LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 mars 2021
Cassation
M. CATHALA, président
Arrêt n° 371 FS-D
Pourvois n°
V 19-19.759
à B 19-19.765 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 MARS 2021
1. M. H... J... B..., domicilié [...] ,
2. M. X... I..., domicilié [...] ,
3. M. R... B..., domicilié [...] ,
4. M. Q... L..., domicilié [...] ,
5. M. V... C..., domicilié [...] ,
6. M. V... O..., domicilié [...] ,
7. M. D... E..., domicilié [...] ,
ont formé respectivement n° V 19-19.759, W 19-19.760, X 19-19.761, Y 19-19.762, Z 19-19.763, A 19-19.764 et B 19-19.765 contre sept arrêts rendus le 21 février 2018 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans les litiges les opposant à la société Electricité de France, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation commun annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. H... B... et des six autres salariés, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Electricité de France, et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 février 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Gilibert, conseillers, M. Duval, Mmes Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 19-19.759, W 19-19.760, X 19-19.761, Y 19-19.762, Z 19-19.763, A 19-19.764 et B 19-19.765 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Bastia, 21 février 2018), M. H... B... et six autres salariés de la société Électricité de France (EDF), ayant travaillé sur le site de la centrale thermique de [...] en [...], et soutenant y avoir été exposés quotidiennement à l'inhalation de poussières d'amiante, ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de réparation de leur préjudice d'anxiété.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
3. Les salariés font grief aux arrêts de dire qu'ils ne justifient par aucun document de la réalité et de l'étendue du préjudice d'anxiété, que la preuve du manquement de l'employeur à leur obligation de sécurité de résultat à leur égard n'est pas rapportée, et en conséquence de les débouter de leurs demandes de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice spécifique d'anxiété, alors « que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'en reprochant aux salariés de ne pas avoir caractérisé le manquement de la société EDF à son obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et partant a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 :
5. Il résulte de ces textes qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée, et que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par ces textes.
6. Pour débouter les salariés de leur demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété, les arrêts retiennent que les salariés produisent essentiellement, pour preuve de leur exposition fautive à l'amiante, quelques attestations décrivant la nature de leurs activités professionnelles et leurs conditions de travail, mais que ces attestations ne caractérisent pas les carences alléguées ni le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, que les diverses pièces produites sont insuffisantes à établir la réalité de leur exposition à l'amiante, et que le jugement sera infirmé en ce qu'il a constaté que la preuve d'une exposition fautive du salarié à l'amiante du fait de la société était rapportée.
7. En statuant ainsi, alors que s'il appartient au salarié de justifier d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, l'employeur doit justifier qu'il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
8. Les salariés font les mêmes griefs aux arrêts, alors « qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; qu'en refusant aux salariés l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété résultant de leur exposition aux poussières d'amiante sur le site de [...] en considération du fait que l'établissement dans lequel ils avaient travaillé n'était pas mentionné à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
9. Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 :
10. Il résulte de ces textes qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée.
11. Pour débouter les salariés de leur demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété, les arrêts retiennent que ceux-ci présentent une demande d'indemnisation du préjudice moral résultant pour eux du risque de développer une maladie induite par leur exposition à l'amiante, ce qui correspond à la définition du préjudice spécifique d'anxiété, lequel ne peut être sollicité que par les salariés éligibles au dispositif ACAATA, ce qui n'est pas le cas des intéressés, et qu'ils ne rapportent pas la preuve d'un préjudice distinct de ce préjudice spécifique d'anxiété.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 21 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;
Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la société Electricité de France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Electricité de France et la condamne à payer à MM. H... B..., I..., R... B..., L..., C..., O..., E... la somme globale de 2 800 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen commun produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. H... B... et six autres salariés, demandeurs aux pourvois n° V 19-19.759 à B 19-19.765
Le moyen fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR dit que les salariés ne justifiaient par aucun document de la réalité et de l'étendue du préjudice d'anxiété et que la preuve du manquement de la société EDF à son obligation de sécurité de résultat à leur égard n'était pas rapportée, et d'AVOIR, par conséquent, débouté les salariés de leurs demandes de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice spécifique d'anxiété.
