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25/03/2021 | FRANCE | N°18-13940

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 25 mars 2021, 18-13940


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2021

Cassation
sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 253 F-P

Pourvoi n° Z 18-13.940

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

L'association Ludus institut, dont le siège est [...] , a

formé le pourvoi n° Z 18-13.940 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litig...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2021

Cassation
sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 253 F-P

Pourvoi n° Z 18-13.940

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

L'association Ludus institut, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Z 18-13.940 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à Mme I... P..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'association Ludus institut, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme P..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 janvier 2018), l'association Ludus institut (l'association) a interjeté appel, le 10 octobre 2016, devant la cour d'appel de Colmar d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à Mme P....

2. Mme P... a fait le choix d'un conseil appartenant à l'ordre des avocats du barreau de Paris, lequel a remis sa constitution pour le compte de l'intimée à la cour d'appel par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

3. Informée de la constitution de l'avocat pour l'intimée, l'appelante lui a adressé ses premières conclusions d'appel le 10 janvier 2017 en même temps qu'elle les a remises au greffe de la cour d'appel.

4. Le conseiller de la mise en état a, d'office, invité les parties à s'expliquer sur l'irrecevabilité de la constitution de l'avocat de l'intimée et sur l'irrecevabilité de ses conclusions en application de l'article 930-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable.

5. Mme P... a soulevé, à titre subsidiaire, au cas où sa constitution serait irrecevable, la caducité de la déclaration d'appel, faute pour l'association de lui avoir signifié ses premières conclusions d'appelante dans le délai prévu par l'article 911 du code de procédure civile.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

7. L'association fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables la constitution de l'avocat de Mme P... du 28 novembre 2018 et ses conclusions datées du 9 mars 2017, et de constater la caducité de la déclaration d'appel de l'association, le dessaisissement de la cour d'appel et que le jugement entrepris est définitif, alors « que l'article 902 du code de procédure civile prévoit que, lorsque l'intimé n'a pas constitué avocat dans le délai d'un mois à compter de l'envoi de la lettre de notification de l'appel, le greffier en avise l'avocat de l'appelant, afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d'appel ; que lorsque l'avocat de l'appelant n'a reçu aucun avertissement du greffe l'informant d'un défaut de constitution et qu'au contraire, il a été avisé par l'avocat de l'intimée de sa constitution (hors RPVA s'agissant d'un confrère d'un barreau étranger à la cour d'appel), l'appelant est tenu de notifier ses écrits et ses pièces à cet avocat, régulièrement constitué à ses yeux, la signification à partie n'étant requise qu'à défaut de constitution du défendeur ; que la cour d'appel a violé les articles 902, 906 et 901 du code de procédure civile, ensemble les droits de la défense. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 908, 911 et 960 du code de procédure civile :

8. La notification de l'acte de constitution d'avocat de l'intimé à l'appelant, en application du dernier de ces textes, tend à lui rendre cette constitution opposable. Il en résulte que, lorsque cette notification n'a pas été régulièrement faite, l'appelant satisfait à l'obligation de notification de ses conclusions à l'intimé, prévue par les deux premiers textes, en lui signifiant ses conclusions. Il résulte, en outre, du deuxième de ces textes que l'appelant satisfait également à cette obligation en les notifiant à l'avocat que celui-ci a constitué.

9. Pour constater la caducité de la déclaration d'appel de l'association, l'arrêt retient qu'il est constant que l'association, après avoir interjeté appel le 10 octobre 2016 et transmis ses conclusions d'appel à la cour le 10 janvier 2017 par voie électronique, ne les a pas signifiées à Mme P..., intimée, avant le 10 février 2017, bien qu'elle n'ait pas été destinataire d'un acte de constitution par voie électronique d'un avocat pour l'intimée, qu'elle ne justifie pas d'un avis électronique de réception d'un acte de constitution d'un avocat pour l'intimée et qu'elle ne peut prétendre que l'envoi de ses conclusions par fax à Me H..., avocat non constitué, le 10 janvier 2017, pourrait suppléer le défaut de signification de ses conclusions à Mme P....

