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17/02/2021 | FRANCE | N°19-25746

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 février 2021, 19-25746


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 février 2021

Cassation

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 224 F-P

Pourvoi n° C 19-25.746

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. O....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 29janvier 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________>
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 FÉVRIER 2021

La société d'Exploita...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 février 2021

Cassation

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 224 F-P

Pourvoi n° C 19-25.746

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. O....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 29janvier 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 FÉVRIER 2021

La société d'Exploitation des établissements Muret, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 19-25.746 contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. P... O..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société d'Exploitation des établissements Muret, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. O..., et après débats en l'audience publique du 5 janvier 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 octobre 2019), M. O... a été engagé à compter du 15 juillet 2013 aux termes d'un contrat d'apprentissage par la société d'Exploitation des établissements Muret (la société).

2. Les parties ont signé le 21 octobre 2013 une constatation de rupture du contrat d'apprentissage.

3. Contestant la rupture, M. O... a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. O... une somme représentant les salaires qu'il aurait perçus jusqu'au terme du contrat d'apprentissage, alors « que le contrat d'apprentissage ne pouvant être rompu que sur accord écrit signé des deux parties ou judiciairement, la rupture matérialisée par la signature d'une « Constatation de rupture du contrat d'apprentissage » est nécessairement d'un commun accord ; qu'en jugeant que la preuve n'en était pas rapportée aux motifs inopérants de la présence sur le formulaire des cases « commun accord » et « autre », et que seule cette dernière avait été cochée, la cour d'appel a violé l'article L 6222-18, alinéa 2, du code du travail dans sa version applicable. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L.6222-18 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 :

5. Aux termes de ce texte, le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois de l'apprentissage.
Passé ce délai, la rupture du contrat ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.

6. Pour condamner l'employeur à payer à M. O... une somme représentant les salaires qu'il aurait perçus jusqu'au terme du contrat d'apprentissage, l'arrêt retient que le document de constatation de rupture a été signé par l'employeur, le représentant légal et l'apprenti, que la seule signature par les parties d'un document de constatation de rupture du contrat d'apprentissage ne permet pas à elle seule de déduire une rupture d'un commun accord du contrat, que deux cases sont prévues, l'une intitulée "rupture d'un commun accord", la seconde, "autre ", que sur les exemplaires produits, seule la case « autre » a été cochée, et que ces documents révèlent que le motif "commun accord" n'a jamais été coché, seule la case autre motif ayant été utilisée.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que les parties avaient signé un acte de résiliation du contrat d'apprentissage, peu important le motif invoqué, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne M. O... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société d'Exploitation des établissements Muret