AUX MOTIFS propres QUE le salarié soutient que l'entreprise, compte tenu de la spécificité de son activité a fait une utilisation massive de l'amiante, notamment en raison de son fort pouvoir isolant, tout en s'exonérant de ses obligations et produit notamment aux débats : les attestations rédigées en termes généraux de Messieurs N... et E..., anciens collègues de travail également demandeurs d'une indemnisation sur le même fondement, indiquant en substance qu'ils ont travaillé en contact direct avec l'amiante sans protection, un document de travail établi le 4 décembre 1996 par l'employeur, lequel liste les activités ayant utilisé de l'amiante ainsi que les métiers concernés, une attestation du docteur Y..., ancien médecin du travail de la société rapportant les conditions de travail dans les usines, le rapport établi le 25 mai 1977 par le service général de la médecine du travail d'EDF faisant état de cette utilisation massive, l'absence de large diffusion des deux rapports précités, seule une note à diffusion restreinte du 9 janvier 1978 faisant état de la prévention des risques amiante, ses recommandations n'ayant jamais été mises en oeuvre sur le site de [...], le procès-verbal de la réunion du Comité national d'hygiène et de sécurité en date du 11 avril 1997 dont il conclut que, malgré la diffusion de nombreuses notes de services, le problème de l'amiante n'est toujours pas réglé et que les agents n'y ont pas été sensibilisés, qu'elle ne permet pas de considérer que celui-ci avait pris les mesures propres à faire cesser le dommage alors même que les membres du comité insistaient pour qu'une information sur le sujet soit donnée à l'ensemble du personnel et affirmaient que le stockage de ces matériaux n'était pas hermétique, une note du 27 juin 2000 de la direction du personnel quant à la surveillance post-professionnelle, listant le site de [...] comme susceptible d'avoir exposé son personnel à l'amiante, une attestation collective de salariés précisant qu'ils ignoraient le caractère dangereux de l'amiante, faute d'information, alors qu'ils travaillaient en permanence dans les poussières d'amiante, que l'entreprise faisait effectuer les contrôles dans la partie de la centrale arrêtée, après lavage à grande eau de toutes ses installations afin de minorer au maximum les taux effectifs, un plan de retrait du 7 janvier 1997, confié à la société Wanner prévoyant le décalorifugeage d'une série d'éléments, un plan de désamiantage du bac de stockage du 1er février 2012, démontrant qu'à cette époque, les salariés étaient toujours exposés aux poussières d'amiante, ce que confirme, selon le salarié, l'attestation de M. A..., ainsi que le fait que plusieurs de ses collègues de travail ont développé des pathologies liées à l'amiante ; que pour sa part, se prévalant du très faible risque au sein de la centrale de [...], où la présence d'amiante était marginale, et des mesures prises, la SA EDF réplique que les salariés font un amalgame entre le départ anticipé de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et le dispositif spécifique de préretraite de la SA EDF, lequel n'est ouvert qu'aux agents reconnus atteints d'une maladie professionnelle liée à l'amiante ; qu'elle conteste également le manquement à son obligation de sécurité de résultat invoquée par les parties adverses et expose que le "préjudice consécutif au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat" est une création des salariés pour les besoins de leur cause, ce préjudice n'ayant aucune existence textuelle ou jurisprudentielle ; qu'elle invoque aussi l'absence de distinction entre le préjudice d'anxiété et le préjudice né d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, invoquant ainsi une responsabilité sans faute ; que le manquement allégué, à supposer qu'il soit prouvé n'est pas un préjudice en soi mais seulement la cause du préjudice d'anxiété ; qu'en outre, dans ce cas, il appartient au salarié de rapporter la preuve du préjudice subi et du lien de causalité entre la faute et ce préjudice et, en l'espèce, cette preuve n'est pas rapportée, l'ensemble des salariés sollicite de manière forfaitaire et non individualisée, sans justifications, le versement de la somme de 20 000 euros ; que sur le fond, elle soutient avoir pris toutes les mesures fixées par les textes, que la centrale de [...] ne produit pas d'amiante et n'a pas pour objet de transformer de l'amiante, qu'aucun des métiers des agents concernés par la procédure n'est susceptible d'avoir entraîné une exposition à des fibres d'amiante dans des conditions pouvant porter atteinte à leur santé ; que la société EDF se fonde