LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
DB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 mars 2021
Cassation partielle
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 278 FS-P
Pourvoi n° Z 19-22.385
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 MARS 2021
La société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-22.385 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-2), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en sa qualité de représentant des créanciers de M. A... G... D...,
2°/ à M. A... G... D..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest, et l'avis de Mme Guinamant avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 février 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Vallansan, Mme Vaissette, Mme Bélaval, Mme Fontaine, Mme Fèvre, conseillers, M. Guerlot, Mme Barbot, Mme Brahic-Lambrey, M. Blanc, Mme Kass-Danno, Mme Comte, M. Boutié, conseillers référendaires, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 juin 2019), M. G... D... a été mis en redressement judiciaire le 4 septembre 2015, la société [...] étant nommée mandataire judiciaire.
2. Le 20 octobre 2015, M. X..., responsable du service du contentieux de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest (la banque) a déclaré une créance de 152 325,52 euros qui a été admise par le juge-commissaire.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance d'admission et de dire que la créance qu'elle a déclarée au passif de M. G... D... l'avait été par une personne dépourvue du pouvoir de le faire, alors « que le créancier déclarant peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance ; qu'en invalidant la déclaration que la banque a faite, par l'entremise de M. X..., au passif de M. G... D... , sans examiner si cette dernière, qui a conclu à l'admission de la créance qu'elle a ainsi déclarée, n'a pas ratifié, par là même, la déclaration que M. X... a faite en son nom, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce, dans la rédaction que lui a donnée l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 622-24, alinéa 2, du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 :
4. Selon ce texte, le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance et aucune forme particulière n'est prévue pour cette ratification, qui peut être implicite.
5. Pour rejeter la créance déclarée par la banque, l'arrêt retient que, si M. X... avait reçu le 1er avril 2015 de M. J... une délégation de pouvoir effectuer toutes déclarations de créances pour le compte de la CRCAM Centre Ouest, la chaîne des pouvoirs n'est pas complète et que la déclaration de créance n'a pas été dûment ratifiée en cours de procédure.
6. En statuant ainsi, alors que la banque, en concluant devant elle à l'admission de la créance déclarée en son nom par M. X..., avait nécessairement ratifié la déclaration, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la créance n'a pas été déclarée par une personne dûment habilitée et rejette la créance déclarée par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest au passif de la procédure collective de M. G... D..., l'arrêt rendu le 6 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne M. G... D... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR :
. dit que la créance déclarée par la Crcam du Centre ouest au passif de M. A... G... D..., a été déclarée par une personne dépourvue du pouvoir de la déclarer ;
. rejeté la créance que la Crcam du Centre ouest a déclarée au passif de M. A... G... D... ;
AUX MOTIFS QUE, le 20 octobre 2015, M. J. X..., responsable du service contentieux de la Crcam Centre ouest, a déclaré la créance de la banque au passif de la procédure collective de M. G... D... A... engagé comme caution de la sas Provence Limousin d'un montant de 152 325 € 52 » (cf. arrêt attaqué, p. 5, sur la déclaration de créance, 1er attendu) ; « que M. X... avait reçu, le 1er avril 2015, de M. B... J... une délégation de pouvoir effectuer toutes déclarations de créance pour le compte de la Crcam Centre ouest, ce dernier disant agir "en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés le 1er avril 2015 par la subdélégation de pouvoir de Mme M... H... agissant en qualité de directeur Finances Marketing Risques" » (cf. arrêt attaqué, p. 5, sur la déclaration de créance, 2e attendu) ; « que la subdélégation de pouvoir conférée à Mme H... à M. J... n'est pas produite, ni le pouvoir de déclarer les créances délégué à Mme H... » (cf. arrêt attaqué, p. 5, sur la déclaration de créance, 3e attendu) ; « que la Crcam Centre ouest ne peut soutenir qu'il n'est pas nécessaire de produire cette délégation de pouvoir dans la mesure où elle verse aux débats la délégation de pouvoir reçue directement par M. J... de M. O..., directeur général, par acte notarié du 31 juillet 2012, et encore par acte notarié du 25 juin 2015 par M. N... S..., aucun de ces deux actes n'ayant conféré à M. J... les pouvoirs de procéder aux déclarations de créance ou d'ester en justice » (cf. arrêt attaqué, p. 5, sur la déclaration de créance, 4e attendu) ; « que la chaîne des pouvoirs n'est pas complète et la déclaration de créance n'a pas été dûment ratifiée en cours de procédure » (cf. arrêt attaqué, p. 5, sur la déclaration de créance, 5e attendu) ; « que la créance, non déclarée par une personne dûment habilitée, est irrégulière » (cf. arrêt attaqué, p. 5, sur la déclaration de créance, 6e attendu) ;
1. ALORS QUE la déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé de son choix ; qu'en énonçant, pour invalider la déclaration que la Crcam du Centre ouest a faite, par l'entremise de M. E... X..., au passif de M. A... G... D... qu'aucune des deux délégations de pouvoir des 31 juillet 2012 et 25 juin 2015 n'a « conféré à M. J... les pouvoirs de procéder aux déclarations des créances ou d'ester en justice », quand la Crcam du Centre ouest était libre de choisir M. E... X... qui est son préposé puisqu'il est, suivant ses propres constatations, le « responsable d[e son] service contentieux » – pour déclarer la créance qu'elle détient contre M. A... G... D... à son passif, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce, dans la rédaction que lui a donnée l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 ;
2. ALORS QUE le créancier déclarant peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance ; qu'en invalidant la déclaration que la Crcam du Centre ouest a faite, par l'entremise de M. E... X..., au passif de M. A... G... D..., sans examiner si la Crcam du Centre ouest, qui a conclu à l'admission de la créance qu'elle a ainsi déclarée, n'a pas ratifié, par là-même, la déclaration que M. E... X... a faite en son nom, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce, dans la rédaction que lui a donnée l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014.