La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/03/2021 | FRANCE | N°19-19766

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 mars 2021, 19-19766


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 mars 2021

Cassation

M. CATHALA, président

Arrêt n° 372 FS-D

Pourvoi n° C 19-19.766

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 MARS 2021

M. O... R..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° C 19-19.766 contre l'arrêt rendu l

e 21 février 2018 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Electricité de France, société anonyme...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 mars 2021

Cassation

M. CATHALA, président

Arrêt n° 372 FS-D

Pourvoi n° C 19-19.766

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 MARS 2021

M. O... R..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° C 19-19.766 contre l'arrêt rendu le 21 février 2018 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Electricité de France, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La société Electricité de France a formé un pourvoi incident subsidiaire contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident subsidiaire invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. R..., de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Electricité de France, et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 février 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Gilibert, conseillers, M. Duval, Mmes Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 21 février 2018), M. R..., salarié de la société Électricité de France ayant travaillé sur le site de la centrale thermique de [...] en Haute Corse, et soutenant y avoir été exposé quotidiennement à l'inhalation de poussières d'amiante, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de réparation de son préjudice d'anxiété.

Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

2. Le salarié fait grief à l'arrêt dire qu'il ne justifie par aucun document de la réalité et de l'étendue du préjudice d'anxiété et en conséquence de le débouter de sa demande, alors « qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; qu'en refusant au salarié l'indemnisation de son préjudice d'anxiété résultant de son exposition aux poussières d'amiante sur le site de [...] en considération du fait que l'établissement dans lequel il avait travaillé n'était pas mentionné à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 :

3. Il résulte de ces textes qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée.

4. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt retient que celui-ci demande l'indemnisation du préjudice moral résultant pour lui du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante, ce qui correspond à la définition du préjudice spécifique d'anxiété, lequel ne peut être sollicité que par les salariés éligibles au dispositif ACAATA, ce qui n'est pas le cas de ce salarié.

5. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne la société Électricité de France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Électricité de France et la condamne à payer à M. R... la somme de 400 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. R..., demandeur au pourvoi principal

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que le salarié ne justifiait par aucun document de la réalité et de l'étendue du préjudice d'anxiété et d'AVOIR, par conséquent, débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice spécifique d'anxiété.

