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10/03/2021 | FRANCE | N°19-15638

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mars 2021, 19-15638


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mars 2021

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 320 F-D

Pourvoi n° R 19-15.638

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MARS 2021

La société DFDS Seaways, société par actions simplif

iée unipersonnelle, dont le siège est [...] , ayant un établissement secondaire [...] , a formé le pourvoi n° R 19-15.638 contre l'arrêt rendu le 2...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mars 2021

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 320 F-D

Pourvoi n° R 19-15.638

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MARS 2021

La société DFDS Seaways, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , ayant un établissement secondaire [...] , a formé le pourvoi n° R 19-15.638 contre l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme R... Y..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société DFDS Seaways, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme Y..., et après débats en l'audience publique du 20 janvier 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 février 2019), Mme Y... a été engagée le 13 février 2012 en qualité d'agent d'escale par la société LD Transmanche Ferries aux droits de laquelle vient la société DFDS Seaways. Elle travaille en continu par cycles de dix jours comprenant six jours de travail et quatre jours de repos.

2. Se plaignant de ne pas avoir été remplie de ses droits au titre de ses congés payés, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à restituer à la salariée les jours de congés payés non attribués sur la période de juin 2012 au 31 mai 2018 et de lui enjoindre de lui attribuer à compter du 1er juin 2018 trente jours ouvrables de congés payés équivalant à vingt-cinq jours ouvrés de congés payés, alors « que le mode de calcul des droits à congés appliqué par un employeur ne doit pas être moins favorable que celui résultant de la loi ou de dispositions conventionnelles qui déterminent la durée du congé en jours ouvrables ; que si le décompte des jours de congé peut être effectué en jours ouvrés c'est à la condition que ne soit pas remise en cause la notion de jour ouvrable et que le mode de calcul appliqué ne soit pas moins favorable que celui qui résulte des dispositions applicables ; qu'en statuant comme elle l'a fait et en ne s'attachant qu'au décompte du temps de travail effectif et au mode de conversion des jours ouvrés en jours ouvrables, sans prendre en compte, comme elle y était invitée par la société DFDS, les particularités du rythme de travail dans l'entreprise, de telle sorte que le décompte des congés en jours ouvrés était en réalité défavorable aux salariés et que seule la comptabilisation en jours ouvrables leur garantissait le respect de leurs droits légaux et conventionnels, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 3141-3 du code du travail et de l'article 7.1.1 de la convention collective nationale du personnel sédentaire. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, après avoir relevé que les parties s'accordaient sur le fait que la salariée devait bénéficier de trente jours ouvrables de congés payés par an mais s'opposaient sur la conversion des trente jours ouvrables en jours ouvrés, a constaté que l'employeur procédait à un calcul des congés payés en jours ouvrés ou plus exactement travaillés selon un système d'équivalence aboutissant, à partir de la base légale de trente jours ouvrables, à un nombre de vingt-et-un jours travaillés pour les salariés travaillant par cycle et en régime continu.

6. Analysant la méthode de calcul proposée par l'employeur dont il ressortait qu'elle ne prenait pas en compte, au nombre des jours travaillés, les jours de repos liés à l'organisation du travail en continu et par cycle, la cour d'appel, a énoncé à bon droit que ces jours devaient être assimilés à des jours de travail effectif et ne pouvaient être considérés comme des jours de congés payés pour vérifier le respect par l'employeur de l'attribution des trente jours ouvrables de congés payés, ce dont elle a exactement déduit que le calcul proposé par l'employeur devait être écarté.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société DFDS Seaways aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société DFDS Seaways et la condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt et un, et signé par lui, le conseiller référendaire rapporteur et Mme Piquot, greffier en remplacement du greffier empêché.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société DFDS Seaways

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société DFDS Seaways à restituer à Mme Y... les jours de congés payés non attribués sur la période de juin 2012 au 31 mai 2018, soit 23 jours et d'avoir enjoint à la société DFDS Seaways d'attribuer à compter du 1er juin 2018 à Mme Y... 30 jours ouvrables de congés payés équivalant à 25 jours ouvrés de congés payés selon les modalités prévues par l'arrêt ;

