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03/03/2021 | FRANCE | N°19-18698

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 mars 2021, 19-18698


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 mars 2021

Cassation partielle sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 305 F-D

Pourvoi n° S 19-18.698

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 MARS 2021

1°/ La société Declic'solution

, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

2°/ la société [...] et [...], société d'exploitation libérale à responsabilité lim...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 mars 2021

Cassation partielle sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 305 F-D

Pourvoi n° S 19-18.698

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 MARS 2021

1°/ La société Declic'solution, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

2°/ la société [...] et [...], société d'exploitation libérale à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de Mme T... W..., en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Declic'solution,

ont formé le pourvoi n° S 19-18.698 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme C... M..., domiciliée [...] ,

2°/ à Pôle emploi Aquitaine, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Declic'solution, après débats en l'audience publique du 13 janvier 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Intervention volontaire

1. Il est donné acte à la société [...] et [...], prise en la personne de Mme W..., en qualité de mandataire judiciaire de la société Déclic'solutions, de son intervention volontaire.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 2 mai 2019), Mme M..., engagée le 19 octobre 2015 en qualité de technico-commercial par la société Déclic'solutions (la société), a pris acte de la rupture de son contrat de travail, le 6 septembre 2016, aux torts de l'employeur.

3. Le 30 septembre 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins de dire que cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul pour harcèlement moral, harcèlement sexuel et violences physiques, et de condamner l'employeur au paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors « qu'il ne ressort pas de l'arrêt attaqué ni des écritures de chacune des parties que la salariée réclamait à la cour d'appel la condamnation de son employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ; que partant, en condamnant la société Declic'solutions au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 et 954 du code de procédure civile :

6. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. En vertu du second de ces textes, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

7. Pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, l'arrêt retient que compte-tenu des motifs retenus pour dire que la prise d'acte de la salariée a les effets d'un licenciement nul, de l'âge de la salariée, de son salaire et de son ancienneté au moment du licenciement, la cour s'estime suffisamment informée pour fixer à la somme de 20 000 euros la réparation intégrale du préjudice consécutif à la perte de son emploi.

8. En statuant ainsi, alors que, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, la salariée demandait que l'employeur soit condamné, par suite de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul, au paiement de certaines sommes à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice moral résultant du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des violences physiques, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, au titre d'un rappel de salaire et des congés payés ainsi qu'au titre d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond. La cassation sera prononcée par voie de retranchement.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il condamne la société Déclic'solutions à payer à Mme M... la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, l'arrêt rendu le 2 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne Mme M... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Declic'solution et la société [...] et [...], ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la prise d'acte du 13 septembre 2016 produisait les effets d'un licenciement nul en raison des faits de harcèlement moral et d'avoir, en conséquence, condamné la société DECLIC'SOLUTIONS à payer à Madame M... les sommes de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, de 16.452 euros à titre de rappel de salaire et 1.645,20 euros au titre des congés payés afférents, de 5.584 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 274 euros au titre des congés payés afférents, outre la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Aux motifs que aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail le harcèlement moral d'un salarié se définit par des agissements répétés, ayant pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en application de l'article L. 1152-2 du même code, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral, ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que l'article L. 1153-1 du même code dispose qu'aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers ;