AUX MOTIFS propres QUE le salarié soutient que l'entreprise, compte tenu de la spécificité de son activité a fait une utilisation massive de l'amiante, notamment en raison de son fort pouvoir isolant, tout en s'exonérant de ses obligations et produit notamment aux débats : les attestations rédigées en termes généraux de Messieurs R... et K..., anciens collègues de travail également demandeurs d'une indemnisation sur le même fondement, indiquant en substance qu'ils ont travaillé en contact direct avec l'amiante sans protection, un document de travail établi le 4 décembre 1996 par l'employeur, lequel liste les activités ayant utilisé de l'amiante ainsi que les métiers concernés, une attestation du docteur T..., ancien médecin du travail de la société rapportant les conditions de travail dans les usines, le rapport établi le 25 mai 1977 par le service général de la médecine du travail d'EDF faisant état de cette utilisation massive, l'absence de large diffusion des deux rapports précités, seule une note à diffusion restreinte du 9 janvier 1978 faisant état de la prévention des risques amiante, ses recommandations n'ayant jamais été mises en œuvre sur le site de [...], le procès-verbal de la réunion du Comité national d'hygiène et de sécurité en date du 11 avril 1997 dont il conclut que, malgré la diffusion de nombreuses notes de services, le problème de l'amiante n'est toujours pas réglé et que les agents n'y ont pas été sensibilisés, qu'elle ne permet pas de considérer que celui-ci avait pris les mesures propres à faire cesser le dommage alors même que les membres du comité insistaient pour qu'une information sur le sujet soit donnée à l'ensemble du personnel et affirmaient que le stockage de ces matériaux n'était pas hermétique, une note du 27 juin 2000 de la direction du personnel quant à la surveillance post-professionnelle, listant le site de [...] comme susceptible d'avoir exposé son personnel à l'amiante, une attestation collective de salariés précisant qu'ils ignoraient le caractère dangereux de l'amiante, faute d'information, alors qu'ils travaillaient en permanence dans les poussières d'amiante, que l'entreprise faisait effectuer les contrôles dans la partie de la centrale arrêtée, après lavage à grande eau de toutes ses installations afin de minorer au maximum les taux effectifs, un plan de retrait du 7 janvier 1997, confié à la société Wanner prévoyant le décalorifugeage d'une série d'éléments, un plan de désamiantage du bac de stockage du 1er février 2012, démontrant qu'à cette époque, les salariés étaient toujours exposés aux poussières d'amiante, ce que confirme, selon le salarié, l'attestation de M. S..., ainsi que le fait que plusieurs de ses collègues de travail ont développé des pathologies liées à l'amiante; que pour sa part, se prévalant du très faible risque au sein de la centrale de [...], où la présence d'amiante était marginale, et des mesures prises, la SA EDF réplique que les salariés font un amalgame entre le départ anticipé de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et le dispositif spécifique de préretraite de la SA EDF, lequel n'est ouvert qu'aux agents reconnus atteints d'une maladie professionnelle liée à l'amiante ; qu'elle conteste également le manquement à son obligation de sécurité de résultat invoquée par les parties adverses et expose que le "préjudice consécutif au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat" est une création des salariés pour les besoins de leur cause, ce préjudice n'ayant aucune existence textuelle ou jurisprudentielle ; qu'elle invoque aussi l'absence de distinction entre le préjudice d'anxiété et le préjudice né d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, invoquant ainsi une responsabilité sans faute ; que le manquement allégué, à supposer qu'il soit prouvé n'est pas un préjudice en soi mais seulement la cause du préjudice d'anxiété ; qu'en outre, dans ce cas, il appartient au salarié de rapporter la preuve du préjudice subi et du lien de causalité entre la faute et ce préjudice et, en l'espèce, cette preuve n'est pas rapportée, l'ensemble des salariés sollicite de manière forfaitaire et non individualisée, sans justifications, le versement de la somme de 20000 euros ; que sur le fond, elle soutient avoir pris toutes les mesures fixées par les textes, que la centrale de [...] ne produit pas d'amiante et n'a pas pour objet de transformer de l'amiante, qu'aucun des métiers des agents concernés par la procédure n'est susceptible d'avoir entraîné une exposition à des fibres d'amiante dans des conditions pouvant porter atteinte à leur santé; que la société EDF se fonde principalement sur : un rapport SOCOTEC du 11 mars 1997, dont il résulte une présence d'amiante en des lieux précis mais à des taux inférieurs aux valeurs en vigueur, des rapports de mesures effectués par l'institut [...] démontrant l'absence d'amiante dans la centrale et notamment là où travaillait le demandeur, le compte rendu du CHSCT du 17 septembre 1998 se félicitant du traitement de la question sur la centrale de [...], le fait que les opérations de retrait de l'amiante ont été réalisées par une entreprise extérieure et dans