LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 mars 2021
Rejet
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 266 F-D
Pourvoi n° K 19-18.508
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 MARS 2021
La société GCM, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 19-18.508 contre l'arrêt rendu le 27 mars 2019 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à la société Caisse de crédit mutuel [...], dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fevre, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société GCM, de Me Le Prado, avocat de la société Caisse de crédit mutuel [...], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 février 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fevre, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 mars 2019) et les productions, la société Indivision Sagitta (la société Sagitta) a confié à la société GCM les travaux de voirie d'un lotissement « [...] » à [...] (Bas-Rhin).
2. Par un acte sous seing privé en date du 30 juin 2010, la société Caisse de crédit mutuel de [...] (la banque) a attesté que « l'indivision Sagitta-Wenger a bloqué en ses livres la somme de 63 000 euros permettant d'honorer la facture du chantier "[...]" pour 62 703 euros. »
3. La société Sagitta a été mise en liquidation judiciaire. La société GCM a déclaré le solde de sa créance, laquelle a été admise au passif pour la somme de 14 949,95 euros, puis elle a assigné la banque en paiement de cette somme.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivé sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
5. La société GCM fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes contre la banque, alors :
« 3°/ que, subsidiairement, le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une ou plusieurs personnes, d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige de la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir ; qu'en l'espèce, pour refuser d'admettre que la banque s'était constituée séquestre et avait manqué à son obligation en cette qualité en refusant de restituer la somme litigieuse à la société GCM, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'acte du 30 juin 2010 ne constituait pas le crédit mutuel séquestre de la somme litigieuse au sens de l'article 1956 du code civil, qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme cela le lui était demandé si l'acte n'avait pas pour but de prévoir la consignation d'une somme pour assurer la fin du chantier litigieux à charge pour la banque de la verser à la société bénéficiaire une fois le chantier réalisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1956 du code civil ;
4°/ que tout jugement doit être motivé et que les juges ne peuvent statuer par voie de simples affirmations ; qu'en l'espèce, pour refuser de condamner la banque à raison du manquement à son obligation de séquestre, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'acte du 30 juin 2010 ne constituait pas le crédit mutuel séquestre de la somme litigieuse au sens de l'article 1956 du code civil, qu'en statuant ainsi sans expliquer en quoi les éléments invoqués par la société GCM ne permettaient pas de démontrer l'existence d'un séquestre conventionnel, la cour d'appel, qui a statué par voie de simples affirmations, n'a pas satisfait à son devoir de motivation, violant par là même l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Saisie d'une demande tendant, sur le seul fondement de l'attestation du 30 juin 2010, au paiement par la banque d'une somme de 14 949,95 euros, la cour d'appel, analysant ce document ni clair, ni précis, en a déduit qu'il ne constituait qu'une attestation de solvabilité ne contenant aucun engagement de payer, faisant ainsi ressortir qu'en l'absence d'obligation de remettre la somme de 63 000 euros à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir après la contestation terminée, la qualification de séquestre ne pouvait être retenue.
7. En cet état, la cour d'appel qui a procédé à la recherche prétendument omise par une décision motivée, a légalement justifié sa décision.
Et sur le moyen pris en sa cinquième branche
8. La société GCM fait le même grief à l'arrêt, alors « que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que pour débouter la société GCM de sa demande tendant à obtenir des dommages-intérêts de la banque du fait de son attitude dilatoire, la cour d'appel s'est bornée à relever que le rejet de la demande en paiement de la société GCM commande le rejet de la demande de dommages-intérêts ; que, dès lors, la cassation à intervenir relativement à la demande en paiement formulée par la société GCM à l'encontre du crédit mutuel emportera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formulée par cette même société, par application de l'article 624 du code de procédure civile. »
9. Le moyen pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches étant rejeté, le moyen pris en sa cinquième branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est devenu sans portée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société GCM aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société GCM et la condamne à payer à la société Caisse de crédit mutuel [...] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société GCM.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté toutes les demandes présentées par la SAS GCM à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel [...] ;
Aux motifs que « Sur la demande en paiement : que le CREDIT MUTUEL poursuit l'infirmation du jugement déféré et argue de l'absence de tout engagement à paiement ; que la SAS GCM s'y oppose et fait valoir que l'engagement de la banque s'analyse en une garantie autonome ainsi que l'a retenu le tribunal, à défaut en un engagement de ducroire, ou en une garantie à première demande ou encore en un engagement de séquestre ; que la cour observe que l'acte du 30 juin 2010 intitulé "attestation" et signé par M A... X... en qualité de "responsable engagement pro" est ainsi rédigé : "Nous, soussignée, Caisse de Crédit Mutuel de [...], sise [...] , attestons par la présente que l'indivision Sagitta-Wenger a bloqué en nos livres la somme de 63.0006 (soixante trois mille euros) permettant d'honorer la facture du chantier "[...]" pour 62 703 € TTC" ; que la cour rappelle que la garantie autonome est définie comme un engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues ; qu'il est admis que le ducroire de banque est une forme particulière d'engagement par signature assortie d'une renonciation à tout recours