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16/10/2019 | FRANCE | N°16/04100

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 16 octobre 2019, 16/04100


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 16 OCTOBRE 2019



(Rédacteur : Madame Nathalie Pignon, présidente)



PRUD'HOMMES



N° RG 16/04100 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JJYF









Société d'exploitation des Etablissements MURET



c/



Monsieur [B] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/012714 du 07/07/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle

de BORDEAUX)

















Nature de la décision : AU FOND











Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéres...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 16 OCTOBRE 2019

(Rédacteur : Madame Nathalie Pignon, présidente)

PRUD'HOMMES

N° RG 16/04100 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JJYF

Société d'exploitation des Etablissements MURET

c/

Monsieur [B] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/012714 du 07/07/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 juin 2016 (R.G. n°F 15/00094) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PERIGUEUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 23 juin 2016,

APPELANTE :

Société d'Exploitation des Etablissements Muret, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

assistée de Me Alexandre ALJOUBAHI, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉ :

Monsieur [B] [L]

né le [Date naissance 1] 1997 de nationalité Française, demeurant '[Localité 1]

assisté de Me Pascale GOKELAERE de la SELARL PLUMANCY, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 avril 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie Pignon, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie Pignon, présidente

Madame Annie Cautres, conseillère

Madame Sylvie Heras de Pedro, conseillère

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

- prorogé au 16 octobre 2019 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGEc

Monsieur [B] [L] a été engagé par la société Muret à compter du 15 juillet 2013, dans le cadre d'un contrat d'apprentissage.

Le 18 septembre 2013, il a été victime d'un accident de la circulation.

Le 21 octobre 2013, les parties signent une constatation de rupture du contrat d'apprentissage.

Le 9 mars 2015, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Périgueux aux fins de contester la rupture de son contrat d'apprentissage.

Par jugement en date du 13 juin 2016, le conseil de prud'hommes a dit que la rupture du contrat d'apprentissage est imputable à l'employeur, et l'a condamné à verser au salarié la somme de 14 078,44 euros au titre des salaires que M. [L] aurait perçu jusqu'au terme de son contrat d'apprentissage, outre les entiers dépens et la somme de 150 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 23 juin 2016, la société a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 13 février 2018, déposées au greffe, auxquelles la cour se réfère expressément et des déclarations réalisées à l'audience du 2 avril 2019, la société demande la réformation du jugement.

Elle sollicite le débouté de M. [L] de l'ensemble de ses demandes ainsi que la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis en raison de sa mauvaise foi et 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel, outre les entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 18 août 2016, déposées au greffe, auxquelles la cour se réfère expressément et des déclarations réalisées à l'audience du 2 avril 2019, M. [L] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a dit la rupture du contrat imputable à l'employeur et l'a condamné à lui verser la somme de

14 078,44 euros.

Il sollicite également la somme de 3 000 euros au titre des dommages et intérêts pour travail de nuit et 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Il demande enfin que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir et que la société soit condamnée à verser à Maître Gokelaere la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des conclusions

Par courrier du 19 février 2018, le salarié sollicite l'irrecevabilité des dernières conclusions de la société établies par Maître Aljoubahi le 13 février 2018.

Le principe de l'oralité de la procédure s'applique en l'espèce, le principe du contradictoire a été respecté dans la mesure où M. [L] a bien été destinataire en février 2018 des écritures des établissements Muret et que l'audience s'est déroulée le 2 avril 2019.

En conséquence, la demande du salarié est rejetée et les conclusions de la société Muret transmises le 13 février 2018 sont recevables.

Sur la rupture du contrat d'apprentissage

Aux termes de l'article L. 6222-18 du code du travail, le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois de l'apprentissage.

Passé ce délai, la rupture du contrat d'apprentissage ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.

La résiliation convenue d'un commun accord doit être constatée par écrit et signée par les cosignataires du contrat ainsi que par les représentants légaux de l'apprenti si celui-ci est mineur.