les conditions de sécurité légales, des rapports de l'APAVE de 2006 dont il résulte que les résultats sont conformes à la législation en vigueur, une ordonnance de non-lieu du 8 avril 2014 à la suite d'une plainte pénale, le plan de prévention de 2004 à 2013, une formation aux risques amiante en 2006 à laquelle assistaient plusieurs des salariés demandeurs d'indemnités, les mesures de désamiantage spécifiques prises sur le bac de stockage à la suite d'un suintement d'hydrocarbures à son pied, le plan de prévention débutant le 17 février 1997, le suivi médical des salariés, le bilan local EDF; que n'est aucunement discuté le caractère dangereux et nocif pour la santé humaine de l'amiante, de sorte que la référence aux diverses études médicales est inopérante; que ne sont en cause que les mesures prises par l'employeur afin de protéger la santé des salariés appelés à manipuler ou être au contact de ce matériau, plus exactement la suffisance ou l'insuffisance de ces mesures ; que pour que la responsabilité de l'employeur puisse être retenue à ce titre, cela suppose d'établir un manquement à cette obligation de sécurité et de rapporter la preuve d'un préjudice en découlant directement; que le salarié fait valoir que l'exposition à l'amiante entraîne une perte d'espérance de vie, provoque des maladies presque toujours mortelles ainsi que des lésions réduisant la capacité respiratoire, incurables, irréversibles et évolutives, ce que ne pouvait ignorer l'employeur et soutient que l'accord du 15 juillet 1998, modifié par avenant du 7 juin 2002 a créé une situation anxiogène à l'égard de tous les salariés qui connaissent les conséquences de leur exposition à l'amiante, d'autant que cet accord renvoie directement à l'article 41 de. la loi du 23 décembre 1998 instaurant le dispositif ACAATA ; qu'il invoque ainsi la crainte du risque de tomber malade, impliquant une inquiétude permanente et le bouleversement de ses conditions d'existence ; que le parallèle fait par le salarié avec le préjudice spécifique au cas de contamination ou de produit défectueux en matière médicale manque de pertinence, dès lors qu'en l'espèce le préjudice dont se plaint le demandeur ne découlerait pas directement du matériau ou du produit dangereux en lui-même, mais uniquement de l'insuffisance fautive des mesures de prévention et d'information prises par l'employeur dans l'emploi de ces matériaux et produits dangereux, étant rappelé que l'appréciation de ces mesures ne peut se faire qu'en fonction des connaissances de l'époque; que le salarié produit essentiellement pour preuve de son exposition fautive à l'amiante par la SA EDF, quelques attestations décrivant la nature de ses activités professionnelles et ses conditions de travail mais ces attestations, outre qu'elles émanent des autres salariés concernés, ne caractérisent pas les carences alléguées ni le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, étant observé en outre la rédaction en termes quasiment identiques de certaines de ces attestations, lesquelles ne font état que de généralités, sans les dater et sans donner d'éléments permettant de retenir que tous ces témoins aient été des collègues directs du salarié ; que toutefois, l'employeur lui a délivré un certificat faisant état d'une exposition potentielle aux poussières d'amiante et de fuel lourd; qu'en tout état de cause, et même à supposer qu'un manquement à l'obligation de sécurité puisse être retenu à la charge de l'employeur, celui-ci ne pourrait être responsable et tenu d'indemniser qu'un préjudice, certain, né et actuel dont la preuve doit être apportée par le demandeur ; que le risque de préjudice n'est pas un préjudice indemnisable, s'agissant d'un risque de survenance d'un dommage, lequel n'est pas réparable en droit commun; que le salarié fait valoir qu'il a conscience d'avoir été exposé pendant de nombreuses années à de nombreux agents cancérigènes et est donc nécessairement inquiet et subit un bouleversement dans les conditions d'existence ; qu'il produit les attestations d'un ami, M. B..., et de sa femme, faisant état de son inquiétude vis-à-vis de l'amiante ; qu'au vu de l'ensemble de ces pièces, il s'agit là d'une demande d'indemnisation du préjudice moral résultant pour le salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante, ce qui correspond à la définition du préjudice spécifique d'anxiété, lequel ne peut être sollicité que par les salariés éligibles au dispositif ACAATA, ce qui n'est pas le cas du salarié ; que ce préjudice inclut nécessairement le bouleversement dans les conditions d'existence et le salarié ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct, autre que celui répondant à la définition du préjudice spécifique d'anxiété dont il a été vu que la réparation était réservée au cas de salariés victimes de l'amiante selon le régime de la loi de 1998, étant enfin observé que, présentant une demande forfaitaire, il ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice actuel et certain, condition nécessaire dans toute recherche de responsabilité, qu'elle soit fondée sur un manquement à une obligation contractuelle ou légale ou encore sur une faute pénale.

AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE le salarié ne verse aux débats aucun élément permettant d'objectiver la réalité et l'ampleur du préjudice d'anxiété allégué, telles que pièces médicales, témoignages de l'entourage sur les troubles et perturbations; que les documents médicaux concernant M. F... H..., s'ils démentent l'affirmation de l'employeur selon laquelle aucun salarié n'a développé de maladie sur le site, n'est pas susceptible toutefois de caractériser le préjudice propre du salarié; que les seuls éléments fournis concernent la qualification professionnelle et se rattachant à la preuve de l'exposition; qu'il s'ensuit que le salarié ne prouve pas l'existence d'un préjudice moral lié à l'angoisse de voir survenir une maladie suite à son exposition ;

1° ALORS QUE en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; qu'en déclarant que le salarié n'avait pas satisfait à son obligation de justifier son exposition aux poussières d'amiante, quand il avait versé aux débats un rapport de la médecine du travail d'EDF de 1977, une attestation du médecin du travail en poste durant sa période d'emploi, un document interne établi en 1996 par la direction de l'entreprise, des attestations de collègues de travail, un rapport du CHSCT de 1997, une note de la direction de 2000 relative à la surveillance post-professionnelle, des plans de désamiantage de 1997 et 2012 faisant tous état d'une utilisation de l'amiante et d'une exposition à ce matériau des travailleurs du site de [...], ainsi qu'un certificat faisant état d'une exposition potentielle aux poussières d'amiante et de fuel lourd, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

2° ALORS QUE ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'en considérant qu'il ne résultait pas des pièces produites que la société EDF avait manqué à son obligation de sécurité à l'égard du salarié embauché en 1982 , quand aucune des mesures de prévention et de traitement du risque mises en œuvre ne concernait la période antérieure à 1995, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et partant a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

3° ALORS QUE ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'en reprochant au salarié de ne pas avoir caractérisé le manquement de la société EDF à son obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et partant a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

4° ALORS QUE en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; qu'en refusant au salarié l'indemnisation de son préjudice d'anxiété résultant de son exposition aux poussières d'amiante sur le site de [...] en considération du fait que l'établissement dans lequel il avait travaillé n'était pas mentionné à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

5° ALORS éventuellement à supposer les motifs des premiers juges adoptés, QUE, en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui n'a pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 doit justifier que du fait de son exposition à l'amiante et du manquement de son employeur à son obligation de sécurité, il a personnellement subi un préjudice d'anxiété résultant du risque élevé de développer une pathologie grave ; qu'en refusant de considérer que le salarié justifiait avoir personnellement subi un préjudice d'anxiété résultant du risque élevé de développer une pathologie grave, quand pourtant il avait produit les attestations d'un ami et de son épouse témoignant de son état d'inquiétude consécutif à son exposition à l'amiante, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Electricité de France, demanderesse au pourvoi incident subsidiaire

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision des premiers juges ayant constaté que la preuve d'une exposition fautive du salarié à l'amiante du fait de la société EDF était rapportée ;Aux motifs propres que ne sont en cause que les mesures prises par l'employeur afin de protéger la santé des salariés appelés à manipuler ou être au contact de ce matériau, plus exactement la suffisance ou l'insuffisance de ces mesures ; que l'article L.4121-1 du code du travail énonce quel'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés, l'employeur veillant en outre à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement de circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ; que ces dispositions ont repris celles de l'ancien article L.230-2 du code du travail issues de la loi n°91-1414 du 31 décembre 1991 ayant pour objectif de favoriser la prévention des risques professionnels, qui a intégré en droit interne les dispositions de plusieurs directives européennes et spécialement la directive n°89-391 relative à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs sur leur lieu de travail et traduisent, s'agissant du contrat de travail, le principe général de l'obligation de sécurité, résultant des dispositions de l'article 1147 du code civil, qui pèse sur l'employeur ; que pour que la responsabilité de l'employeur puisse être retenue à ce titre, cela suppose d'établir un manquement à cette obligation de sécurité et de rapporter la preuve d'un préjudice en découlant directement ; que M. R... fait valoir que l'exposition à l'amiante entraîne une perte d'espérance de vie, provoque des maladies presque toujours mortelles ainsi que des lésions réduisant la capacité respiratoire, incurables, irréversibles et évolutives, ce que ne pouvait ignorer l'employeur et soutient que l'accord du 15 juillet 1998, modifié par avenant du 7 juin 2002 a créé une situation anxiogène à l'égard de tous les salariés qui connaissent les conséquences de leur exposition à l'amiante, d'autant que cet accord renvoie directement à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 instaurant le dispositif ACAATA ; qu'il invoque ainsi la crainte du risque de tomber malade, impliquant une inquiétude permanente et le bouleversement de ses conditions d'existence ; qu'or le risque de préjudice n'est pas un préjudice indemnisable ; qu'en effet, le risque de survenance d'un dommage n'est pas réparable en droit commun ; que le parallèle fait par l'appelant avec le préjudice spécifique au cas de contamination ou de produit défectueux en matière médicale manque de pertinence, dès lors qu'en l'espèce le préjudice dont se plaint le demandeur ne découlerait pas directement du matériau ou du produit dangereux en lui-même, mais uniquement de l'insuffisance fautive des mesures de prévention et d'information prises par l'employeur dans l'emploi de ces matériaux et produits dangereux, étant rappelé que l'appréciation de ces mesures ne peut se faire qu'en fonction des connaissances de l'époque ; qu'en l'espèce, M. R... produit pour preuve de son exposition fautive à l'amiante par la SA EDF quelques attestations décrivant la nature de ses activités professionnelles et ses conditions de travail mais que ces attestations, outre qu'elles émanent des autres salariés concernés, ne caractérisent pas les carences alléguées ni le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, étant observé en outre la rédaction en termes quasiment identiques de certaines de ces attestations, lesquelles ne font état que de généralités, sans les dater et sans donner d'éléments permettant de retenir que tous ces témoins aient été des collègues directs de M. R... ; que toutefois, l'employeur lui a délivré un certificat faisant état d'une exposition potentielle aux poussières d'amiante et de fuel lourd ;