principalement sur : un rapport SOCOTEC du 11 mars 1997, dont il résulte une présence d'amiante en des lieux précis mais à des taux inférieurs aux valeurs en vigueur, des rapports de mesures effectués par l'institut Pasteur de [...] démontrant l'absence d'amiante dans la centrale et notamment là où travaillait le demandeur, le compte rendu du CHSCT du 17 septembre 1998 se félicitant du traitement de la question sur la centrale de [...], le fait que les opérations de retrait de l'amiante ont été réalisées par une entreprise extérieure et dans les conditions de sécurité légales, des rapports de l'APAVE de 2006 dont il résulte que les résultats sont conformes à la législation en vigueur, une ordonnance de non-lieu du 8 avril 2014 à la suite d'une plainte pénale, le plan de prévention de 2004 à 2013, une formation aux risques amiante en 2006 à laquelle assistaient plusieurs des salariés demandeurs d'indemnités, les mesures de désamiantage spécifiques prises sur le bac de stockage à la suite d'un suintement d'hydrocarbures à son pied, le plan de prévention débutant le 17 février 1997, le suivi médical des salariés, le bilan local EDF ; que n'est aucunement discuté le caractère dangereux et nocif pour la santé humaine de l'amiante, de sorte que la référence aux diverses études médicales est inopérante ; que ne sont en cause que les mesures prises par l'employeur afin de protéger la santé des salariés appelés à manipuler ou être au contact de ce matériau, plus exactement la suffisance ou l'insuffisance de ces mesures ; que pour que la responsabilité de l'employeur puisse être retenue à ce titre, cela suppose d'établir un manquement à cette obligation de sécurité et de rapporter la preuve d'un préjudice en découlant directement ; que le salarié fait valoir que l'exposition à l'amiante entraîne une perte d'espérance de vie, provoque des maladies presque toujours mortelles ainsi que des lésions réduisant la capacité respiratoire, incurables, irréversibles et évolutives, ce que ne pouvait ignorer l'employeur et soutient que l'accord du 15 juillet 1998, modifié par avenant du 7 juin 2002 a créé une situation anxiogène à l'égard de tous les salariés qui connaissent les conséquences de leur exposition à l'amiante, d'autant que cet accord renvoie directement à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 instaurant le dispositif ACAATA ; qu'il invoque ainsi la crainte du risque de tomber malade, impliquant une inquiétude permanente et le bouleversement de ses conditions d'existence ; que le parallèle fait par le salarié avec le préjudice spécifique au cas de contamination ou de produit défectueux en matière médicale manque de pertinence, dès lors qu'en l'espèce le préjudice dont se plaint le demandeur ne découlerait pas directement du matériau ou du produit dangereux en lui-même, mais uniquement de l'insuffisance fautive des mesures de prévention et d'information prises par l'employeur dans l'emploi de ces matériaux et produits dangereux, étant rappelé que l'appréciation de ces mesures ne peut se faire qu'en fonction des connaissances de l'époque ; que le salarié produit essentiellement pour preuve de son exposition fautive à l'amiante par la SA EDF, quelques attestations décrivant la nature de ses activités professionnelles et ses conditions de travail mais ces attestations, outre qu'elles émanent des autres salariés concernés, ne caractérisent pas les carences alléguées ni le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, étant observé en outre la rédaction en termes quasiment identiques de certaines de ces attestations, lesquelles ne font état que de généralités, sans les dater et sans donner d'éléments permettant de retenir que tous ces témoins aient été des collègues directs du salarié ; que les diverses pièces produites par le salarié sont insuffisantes à établir la réalité de son exposition à l'amiante ; [
] ; qu'en tout état de cause, et même à supposer qu'un manquement à l'obligation de sécurité puisse être retenu à la charge de l'employeur, celui-ci ne pourrait être responsable et tenu d'indemniser qu'un préjudice, certain, né et actuel dont la preuve doit être apportée par le demandeur ; que le risque de préjudice n'est pas un préjudice indemnisable, s'agissant d'un risque de survenance d'un dommage, lequel n'est pas réparable en droit commun ; que le salarié fait valoir qu'il a conscience d'avoir été exposé pendant de nombreuses années à de nombreux agents cancérigènes et est donc nécessairement inquiet et subit un bouleversement dans les conditions d'existence ; qu'il produit une[des] attestation[s] [