AUX MOTIFS QUE « l'article 6 du contrat de travail liant les parties et relatif aux congés annuels stipule que « Mme Y... bénéficiera du régime de congé annuel prévu par la convention collective applicable à savoir 30 jours ouvrables soit 5 semaines ». Un accord d'entreprise applicable à compter du 1er avril 2012 prévoit quant à lui que l'activité de la société DFDS Seaways s'effectue en continu, par périodes de 10 jours ; il s'en déduit l'existence de 36,5 cycles par an. Enfin, l'article 7.1 de la convention collective nationale du personnel sédentaire des entreprises de navigation libre prévoit que « La durée du congé annuel est fixée pour chaque membre du personnel, conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur. L'ensemble du personnel a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, à un nombre de jours de congés payés annuels égal à 30 jours ouvrables ou 25 jours ouvrés pour une année de référence entière ». L'article L.3141-3 du code de travail dispose que le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables. Il résulte de ce texte que la durée des congés acquis est indépendante tant de la durée du travail prévue au contrat de travail, sous la réserve des absences non comptabilisées comme temps de travail effectif pour la détermination des droits à congé, que des rythmes et des modes d'organisation du travail. Pour les salariés travaillant en continu, doivent être considérés comme jours ouvrables pour le décompte des congés payés tous les jours de l'année à l'exception des 52 jours de repos hebdomadaire et de 11 jours correspondant à l'ensemble des jours fériés mentionnés à l'article L.3133-1 du code du travail ; Il résulte également de l'article L3141-5 dans sa rédaction applicable au litige, que les jours de repos compensateurs attribués aux salariés travaillant en continu du fait de l'organisation du travail en cycles doivent être assimilés à des jours de travail effectif. Ainsi ces jours de repos ne peuvent être comptés comme des jours de congés payés pour vérifier le respect par l'employeur de l'attribution des trente jours ouvrables de congés payés. En l'espèce, les parties s'accordent sur le droit des salariés à avoir trente jours ouvrables de congés payés par an, la divergence portant sur la conversion des 30 jours ouvrables en jours ouvrés. Sur ce point, il résulte de la démonstration de l'employeur que celui-ci procède à un calcul des congés payés en jours ouvrés ou plus exactement travaillés, selon un système d'équivalence aboutissant à partir de la base légale de trente jours ouvrables à un nombre de vingt et un jours travaillés pour les salariés travaillent en régime continu. La société part du constat que le rythme de travail des salariés postés (cycle de dix semaines avec alternance de jours de repos) comporte globalement sur le cycle ou sur l'année un nombre de jours ouvrés inférieur à celui des salariés non postés et retient que les salariés travaillant en régime continu travaillent suivant une base de 6 jours travaillés suivis de 4 jours de repos soit 42 jours sur un cycle de 60 jours ouvrables et ont donc droit pour 30 jours ouvrables à vingt et un jours de congés payés correspondant à 21 jours travaillés ; Cependant, force est de constater que l'employeur n'a ainsi pas tenu compte au titre du nombre de jours travaillés, des jours de repos liés à l'organisation du temps de travail en continu, alors que ces jours de repos doivent être assimilés à des jours de travail effectif et ne peuvent être comptés comme des jours de congés payés pour vérifier le respect par l'employeur de l'attribution des trente jours ouvrables de congés payés. Dès lors, le calcul pratiqué au sein de la société ne peut être retenu. Pour opérer la conversion de 30 jours ouvrables de congés payés en jours ouvrés et éviter toute distorsion liée au mode d'organisation du travail du salarié, il convient d'employer la formule suivante : Mme Y... effectue 48 heures de travail effectif sur une période de dix jours, de sorte que la durée hebdomadaire moyenne de travail est de 33,6 heures (48/10 x 7) et sa durée quotidienne de travail sur cinq jours ouvrés est de 6,72 heures (33,6/5). Dès lors, 33,6 heures de travail hebdomadaire en moyenne multipliées par cinq semaines de congés payés divisées par 6,72 heures de travail sont égales à 25 jours ouvrés de congés payés. Il en résulte que les 30 jours ouvrables de congés payés annuels auxquels a droit Mme Y... équivalent à 25 jours travaillés par an pour la salariée et non 21 ainsi que le soutient la société DFDS Seaways. Mme Y... qui n'a bénéficié que de 21 jours de congés payés n'a donc pas été remplie de ses droits et n'a pas bénéficié des 30 jours ouvrables auxquels elle pouvait prétendre. Par conséquent, il résulte de l'historique produit par les parties que Mme Y... est bien fondée dans sa demande de restitution des jours de congés payés manquants se décomposant comme suit : - du 1er juin 2012 au 31 mai 2013 : 4 jours - du 1er juin 2013 au 31 mai 2014 : 4 jours, - du 1er juin 2014 au 31 mai 2015 : 4 jours, - du 1er juin 2015 au 31 mai 2016 : 4 jours, - du 1er juin 2016 au 31 mai 2017 : 4 jours - du 1er juin 2017 au 31 mai 2018 : 3 jours En conséquence, le jugement sera infirmé et la société DFDS Seaways sera condamnée à restituer à Mme Y... les jours de congés payés non attribués sur la période de 2012 au 31 mai 2018 soit 23 jours Sur les demandes relatives aux frais irrépétibles et aux dépens des instances Compte tenu de l'issue du litige, la société DFDS Seaways sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Mme Y... la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'il (sic) a pu exposer » ;