La rupture par l'employeur d'un contrat d'apprentissage hors des cas prévus ci-dessus est sans effet ; l'employeur doit dès lors payer les salaires jusqu'au jour où le juge statue sur la résiliation ou, s'il est parvenu à expiration, jusqu'au terme du contrat.

En l'espèce, le contrat d'apprentissage a pris effet le 15 juillet 2013 et sa rupture a été formalisée par le biais d'un formulaire de constatation de rupture du contrat d'apprentissage signé le 21 octobre 2013.

Le délai des deux premiers mois étant écoulé, la rupture ne pouvait intervenir que d'un commun accord ou sur décision du conseil de prud'hommes.

Le document de constatation de rupture a été signé par l'employeur, soit la société Muret, le représentant légal, soit M. [G] [L] et l'apprenti, M. [B] [L], mineur.

La seule signature par les parties d'un document de constatation de rupture du contrat d'apprentissage ne permet pas à elle seule de déduire une rupture d'un commun accord du contrat.

Ce document prévoit expréssement que la rupture devait normalement intervenir avec la fin du contrat, le 14 juillet 2015, mais qu'il y est mis fin le 21 octobre 2013.

Il est établi en six exemplaires, transmis au centre de formation de l'apprenti, à l'URSSAF, à la région, à la chambre de commerce et de l'industrie ainsi qu'à l'employeur et au représentant légal de l'apprenti.

Enfin, ce formulaire prévoit un motif à la rupture du contrat d'apprentissage. Pour ce faire, deux cases sont prévues au milieu de la page, l'une intitulée "rupture d'un commun accord", l'autre, "autre : ".

Le salarié produit trois exemplaires de cette constatation de rupture :

- un document original sur lequel aucun motif n'est indiqué et aucune case n'est cochée,

- un document non original estampillé par la chambre de commerce et de l'industrie, sur lequel le motif "autre" est coché, sans autres annotations,

- un document non original sur lequel le motif " autre" est coché avec la mention : "rupture à l'initiative de l'employeur".

L'employeur produit quatre exemplaires de cette constatation de rupture :

- un document original, exemplaire de la chambre de commerce et de l'industrie, sur lequel le motif "autre" est coché, sans autres annotations,

- un document original, exemplaire du centre de formation de l'apprenti, sur lequel le motif "autre" est coché, sans autres annotations,

- un document non original, estampillé URSSAF, sur lequel le motif "autre" est coché, sans autres annotations,

- un document non original, sur lequel le motif "autre" est coché, sans autres annotations.

Ces documents révèlent que le motif "commun accord" n'a jamais été coché, seule la case autre motif ayant été utilisée.

L'attestation pôle emploi établie par la société le 31 mars 2014 et versée par elle aux débats corrobore cette analyse dans la mesure où au titre du motif de la rupture, en page 2 du document, la case "rupture d'un commun accord d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat d'apprentissage" n'a pas été cochée, mais le motif "rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat d'apprentissage à l'initiative de l'employeur" a été cochée.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la rupture du contrat d'apprentissage n'est pas intervenue d'un commun accord des parties. En conséquence, la rupture est sans effet et c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société Muret à payer à

M. [L] les salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat d'apprentissage.

La société ne conteste pas les montants eux-mêmes, tels que sollicités par M. [L] à ce titre ; aussi le jugement du conseil de prud'hommes de Périgueux du 13 juin 2016 sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Muret à verser à M. [L] la somme de 14 078,44 euros.

Sur le travail de nuit

En vertu de l'article L. 6222-26 du code du travail, le travail entre 22 heures et 6 heures est interdit pour l'apprenti de moins de 18 ans.

Né le [Date naissance 2] 1997, au moment de la relation contractuelle, l'apprenti était âgé de 16 ans.

