LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 mars 2021
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 270 F-D
Pourvoi n° U 20-13.713
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2021
La société Centre méditerranéen des viandes islamiques (CMVI), société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 20-13.713 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre des expropriations), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'Etablissement public aménagement euroméditerranée, (établissement public à caractère industriel et commercial), dont le siège est [...] ,
2°/ au commissaire du gouvernement, domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Centre méditerranéen des viandes islamiques, de Me Le Prado, avocat de l'Etablissement public aménagement euroméditerranée, après débats en l'audience publique du 9 février 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 décembre 2019), par suite de l'expropriation à son profit d'un local commercial, l'Etablissement public aménagement euroméditerranée (l'EPAEM) a saisi le juge de l'expropriation en fixation des indemnités revenant à la société Centre méditerranéen des viandes islamiques (CMVI), occupante de ce local. L'EPAEM a renoncé, en cours de procédure, à la jouissance de ce local.
Examen des moyens
Sur le moyen unique, pris en ses troisième à cinquième, septième à onzième et treizième branches, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen unique, pris en sa douzième branche
Enoncé du moyen
3. La société CMVI fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en
ce qu'il a constaté que l'extinction des droits réels et personnels découlant de l'ordonnance d'expropriation n'affectait que 36 m² des lieux loués par la société CMVI pour 412 m², que l'EPAEM renonçait à la jouissance des 36 m² en cause et qu'il s'engageait à poursuivre le bail consenti à la société CMVI et en conséquence dit que cette dernière n'était pas fondée à exiger que son éviction totale soit poursuivie et qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur l'indemnité d'éviction lui revenant, alors « que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; que si l'expropriant offre au commerçant évincé, en lieu et place du paiement d'une indemnité, un local, celui-ci doit présenter des caractéristiques équivalentes à celles du local dont il a été privé ; qu'en énonçant en l'espèce, pour décider que le bail proposé par l'EPAEM permettait à la société CMVI de poursuivre l'exploitation de son fonds dans des conditions équivalentes, que "le secteur, à haute concentration commerciale, est normalement alimenté par tous les réseaux nécessaires", cependant que les locaux loués devant nécessairement être raccordés aux réseaux de ce secteur, leur exploitation ne pouvait se poursuivre dans des "conditions d'aménagement" identiques, ce raccordement impliquant des coûts, mis en exergue par les expertises produites par la société CMVI et directement liés à l'expropriation, la cour d'appel a violé les articles L. 321-1 et L. 322-12 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 322-12 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
4. Selon ce texte, l'expropriant peut, en lieu et place du paiement de l'indemnité, offrir au commerçant, à l'artisan ou à l'industriel évincé un local équivalent situé dans la même agglomération.
5. Pour retenir que la société CMVI pourrait continuer à exploiter son fonds de commerce dans le local exproprié dans les mêmes conditions qu'antérieurement, l'arrêt retient que le secteur où est situé le local exproprié, à haute concentration commerciale, est normalement alimenté par tous les réseaux nécessaires.