ALORS QUE le mode de calcul des droits à congés appliqué par un employeur ne doit pas être moins favorable que celui résultant de la loi ou de dispositions conventionnelles qui déterminent la durée du congé en jours ouvrables ; que si le décompte des jours de congé peut être effectué en jours ouvrés c'est à la condition que ne soit pas remise en cause la notion de jour ouvrable et que le mode de calcul appliqué ne soit pas moins favorable que celui qui résulte des dispositions applicables ; qu'en statuant comme elle l'a fait et en ne s'attachant qu'au décompte du temps de travail effectif et au mode de conversion des jours ouvrés en jours ouvrables, sans prendre en compte, comme elle y était invitée par la société DFDS, les particularités du rythme de travail dans l'entreprise, de telle sorte que le décompte des congés en jours ouvrés était en réalité défavorable aux salariés et que seule la comptabilisation en jours ouvrables leur garantissait le respect de leurs droits légaux et conventionnels, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L.3141-3 du code du travail et de l'article 7.1.1 de la convention collective nationale du personnel sédentaire.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société DFDS Seaways à restituer à Mme Y... les jours de congés payés non attribués sur la période de juin 2012 au 31 mai 2018, soit 23 jours et d'avoir enjoint à la société DFDS Seaways d'attribuer à compter du 1er juin 2018 à Mme Y... 30 jours ouvrables de congés payés équivalant à 25 jours ouvrés de congés payés selon les modalités prévues par l'arrêt ;

AUX MOTIFS énoncés au premier moyen ;

ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut notamment fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en jugeant que « pour opérer la conversion de 30 jours ouvrables de congés payés en jours ouvrés et éviter toute distorsion liée au mode d'organisation du travail du salarié, il convient d'employer la formule suivante : Mme Y... effectue 48 heures de travail effectif sur une période de dix jours, de sorte que la durée hebdomadaire moyenne de travail est de 33,6 heures (48/10x 7) et sa durée journalière de travail sur cinq jours ouvrés est de 6,72 heures (33,6/5). Dès lors, 33,6 heures de travail hebdomadaire en moyenne multipliés par cinq semaines de congés payés divisées par 6,72 heures de travail sont égales à 25 jours ouvrés de congés payés », la cour d'appel s'est fondée sur une formule de calcul qui ne figurait dans les écritures d'aucune des parties et a donc relevé d'office un moyen de droit déterminant en ce qui concerne la solution du litige ; qu'en s'abstenant de recueillir préalablement les observations des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-15638
Date de la décision : 10/03/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 28 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mar. 2021, pourvoi n°19-15638


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.15638
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