Et aux motifs, le cas échéant repris des premiers juges, que doit être ainsi vérifiée, au regard des pièces produites, l'exposition de Monsieur O... R... aux fibres d'amiante ; que la preuve en est faite par un rapport de mission du 28 janvier 1997 réalisé par l'agence Socotec relatif à la concentration en fibres d'amiante dans l'air à la centrale EDF de [...] a mis en évidence, après un prélèvement d'air en décembre 1996 sur le palier de la coursive d'accès à proximité du poste de contrôle, une valeur calculée de 9fibres/litre ; que cette présence dans l'air de fibres d'amiante est confirmée par le diagnostic amiante sur matériaux effectué le 19 décembre 1995 à la centrale, par L'Institut [...], révélant une recherche d'amiante très positive sur certains matériaux à risque, dans la centrale, concernant :-la tuyauterie circuit combustible, cordage tressé ; -le viscosimètre, cordage ; -la tuyauterie des filtres, réchauffeurs, permutateurs ; -capots des collecteurs d'échappement ; que ces documents portent la mention « matériau à risque, à manipuler avec grande prudence recherche d'amiante très positive » ; qu'il faut rappeler que la centrale thermique diesel EDF de [...] est en service depuis 1973, avec des installations en rapport d'usure ; que la documentation fournie révèle que l'amiante a été largement utilisée dans le cadre de la construction des installations de centrales pour sa qualité d'isolant thermique ; que dans un document général de la direction du personnel des relations sociales d'EDF du 27 juin 2000,sont répertoriés les installations industrielles et sites dans lesquels la présence de flocages et de calorifugeages a été vérifié ou fortement probable, et ceux aux fins de délivrance de l'attestation d'exposition permettant aux agents de bénéficier d'un suivi médical poste professionnel ; que la centrale thermique de [...] est citée ; que sont également répertoriés dans ce document les fonctions et spécialités susceptibles d'avoir mis les travailleurs en situation d'inhalation de poussières d'amiante ; que l'activité de rondier, technicien de conduite, ouvrier professionnel exercée par Monsieur O... R..., y est citée ; que par ailleurs, différents témoignages au dossier des demandeurs expliquent précisément comment les opérations d'exploitation et de maintenance auxquelles ils procédaient, sans protection particulière adaptée, les exposaient à des poussières d'amiante en suspension, par exemple lors du nettoyage des chaudières dont les joints d'étanchéité et les joints de cheminée étaient en amiante, lors du démarrage des groupes avec de l'air comprimé soulevant les poussières dans la salle des machines, les joints des pompes de gavage, des brides et vannes, contenant de l'amiante ; que ces témoignages, notamment ceux de Messieurs Q... X..., Y... A..., I... A..., F... H..., J... G... mentionnent aussi que le démontage des moteurs dont les capotages de ligne d'échappement, les rampes de combustibles, les viscosimètres, les exposaient à l'inhalation de fibres d'amiante, ce qui correspond expressément aux constatations des agences techniques diligentées sur place à compter de 1995 par la direction de l'entreprise comme matériaux recelant de l'amiante ; que l'exposition de Monsieur O... R... à l'inhalation de fibres d'amiante est ainsi avérée ; que s'il est vrai que la SA EDF a mis en place une procédure d'évaluation des risques et repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante, des plans de prévention, des mesures de sécurité, d'information du personnel, a entrepris des travaux de désamiantage, ces diligences louables ne débutent cependant qu'en 1996 juste avant l'interdiction de l'amiante le 1er janvier 1997 de façon tardive qui constitue un manquement de l'employeur considéré à son obligation de sécurité de résultat, par négligence et imprudence, de nature fautive ; que, en effet, les connaissances scientifiques et leur diffusion était très avancées sur les dangers liés à l'amiante bien avant cette date, surtout pour une entreprise comme EDF très structurée scientifiquement et médicalement comportant un département spécifique de toxicologie ; que la première réglementation spécifique de l'amiante remonte au décret du 17 août 1977, et dès avant cette date, en 1945 avait été créé un tableau des maladies professionnelles attribuées à l'amiante ; que dès les années 50 le mésothéliome était attribué au rôle cancérigène des fibres d'amiante ; qu'en 1975, les chercheurs alertent par voie des journaux télévisés du risque de cancer et de décès à cause de l'amiante, autour de l'actualité de « [...] » ; qu'il est expressément énoncé dans l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction du TGI de Paris du 8 avril 2014, qu'à compter du 22 octobre 1976, avant même la parution du décret de 1997, l'entreprise EDF avait transmis à ses services à titre d'information deux notes documentaires de l'INRS sur les poussières d'amiante ; que fin 1976, le docteur N... responsable du département toxicologie d'EDF avait établi un rapport sur les problèmes posés par l'utilisation d'amiante et suggéré des mesures de protection ; que la même année, un médecin du travail d'EDF, le docteur P... avait mené une étude sur le problème de la pollution par l'amiante sur deux centrales thermiques et informé le docteur W... médecin-chef du service général de la médecine du travail de la corrélation de maladies professionnelles à l'amiante ; que son travail était relayé par le Docteur C... du comité médical D'EDF dans une note du 24 avril 1978 sur les risques de l'amiante, diffusée au sein de l'entreprise le 31 mai 1978 par le service de la production thermique accompagnée de consignes visant pour chacune des centrales à recenser la présence d'amiante, à recommander le port de masques, à stocker les produits amiante, et à fixer l'amiante des revêtements muraux par une couche de peinture ; qu'à partir de 1979 de nombreuses notes du service de la production thermique d'EDF ont été diffusées ; qu'ainsi, au sein même d'EDF des mesures étaient prescrites de prélèvements atmosphériques et de substitution par des produits exempts d'amiante ; que ce n'est qu'à compter du décret du 7 février 1996, qu'EDF va mettre en œuvre, au niveau de la centrale thermique diesel de [...] une évaluation du risque et des contrôles, et engage des travaux de retrait d'installations et de démolition en 1997 ; qu'en présence du manquement d'EDF dans la centrale thermique diesel de [...] à son obligation de sécurité de résultat, sa responsabilité contractuelle est engagée ;