6. En statuant ainsi, alors que le nouveau raccordement aux réseaux, s'il était possible, représentait nécessairement un coût, de sorte que le local proposé n'était pas équivalent au local déjà raccordé qui avait été donné en location à la société CMVI, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne l'Etablissement public aménagement euroméditerranée aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Etablissement public aménagement euroméditerranée et le condamne à payer à la société Centre méditerranéen des viandes islamiques la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Centre méditerranéen des viandes islamiques.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que l'extinction des droits réels et personnels découlant de l'ordonnance d'expropriation dont avait fait l'objet la société Les Marchés Méditerranéens n'affecte que 36 m² des lieux loués par la société CMVI pour 412 m², que l'EPA Euroméditerranée renonce à la jouissance des 36 m² en cause et qu'il s'engage à poursuivre le bail consenti à la société CMVI et en conséquence dit que cette dernière n'est pas fondée à exiger que son éviction totale soit poursuivie et qu'il n'y a pas lieu à statuer sur l'indemnité d'éviction lui revenant ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'expropriation porte sur le tènement immobilier sis [...] d'une superficie totale de 5.077 m² sur lequel sont édifiés divers locaux avec parking, appartenant à la SCI Les Marchés Méditerranéens qu'elle loue aux sociétés du groupe Slimani auquel elle appartient également et qui sont : la SARL Abattoirs de Provence-PVH-Abattoirs Méditerranéens, la SARL Cash du Soleil Import Export, le groupe Mustapha Slimani Investissement (GMSI), la SARL Centre Méditerranéen des Viandes Islamiques (société CMVI). Cette dernière, concernée par le présent litige, y exploite un fonds de commerce de « boucherie-charcuterie-rôtisserie-traiteur » en vertu d'un bail commercial du 1er juin 1996, renouvelé, désignant un local d'environ 36 m² de surface exclusivement destiné à une activité de négoce et commercialisation de produits carnés et plus généralement tous types de produits alimentaires et accessoires à l'alimentation, tel que ledit bien existe en son état actuel, le preneur déclarant bien le connaitre pour l'avoir visité en vue du présent bail, et l'accepter en son état pour sa globalité. Le surplus du magasin occupe un local contigu, d'une superficie d'environ 412 m², loué par la société Provençale de la Madrague suivant bail du 11 juin 1996, également renouvelé, qui n'est pas touché par l'expropriation. Seul le local de la SCI Les Marchés Méditerranéens de 43 m² est concerné par l'expropriation. Le bail signé entre les deux parties le 1er juin 1996 désigne un local d'environ 36 m² de surface exclusivement destiné à une activité de négoce et commercialisation de produits carnés et plus généralement de tous types de produits alimentaires et accessoires à l'alimentation, tel que ledit bien existe en son état actuel, le preneur déclarant bien le connaitre pour l'avoir visité en vue du présent bail, et l'accepter en son état pour sa globalité. Le reste des lieux, attenant, d'une superficie d'environ 412 m², est loué par la société Provençale de la Madrague suivant bail du 11 juin 1996. Il n'est pas visé par l'ordonnance d'expropriation. Après avoir saisi le juge de l'expropriation d'une offre indemnitaire au titre de l'éviction de la locataire, Euroméditerranée a fait valoir en première instance qu'ayant découvert, lors du transport sur les lieux, que la partie expropriée constitue un couloir attenant aux autres biens de la SCI Les Marchés Méditerranéens et de la société Provençale de la Madrague, il renonçait à la jouissance de ces 36 m² et s'engageait à poursuivre le bail initialement consenti par la SCI Les Marchés Méditerranéens. L'appelante conteste la décision du premier juge qui a fait droit aux prétentions de l'expropriant en faisant valoir qu'il est impossible d'envisager le maintien du fonds de commerce actuel dans les conditions projetées par l'intimé et qu'en tout état de cause, avec les autres sociétés du groupe Slimani elle s'est entendue avec Euroméditerranée pour libérer la totalité des lieux expropriés et rendre les clés le 15 septembre 2019. Elle soutient que son fonds est situé au sein d'un même ensemble commercial, propriété de la SCI Les Marchés Méditerranéens, organisé autour d'un grand parking privatif fermé réservé à la clientèle, et composé de plusieurs locaux à usage d'activités complémentaires exploitées par trois entreprises filiales du groupe GMSI (les abattoirs PVH, le supermarché Cash du Soleil, et sa boucherie-charcuterie-rôtisserie-traiteur). Elle