Qu'en application de l'article L. 1154-1 du même code il incombe au salarié d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un tel harcèlement, éléments au vu desquels la partie défenderesse doit prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que les articles L. 1152-3 et L. 1153-3 du code du travail ajoutent que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissances des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 est nulle ; que Mme M... a déposé plainte contre M. F... le 8 décembre 2016 où elle fait état des divers actes de harcèlement et de violences physiques et verbales dont elle s'est déclarée victime, Mme M... produit huit attestations de salariés ou d'anciens salariés de la société Déclic' solutions faisant état des faits de harcèlement et de la part de M. F... ; que l'ensemble de ces attestations corrobore les déclarations faites par Mme M... devant les gendarmes et font état d'un climat de pression de M. F... sur celle-ci ; que les attestations font mention de faits précis - dénigrement, humiliation devant témoin, regards insistants, renversement d'un siège dans lequel était assise la salariée la faisant chuter - et datés - formation, repas au restaurant, brief du matin - et reprennent des propos tenus ou des comportements adoptés par M. F... ; qu'ainsi, il est évoqué à plusieurs-reprises que M. F... s'est adressé à Mme M... en lui disant " C..., je vais vous attacher dans le dépôt et vous fouetter" ; alors que Mme M... a dû monter sur une chaise, M. F... lui a dit de ne pas descendre " car la vue était jolie" ; que force est par ailleurs de constater que plusieurs jeunes femmes font également état des propos et gestes déplacés de M, F... à leur égard ; qu'il ressort également des éléments produits que M. P... a attesté en faveur de Mme M... et a expliqué avoir fait l'objet de pressions pour, au contraire, témoigner contre elle, l'amenant à déposer une main courante et a en saisir son avocat ; que Mme M... a bénéficié d'un arrêt de travail pour syndrome d'épuisement professionnel le 6 septembre 2016 et elle produit une ordonnance lui prescrivant un anxiolytique à compter du 20 juillet 2016 ; que la communication d'un échange de SMS entre M. M... et M. S..., un autre salarié, témoigne d'un climat où les connotations sexuelles sont présentes ; qu'il est constant que dans sa prise d'acte de rupture du contrat de travail du 13 septembre 2016, Mme M... dénonce les agissements de harcèlement moral, sexuel et de violences de M. F... ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme M... établit des faits laissant présumer l'existence de harcèlement ; que la société Déclic'solutions doit prouver que les agissements invoqués par Mme M... ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que d'une part, la société produit des attestations excluant tous propos ou gestes déplacés de la part de M. F... sur le lieu de travail et au restaurant ; que cependant, dans le même temps, la société explique que Mme M... était très peu en contact avec M. F..., ce qui est contredit par les attestations indiquant que M. F... s'est toujours bien comporté ; que de plus, l'attestation du gérant du restaurant ne permet pas d'exclure l'existence d'un harcèlement ; que de même, le fait que Mme M... ait échangé des SMS avec son employeur ne constitue pas un élément objectif excluant un harcèlement ; que d'autre part, les éléments apportés pour contrecarrer l'accusation de pressions de la part de la direction de la société sur M. P... alors qu'il a attesté, réitéré ses déclarations devant un policier et fait intervenir officiellement son conseil sont insuffisants à emporter la conviction ; que force est enfin de constater que les personnes ayant attesté en faveur de la société Déclic'solutions se trouvent en état de subordination à son égard ; que le classement sans suite de la plainte de Mme M... n'est nullement synonyme d'absence de harcèlement en droit du travail ; que ainsi, la société Déclic'solutions ne démontre pas que les faits établis par Mme M... ne sont pas constitutifs de harcèlement ou que les comportements de M. F... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout fait de harcèlement ; qu'il en résulte que la prise d'acte de Mme M... doit avoir les conséquences d'un licenciement nul en raison des faits de harcèlements établis ; sur les demandes indemnitaires de Mme M... : sur les dommages et intérêts pour licenciement nul : que compte tenu des motifs retenus par la cour pour dire que la prise d'acte de Mme M... a les effets d'un licenciement nul, de l'âge de la salariée, de son salaire et de son ancienneté au moment du licenciement, la cour s'estime suffisamment informée pour fixer à la somme de 20 000 euros la réparation intégrale du préjudice consécutif à la perte de son emploi ; (
) sur le rappel de salaire et les congés payés afférents : que l'article L. 1235-3-1 du code du travail créé par Loi du 8 août 2016 dispose que lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles L. 1132-1, L. 1153-2, L. 1225-4 et L. 1225-5 et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ; que ce texte parfaitement applicable compte tenu de la date d'envoi du courrier notifiant la prise d'acte de Mme M... permet de lui accorder la somme de 16 452 euros à titre de rappel de salaire et celle de 1 645,20 euros au titre de congés payés afférents ; sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés afférents : que l'article L. 1234-5 du code du travail prévoit que lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice ; que l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise ; que l'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2 ; qu'aucune discussion sur le montant de la somme réclamée au titre du préavis n'a lieu ; qu'il est donc attribué la somme de 5 484 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 274 euros au titre des congés payés afférents ;

Alors, de première part, qu'il résulte des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au cas présent, pour dire que différents éléments laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral subi par Madame M... dans l'entreprise, la Cour d'appel a relevé que cette dernière produisait huit attestations et en a déduit que Madame M... établissait des faits laissant présumer l'existence de harcèlement, sans faire état de faits précis ni mentionner de dates précises ; qu'en se prononçant de la sorte, en se fondant sur des faits qui n'étaient ni précisés ni datés, et dont par conséquent elle n'avait pas pu constater qu'ils étaient matériellement établis, la Cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;

Alors, de deuxième part, que aux termes de l'article L. 1153-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits : « 1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; 2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. » ; qu'ayant relevé « qu'il est évoqué à plusieurs reprises » par les attestations produites par Madame M... que Monsieur F... s'est adressé à elle en lui disant : « C..., je vais vous attacher dans le dépôt et vous fouetter », la Cour d'appel en a déduit que Madame M... établissait des faits laissant présumer l'existence de harcèlement ; que si de tels propos peuvent éventuellement être rattachés au harcèlement sexuel, tel que défini par le 1er alinéa de l'article L. 1153-1 du Code du travail, lequel fait état d'actes ou de propos à connotation sexuelle et se définit par les conséquences d'un tel comportement sur la victime, un tel harcèlement suppose des agissements répétés pour être caractérisés, de sorte qu'en l'absence d'agissements répétés, le harcèlement sexuel, tel que défini à l'article L. 1553-1, 1° du Code du travail, n'est pas caractérisé ; que partant, en se prononçant en ce sens, la Cour d'appel a violé les articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;

