La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/03/2021 | FRANCE | N°19-20804

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 mars 2021, 19-20804


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 181 F-D

Pourvoi n° F 19-20.804

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

1°/ M. A... V..., domicilié [...] ,

2°/ M. J... V..., domiciliÃ

© [...] ,

3°/ M. N... V..., domicilié [...] ,

4°/ M. Y... V..., domicilié [...] , agissant en qualité de mandataire ad hoc de la société civile immobi...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 181 F-D

Pourvoi n° F 19-20.804

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

1°/ M. A... V..., domicilié [...] ,

2°/ M. J... V..., domicilié [...] ,

3°/ M. N... V..., domicilié [...] ,

4°/ M. Y... V..., domicilié [...] , agissant en qualité de mandataire ad hoc de la société civile immobilière de construction vente Delfrere,

ont formé le pourvoi n° F 19-20.804 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel de Pau (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme L... D..., épouse P...,

2°/ à M. H... P...,

tous deux domiciliés [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. Y... V..., ès qualités, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de Mme et M. P..., après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à MM. A..., J... et N... V... (les consorts V...) du désistement de leur pourvoi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 30 avril 2019), par acte sous seing privé du 8 août 2008, réitéré par acte authentique le 16 octobre 2008, la société civile de construction vente Delfrère (la SCCV) a vendu à M. et Mme P... une maison d'habitation au prix de 245 000 euros.

3. Après deux inondations qui sont survenues les 25 juin et 1er juillet 2014 et qui ont envahi une partie de leur maison, les acquéreurs, ayant appris qu'une précédente inondation aurait eu lieu en juin 2008, ont assigné M. Y... V..., pris en sa qualité de liquidateur de la SCCV, ainsi que ses associés, les consorts V..., en résolution de la vente pour vice caché et, subsidiairement, en réduction du prix, ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

5. M. Y... V..., pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la SCCV, fait grief à l'arrêt de dire que celle-ci a commis une réticence dolosive dans la négociation du prix de la vente de l'immeuble d'habitation de M. et Mme P... et de condamner, sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle, la SCCV à payer à M. et Mme P... une indemnité de 100 000 euros correspondant à la surévaluation du prix, une indemnité égale aux intérêts contractuels payés par M. et Mme P... sur cette somme calculés aux conditions du contrat de prêt initialement conclu avec leur banque, puis renégocié à compter du mois de septembre 2012 actuellement en cours, aux intérêts contractuels futurs, au fur et à mesure de leur paiement jusqu'à complet amortissement, et une indemnité égale au différentiel entre les échéances de l'assurance groupe actuellement payée et celle qui l'aurait été pour un emprunt souscrit aux mêmes conditions pour un capital inférieur de 100 000 euros, alors « qu'en toute hypothèse, l'exposante soutenait que « preuve incontestable de l'absence d'inondation et de la mauvaise foi des demandeurs, M. H... P... rapp[elait] lui-même dans son offre s'être déplacé à Souloumou le 20 juin 2008 soit quelques jours seulement après le 12 juin 2008, date de la prétendue inondation dudit bien » ; qu'en retenant le dol de l'exposante et, partant, l'erreur provoquée de M. et Mme P..., sans répondre à ce moyen essentiel des conclusions de la SCCV Delfrère, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte le jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

7. Pour dire qu'une inondation avait eu lieu en juin 2008 sur la parcelle vendue et que la SCCV avait commis une réticence dolosive à l'égard de M. et Mme P..., l'arrêt retient que les inondations survenues au mois de juin 2008 avaient donné lieu à un arrêté de catastrophe naturelle du 7 août 2014 (lire 2008) concernant la commune de Soumoulou, que les voisins directs de M. et Mme P..., à savoir O... Maître et X... S..., avaient subi des dégâts lors d'un débordement du ruisseau voisin survenu en juin 2014 (lire juin 2008), que leurs attestations, selon lesquelles l'immeuble vendu ultérieurement à M. et Mme P... avait aussi été endommagé, ne sauraient par conséquent être qualifiées de mensongères, que la crue de juin 2008 avait nécessairement affecté son bien puisque les voisins immédiats avaient subi des dégâts et que la topographie plane de l'ensemble des habitations ne permettait pas de considérer qu'il ait pu être épargné et que ces voisins aient attesté par erreur de l'inondation l'ayant affecté, que l'immeuble déclaré achevé avait fait l'objet de travaux après les inondations de juin 2008, durant les pourparlers contractuels, postérieurement à l'acquisition de la conformité administrative, que leur objet avait donc bien été de réparer les dégâts et que l'inondation avait donc été connue par la société venderesse qui conservait la jouissance - et les risques - de la chose, et qui était confrontée depuis des années, ainsi que cela ressort des pièces concordantes versées au débat, à ce risque récurrent.

8. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la SCCV qui soutenait que M. P... était venu visiter l'immeuble le 20 juin 2008 et qu'il n'aurait pu manquer de constater l'inondation s'il y en avait eu une, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Pau autrement composée ;

Condamne M. et Mme P... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. Y... V..., ès qualités,

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la SCCV DELFRERE avait commis une réticence dolosive dans la négociation du prix de la vente de l'immeuble d'habitation des époux P... et d'AVOIR, sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle, condamné la SCCV DELFRERE à payer aux époux P... : une indemnité de 100.000 euros correspondant à la surévaluation du prix, une indemnité égale aux intérêts contractuels payés à par les époux P... sur cette somme calculés aux conditions du contrat de prêt initialement conclu avec leur banque, puis renégocié à compter du mois de septembre 2012 actuellement en cours, aux intérêts contractuels futurs, au fur et à mesure de leur paiement jusqu'à complet amortissement et une indemnité égale au différentiel entre les échéances de l'assurance groupe actuellement payée et celle qui l'aurait été pour un emprunt souscrit aux mêmes conditions pour un capital inférieur de 100.000 euros ;

AUX MOTIFS QUE « le dispositif des conclusions des demandeurs vise les articles 1134, l'obligation d'information, et les articles concernant le dol alors que le contrat est maintenu ; il vise aussi les articles concernant la garantie des vices cachés qui ouvre à la fois une action en dommages-intérêts et une action estimatoire ; ces écritures s'interprètent comme dirigeant contre le vendeur à titre principal une action en responsabilité, et à titre subsidiaire l'action estimatoire.

a) sur la responsabilité des vendeurs

Vérifications faites, la déclaration d'achèvement est intervenue le 29 mai 2007 et l'immeuble bénéficie d'une déclaration implicite de conformité ; se référant à une attestation du maire, l'acte de vente mentionne qu'une demande de déclaration de conformité été faite le 28 mai 2008 (avant l'inondation du mois de juin et avant l'acte acte sous-seing privé de vente) ; en l'absence de contestation de cette conformité dans les trois mois qui ont suivi, la déclaration de conformité donc été acquise à la date du 28 août 2008.
Les informations sur la prévention des risques ont bien été portées à la connaissance des acquéreurs, notamment un plan de prévention des risques du 22 août 2008 (postérieur cependant à l'inondation dont il est dit qu'elle a été dissimulée, postérieur à la signature de l'acte acte sous-seing privé de vente, mais antérieur à sa réitération) ; dans ces conditions, les époux P... ne peuvent pas se prévaloir d'un précédent refus du certificat de conformité opposé par la commune en 2007, lequel était fondé sur un défaut de débroussaillage totalement étranger à la prévention des risques de débordement du cours d'eau voisin.
Que les époux P..., une fois entrés dans l'immeuble acquis, aient ou non modifié un mur après leur acquisition en accroissant le risque de dégât des eaux sur leur bien, constitue un moyen inopérant car ; pour apprécier le bien-fondé de l'action estimatoire et la mesure d'une réduction de prix, il convient d'apprécier les conditions de l'échange des consentements intervenu avant leur entrée dans les lieux.
Il reste cependant à déterminer si, abstraction faite de la régularité des démarches administratives, la SCCV venderesse avait l'obligation de signaler le sinistre survenu au mois de juin 2008.
Les inondations survenues au mois de juin 2008 ont donné lieu à un arrêté de catastrophe naturelle du 07 août 2014 concernant la commune de SOU MOULOU ; les voisins directs des époux P..., à savoir O... MAITRE et X... S... ont subi des dégâts lors d'un débordement du ruisseau voisin survenu en juin 2014 ; leurs attestations selon lesquelles l'immeuble vendu ultérieurement aux époux P... auraient aussi été endommagé, ne sauraient par conséquent être qualifiées de mensongères ; la crue de juin 2008 a nécessairement affecté son bien puisque les voisins immédiats ont subis des dégâts et que la topographie plane de l'ensemble des habitations ne permet pas de considérer qu'il ait pu être épargné et que ces voisins aient attestés par erreur de l'inondation l'ayant affecté. L'immeuble déclaré achevé a fait l'objet de travaux après les inondations de juin 2008, durant les pourparlers contractuels, postérieurement à l'acquisition de la conformité administrative ; leur objet a donc bien été de réparer les dégâts. L'inondation a donc été connue par la société venderesse qui conservait la jouissance ¬et les risques - de la chose, et qui est confronté depuis des années, ainsi que cela ressort des pièces concordantes versées au débat, à ce risque récurent.
La société venderesse n'ignorait pas qu'un plan de prévention des risques était en cours d'élaboration. Que ce plan de prévention des risques n'ait pu été définitivement élaboré à la date à laquelle l'acte acte sous-seing privé a été signé n'a aucune influence sur la solution à donner au litige ; ne pas faire état de cette inondation lors de la signature de l'acte sous-seing privé devait être portée à la connaissance des acquéreurs. Il y a de ce seul chef une réticence dolosive qui engage la responsabilité civile de la SCCV venderesse car, s'il avait connu ce risque, l'acquéreur n'aurait pas contracté, aurait demandé des informations complémentaires ou en aurait donné un prix moindre. La négociation se fut déroulée différemment dans un sens plus favorable pour lui.