précise que les activités de ce site, dont la sienne, sont ainsi conçues et organisées au sein d'un circuit de la clientèle, dans le cadre d'une « parcours global clients », offrant des activités complémentaires autour du même parking clients, allant de l'abattage, la découpe et le conditionnement de la viande de boucherie, au supermarché généraliste, avec spécialité reconnue en abattage et vente de volailles halal, et divers produits alimentaires orientaux, à son magasin de détail en bout de chaîne. Elle ajoute qu'elle bénéficie d'une implantation stratégique d'une grande valeur commerciale à l'entrée du marché aux puces de la ville de Marseille puisqu'elle profite d'une localisation privilégiée et d'une clientèle considérable. Elle souligne que ses locaux constituent une partie du site commercial implanté autour du même grand parking privatif auxquels ils sont complètement intégrés. Mais le bail commercial conclu le 1er juin 1996 avec la SCI Les Marchés Méditerranéens ne fait pas état d'un grand parking privatif réservé à la clientèle, contrairement à la thèse de la société CMVI. De plus, s'il est exact que le local en cause de 36 m² appartient à la SCI Les Marchés Méditerranéens dont l'ensemble de la propriété est exproprié, il est néanmoins loué de manière séparée à la société CMVI, indépendante des autres SARL exerçant des activités distinctes au sein d'autres locaux, qui leur sont loués selon des baux particuliers. Il n'y a donc pas lieu de prendre en compte le circuit commercial global que l'appelante revendique dès lors que cette dernière n'est concernée que par l'expropriation des 36 m² sur lesquels sont installées des rôtissoires, l'ordonnance d'expropriation ne remettant nullement en cause le bail commercial des 412 autres mètres carrés contigus, signé avec la société Provençale de la Madrague, étrangère au groupe Slimani. Ainsi, les conséquences de l'éviction de l'abattoir et du supermarché Cash du Soleil de ce groupe sont indifférentes d'autant que, comme l'a justement retenu le premier juge : la disparition de l'abattoir n'empêchera pas la poursuite de l'activité, l'approvisionnement pouvant être fait par livraisons, mode de fonctionnement habituel en la matière, l'emplacement du fonds de commerce permettra à la société CMVI de continuer de bénéficier de la clientèle du marché aux puces ainsi que des vastes parkings existant sur le site, le secteur, à haute concentration commerciale, est normalement alimenté par tous les réseaux nécessaires, quand bien même le dirigeant du groupe Slimani a fait le choix d'alimenter les différents réseaux de l'ensemble des sociétés pourtant distinctes, par un tableau général et des robinets situés dans les locaux de GMSI. Par ailleurs, si l'ordonnance d'expropriation a effectivement éteint le bail en cours et si les sociétés du groupe Slimani, dont la société CMVI, ont, en cours de procédure d'appel, à une date non précisée, signé un protocole d'accord emportant autorisation d'occupation précaire jusqu'au 15 septembre 2019 seulement, il n'en reste pas moins qu'Euroméditerranée a expressément demandé à la cour de constater qu'elle renonce à la jouissance des 36 m² exploités par la société CMVI et de lui donner acte qu'elle s'engage à poursuivre le contrat de location permettant à cette dernière de conserver l'intégralité de l'assiette des lieux loués. En outre, la restitution effective des clés n'est pas établie et l'appelante ne produit aucun document relatif à la cessation de l'autre bail commercial conclu avec la société Provençale de la Madrague. La poursuite des deux baux (celui de Euroméditerranée devant s'entendre « dans les mêmes conditions qu'antérieurement ») permet en conséquence à l'appelante de continuer l'exploitation de son fonds dans les mêmes conditions de surface et d'aménagement de sorte que les travaux très importants qu'elle estime nécessaires à la poursuite de son activité, invoqués par la société CMVI, ne sont pas la cause directe de l'expropriation. Le jugement sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Le Centre Méditerranéen de Viandes Islamiques a une activité de centre commercial, principalement axé sur les produits carnés halal : viandes, rôtisserie et traiteur. Les locaux lui sont donnés à bail par une société tout à fait indépendante du groupe Slimani, la société Provençale de la Madrague, qui n'est pas concernée par l'expropriation. Cette location porte sur 412 m² et les 36 m² qui sont concernés par l'éviction représentent un couloir dans lequel sont installées les rôtissoires, qui rejoint le centre d'abattoir. Si cette configuration a effectivement constitué un avantage logistique pour le