Alors, de troisième part, que si la Cour d'appel a relevé que Madame M... avait « bénéficié d'un arrêt de travail pour syndrome d'épuisement professionnel le 6 septembre 2016 », cet arrêt ayant été rédigé à l'issue d'un entretien informant la salariée que la période d'essai effectuée n'était pas probante, il ne ressort pas de l'arrêt que la dégradation de son état de santé ait résulté ou même ait été en lien avec des éléments établis par la salariée ; dès lors, en l'absence d'un lien causal suffisant entre la dégradation de l'état de santé de la salariée et les agissements dénoncés, la Cour d'appel ne pouvait en déduire que la salariée établissait des faits laissant présumer l'existence de harcèlement ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a derechef violé les dispositions de l'article L. 1154-1 du Code du travail ;

Alors, de quatrième part, que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans ses écritures (p. 12 à 20) la société DECLIC'SERVICES rappelait la chronologie des évènements ayant précédé la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée, exposant que l'arrêt maladie pour épuisement professionnel avait été établi le jour même de l'entretien au cours duquel elle avait été informée qu'elle ne pouvait être maintenue au poste de responsable des ventes de l'agence de Sainte-Eulalie, et soulignait l'absence de tout signalement de la salariée auprès du médecin du travail, de l'inspecteur du travail ou des services de police ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions pourtant déterminantes de l'issue du litige, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société DECLIC'SOLUTIONS à payer à Madame C... M... la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Aux motifs que sur les dommages et intérêts pour licenciement nul : que compte tenu des motifs retenus par la cour pour dire que la prise d'acte de Mme M... a les effets d'un licenciement nul, de l'âge de la salariée, de son salaire et de son ancienneté au moment du licenciement, la cour s'estime suffisamment informée pour fixer à la somme de 20 000 euros la réparation intégrale du préjudice consécutif à la perte de son emploi ;

Alors, qu'il ne ressort pas de l'arrêt attaqué ni des écritures de chacune des parties que la salariée réclamait à la Cour d'appel la condamnation de son employeur au paiement d'une somme à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ; que partant, en condamnant la société DECLIC'SOLUTIONS au paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE AU PREMIER MOYEN)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société DECLIC'SOLUTIONS à payer à Madame C... M... les sommes de 16.452 euros à titre de rappel de salaire et 1.645,20 euros au titre des congés payés afférents,

Aux motifs que sur le rappel de salaire et les congés payés afférents : que l'article L. 1235-3-1 du code du travail créé par Loi du 8 août 2016 dispose que lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles L. 1132-1, L. 1153-2, L. 1225-4 et L. 1225-5 et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ; que ce texte parfaitement applicable compte tenu de la date d'envoi du courrier notifiant la prise d'acte de Mme M... permet de lui accorder la somme de 16 452 euros à titre de rappel de salaire et celle de 1 645,20 euros au titre de congés payés afférents ;

Alors, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1235-3-1 du Code du travail dans sa version applicable au litige, « lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles L. 1132-1, L. 1153-2, L. 1225-4 et L. 1225-5 et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 » ; qu'il en résulte que le paiement du salaire n'est pas automatique ; que dès lors, en énonçant que l'article L. 1235-3-1 du Code du travail créé par la loi du 8 août 2016 était parfaitement applicable compte tenu de la date de prise d'acte et permettait de lui accorder la somme de 16.452 euros à titre de rappel de salaire et celle de 1.645,20 euros au titre des congés payés afférents, sans exposer en quoi le paiement de salaire était dû à Madame M..., la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, privant sa décision de toute base légale au regard de ce texte ;

Alors, d'autre part, en tout état de cause, qu'aux termes de l'article L. 1235-3-1 du Code du travail pris dans sa version applicable au litige, seuls les salariés protégés peuvent prétendre au cumul d'une indemnité pour licenciement nul avec un rappel de salaire sur la période couverte par la nullité ; que partant, en condamnant la société DECLIC'SOLUTIONS à régler à Madame M... les sommes de 16.452 euros à titre de rappel de salaire et de 1.645,20 euros au titre des congés payés afférents, alors qu'il ne résultait pas des constatations de l'arrêt que Madame M... bénéficiait de la qualité de salariée protégée, la Cour d'appel a violé l'article L. 1235-3-1 du Code du travail ;

Alors, enfin, très subsidiairement, que l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur est une indemnité forfaitaire de sorte que le salarié ne peut prétendre au paiement des congés payés afférents ; que dès lors, en condamnant l'employeur à une indemnité compensatrice de congés payés, la Cour d'appel a violé derechef l'article L. 1235-3-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-18698
Date de la décision : 03/03/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 02 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 mar. 2021, pourvoi n°19-18698


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.18698
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