b) sur le préjudice

Les acquéreurs ne souhaitent pas l'anéantissement du contrat de vente ; l'action en responsabilité leur permet de réclamer à titre de dommages-intérêts :

- la différence entre le prix qu'ils ont payé et le prix - inférieur - auquel il est estimé qu'ils auraient pu acquérir le bien, outre les frais financiers se rattachant à l'excédent de prix,
- le remboursement de dépenses qu'ils n'ont engagé du défaut qui leur a été dissimulé.

La gravité du vice est telle que s'il avait été connu, les acquéreurs n'auraient donné qu'un prix moindre de 100.000 euros ; cette différence constitue un élément de leur préjudice subi, c'est à bon droit qu'ils réclament cette somme.

L'acte de vente indiquant que le prix d'achat a été payé comptant mais les vendeurs justifient de ce que, pour financer l'acquisition, ils ont emprunté en 2008 la somme de 260.658,47 euros à la Société Générale au taux financier de 5,01 % l'an ; par acte du 27 novembre 2012, ce prêt a été renégocié à effet de l'échéance du mois de décembre 2012 euros pour devenir un prêt à 3.78 % l'an remboursable par échéances de 2.259,35 euros jusqu'au mois de mai 2015 puis par échéances de 2.842,32 euros à payer jusqu'au terme de l'amortissement prévu pour le mois de novembre 2020. La demande des époux P... tendant au remboursement de l'intégralité des intérêts de l'emprunt n'est pas fondée ; le préjudice financier s'évalue aux conditions d'exécution du prêt actuellement en cours mais appliquées à un capital de 100.000 euros inutilement emprunté ; la SSCV versera donc aux époux P... une indemnité égale :
- aux intérêts contractuels par eux payés sur la somme de 100.000 euros calculés sur la base des conditions du contrat d'origine jusqu'en novembre 2012 puis sur la base des conditions financières du contrat renégocié,
- aux intérêts contractuels futurs, au fur et à mesure de leur paiement jusqu'à amortissement complet,
- au différentiel entre les échéances de l'assurance groupe actuellement payée et celle qui l'aurait été pour un emprunt souscrit aux mêmes conditions pour un capital inférieur de 100.000 euros.

Les époux P..., qui ont choisi aujourd'hui de conserver l'immeuble, ne sont en revanche pas fondés dans leur demande tendant à obtenir :
- le remboursement de frais - y compris financiers - exposés pour la construction d'un garage,
- le remboursement des frais, y compris financier, relatifs à l'édification d'un mur de clôture,
- le remboursement du coût de divers travaux intérieurs car ils ne justifient pas de ce que ces dépenses, entreprises en 2011, plus de deux ans après leur entrée dans les lieux, soient une conséquence directe de la faute commise par leur vendeur lors de la conclusion du contrat.