Centre Méditerranéen de Viandes Islamiques, la disparition de l'abattoir n'empêchera pas la poursuite de l'activité, l'approvisionnement pouvant être fait par livraisons, mode de fonctionnement habituel en la matière. Sur le parking, l'emplacement du lieu de vente au milieu du marché aux Puces demeure, avec de vastes parkings toute la semaine ; d'ailleurs, le projet d'aménagement mené a pour objectif la construction d'un vaste silo pour résoudre les problèmes de stationnement dus à une grande fréquentation de la clientèle. En ce qui concerne les réseaux d'approvisionnement, il n'est aucunement démontré que la cessation d'activité de l'abattoir va priver le supermarché de ses réseaux, le secteur à haute concentration commerciale dans lequel il est situé étant alimenté de manière normale par tous les réseaux nécessaires. Enfin, l'établissement public s'est engagé à poursuivre la location des 36 m² qui étaient prévus pour l'éviction, ce qui permettra à la SARL d'exercer son activité dans les mêmes conditions de surface et d'aménagement. De plus, si ce n'était que ce petit couloir est situé sur le périmètre d'expropriation, la SARL n'aurait pu demander à être évincée, puisque son commerce ne fait pas partie du périmètre concerné. En conséquence, il sera constaté que l'Etablissement Public Euroméditerranée renonce à la jouissance des 36 m² exploités par la SARL Centre Méditerranéen de Viandes Islamiques et il lui sera donné acte qu'il s'engage à poursuivre le contrat de location qui lui était jusque-là consenti par la SCI Les Marchés Méditerranéens ; il n'y a donc pas lieu de statuer sur l'indemnité d'éviction » ;
1°/ ALORS QUE les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; que si l'expropriant offre au commerçant évincé, en lieu et place du paiement d'une indemnité, un local, celui-ci doit présenter des caractéristiques équivalentes à celles du local dont il a été privé ; qu'en l'espèce, la société CMVI faisait valoir que les locaux loués à la société Les Marchés Méditerranéens lui permettaient d'intégrer l'activité de la boucherie qu'elle exploitait à un circuit commercial global, offrant aux clients, en un même lieu desservi par un parking unique et privatif, un accès à une gamme cohérente de produits alimentaires et la possibilité de circuler entre les différentes activités complémentaires proposées par le groupe Slimani, à savoir l'abattage, la découpe et le conditionnement de viande de boucherie (spécialité halal), avec laboratoire traiteur, et la vente en gros/demi-gros aux particuliers pour les fêtes (activités exploitées par la société Abattoirs de Provence-PVH), le supermarché généraliste (avec spécialité reconnue en abattage et vente de volailles halal), proposant notamment divers produits alimentaires orientaux (activité exploitée par la société Cash du Soleil) et en bout de chaîne, le magasin de détail de boucherie-charcuterie-rôtisserie-traiteur, activité exploitée par la société CMVI en lien direct avec les activités d'abattoir et de supermarché développées par les autres filiales du groupe ; que la Cour d'appel a elle-même constaté en l'espèce que toutes les parties aux différents contrats de bail ayant pour objet les locaux de l'ensemble immobilier exproprié, bailleur comme preneurs, appartenaient au groupe Slimani, que les locaux loués par la société CMVI étaient directement reliés au centre d'abattoir exploité par la société Abattoirs de Provence-PVH et que les différents réseaux de l'ensemble des locaux situés dans l'immeuble exproprié, en ce compris ceux de la société CMVI, étaient alimentés par un tableau général et des robinets situés dans les locaux de la société GMSI, tous éléments qui attestaient de l'existence d'une exploitation commune des locaux loués par les sociétés du groupe ; qu'en se bornant à énoncer, pour écarter l'existence d'un circuit commercial global et conclure que le bail proposé par l'EPA Euroméditerranée permettait à la société CMVI de poursuivre l'exploitation de son fonds dans des conditions équivalentes, que les différents locaux de l'ensemble immobilier exproprié étaient loués « de manière séparée », aux termes de baux particuliers, aux sociétés du groupe Slimani, dont la société CMVI, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le groupe Slimani avait organisé dans l'ensemble immobilier exproprié un circuit commercial global dont les activités complémentaires étaient assurées par les sociétés du groupe, dans des conditions d'exploitation, économiques et matérielles, communes, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 321-1 et L. 322-12 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
