction de son instance ; qu'ensuite Monsieur D... demande la production d'un acte auquel il serait partie, selon ses indications, puisqu'il serait l'acquéreur, ou du moins le bénéficiaire ; que de même, Monsieur D... n'apporte aucun élément permettant de soutenir qu'il aurait été bénéficiaire d'une vente, « l'historique local de transmission orale duquel un faisceau convergent de présomptions concordantes quant à l'existence d'un ou de plusieurs actes de vente » n'étant absolument pas argumenté ni étayé par aucune pièce ; qu'enfin, la demande de Monsieur D... de voir « ordonner la production au greffe du Tribunal de grande instance de Bastia du minutier de l'année 1943 de Maître X... A... G... D..., notaire à [...] et détenu par Maître L... » ne vise aucun acte déterminé ou déterminable ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les demandes de Monsieur D..., tant principale que subsidiaire, qui reposent sur le même article de loi sont totalement infondées ; qu'il en sera débouté ;

1°) ALORS QUE si, dans le cours d'une instance, une partie entend faire état d'un acte authentique, elle peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que Monsieur D... ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 138 du Code de procédure civile, que la demande de production forcée n'avait pas été réalisée au cours d'une instance au sens de ce texte, bien que Monsieur D... ait sollicité la production d'un acte authentique de vente établi à son profit en 1943, ainsi que la consultation du minutier du notaire de la même année, ce qui constituait l'instance en cours au sens dudit texte, la Cour d'appel a violé les articles 138 et 142 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge peut ordonner la production d'un ou plusieurs actes détenus par une partie ou un tiers, dès lors que ces actes sont suffisamment identifiés ou identifiables ; qu'en affirmant néanmoins, pour débouter Monsieur D... de sa demande de production d'un acte, que cette demande ne visait aucun acte déterminé, après avoir pourtant constaté que Monsieur D... demandait à voir ordonner la production d'un acte authentique de vente dont il était bénéficiaire, figurant dans le minutier de l'année 1943 de Maître A... G... D..., notaire à [...], et désormais détenu par Maître L..., de sorte que l'acte était identifié, ou à tout le moins identifiable, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 138 et 142 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le juge ne peut exiger de celui qui sollicite la production forcée d'une pièce qu'il rapporte préalablement la preuve que sa demande a précisément pour objet de fournir ; qu'en affirmant néanmoins, pour débouter Monsieur D... de sa demande tendant à voir ordonner la production d'un acte de vente établi à son profit en 1943, que celui-ci n'apportait aucun élément de preuve permettant de soutenir qu'il aurait été bénéficiaire d'une telle vente, la Cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé les articles 138 et 142 du Code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE lorsqu'un acte a été conclu au profit du demandeur mais est exclusivement détenu par une partie, le demandeur peut exiger la production forcée dudit acte en justice ; qu'en décidant néanmoins que Monsieur D... ne pouvait solliciter la production forcée en justice d'un acte auquel il avait été partie, bien que n'étant pas en possession d'une copie de cet acte, il ait pu en solliciter la production en justice, la Cour d'appel a violé les articles 138 et 142 du Code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE le secret professionnel ne constitue pas un empêchement légitime, lorsque la demande de production forcée est dirigée contre un notaire, non en sa qualité de tiers, mais comme partie au procès intenté à son encontre ; qu'en décidant néanmoins que la demande de Monsieur D..., tendant à voir enjoindre à Maître L... de produire le minutier de l'année 1943, se heurtait au secret professionnel du notaire, bien que cette dernière ait été partie à l'instance, ce dont il résultait qu'elle ne pouvait se prévaloir du secret professionnel pour s'opposer à la demande de production forcée d'un acte formée par Monsieur D..., la Cour d'appel a violé les articles 138, 141, et 142 du Code de procédure civile ;

6°) ALORS QUE, subsidiairement, le secret professionnel ne fait pas obstacle, en lui-même, à une demande de production forcée d'un acte par une partie ou un tiers, lorsque cette production est indispensable à l'exercice du droit à la preuve du demandeur ; qu'en affirmant néanmoins, pour débouter Monsieur D... de sa demande de production d'un acte, que la demande se heurtait au secret professionnel du notaire, dès lors que s'il était fait droit à cette demande, Monsieur D... pourrait être amené à consulter des actes notariés qui ne le concernaient pas, sans rechercher si la demande de Monsieur D... tendant à enjoindre Maître L... de produire le minutier de l'année 1943, ainsi que de sa demande tendant à se voir autorisé à se rendre à l'étude notariale de Maître L... en présence d'un huissier de justice, afin de pouvoir consulter les minutes de l'année 1943, n'était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée aux intérêts en présence, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 du Code civil, ensemble les articles 138, 141 et 142 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur O... D... à payer à Madame Q... L... la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre 8.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est également à juste titre, pour des motifs que la Cour adopte, qu'il a fait droit à la demande de dommages-intérêts de Maître Q... L... ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en vertu de l'article 1240 nouveau du Code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige par celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'en application de cet article, l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que Monsieur D... a introduit une action en justice qui s'est révélée triplement infondée, et qui n'était étayée par absolument aucun élément probant, puisque sur les quatre pièces produites, trois pièces étaient des lettres émanant du demandeur lui-même, la quatrième pièce étant une lettre purement informative de la direction des interventions départementales aux archives départementales ; qu'ainsi, Monsieur D..., en introduisant et poursuivant cette action en justice, alors même que Maître L... avait indiqué ne pas être détentrice de la ou des pièces revendiquées, et qu'il ne disposait d'aucun élément permettant de contredire cette énonciation, a fait preuve d'un comportement abusif qui a nécessairement causé des tracas et désagréments à la défenderesse ; que par conséquent, il convient de condamner Monsieur D... à verser à Maître L... la somme de 3.000 euros ;

1°) ALORS QUE l'exercice d'une action en justice ne présente pas, en elle-même, un caractère fautif ; que seule constitue une faute, l'action faisant dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice ; qu'en se bornant, pour décider que Monsieur D... avait abusé de son droit d'agir en justice, à relever que l'action qu'il avait exercée s'était révélée triplement infondée et qu'elle n'était étayée par aucun élément probant, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une faute de Monsieur D... de nature à faire dégénérer en abus son droit d'agir en justice, a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 32-1 du Code de procédure civile, ensemble l'article 1240 du Code civil ;

2°) ALORS QUE l'exercice d'une action en justice ne présente pas, en elle-même, un caractère fautif ; que seule constitue une faute, l'action faisant dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que Monsieur D... avait abusé de son droit d'agir en justice, qu'il avait introduit une action en justice, bien qu'ayant été informé par Maître L..., préalablement à l'introduction de l'instance, que celle-ci n'était détentrice d'aucune des pièces revendiquées et qu'il ne disposait d'aucun élément de preuve permettant de contredire cette affirmation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Maître L... n'avait jamais répondu aux lettres de Monsieur D... des 4 janvier et 10 mars 2014, par lesquelles il interrogeait le notaire sur l'existence d'un ou plusieurs actes de vente conclus à son profit durant l'année 1943, qui auraient été dressés par Maître X... A... G... D..., ce dont il résultait que Monsieur D... avait été contraint, en raison du silence du notaire sur ce point, d'introduire une action en justice, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 32-1 Code de procédure civile, ensemble l'article 1240 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-10659
Date de la décision : 25/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 13 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 25 mar. 2021, pourvoi n°20-10659


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.10659
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