La cour statuant sur le fondement de l'action en responsabilité civile contractuelle, il n'y a pas lieu de statuer sur l'action estimatoire » ;

1°) ALORS QUE la motivation d'une décision juridictionnelle doit établir que le juge a tranché le litige de façon impartiale en examinant les éléments de preuve invoqués par toutes les parties ; qu'en visant exclusivement les attestations produites par les époux P... sans consacrer un seul motif aux nombreuses attestations circonstanciées produites par la SCCV Delfrère, la cour d'appel s'est prononcée par une motivation faisant peser un doute sur son impartialité en violation de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la déclaration d'achèvement des travaux ne concerne que l'achèvement et la conformité des travaux au permis délivré ou à la déclaration préalable adressée à la mairie et ne préjuge pas de l'achèvement de tous les travaux intérieurs dans le bien construit ; qu'en déduisant de la circonstance que des travaux avaient été réalisés dans le bien vendu postérieurement au dépôt de la déclaration d'achèvement et de conformité des travaux par la SCCV Delfrère que « leur objet a[vait] [
] été de réparer les dégâts » (arrêt p. 6, al. 4), et donc que l'immeuble avait été inondé en 2008, la cour d'appel a violé l'article L. 462-1 du code de l'urbanisme ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge ne peut statuer par voie d'affirmation, sans préciser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en affirmant que « la société venderesse n'ignorait pas qu'un plan de prévention des risques était en cours d'élaboration » (arrêt p. 6, al. 5) sans préciser sur quel élément de preuve elle se fondait pour procéder à une telle affirmation, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'exposante faisait valoir que les seuls documents administratifs existant au jour de la vente ne faisaient état d'aucun risque d'inondation qui aurait pesé sur le bien en cause, celui-ci ne faisant pas partie du plan de prévention des risques naturels (conclusions récapitulatives de la SCCV Delfrère, p. 20, al. 5), le notaire instrumentaire ayant indiqué que l'« état des risques naturels et technologiques » relatait « pour seule réserve, le risque naturel de sismicité » (conclusions récapitulatives de la SCCV Delfrère, p. 8, al. 9 à dernier) ; qu'en retenant néanmoins que l'exposante aurait dissimulé l'existence d'un plan de prévention des risques en cours d'élaboration, sans répondre à ce moyen essentiel des conclusions de la SCCV Delfrère, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'exposante soutenait que « preuve incontestable de l'absence d'inondation et de la mauvaise foi des demandeurs, M. H... P... rapp[elait] lui-même dans son offre s'être déplacé à Souloumou le 20 juin 2008 soit quelques jours seulement après le 12 juin 2008, date de la prétendue inondation dudit bien » (conclusions récapitulatives de la SCCV Delfrère p. 18, al. 2) ; qu'en retenant le dol de l'exposante et, partant, l'erreur provoquée de M. et Mme P..., sans répondre à ce moyen essentiel des conclusions de la SCCV Delfrère, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QU'en toute hypothèse, les juges du fond ne peuvent rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en jugeant que la maison vendue avait été inondée en 2008 sans examiner les attestations de M. Q..., agent immobilier qui avait été mandaté pour vendre la maison et attestait avoir « visité cette maison à plusieurs reprises avec des clients et n'[avoir] jamais constaté de traces d'humidité ou un signe d'inondations dans ce bien » (attestation de M. Q... du 16 décembre 2014) et de M. U..., entrepreneur qui avait visité la maison début juillet 2008 et attestait qu'il n'avait « constaté aucune dégradation pouvant être causée par une inondation à l'intérieur de la maison ou du garage » (attestation de M. U... du 17 juin 2016) produites par la SCCV Delfrère, d'où il résultait que la maison n'avait pas été inondée en 2008, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la SCCV DELFRERE avait commis une réticence dolosive dans la négociation du prix de la vente de l'immeuble d'habitation des époux P... et d'AVOIR, sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle, condamné la SCCV DELFRERE à payer aux époux P... : une indemnité de 100.000 euros correspondant à la surévaluation du prix, une indemnité égale aux intérêts contractuels payés à par les époux P... sur cette somme calculés aux conditions du contrat de prêt initialement conclu avec leur banque, puis renégocié à compter du mois de septembre 2012 actuellement en cours, aux intérêts contractuels futurs, au fur et à mesure de leur paiement jusqu'à complet amortissement et une indemnité égale au différentiel entre les échéances de l'assurance groupe actuellement payée et celle qui l'aurait été pour un emprunt souscrit aux mêmes conditions pour un capital inférieur de 100.000 euros ;

AUX MOTIFS QUE « le dispositif des conclusions des demandeurs vise les articles 1134, l'obligation d'information, et les articles concernant le dol alors que le contrat est maintenu ; il vise aussi les articles concernant la garantie des vices cachés qui ouvre à la fois une action en dommages-intérêts et une action estimatoire ; ces écritures s'interprètent comme dirigeant contre le vendeur à titre principal une action en responsabilité, et à titre subsidiaire l'action estimatoire.

a) sur la responsabilité des vendeurs

Vérifications faites, la déclaration d'achèvement est intervenue le 29 mai 2007 et l'immeuble bénéficie d'une déclaration implicite de conformité ; se référant à une attestation du maire, l'acte de vente mentionne qu'une demande de déclaration de conformité été faite le 28 mai 2008 (avant l'inondation du mois de juin et avant l'acte acte sous-seing privé de vente) ; en l'absence de contestation de cette conformité dans les trois mois qui ont suivi, la déclaration de conformité donc été acquise à la date du 28 août 2008.

