LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 février 2021
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 133 F-D
Pourvoi n° Q 19-23.871
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. P....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 11 mars 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 FÉVRIER 2021
La société Cibomat, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-23.871 contre l'arrêt rendu le 3 septembre 2019 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. E... P..., domicilié [...] ,
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Meurthe-et-Moselle, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Cibomat, de la SCP Boulloche, avocat de M. P..., et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 janvier 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 3 septembre 2019), M. P... (la victime), employé par la société Cibomat (l'employeur), a été victime le 9 novembre 2012 d'un accident pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle au titre de la législation professionnelle. La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses cinq premières branches
Enoncé du moyen
2. L'employeur fait grief à l'arrêt de faire droit à la demande de reconnaissance de la faute inexcusable, alors :
« 1°/ que la faute inexcusable ne peut être retenue que si l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience d'un risque particulier auquel était exposé son salarié ; qu'un salarié se déplaçant en tant que piéton au sein d'une entreprise n'est pas exposé à un danger particulier ; qu'en retenant néanmoins en l'espèce la faute inexcusable de l'employeur dans l'accident survenu à M. P... qui se déplaçait à pied en dehors des passages piétons quand il a été percuté par un engin élévateur interdit de circulation sur cette zone, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un danger particulier auquel M. P... aurait été exposé et qui aurait justifié des précautions spéciales de son employeur, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que la faute inexcusable ne peut être retenue que si l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié ; qu'en retenant en l'espèce cette conscience du danger par la société Cibomat au seul vu de l'existence d'un protocole d'accueil clients conclu avec les établissements Klein Agglomérés quand la mise en place de ce protocole n'était que l'application des dispositions s'imposant aux entreprises menant des opérations de chargement et de déchargement sans qu'il ne puisse s'en inférer une conscience spécifique par l'employeur d'un quelconque danger, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 4515-4, R. 4515-5 et R. 4515-11 du code du travail, ensemble l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
3°/ que la faute inexcusable ne peut être retenue que si l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver la santé du salarié ; qu'il est par ailleurs constant que lorsqu'un protocole de sécurité pour les opérations de chargement et déchargement réalisées au sein d'une entreprise extérieure doit être établi, ce protocole doit être exclusivement tenu à disposition des CHSCT des entreprises intéressées ainsi que de l'inspection du travail ; qu'en jugeant en l'espèce que rien ne permettait d'affirmer que le protocole d'accueil clients établi entre la société Cibomat et les établissements Klein Agglomérés avait été remis à M. P... pour en déduire que l'employeur n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour préserver la santé de M. P... quand rien n'imposait à la société Cibomat de porter directement ce document à la connaissance de ce dernier, la cour d'appel a violé les articles R. 4515-4, R. 4515-5 et R. 4515-11 du code du travail, ensemble l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
4°/ les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour justifier de la connaissance par M. P... des consignes de sécurité applicables, la société Cibomat produisait aux débats les consignes de sécurité conduite chariot élévateur ainsi que les consignes de sécurité conduite camion de livraison et utilisation de la grue toutes deux contresignées par M. P... ; qu'en se limitant à retenir que la société Cibomat n'établissait pas que le protocole d'accueil clients avec les établissements Klein Agglomérés avait été effectivement porté à la connaissance de M. P... pour en tirer qu'il n'avait pas été informé des consignes de sécurité sans analyser et viser les consignes de sécurité contresignées par M. P..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour justifier de la prise de mesures de sécurité appropriées, la société Cibomat versait aux débats les documents uniques d'évaluation des risques 2011/2012 et 2012/2013, lesquels faisaient état de procédures et consignes affichées dans l'entreprise intitulées « Code du piéton » afin d'éviter les accidents de plain-pied ; qu'en se limitant à retenir que la société Cibomat n'établissait pas que le protocole d'accueil clients avec les établissements Klein Agglomérés avait été effectivement porté à la connaissance de M. P... pour en tirer qu'il n'avait pas été informé des consignes de sécurité sans analyser ni viser les documents uniques d'évaluation des risques produits aux débats par la société Cibomat, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
3. Le manquement à l'obligation de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur, a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
4. L'arrêt relève que la victime, qui venait de stationner dans la cour des établissements Klein Agglomérés, sur l'aire prévue à cet effet, le camion qu'elle conduisait, a été percutée, alors qu'elle se dirigeait vers l'accueil sans emprunter les voies de circulation prévues, par un chariot élévateur circulant lui-même dans une zone non autorisée pour ce type d'engins.