] ; qu'au vu de l'ensemble de ces pièces, il s'agit là d'une demande d'indemnisation du préjudice moral résultant pour le salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante, ce qui correspond à la définition du préjudice spécifique d'anxiété, lequel ne peut être sollicité que par les salariés éligibles au dispositif ACAATA, ce qui n'est pas le cas du salarié ; que ce préjudice inclut nécessairement le bouleversement dans les conditions d'existence et le salarié ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct, autre que celui répondant à la définition du préjudice spécifique d'anxiété dont il a été vu que la réparation était réservée au cas de salariés victimes de l'amiante selon le régime de la loi de 1998, étant enfin observé que, présentant une demande forfaitaire, il ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice actuel et certain, condition nécessaire dans toute recherche de responsabilité, qu'elle soit fondée sur un manquement à une obligation contractuelle ou légale ou encore sur une faute pénale.
AUX MOTIFS à les supposer adoptés QUE le salarié ne verse aux débats aucun élément permettant d'objectiver la réalité et l'ampleur du préjudice d'anxiété allégué, telles que pièces médicales, témoignages de l'entourage sur les troubles et perturbations ; que les documents médicaux concernant M. J... W..., s'ils démentent l'affirmation de l'employeur selon laquelle aucun salarié n'a développé de maladie sur le site, n'est pas susceptible toutefois de caractériser le préjudice propre du salarié ; que les seuls éléments fournis concernent la qualification professionnelle et se rattachant à la preuve de l'exposition ; qu'il s'ensuit que le salarié ne prouve pas l'existence d'un préjudice moral lié à l'angoisse de voir survenir une maladie suite à son exposition.
1° ALORS QUE en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; qu'en déclarant que le salarié n'avait pas satisfait à son obligation de justifier son exposition aux poussières d'amiante, quand il avait versé aux débats un rapport de la médecine du travail d'EDF de 1977, une attestation du médecin du travail en poste durant la période d'emploi des exposants, un document interne établi en 1996 par la direction de l'entreprise, des attestations de collègues de travail, un rapport du CHSCT de 1997, une note de la direction de 2000 relative à la surveillance post-professionnelle, des plans de désamiantage de 1997 et 2012 faisant tous état d'une utilisation de l'amiante et d'une exposition à ce matériau des travailleurs du site de [...], la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
2° ALORS QUE ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'en considérant qu'il ne résultait pas des pièces produites que la société EDF avait manqué à son obligation de sécurité à l'égard des salariés embauchés entre 1981 et 1992, quand aucune des mesures de prévention et de traitement du risque mises en oeuvre ne concernait la période antérieure à 1995, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et partant a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
3° ALORS QUE ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'en reprochant aux salariés de ne pas avoir caractérisé le manquement de la société EDF à son obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et partant a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
4° ALORS QUE en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; qu'en refusant aux salariés l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété résultant de leur exposition aux poussières d'amiante sur le site de [...] en considération du fait que l'établissement dans lequel ils avaient travaillé n'était pas mentionné à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
5° ALORS éventuellement à supposer les motifs des premiers juges adoptés, QUE, en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui n'a pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 doit justifier que du fait de son exposition à l'amiante et du manquement de son employeur à son obligation de sécurité, il a personnellement subi un préjudice d'anxiété résultant du risque élevé de développer une pathologie grave ; qu'en refusant de considérer que les salariés justifiaient avoir personnellement subi un préjudice d'anxiété résultant du risque élevé de développer une pathologie grave, quand pourtant chacun d'entre eux avait produit au moins l'attestation d'un proche témoignant de ce qu'il subissait des troubles anxieux consécutifs à l'exposition à l'amiante, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé l'article 1147 du code civil alors applicable, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.