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 8 et 10 qu'il n'y a pas lieu de dire la déclaration d'appel caduque, ni de déclarer irrecevables la constitution et les conclusions de Mme P....

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 juillet 2017 ;

DIT n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel en application des articles 908 et 911 du code de procédure civile ;

DIT recevables la constitution et les conclusions de Mme P... ;

DIT que l'instance se poursuivra devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne Mme P... aux seuls dépens exposés devant la Cour de cassation ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme P... et la condamne à payer à l'association Ludus institut la somme de 3 000 euros au titre des frais irrepétibles devant la Cour de cassation ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour l'association Ludus institut

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué, D'AVOIR déclaré irrecevables la constitution de maître K... H..., avocat de Mme P..., du 28 novembre 2018 et ses conclusions datées du 9 mars 2017, ET D'AVOIR constaté la caducité de la déclaration d'appel de l'association Ludus Institut, constaté le dessaisissement de la cour et que le jugement entrepris est définitif,

AUX MOTIFS QU'aux termes l'article 930-1 du code de procédure civile, les actes de procédure sont, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, remis à la juridiction par voie électronique sauf à ce qu'une cause étrangère à celui qui l'accomplit l'empêche de le transmettre par voie électronique et l'autorise à l'établir sur support papier et à le remettre au greffe ; que non seulement l'avocat de l'intimée ne se prévaut pas d'une telle cause pour justifier l'absence de constitution et de remise des conclusions par voie électronique mais que ce dernier, en se constituant par lettre recommandée avec accusé de réception n'a pas, en tout état de cause, respecté le formalisme prévu par l'article 930-1 du code de procédure civile qui sous-entend, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, une remise physique et manuelle des actes ; qu'il résulte de la lecture combinée des articles 906, 908 et 911 du Code de procédure civile qu'à peine de caducité de sa déclaration d'appel, l'appelant doit déposer ses conclusions dans le délai de trois mois de la déclaration d'appel et doit les avoir signifiées à l'intimé qui n'a pas constitué avocat, dans le délai maximal de quatre mois à compter de la déclaration d'appel ; que la caducité doit être relevée d'office par le conseiller de la mise en état, de sorte qu'il est indifférent que les conclusions d'incident prises pour l'intimée n'aient pas été adressées à la Cour par voie électronique ; qu'il est constant que l'association appelante, après avoir interjeté appel le 10 octobre 2016 et transmis ses conclusions d'appel à la Cour le 10 janvier 2017 par voie électronique, ne les a pas signifiées à Mme P... intimée avant le 10 février 2017, bien qu'elle n'ait pas été destinataire d'un acte de constitution par voie électronique d'un avocat pour l'intimée ; que l'association appelante ne justifie pas d'un avis électronique de réception d'un acte de constitution d'un avocat pour l'intimée ; que l'association appelante, qui n'a pas régulièrement signifié ses conclusions d'appel à l'intimée, ne peut prétendre que leur envoi par fax à maître H..., avocat non constitué, le 10 janvier 2017 pourrait y suppléer ; qu'ainsi, l'ordonnance déférée a, à juste titre, constaté la caducité de la déclaration d'appel ;

1/ ALORS QUE constitue une impossibilité de transmettre un acte par voie électronique au sens de l'article 930-1 du Code de procédure civile, le fait pour l'avocat d'un barreau extérieur à la Cour d'appel saisie et néanmoins apte à représenter devant celle-ci une partie en matière prud'homale, de ne pouvoir accéder au réseau RPVA de cette cour d'appel ; que le conseiller de la mise en état avait expressément relevé qu'il « est constant que les avocats extérieurs aux barreaux de la cour devant laquelle la procédure est pendante n'ont pas accès à la communication par voie électronique et qu'ils doivent, en conséquence, procéder à la remise des actes de procédure au greffe » ; que l'avocat de l'appelant se prévalait de cette cause étrangère pour justifier l'absence de constitution de l'avocat du défendeur par voie électronique ; que l'appelant à qui on oppose l'irrégularité de la constitution en défense pour lui imputer une irrégularité de son propre acte de procédure est recevable à faire valoir la cause étrangère qui expliquait l'absence de constitution en défense par voie électronique ; que la Cour d'appel a violé l'article 930-1 du Code de procédure civile et les droits de la défense ;