Alors, de première part, que la cour d'appel qui se borne, après avoir, à l'inverse des premiers juges, écarté les autres éléments de preuve de son exposition à l'inhalation de poussières d'amiante produits par Monsieur R..., à constater que « l'employeur lui a délivré un certificat faisant état d'une exposition potentielle aux poussières d'amiante et de fuel lourd », n'a pas justifié, en l'absence d'autres éléments, l'exposition effective de l'intéressé à l'inhalation de fibres d'amiante dans le cadre de son activité professionnelle, contestée par la société EDF, et a privé sa décision de base légale au regard des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail ;

Alors, de deuxième part, que ne méconnaît pas l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2du code du travail ; que la cour d'appel ne pouvait, par seuls motifs adoptés des premiers juges déduits de ce que la société EDF ne justifiait pas des mesures prises en ce sens pour la période antérieure à 1996, prétendre en déduire le « manquement d'EDF dans la centrale thermique diesel de [...] à son obligation de sécurité de résultat », sans examiner les pièces nouvelles produites par la société EDF en appel pour la période considérée ; qu'en cet état la cour d'appel a privé son arrêt de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Et alors, de troisième part, qu'en s'abstenant de la sorte d'examiner les éléments de preuve des mesures que la société EDF prétendait avoir mises en œuvre, et en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait la société EDF, si celle-ci n'avait pas effectivement mis en œuvre, pendant toute la période d'emploi de Monsieur R..., les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ces textes.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-19766
Date de la décision : 24/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 21 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 mar. 2021, pourvoi n°19-19766


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.19766
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award