5. Il retient que l'une des causes de l'accident réside dans le fait pour la victime d'avoir choisi une trajectoire directe pour se rendre vers l'accueil de l'établissement sans emprunter les passages prévus à cet effet et que l'employeur ne saurait alléguer qu'il n'avait pas conscience du danger auquel avait été ainsi exposé son salarié dès lors qu'il avait signé un protocole d'accueil clients avec les établissements Klein Agglomérés, comprenant un ensemble de consignes liées aux déplacements au sein de ceux-ci, contraintes liées à la coexistence de différentes composantes de déplacement (piétons, chariots élévateurs, poids lourds) et dangers que ces tâches recélaient (chargements, déplacements), ainsi qu'un plan de circulation permettant de mettre en évidence et de visualiser des zones de circulation piétons.
6. Il ajoute que si l'employeur fait état de plan de prévention des risques, ou encore d'actions de formation du salarié, les pièces produites ne permettent nullement d'établir que le protocole d'accueil sus mentionné, signé pour le compte de l'employeur par un responsable et qui fait mention du salarié, ait été effectivement porté à la connaissance de ce dernier et que les consignes y figurant lui aient été rappelées.
7. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, dont elle a fait ressortir que l'employeur avait conscience du danger auquel était exposée la victime et qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a pu déduire que l'employeur avait commis une faute inexcusable.
8. Le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, et, comme tel, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus.
Sur le moyen, pris en sa sixième branche
Enoncé du moyen
9. La société fait grief à l'arrêt de faire droit à la demande d'expertise médicale, alors « que la cassation qui sera prononcée sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur emportera la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif de l'arrêt ayant ordonné une expertise médicale, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
10. Le rejet des cinq premières branches du moyen rend sans portée le grief qui invoque une cassation par voie de conséquence.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cibomat aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cibomat et la condamne à payer à la SCP Boulloche la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Cibomat
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société Cibomat avait commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident de M. P... le 9 novembre 2012, d'AVOIR ordonné une expertise médicale et d'AVOIR condamné la société Cibomat à payer à M. P... la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens nés postérieurement au 1er janvier 2019,
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage ; Attendu en l'espèce qu'il résulte des pièces produites aux débats que M. P..., alors qu'il venait de stationner sur l'aire prévue à cet effet le camion qu'il conduisait dans la cour des établissements Klein Agglomérés pour le chargement de marchandises, s'est rendu à l'accueil pour prévenir de son arrivée ; Qu'il résulte de ces mêmes pièces qu'alors qu'il se dirigeait vers l'accueil en s'y rendant directement par le trajet le plus court, sans emprunter les voies de circulations prévues qui se caractérisent par un tracé à angle droit au regard de la trajectoire oblique suivie par l'intéressé, ce dernier a été percuté par un chariot élévateur circulant dans cette zone qui ne constituait pas non plus une voie de circulation autorisée pour ce type d'engins ; Attendu que le caractère professionnel de l'accident n'est pas contesté ; Attendu que si la société CIBOMAT estime que l'accident provient d'un cas fortuit ou du fait d'un élément extérieur à cette société, il n'en demeure pas moins que la cause de l'accident ne réside pas seulement dans le déplacement du chariot élévateur au sein d'une zone de circulation non autorisée pour ce type d'engins par les établissements Klein Agglomérés ; Qu'en effet, une des causes de l'accident réside dans le fait pour le salarié d'avoir choisi une trajectoire directe pour se rendre vers l'accueil de l'établissement sans emprunter les passages prévus à cet effet, ce que confirment les documents d'analyse de l'accident produits aux débats ; Attendu que l'employeur ne saurait alléguer d'une absence de conscience du danger dès lors qu'il a signé un protocole d'accueil clients avec les établissements Klein