2°/ ALORS QUE l'indépendance juridique des baux conclus par les sociétés d'un même groupe au sein de l'ensemble immobilier appartenant à l'une d'entre elles n'exclut pas en elle-même l'existence de conditions d'exploitation matérielles et économiques communes des locaux loués ; qu'en se bornant à énoncer en l'espèce, pour écarter l'existence d'un circuit commercial global et conclure que le bail proposé par L'EPA Euroméditerranée permettait à la société CMVI de poursuivre l'exploitation de son fonds dans des conditions équivalentes, que les locaux loués par la société CMVI au sein de l'ensemble immobilier exproprié l'étaient « de manière séparée, indépendante des autres SARL exerçant des activités distinctes au sein d'autres locaux, qui leur sont loués selon des baux particuliers », la Cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à justifier sa décision, a violé les articles L. 321-1 et L. 322-12 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
3°/ ALORS QUE les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; que si l'expropriant offre au commerçant évincé, en lieu et place du paiement d'une indemnité, un local, celui-ci doit présenter des caractéristiques équivalentes à celles du local dont il a été privé ; qu'en l'espèce, les locaux loués par la société CMVI dans l'ensemble exproprié lui permettaient de bénéficier d'un grand parking privatif réservé à la clientèle de l'ensemble des sociétés du groupe Slimani, ainsi que l'attestaient les photographies produites par la société exposante en pièces n° 20 et 21 ; que ni L'EPA Euroméditerranée, qui n'évoquait nullement ce parking dans ses conclusions d'appel, ni le Commissaire du Gouvernement, qui concluait que « l'organisation et les conditions d'exploitation de l'activité de boucherie telles que décrites par l'exproprié (parcours clients) ne sont pas contestables » (conclusions, p. 5, § 1er), ne remettaient en cause l'existence de ce parking privatif commun à tous les locaux loués dans l'ensemble immobilier exproprié, et dont la société CMVI avait donc la jouissance, comme les autres sociétés du groupe Slimani ; qu'en énonçant cependant, pour décider que le bail proposé par L'EPA Euroméditerranée permettait à la société CMVI de poursuivre l'exploitation de son fonds dans des conditions équivalentes, que le bail commercial conclu le 1er juin 1996 entre cette dernière et la société Les Marchés Méditerranéens ne faisait pas état d'un grand parking privatif réservé à la clientèle, et qu'en conséquence la société CMVI ne pouvait se prévaloir de la jouissance de ce parking, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
4°/ ALORS QUE, en tout état de cause, ni les conclusions d'appel de l'EPA Euroméditerranée, ni celles du Commissaire du Gouvernement ne soutenaient que la société CMVI n'aurait pas eu la jouissance du grand parking privatif réservé à la clientèle de l'ensemble des sociétés du groupe Slimani ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans provoquer les observations préalables des parties sur ce point, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
5°/ ALORS QUE, en tout état de cause, les conditions d'exploitation d'un local donné à bail commercial ne résultent pas des seules stipulations expressément contenues dans le contrat de bail lui-même, mais également de celles qui ont été tacitement convenues par les parties, notamment au cours de l'exécution du contrat, et ainsi incluses dans le champ contractuel ; qu'en l'espèce, la société CMVI démontrait, pièces à l'appui, que les locaux loués dans l'ensemble exproprié lui permettaient de bénéficier d'un grand parking privatif réservé à la clientèle de l'ensemble des sociétés du groupe Slimani ; qu'en retenant cependant, pour décider que le bail proposé par l'EPA Euroméditerranée permettait à la société CMVI de poursuivre l'exploitation de son fonds dans des conditions équivalentes, que le bail commercial conclu le 1er juin 1996 entre cette dernière et la société Les Marchés Méditerranéens ne faisait pas état d'un grand parking privatif réservé à la clientèle, sans rechercher si les conditions d'exécution du contrat de bail et la volonté commune des parties n'avaient pas attaché aux locaux loués la jouissance de ce parking, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du Code civil ;