contre le débiteur principal qui s'avérerait défaillant ; il s'agit d'une garantie bancaire de paiement donnée par un établissement de crédit à un vendeur, qui se présente soit sous forme d'aval, soit sous forme de convention réglementaire adjointe à un titre de créance, ou encore sous la forme d'un double tirage d'effets de commerce ; que s'agissant de la garantie à première demande, elle se caractérise par la présence à l'acte d'une clause de paiement systématique ou inconditionnel, mentionnant une obligation de paiement à première demande, ou une obligation de paiement sans tenir compte des éventuels différends entre vendeur et acheteur, ou encore une obligation de paiement sans pouvoir élever de contestation ; qu'enfin, le séquestre, régi par les articles 1956 et suivants du code civil, est défini comme "le dépôt, fait par une ou plusieurs personnes, d'une chose contentieuse entre les mains d'un tiers qui s'oblige à la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir" ; que la cour relève que l'acte du 30 juin 2010 ne comporte aucun engagement du CREDIT MUTUEL de payer à la SAS GCM la somme de 62 7036 TTC à première demande ou selon des modalités définies ainsi que le prévoit une garantie autonome, qu'il ne comporte pas davantage un engagement de paiement de la somme de 62 703€ TTC par la banque, assorti d'une renonciation à tout recours contre le débiteur principal tel que le ducroire, qu'il ne contient pas non plus la clause de paiement systématique ou inconditionnel de la somme de 62 703€ TTC caractérisant la garantie à première demande, qu'il ne constitue pas le CREDIT MUTUEL séquestre de cette somme au sens de l'article 1956 du code civil précité ; que la preuve de l'engagement à paiement du CREDIT MUTUEL, qui ne ressort pas de l'attestation de solvabilité du 30 juin 2010, n'est pas rapportée de sorte que la cour, infirmant le jugement déféré, rejettera la demande de la SAS GCM ; Sur la demande de dommages et intérêts : que l'ensemble des motifs ci-dessus exposés commande le rejet de la demande de dommages et intérêts de la SAS GCM, en infirmation du jugement dont appel ; Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile : qu'infirmant de ces chefs le jugement critiqué, la cour condamnera la SAS GCM aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel ; l'équité commande de la condamner à verser au CREDIT MUTUEL la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; qu'il n'y a pas lieu de faire application de ce texte au profit de la SAS GCM ».
1°) Alors que la garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues ; que la preuve de la garantie autonome peut être rapportée par tous moyens et notamment par des éléments intrinsèques, tirés de l'engagement de garantie autonome, complétés par des éléments extrinsèques ; que pour exclure la qualification de garantie autonome, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'acte du 30 juin 2010 ne comportait pas d'engagement de payer à première demande et pas davantage de clause de paiement systématique ou inconditionnel de la somme de 62 703 euros (arrêt, p. 4) ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé si la preuve d'une garantie à première demande ne résultait pas des éléments extrinsèques invoqués par la société GCM tenant spécialement aux circonstances dans lesquelles l'acte avait été établi, à l'insuffisance admise par les parties de l'acte du 30 septembre 2009, aux différents échanges entre les parties et à la personne qui avait rédigé l'engagement en cause (conclusions, p. 6 et 7), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2321 du code civil.
2°) Alors, subsidiairement, que celui qui se porte ducroire garantit son cocontractant contre le risque d'insolvabilité d'un tiers ou de la bonne fin d'une opération ; qu'en refusant d'admettre que la banque s'était constituée ducroire motifs pris de ce que l'engagement pris par celle-ci ne serait pas assorti d'une renonciation à tout recours contre le débiteur principal, quand une telle renonciation n'est pas un élément nécessaire à la qualification de ducroire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa version applicable à la cause.
3°) Alors, subsidiairement, que le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une ou plusieurs personnes, d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige de la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir ; qu'en l'espèce, pour refuser d'admettre que la banque s'était constituée séquestre et avait manqué à son obligation en cette qualité en refusant de restituer la somme litigieuse à la société GCM, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'acte du 30 juin 2010 ne constituait pas le Crédit Mutuel séquestre de la somme litigieuse au sens de l'article 1956 du code civil, qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme cela le lui était demandé si l'acte n'avait pas pour but de prévoir la consignation d'une somme pour assurer la fin du chantier litigieux à charge pour la banque de la verser à la société bénéficiaire une fois le chantier réalisé (conclusions, p. 9 et 10) la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1956 du code civil.
4°) Alors, subsidiairement, que tout jugement doit être motivé et que les juges ne peuvent statuer par voie de simples affirmations ; qu'en l'espèce, pour refuser de condamner la banque à raison du manquement à son obligation de séquestre, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'acte du 30 juin 2010 ne constituait pas le Crédit Mutuel séquestre de la somme litigieuse au sens de l'article 1956 du code civil, qu'en statuant ainsi sans expliquer en quoi les éléments invoqués par la société GCM ne permettaient pas de démontrer l'existence d'un séquestre conventionnel, la cour d'appel, qui a statué par voie de simples affirmations, n'a pas satisfait à son devoir de motivation, violant par là même l'article 455 du code de procédure civile.
5°) Alors que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que pour débouter la société GCM de sa demande tendant à obtenir des dommages-intérêts de la banque du fait de son attitude dilatoire, la cour d'appel s'est bornée à relever que le rejet de la demande en paiement de la société GCM commande le rejet de la demande de dommages-intérêts ; que, dès lors, la cassation à intervenir relativement à la demande en paiement formulée par la société GCM à l'encontre du Crédit Mutuel emportera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formulée par cette même société, par application de l'article 624 du code de procédure civile.