Agglomérés comprenant un ensemble de consignes, notamment liées aux déplacements au sein de l'établissement et les contraintes liées à la coexistence de différentes composantes de déplacement (piétons, chariots élévateurs, poids lourds) et des dangers que ces tâches recèlent (chargements, déplacements) et un plan de circulation permettant de mettre en évidence et de visualiser des zones de circulation piétons ; Attendu que si la société CIBOMAT fait état de plan de prévention des risques, ou encore d'action de formations du salarié, il n'en demeure pas moins que les pièces produites ne permettent nullement d'établir que le protocole d'accueil sus mentionné, signé pour le compte de la société CIBOMAT par un responsable et qui fait mention de M. P... ait été effectivement porté à la connaissance de ce dernier et que les consignes y figurant lui aient été rappelées ; Qu'il convient dans ces conditions de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la faute inexcusable de l'employeur ; Attendu qu'en l'état de ces éléments, et en l'absence de demande relative à la majoration de rente qu'il appartiendra au premier juge de traiter, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné une expertise ; Attendu que la société CIBOMAT qui succombe sera condamnée aux dépens selon les conditions précisées au dispositif du présent arrêt par application combinée des articles 11 et 17 du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et 696 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que « lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants ». En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens des dispositions du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. C'est au salarié qui prétend à une indemnisation complémentaire, qu'il appartient d'apporter la preuve que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Sur la connaissance du danger : Monsieur P... soutient que son employeur connaissait ses missions et la façon dont il les exécutait à l'extérieur de l'entreprise quand il se rendait chez des clients pour charger ou décharger de la marchandise. La société Cibomat conteste avoir eu connaissance du danger encouru par son salarié au motif que celui-ci intervenait chez un client, la société Klein. La société Cibomat, qui est l'employeur de Monsieur P..., connaît de ce fait les missions qu'il exerce. Celui-ci étant chauffeur-livreur, il est nécessairement amené à sortir de l'enceinte de l'entreprise et à se rendre chez des clients pour livrer ou récupérer de la marchandise. La société Cibomat ne peut donc ignorer les risques encourus par un chauffeur-livreur présent sur un lieu de chargement et déchargement de marchandises et notamment du fait de la présence d'autres véhicules, y compris du type « chariot élévateur » comme celui qui a percuté Monsieur P.... Sur les mesures prises pour protéger le salarié du danger : Monsieur P... soutient n'avoir pas bénéficié des formations adéquates. La société Cibomat produit la liste des formations suivies par son chauffeur. Il en ressort que celui-ci a passé des CACES et a été formé à la conduite de poids lourds. Il n'apparaît toutefois pas de formation relative aux risques encourus hors du camion lors des opérations de chargement et déchargement en présence d'autres véhicules. Il incombe à la société Cibomat, en application de son obligation de sécurité, de s'assurer que les missions que son salarié exécute hors de l'entreprise le soient dans le respect de sa sécurité. En cela, elle doit s'assurer que cette sécurité est garantie par les clients chez qui il se rend. (...) La société Cibomat fournit un plan d'amélioration suite à [...] pour la période allant du 16 septembre 2010 au 13 novembre 2012 mais aucun [...]. Il lui incombait de produire ce document, ainsi que les procès-verbaux du CHSCT ce qu'elle n'a pas fait. Il n'est donc pas nécessaire de lui enjoindre de le faire. Il ressort de ces éléments que la société Cibomat, employer de Monsieur P..., n'a pas pris les mesures nécessaires pour protéger son salarié d'un danger qu'elle ne pouvait ignorer. En cela, la faute inexcusable de l'employeur est caractérisée. Sur l'indemnisation des préjudices subis par Monsieur P... : Les éléments fournis par Monsieur P..., émanant du Docteur J..., ne peuvent permettre au Tribunal de chiffrer les préjudices subis par le salarié, les parties ayant indiqué à l'audience qu'elles ne s'opposaient pas à l'organisation d'une expertise judiciaire, il en sera ordonné une."