6°/ ALORS QUE les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; que si l'expropriant offre au commerçant évincé, en lieu et place du paiement d'une indemnité, un local, celui-ci doit présenter des caractéristiques équivalentes à celles du local dont il a été privé ; que la société CMVI faisait valoir que son fonds de commerce ne pouvait être réduit à une simple boucherie traditionnelle, comme cela ressortait de l'expertise réalisée par M . U..., expert judiciaire près de la Cour d'appel de Paris, qui mettait en exergue qu'au regard de ses spécificités, « le fonds de commerce de boucherie-charcuterie-rôtisserie-traiteur de la société CMVI ne peut être comparé à celui d'une simple « boucherie-charcuterie » classique de centre-ville, c'est-à-dire prise de manière isolée, sans abattoir dédié à proximité immédiate, sans le circuit très court induit, sans une offre commerciale globale complémentaire cohérente, sans l'optimisation des prix par la maîtrise des coûts de transport et de logistique, sans un parking privatif réservé à la clientèle » ; que la Cour d'appel a elle-même constaté en l'espèce que « les 36 m² qui sont concernés par l'éviction représentent un couloir dans lequel sont installées des rôtissoires, qui rejoint le centre d'abattoir » et que « cette configuration a effectivement constitué un avantage logistique pour » la société CMVI ; qu'en se bornant néanmoins à énoncer, pour décider que le bail proposé par l'EPA Euroméditerranée permettait à la société CMVI de poursuivre l'exploitation de son fonds dans des conditions équivalentes, que « la disparition de l'abattoir n'empêchera pas la poursuite de l'activité, l'approvisionnement pouvant être fait par livraisons, mode de fonctionnement habituel en la matière », sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée par les conclusions d'appel de la société exposante, si, en l'absence d'abattoir dédié, l'activité de la société CMVI pouvait se poursuivre dans des conditions économiques équivalentes, ce qui n'était évidemment pas le cas, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-1 et L. 322-12 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
7°/ ALORS QUE les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; que si l'expropriant offre au commerçant évincé, en lieu et place du paiement d'une indemnité, un local, celui-ci doit présenter des caractéristiques équivalentes à celles du local dont il a été privé ; qu'en affirmant en l'espèce, pour décider que le bail proposé par L'EPA Euroméditerranée permettait à la société CMVI de poursuivre l'exploitation de son fonds dans des conditions équivalentes, que nonobstant la disparition de la clientèle attachée aux activités d'abattoir et de supermarché exploitées par les autres sociétés du groupe Slimani et la perte de la jouissance du grand parking privatif réservé à cette clientèle, l'emplacement du fonds de commerce permettrait à la société CMVI « de continuer à bénéficier de la clientèle du marché aux puces ainsi que des vastes parkings existant sur le site », cependant que le simple fait de continuer à bénéficier de ces avantages ne permettait en rien de compenser la perte de la clientèle et du parking spécifiquement dédiés à son activité, la Cour d'appel a violé les articles L. 321-1 et L. 322-12 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
8°/ ALORS QUE les juges ne peuvent déclarer un fait établi sans préciser sur quel élément de preuve ils se fondent, ou sans procéder à une analyse sommaire de cet élément ; qu'en affirmant en l'espèce de façon péremptoire que le projet d'aménagement mené par l'autorité expropriante avait pour objectif la construction d'un vaste silo pour résoudre les problèmes de stationnement de la zone, sans indiquer quels éléments permettaient de justifier cette assertion, et ce alors que le projet d'aménagement en question n'avait pas été produit par l'autorité expropriante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
9°/ ALORS QUE ni les conclusions d'appel de la société CMVI, ni celles de l'EPA Euroméditerranée ou du Commissaire du Gouvernement ne soutenaient que le rattachement de l'ensemble des réseaux des locaux loués dans l'ensemble immobilier exproprié, dont ceux des locaux de la société CMVI, à un tableau général et des robinets situés dans les locaux de la société GMSI, était un choix du dirigeant du groupe Slimani ; qu'en retenant néanmoins que l'alimentation des réseaux des locaux de la société CMVI au tableau général et aux robinets situés dans les locaux de la société GMSI était due à un choix du dirigeant du groupe et qu'il n'y avait donc pas lieu d'en tenir compte pour apprécier les conditions d'exploitation desdits locaux, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
10°/ ALORS QUE les juges ne peuvent déclarer un fait établi sans préciser sur quel élément de preuve ils se fondent, ou sans procéder à une analyse sommaire de cet élément ; qu'en affirmant en l'espèce de façon péremptoire que la contrainte technique relative au rattachement des réseaux des locaux loués par la société CMVI à un tableau général et des robinets situés dans les locaux de la société GMSI résultait d'un choix du dirigeant du groupe Slimani, sans indiquer quels éléments permettaient de justifier cette assertion, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