En l'espèce, M. [L] soutient avoir, à de nombreuses reprise au cours de l'été 2013, avoir embauché à 3 heures du matin au regard des fortes chaleurs pour terminer en début d'après-midi, à la demande de son employeur.

Au soutien de ses prétentions, il verse deux attestations, celle de sa mère, Mme [F], qui indique avoir à plusieurs reprises au mois de juillet et août 2013 appelé son fils vers 4 heures du matin pour s'assurer qu'il était réveillé pour partir travailler.

Cette attestation ne permet pas de connaître l'heure d'embauche au sein de la société mais force est de constater qu'elle remet en cause les écritures de M. [L] qui indique avoir embauché à 3 heures du matin.

Dans la seconde attestation fournie, Mme [W], conjointe du père de l'apprenti au moment des faits affirme que ce dernier "partait souvent en pleine nuit embaucher à l'entreprise Muret à [Localité 2]".

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [L] ne rapporte pas la preuve qu'il a travaillé de nuit durant son apprentissage au sein de la société Muret.

En outre, la société produit :

- les horaires de travail collectifs, à savoir 8 heures - 12 heures et 14 heures - 18 heures (17 heures le vendredi),

- la fiche de prévention des expositions à certains facteurs de risques professionnels qui fait état, en cas de températures extrêmes, d'un aménagement horaire anticipant l'heure d'embauche de deux heures le matin,

- le décompte conducteur de six salariés en juillet, sept en août et huit en septembre 2013 pour lesquels l'heure d'embauche ne se situe jamais avant 6h01,

- l'attestation de onze salariés qui indiquent ne jamais avoir travaillé de nuit au sein de la société, que leur heure d'embauche est habituellement comprise entre 7h30 et 8 heures mais que, ponctuellement, en période de forte chaleur, leur heure d'embauche est, au plus tôt avancée à 6 heures du matin.

La cour précise que M. [L] a porté plainte pour faux témoignages sur la base de ces attestations et que cette plainte a été classée sans suite le 12 décembre 2016 par le procureur de la république, l'infraction étant insuffisamment caractérisée.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [L] de sa demande de ce chef, le jugement du conseil de prud'hommes de Périgueux du 13 juin 2016 sera ainsi confirmé sur ce point.

Sur le préjudice moral

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

A titre reconventionnel, la société Muret se dit particulièrement blessée par la mauvaise foi et les accusations de M. [L] et demande en conséquence à la cour de le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros à titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

La société ne verse aux débats aucun élément au soutien de ses prétentions.

Aussi, ne rapportant pas la preuve du préjudice invoqué, elle sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les demandes au titre des intérêts au taux légal

Les créances salariales seront productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires seront productives d'intérêt à compter de la présente décision.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Dans la mesure où il est fait droit en partie aux demandes de M. [L], les dépens d'appel seront mis à la charge de la société.

Par ailleurs, M. [L] est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale et conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, son avocat peut demander à la cour de condamner la partie tenue aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide.

En conséquence, la société, tenue aux dépens, sera condamnée à payer à Maître Pascale Gokelaere la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Compte tenu de l'indemnité accordée à son avocat, la demande formée par M. [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée, à défaut de justifier des frais irrépétibles supportés.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Périgueux du 13 juin 2016 ;

Et y ajoutant,

Dit les écritures de la société d'exploitation des établissements Muret transmises le 13 février 2018 recevables ;

Déboute la société d'exploitation des Établissements Muret de sa demande reconventionnelle au titre du préjudice moral subi ;

Dit que les créances de nature salariale produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par Monsieur [B] [L] de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes ;

Condamne la société d'exploitation des établissements Muret aux entiers dépens

d'appel ;

Condamne la société d'exploitation des Établissements Muret à payer à Maître Pascale Gokelaere la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Madame Nathalie Pignon, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Nathalie Pignon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 16/04100
Date de la décision : 16/10/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°16/04100 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-16;16.04100 ?
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