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Muret prise en la personne de son représentant légal à payer à M. O... la somme de 14 078,44 € représentant les salaires que M. O... aurait perçus jusqu'au terme du contrat d'apprentissage ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L 6222-18 du contrat de travail, le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois de l'apprentissage ; que passé ce délai, la rupture du contrat d'apprentissage ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties ; qu'à défaut, la rupture ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes en cas de faute grave ou de manquement répété de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer ; que la résiliation convenue d'un commun accord doit être constatée par écrit et signée par les cosignataires du contrat ainsi que par les représentants légaux de l'apprenti si celui-ci est mineur ; que la rupture par l'employeur d'un contrat d'apprentissage hors des cas prévus ci-dessus est sans effet ; que l'employeur doit dès lors payer les salaires jusqu'au jour où le juge statue sur la résiliation ou, s'il est parvenu à expiration, jusqu'au terme du contrat ; qu'en l'espèce, le contrat d'apprentissage a pris effet le 15 juillet 2013 et sa rupture a été formalisée par le biais d'un formulaire de constatation de rupture de contrat d'apprentissage signé le 21 octobre 2013 ; que le délai des deux premiers mois étant écoulé, la rupture ne pouvait intervenir que d'un commun accord ou sur décision du conseil de prud'hommes ; que le document de constatation de rupture a été signé par l'employeur, soit la société Muret, le représentant légal, soit M. D... O... et l'apprenti, M. P... O..., mineur, que la seule signature par les parties d'un document de constatation de rupture du contrat d'apprentissage ne permet pas à elle seule de déduire une rupture d'un commun accord du contrat ; que ce document prévoit expressément que la rupture devait normalement intervenir avec la fin du contrat, le 14 juillet 2015, mais qu'il y est mis fin le 21 octobre 2013 ; qu'il est établi en six exemplaires, transmis au centre de formation de l'apprenti, à l'Urssaf, à la région, à la chambre de commerce et d'industrie ainsi qu'à l'employeur et au représentant légal de l'apprenti ; qu'enfin, ce formulaire prévoit un motif à la rupture du contrat d'apprentissage ; que pour ce faire, deux cases sont prévues au milieu de la page, l'une intitulée « rupture d'un commun accord », l'autre « autre » ; que le salarié produit trois exemplaires de cette constatation de rupture : – un document original sur lequel aucun motif n'est indiqué et aucune case n'est cochée, – un document non original estampillé par la chambre de commerce et de l'industrie, sur lequel le motif « autre » est coché, sans autres annotations ; – un document non original sur lequel le motif « autre » est coché avec la mention « rupture à l'initiative de l'employeur » ; que l'employeur produit quatre exemplaires de cette constatation de rupture ; – un document original, exemplaire de la chambre de commerce et de l'industrie, sur lequel le motif « autre » est coché sans autres annotations — un document original, exemplaire du centre de formation de l'apprenti, sur lequel le motif « autre » est coché, sans autres annotations ; – un document non original, estampillé Urssaf, sur lequel le motif « autre » est coché, sans autres annotations ; – un document non original, sur lequel le motif « autre » est coché, sans autres annotations ; que ces documents révèlent que le motif « commun accord » n'a jamais été coché, seule la case autre motif ayant été utilisée ; que l'attestation Pôle emploi établie par la société le 31 mars 2014 et versée par elle aux débats corrobore cette analyse dans la mesure où au titre du motif de la rupture, en page 2 du document, la case « rupture d'un commun accord d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat d'apprentissage » n'a pas été cochée, mais le motif « rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée à l'initiative de l'employeur » a été cochée ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la rupture du contrat d'apprentissage n'est pas intervenue d'un commun accord des parties ; qu'en conséquence, la rupture est sans effet et c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société Muret à payer à M. O... les salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat d'apprentissage ; ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE l'article L 6222-18 stipule que « Le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois de l'apprentissage. Passé ce délai, la rupture du contrat ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. À défaut, la rupture ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer » ; que l'article 1108 du code civil stipule que « quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention : le consentement de la partie qui s'oblige ; sa capacité à contracter ; un projet certain qui forme la matière de l'engagement ; une cause licite dans l'obligation » ; que s'il est admis que les modes probatoires utilisés du consentement des parties peuvent être divers, des divergences significatives apparaissent toutefois en l'espèce dans la production des différents documents de constatation de rupture de contrat d'apprentissage de telle sorte qu'il ne peut être retenu une preuve certaine et valable de la volonté commune des parties de mettre fin au contrat d'apprentissage ; qu'en outre, il ressort des pièces fournies que le peu d'information qui y sont consignées et leur caractère sommaire sont de nature à faire naître un doute sur le commun accord des parties ; qu'à cet égard, l'établissement d'un document sur lequel est cochée la case « autre » sans précision complémentaire apparaît insuffisant ;

ALORS QUE le contrat d'apprentissage ne pouvant être rompu que sur accord écrit signé des deux parties ou judiciairement, la rupture matérialisée par la signature d'une « Constatation de rupture du contrat d'apprentissage »
est nécessairement d'un commun accord ; qu'en jugeant que la preuve n'en était pas rapportée aux motifs inopérants de la présence sur le formulaire des cases « commun accord » et « autre », et que seule cette dernière avait été cochée, la cour d'appel a violé l'article L 6222-18, alinéa 2, du code du travail dans sa version applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-25746
Date de la décision : 17/02/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

FORMATION PROFESSIONNELLE - Apprentissage - Contrat - Rupture - Rupture postérieure aux deux premiers mois de l'apprentissage - Conditions - Accord écrit signé des deux parties - Applications diverses - Acte de résiliation signé par les deux parties - Portée

En vertu de l'article L. 6222-18 du code du travail, après les deux premiers mois de l'apprentissage, la rupture du contrat ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. Constitue un tel accord l'acte de résiliation signé par les deux parties, peu important le motif invoqué


Références :

article L. 6222-18 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009.

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 16 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 fév. 2021, pourvoi n°19-25746, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.25746
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