11°/ ALORS QUE les juges ne peuvent déclarer un fait établi sans préciser sur quel élément de preuve ils se fondent, ou sans procéder à une analyse sommaire de cet élément ; que la société CMVI faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu' « il existe des obstacles techniques majeurs au maintien de l'activité de la société CMVI indépendamment de l'ensemble immobilier à usage commercial appartenant à la SCI Les Marchés Méditerranéens puisque les réseaux qui desservent les locaux dans lesquels est exploité le fonds de commerce de la société CMVI (eau, électricité, téléphone-internet-informatique et évacuation des eaux usées, fluide frigorifique) sont uniquement ceux qui appartiennent à l'ensemble immobilier exproprié (
) (pièces n° 23 et 24 : constat d'huissier en date du 7/1/19 + attestation réseaux établie par B... P..., électricien, en date de 07/01/19) » ; qu'en affirmant en l'espèce de façon péremptoire que « le secteur, à haute concentration commerciale, est normalement alimenté par tous les réseaux nécessaires », sans indiquer quels éléments permettaient de justifier cette assertion, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
12°/ ALORS QUE, en tout état de cause, les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; que si l'expropriant offre au commerçant évincé, en lieu et place du paiement d'une indemnité, un local, celui-ci doit présenter des caractéristiques équivalentes à celles du local dont il a été privé ; qu'en énonçant en l'espèce, pour décider que le bail proposé par L'EPA Euroméditerranée permettait à la société CMVI de poursuivre l'exploitation de son fonds dans des conditions équivalentes, que « le secteur, à haute concentration commerciale, est normalement alimenté par tous les réseaux nécessaires », cependant que les locaux loués devant nécessairement être raccordés aux réseaux de ce secteur, leur exploitation ne pouvait se poursuivre dans des « conditions d'aménagement » identiques, ce raccordement impliquant des coûts, mis en exergue par les expertises produites par la société CMVI et directement liés à l'expropriation, la Cour d'appel a violé les articles L. 321-1 et L. 322-12 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
13°/ ALORS QUE la société CMVI faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'il était impossible d'envisager la poursuite de l'activité de boucherie-charcuterie-rôtisserie-traiteur sur le site actuel sans reconstituer préalablement certaines caractéristiques techniques indispensables au fonctionnement de cette activité, dont les lieux bénéficiaient jusque-là mais qui allaient disparaître du fait de la procédure d'expropriation, en raison notamment de « la suppression des accès et aires de livraison, et des seuls quais de livraison possibles du situe situés côté entrepôt PVH », ainsi que de la « suppression de la voies d'accès des véhicules clients permettant d'accéder à la boucherie », ce qui induisait des coûts de travaux importants (conclusions, p. 38) ; qu'en décidant en l'espèce que le bail proposé par l'EPA Euroméditerranée permettait à la société CMVI de poursuivre l'exploitation de son fonds dans des conditions équivalentes, sans répondre à ce moyen déterminant des écritures d'appel de la société exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
14°/ ALORS QUE, subsidiairement, l'ordonnance d'expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés ; que la société CMVI faisait valoir en conséquence dans ses conclusions d'appel, s'agissant de la proposition de l'EPA Euroméditerranée de « poursuivre » le bail des locaux litigieux, qu'il ne pouvait être question d'un bail poursuivi, prorogé ou renouvelé, en raison de son extinction consécutive à l'ordonnance d'expropriation, mais uniquement d'un nouveau bail, portant sur un objet et des conditions qui devaient être précisés (conclusions, p. 12, § 4 et 5) ; que la Cour d'appel a elle-même relevé que l'ordonnance d'expropriation avait effectivement éteint le bail en cours ; qu'en retenant cependant, pour écarter toute indemnité d'éviction au profit de la société CMVI, la proposition d'une poursuite du contrat de bail aux mêmes conditions qu'antérieurement, cependant qu'une telle poursuite était juridiquement impossible compte tenu de l'extinction du contrat de bail du fait de la procédure d'expropriation, la Cour d'appel a violé l'article L. 222-2 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article 1103 du Code civil.