Les informations sur la prévention des risques ont bien été portées à la connaissance des acquéreurs, notamment un plan de prévention des risques du 22 août 2008 (postérieur cependant à l'inondation dont il est dit qu'elle a été dissimulée, postérieur à la signature de l'acte acte sous-seing privé de vente, mais antérieur à sa réitération) ; dans ces conditions, les époux P... ne peuvent pas se prévaloir d'un précédent refus du certificat de conformité opposé par la commune en 2007, lequel était fondé sur un défaut de débroussaillage totalement étranger à la prévention des risques de débordement du cours d'eau voisin.

Que les époux P..., une fois entrés dans l'immeuble acquis, aient ou non modifié un mur après leur acquisition en accroissant le risque de dégât des eaux sur leur bien, constitue un moyen inopérant car ; pour apprécier le bien-fondé de l'action estimatoire et la mesure d'une réduction de prix, il convient d'apprécier les conditions de l'échange des consentements intervenu avant leur entrée dans les lieux.

Il reste cependant à déterminer si, abstraction faite de la régularité des démarches administratives, la SCCV venderesse avait l'obligation de signaler le sinistre survenu au mois de juin 2008.

Les inondations survenues au mois de juin 2008 ont donné lieu à un arrêté de catastrophe naturelle du 07 août 2014 concernant la commune de SOU MOULOU ; les voisins directs des époux P..., à savoir O... MAITRE et X... S... ont subi des dégâts lors d'un débordement du ruisseau voisin survenu en juin 2014 ; leurs attestations selon lesquelles l'immeuble vendu ultérieurement aux époux P... auraient aussi été endommagé, ne sauraient par conséquent être qualifiées de mensongères ; la crue de juin 2008 a nécessairement affecté son bien puisque les voisins immédiats ont subis des dégâts et que la topographie plane de l'ensemble des habitations ne permet pas de considérer qu'il ait pu être épargné et que ces voisins aient attestés par erreur de l'inondation l'ayant affecté. L'immeuble déclaré achevé a fait l'objet de travaux après les inondations de juin 2008, durant les pourparlers contractuels, postérieurement à l'acquisition de la conformité administrative ; leur objet a donc bien été de réparer les dégâts. L'inondation a donc été connue par la société venderesse qui conservait la jouissance ¬et les risques - de la chose, et qui est confronté depuis des années, ainsi que cela ressort des pièces concordantes versées au débat, à ce risque récurent.

La société venderesse n'ignorait pas qu'un plan de prévention des risques était en cours d'élaboration. Que ce plan de prévention des risques n'ait pu été définitivement élaboré à la date à laquelle l'acte acte sous-seing privé a été signé n'a aucune influence sur la solution à donner au litige ; ne pas faire état de cette inondation lors de la signature de l'acte sous-seing privé devait être portée à la connaissance des acquéreurs. Il y a de ce seul chef une réticence dolosive qui engage la responsabilité civile de la SCCV venderesse car, s'il avait connu ce risque, l'acquéreur n'aurait pas contracté, aurait demandé des informations complémentaires ou en aurait donné un prix moindre. La négociation se fut déroulée différemment dans un sens plus favorable pour lui.

b) sur le préjudice

Les acquéreurs ne souhaitent pas l'anéantissement du contrat de vente ; l'action en responsabilité leur permet de réclamer à titre de dommages-intérêts :

- la différence entre le prix qu'ils ont payé et le prix - inférieur - auquel il est estimé qu'ils auraient pu acquérir le bien, outre les frais financiers se rattachant à l'excédent de prix,
- le remboursement de dépenses qu'ils n'ont engagé du défaut qui leur a été dissimulé.

La gravité du vice est telle que s'il avait été connu, les acquéreurs n'auraient donné qu'un prix moindre de 100.000 euros ; cette différence constitue un élément de leur préjudice subi, c'est à bon droit qu'ils réclament cette somme.