2/ ALORS QUE l'article 903 et l'article 930-1 du code de procédure civile dans leur rédaction antérieure au décret du 6 mai 2017, prévoient une remise au greffe des actes de procédure et non une déclaration ; que la remise d'un acte écrit sur support papier exige seulement que l'acte parvienne au greffe ; que l'envoi par lettre recommandée avec accusé de réception répond à cette exigence ; qu'en ajoutant à ces dispositions une condition qu'elles ne prévoient pas, la cour d'appel a violé les articles 903 et 930-1 du code de procédure civile.

3/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 n'a qu'une valeur interprétative en ce qu'il assouplit le formalisme de remise au greffe incombant aux parties en y ajoutant une précision et ne fait que codifier une pratique préexistante ; que la valeur interprétative du décret lui confère de surcroît un caractère rétroactif ; qu'en écartant toute possibilité de remise au greffe par lettre recommandée avec accusé de réception en application de ce décret, la cour a violé l'article 930-1 du code de procédure civile.

4/ ALORS QUE l'article 902 du Code de procédure civile prévoit que, lorsque l'intimé n'a pas constitué avocat dans le délai d'un mois à compter de l'envoi de la lettre de notification de l'appel, le greffier en avise l'avocat de l'appelant, afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d'appel ; que lorsque l'avocat de l'appelant n'a reçu aucun avertissement du greffe l'informant d'un défaut de constitution et qu'au contraire, il a été avisé par l'avocat de l'intimée de sa constitution (hors RPVA s'agissant d'un confrère d'un barreau étranger à la cour d'appel), l'appelant est tenu de notifier ses écrits et ses pièces à cet avocat, régulièrement constitué à ses yeux, la signification à partie n'étant requise qu'à défaut de constitution du défendeur ; que la cour d'appel a violé les articles 902, 906 et 901 du code de procédure civile, ensemble les droits de la défense ;

5/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'il est fait interdiction aux parties de se contredire au détriment d'autrui, que l'intimée, tout en demandant, à titre principal, à ce que sa constitution soit déclarée recevable, se prévaut, à titre subsidiaire, d'une éventuelle irrégularité dans sa propre constitution, afin de soulever la caducité de la déclaration d'appel de l'appelant, au motif qu'en l'absence de constitution régulière de l'avocat en défense, l'appelant aurait dû signifier ses conclusions à partie ; qu'en faisant droit à leur demande, la cour d'appel a violé le principe d'estoppel.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-13940
Date de la décision : 25/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

APPEL CIVIL - Procédure avec représentation obligatoire - Déclaration d'appel - Caducité - Cas - Conclusions de l'appelant - Défaut de notification des conclusions à l'intimé - Conditions - Condition nécessaire - Intimé - Constitution d'avocat - Notification préalable à l'avocat de l'appelant

APPEL CIVIL - Intimé - Constitution d'avocat - Notification - Irrégularité - Effets - Articles 908 et 911 du code de procédure civile APPEL CIVIL - Procédure avec représentation obligatoire - Conclusions - Conclusions de l'appelant - Notification - Régularité - Absence de notification de la constitution d'avocat de l'intimé - Effets

La notification de l'acte de constitution d'avocat de l'intimé à l'appelant, en application de l'article 960 du code de procédure civile, tend à lui rendre cette constitution opposable. Il en résulte que, lorsque cette notification n'a pas été régulièrement faite, l'appelant satisfait à l'obligation de notification de ses conclusions à l'intimé, prévue par les articles 908 et 911 du même code, en lui signifiant ses conclusions. Il résulte en outre de l'article 908 que l'appelant satisfait également à cette obligation en les notifiant à l'avocat que l'intimé a constitué


Références :

Articles 908, 911 et 960 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 19 janvier 2018

2e Civ., 4 juin 2020, pourvoi n° 19-12959, Bull. 2020, (cassation sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 25 mar. 2021, pourvoi n°18-13940, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.13940
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