LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 mars 2021
Rejet
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 309 F-D
Pourvois n°
D 19-22.044
E 19-22.045
F 19-22.046 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MARS 2021
1°/ M. J... X..., domicilié [...] ,
2°/ Mme B... M..., domiciliée [...] ,
3°/ Mme R... D..., domiciliée [...],
ont formé respectivement les pourvois n° D 19-22.044, E 19-22.045 et F 19-22.046 contre trois arrêts rendus le 18 avril 2019 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans les litiges les opposant :
1°/ à la société Axa Assistance Canada INC, société anonyme, dont le siège est [...],
2°/ à la société Juridica, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation commun annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. X... et de Mmes M... et D..., de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Axa Assistance Canada Inc, de la SCP Spinosi, avocat de la société Juridica, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 janvier 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, M. Ricour, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° D 19-22.044, E 19-22.045 et F 19-22.046 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Versailles, 27 septembre 2019), M. X... et Mmes D... et M... ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de chargé d'assistance technique, avec la société de droit canadien Axa Assistance Canada Inc.
3. Les salariés ont travaillé au siège social de la société, situé à [...].
4. M. X... et Mme D... ont été licenciés le 12 mars 2015.
5. Mme M... a démissionné de son emploi le 2 juillet 2015.
6. Les salariés ont attrait, devant la juridiction prud'homale, les sociétés Axa Assistance Canada Inc ainsi que la société Juridica, aux fins de voir constater l'existence d'une situation de coemploi, d'un prêt de main-d'oeuvre illicite et d'un délit de marchandage et dire la rupture de leur contrat de travail illégale et dépourvue de cause réelle et sérieuse.
8. Par arrêts du 18 avril 2019 , la cour d'appel a débouté les salariés de leurs demandes.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci après annexé
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
10. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à voir reconnaître à leur égard une situation de coemploi entre les sociétés Axa Assistance Canada Inc et Juridica ainsi que de l'ensemble de leurs demandes subséquentes, alors :
« 2°/ que le juge ne peut pas méconnaître l'objet du litige fixé par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, les salariés avaient demandé à la cour d'appel de condamner solidairement la société Axa Assistance Canada Inc, en tant qu'employeur nominal, et la société Juridica, en tant que co-employeur, au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, ce dont il résultait que les salariés faisaient valoir que la société Axa Assistance Canada Inc était tenue de la totalité de ces sommes, de sorte que le rejet de leur demande tendant à voir reconnaître la qualité de coemployeur à leur égard de la société Juridica ne rendait pas sans objet celle formée à l'encontre de la société Axa Assistance Canada Inc en sa qualité d'employeur nominal ; qu'en énonçant que « n'étant pas salarié de la société Juridica et ne formant aucune réclamation au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail suivies par la société Axa Assistance Canada Inc, il s'ensuit le rejet de l'ensemble des demandes subséquentes [du salarié] », la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
11. Ayant constaté que l'ensemble des demandes formées par les salariés procédaient de la reconnaissance préalable d'une situation de coemploi avec la société Juridica, c'est sans méconnaître les termes du litige que la cour d'appel, après avoir écarté l'existence d'une situation de coemploi, a rejeté les demandes qui en découlaient.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. X... et Mmes D... et M... aux dépens;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens communs produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. X... et Mmes M... et D...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les salariés de leur demande tendant à voir reconnaître à leur égard une situation de co-emploi entre la société Axa Assistance Canada Inc et la SA Juridica et de les AVOIR déboutés de l'ensemble de leurs demandes subséquentes.
AUX MOTIFS QUE le salarié produit de très nombreuses pièces à l'appui de sa prétention, dont il ressort les constatations suivantes ; que les équipes française et canadienne avaient les mêmes missions et travaillaient sur des dossiers communs ; que des échanges quotidiens, illustrés par de nombreux échanges de courriels, permettaient les affectations de dossiers, leur suivi et leur clôture sous la supervision de Juridica ; qu'à travers un exemple, il est illustré le fait que les responsables français contrôlaient le bon traitement des dossiers et ils signalaient les éventuelles anomalies au responsable canadien pour qu'il assure les corrections nécessaires ; que l'équipe canadienne bénéficiait, comme l'équipe française, de certaines prérogatives comme une habilitation financière pour faire des chèques de règlements aux assurés, avait accès à l'intranet de Juridica, bénéficiait de l'accès aux ressources juridiques de Juridica et plus globalement des moyens informatiques et téléphoniques de Juridica ; qu'elle était destinataire des objectifs et des consignes stratégiques de l'ensemble des collaborateurs d'Axa Protection Juridique ; qu'elle était pleinement intégrée dans la communauté de travail de Juridica ; que l'équipe française était amenée à donner des consignes à l'équipe canadienne concernant le traitement des dossiers, qu'il s'agisse des nouvelles offres commerciales à proposer aux clients, des choix des huissiers ou des avocats partenaires de Juridica, de la politique de règlement, des conseils à donner aux clients, des procédures d'intervention dans les dossiers, du traitement des dossiers en expertise ; qu'il est établi par une note (celle de Mme F...) qu'il existait une volonté d'harmoniser totalement les méthodes de travail ; que dans ce même esprit, il est établi que les collaborateurs de Montréal ont été sollicités par la France pour rédiger des fiches pratiques à partir de modèles fournis par la France, qui ont ensuite servi de base aux conseils juridiques de l'ensemble des