L'acte de vente indiquant que le prix d'achat a été payé comptant mais les vendeurs justifient de ce que, pour financer l'acquisition, ils ont emprunté en 2008 la somme de 260.658,47 euros à la Société Générale au taux financier de 5,01 % l'an ; par acte du 27 novembre 2012, ce prêt a été renégocié à effet de l'échéance du mois de décembre 2012 euros pour devenir un prêt à 3.78 % l'an remboursable par échéances de 2.259,35 euros jusqu'au mois de mai 2015 puis par échéances de 2.842,32 euros à payer jusqu'au terme de l'amortissement prévu pour le mois de novembre 2020. La demande des époux P... tendant au remboursement de l'intégralité des intérêts de l'emprunt n'est pas fondée ; le préjudice financier s'évalue aux conditions d'exécution du prêt actuellement en cours mais appliquées à un capital de 100.000 euros inutilement emprunté ; la SSCV versera donc aux époux P... une indemnité égale :

- aux intérêts contractuels par eux payés sur la somme de 100.000 euros calculés sur la base des conditions du contrat d'origine jusqu'en novembre 2012 puis sur la base des conditions financières du contrat renégocié,
- aux intérêts contractuels futurs, au fur et à mesure de leur paiement jusqu'à amortissement complet,
- au différentiel entre les échéances de l'assurance groupe actuellement payée et celle qui l'aurait été pour un emprunt souscrit aux mêmes conditions pour un capital inférieur de 100.000 euros.

Les époux P..., qui ont choisi aujourd'hui de conserver l'immeuble, ne sont en revanche pas fondés dans leur demande tendant à obtenir :

- le remboursement de frais - y compris financiers - exposés pour la construction d'un garage,
- le remboursement des frais, y compris financier, relatifs à l'édification d'un mur de clôture,
- le remboursement du coût de divers travaux intérieurs car ils ne justifient pas de ce que ces dépenses, entreprises en 2011, plus de deux ans après leur entrée dans les lieux, soient une conséquence directe de la faute commise par leur vendeur lors de la conclusion du contrat.

La cour statuant sur le fondement de l'action en responsabilité civile contractuelle, il n'y a pas lieu de statuer sur l'action estimatoire » ;

1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en l'espèce, M. et Mme P... demandaient à la cour d'appel de condamner les exposants au paiement « de la somme de 100 000 euros dans le cadre de l'action estimatoire, visant la rédaction du prix de vente de l'immeuble litigieux » (conclusions n° 2 de M. et Mme P..., p. 18, al. 10, nous soulignons) et de leur allouer « la somme de 89 233,76 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires » (conclusions n° 2 de M. et Mme P..., p. 18, al. 11, nous soulignons) ; qu'en condamnant la SCCV Delfrère à payer à M. et Mme P... la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts outre le coût de l'emprunt de cette somme, quand les acquéreurs n'avaient pas formulé de demande de dommages et intérêts à ce titre, la demande de paiement de la somme de 100 000 euros n'étant formulée qu'au titre de l'action estimatoire, sur laquelle la cour d'appel a jugé qu'il n'y avait « pas lieu de statuer » (arrêt, p.7, § 3), la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le préjudice résultant d'un dol ou du manquement à une obligation précontractuelle d'information est constitué par la perte de la chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; qu'en fixant le préjudice résultant de la résistance dolosive imputée à la SCCV Delfrère à « la différence entre le prix qu'ils sont payé et le prix - inférieur - auquel il est estimé qu'ils auraient pu acquérir le bien, outre les frais financiers se rattachant à l'excédent de prix » (arrêt, p. 6, al. 7) la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge saisi d'un litige a l'obligation de trancher le litige qui lui est soumis ; qu'en condamnant la SCCV Delfrère à verser « aux époux [...] une indemnité égale :- aux intérêts contractuels par eux payés sur la somme de 100.000 euros calculés sur la base des conditions du contrat d'origine jusqu'en novembre 2012 puis sur la base des conditions financières du contrat renégocié, aux intérêts contractuels futurs, au fur et à mesure de leur paiement jusqu'à amortissement complet, [et] au différentiel entre les échéances de l'assurance groupe actuellement payée et celle qui l'aurait été pour un emprunt souscrits aux mêmes conditions pour un capital inférieur de 100.000 euros » (arrêt p. 6, dernier al. et p. 7, al. 1er), sans fixer elle-même le montant de la condamnation prononcée, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-20804
Date de la décision : 04/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 30 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 mar. 2021, pourvoi n°19-20804


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.20804
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award