1/ ALORS QUE la faute inexcusable ne peut être retenue que si l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience d'un risque particulier auquel était exposé son salarié ; qu'un salarié se déplaçant en tant que piéton au sein d'une entreprise n'est pas exposé à un danger particulier ; qu'en retenant néanmoins en l'espèce la faute inexcusable de l'employeur dans l'accident survenu à M. P... qui se déplaçait à pied en dehors des passages piétons quand il a été percuté par un engin élévateur interdit de circulation sur cette zone, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un danger particulier auquel M. P... aurait été exposé et qui aurait justifié des précautions spéciales de son employeur, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale,
2/ ALORS QUE la faute inexcusable ne peut être retenue que si l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié ; qu'en retenant en l'espèce cette conscience du danger par la société Cibomat au seul vu de l'existence d'un protocole d'accueil clients conclu avec les établissements Klein Agglomérés quand la mise en place de ce protocole n'était que l'application des dispositions s'imposant aux entreprises menant des opérations de chargement et de déchargement sans qu'il ne puisse s'en inférer une conscience spécifique par l'employeur d'un quelconque danger, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 4515-4, R. 4515-5 et R. 4515-11 du code du travail, ensemble l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale,
3/ ALORS QUE la faute inexcusable ne peut être retenue que si l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver la santé du salarié ; qu'il est par ailleurs constant que lorsqu'un protocole de sécurité pour les opérations de chargement et déchargement réalisées au sein d'une entreprise extérieure doit être établi, ce protocole doit être exclusivement tenu à disposition des CHSCT des entreprises intéressées ainsi que de l'inspection du travail ; qu'en jugeant en l'espèce que rien ne permettait d'affirmer que le protocole d'accueil clients établi entre la société Cibomat et les établissements Klein Agglomérés avait été remis à M. P... pour en déduire que l'employeur n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour préserver la santé de M. P... quand rien n'imposait à la société Cibomat de porter directement ce document à la connaissance de ce dernier, la cour d'appel a violé les articles R. 4515-4, R. 4515-5 et R. 4515-11 du code du travail, ensemble l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale,
4/ ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour justifier de la connaissance par M. P... des consignes de sécurité applicables, la société Cibomat produisait aux débats les consignes de sécurité conduite chariot élévateur ainsi que les consignes de sécurité conduite camion de livraison et utilisation de la grue toutes deux contresignées par M. P... ; qu'en se limitant à retenir que la société Cibomat n'établissait pas que le protocole d'accueil clients avec les établissements Klein Agglomérés avait été effectivement porté à la connaissance de M. P... pour en tirer qu'il n'avait pas été informé des consignes de sécurité sans analyser et viser les consignes de sécurité contresignées par M. P..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,
5/ ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour justifier de la prise de mesures de sécurité appropriées, la société Cibomat versait aux débats les documents uniques d'évaluation des risques 2011/2012 et 2012/2013, lesquels faisaient état de procédures et consignes affichées dans l'entreprise intitulées « Code du piéton » afin d'éviter les accidents de plain-pied ; qu'en se limitant à retenir que la société Cibomat n'établissait pas que le protocole d'accueil clients avec les établissements Klein Agglomérés avait été effectivement porté à la connaissance de M. P... pour en tirer qu'il n'avait pas été informé des consignes de sécurité sans analyser ni viser les documents uniques d'évaluation des risques produits aux débats par la société Cibomat, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,
6/ ALORS QUE la cassation qui sera prononcée sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur emportera la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif de l'arrêt ayant ordonné une expertise médicale, en application de l'article 624 du code de procédure civile.