juristes Juridica ; que dans ce contexte de collaboration étroite entre les équipes française et canadienne, d'ailleurs concrétisée par des accords écrits, il n'apparaît pas incohérent que l'organisation du travail en France ait des incidences sur le travail de l'équipe de Montréal, ni que Mme L... N..., qui était la responsable de l'équipe canadienne partage les instructions reçues de France ; que l'organigramme de Juridica en date du 25 février 2015 (pièce C5) produit par le salarié, établi semble-t-il par lui-même mais non contesté par les deux sociétés, s'il met en évidence que l'équipe canadienne était intégrée à l'équipe française, ne démontre pas pour autant qu'il existait un lien hiérarchique entre M. I... V... et le salarié ; que [le salarié], qui soutient qu'il pouvait recevoir des « remontrances » directement d'un responsable français, produit à l'appui de son allégation, un échange de courriels (pièce C 10) qui ne fait état que d'une demande d'information faite dans le cadre du suivi d'un dossier ; qu'il est écrit : « Suite à mon entretien téléphonique, le client attend le courriel que tu devais semble-t-il lui envoyer » ; que cet échange, qui ne concerne pas directement [le salarié], n'est cependant pas de nature à caractériser l'exercice du pouvoir de direction à l'égard du salarié ; qu'il en est de même à propos de la pièce C 11 : « Bonjour T..., nous avons été relancés par la France car la cliente n'avait pas été contactée comme prévu (
). Je te demande d'être vigilante concernant le délai de traitement des rappels planifiés. » ; que [le salarié], qui soutient aussi que les entretiens individuels d'évaluation étaient réalisés au regard des chartes et critères de qualité de Juridica et des objectifs qu'elle fixait, ne produit pas les comptes rendus de ses propres entretiens d'évaluation, de sorte que l'on ne peut pas vérifier ses allégations en ce qui le concerne ; qu'en toute hypothèse, seule une évaluation assurée directement par la SA Juridica serait de nature à établir l'existence d'un lien de subordination et non une simple référence à une charte ou à des critères ou des objectifs d'une autre entreprise ; que l'étude de l'ensemble de ces pièces démontre qu'il existait certes un lien organisationnel fort entre les deux structures, mais cet examen ne permet pas de caractériser un lien de subordination entre le salarié et la SA Juridica ; que la démonstration, de portée générale et ne concernant pas [le salarié] en particulier, ne permet pas d'établir que le pouvoir de direction ou le pouvoir disciplinaire était exercé par la SA Juridica ; que [le salarié] ne caractérise dès lors pas le lien de subordination qui l'aurait lié à la SA Juridica ; qu'il ne démontre donc pas de situation de co-emploi ; que n'étant pas salarié de la SA Juridica et ne formant aucune réclamation au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail suivies par la société Axa Assistance Canada Inc, il s'ensuit le rejet de l'ensemble des demandes subséquentes du [salarié].
1° ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que pour débouter les salariés de leur demande tendant à voir dire que la société Axa Assistance Canada Inc et la société française Juridica étaient leurs co-employeurs et de leurs demandes subséquentes, l'arrêt retient que l'étude de l'ensemble des pièces démontre qu'il existait certes un lien organisationnel fort entre les deux structures, mais cet examen ne permet pas de caractériser un lien de subordination entre le salarié et la société Juridica, que la démonstration, de portée générale et ne concernant pas le salarié en particulier, ne permet pas d'établir que le pouvoir de direction ou le pouvoir disciplinaire était exercé par la société Juridica, que [le salarié] ne caractérise dès lors pas le lien de subordination qui l'aurait lié à la société Juridica et ne démontre donc pas de situation de co-emploi ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les équipes française et canadienne avaient les mêmes missions et travaillaient sur des dossiers communs, que des échanges quotidiens permettaient les affectations de dossiers, leur suivi et leur clôture sous la supervision de Juridica, que les responsables français contrôlaient le bon traitement des dossiers et signalaient les éventuelles anomalies au responsable canadien pour qu'il assure les corrections nécessaires, que l'équipe canadienne bénéficiait, comme l'équipe française, d'une habilitation financière pour faire des chèques de règlements aux assurés, avait accès à l'intranet de Juridica, bénéficiait de l'accès aux ressources juridiques de Juridica et plus globalement des moyens informatiques et téléphoniques de Juridica, était destinataire des objectifs et consignes de l'ensemble des collaborateurs de la société Juridica et pleinement intégrée dans la communauté de travail de cette dernière, que l'équipe française donnait des consignes à l'équipe canadienne concernant le traitement des dossiers, que l'organisation du travail en France avait des incidences sur le travail de l'équipe de Montréal, que la responsable de l'équipe canadienne partageait les instructions reçues de France et que l'organigramme de Juridica mettait en évidence que l'équipe canadienne était intégrée à l'équipe française, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail.
2° ALORS QUE le juge ne peut pas méconnaître l'objet du litige fixé par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, les salariés avaient demandé à la cour d'appel de condamner solidairement la société Axa Assistance Canada Inc, en tant qu'employeur nominal, et la société Juridica, en tant que co-employeur, au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, ce dont il résultait que les salariés faisaient valoir que la société Axa Assistance Canada Inc était tenue de la totalité de ces sommes, de sorte que le rejet de leur demande tendant à voir reconnaître la qualité de co-employeur à leur égard de la société Juridica ne rendait pas sans objet celle formée à l'encontre de la société Axa Assistance Canada Inc en sa qualité d'employeur nominal ; qu'en énonçant que « n'étant pas salarié de la société Juridica et ne formant aucune réclamation au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail suivies par la société Axa Assistance Canada Inc, il s'ensuit le rejet de l'ensemble des demandes subséquentes [du salarié] », la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.