LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 février 2021
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 242 F-D
Pourvoi n° N 19-25.387
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. O....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 octobre 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 FÉVRIER 2021
M. B... O..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 19-25.387 contre l'arrêt rendu le 18 octobre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société Les Halles Saint-Bruno, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. O..., de Me Balat, avocat de la société Les Halles Saint-Bruno, après débats en l'audience publique du 6 janvier 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 18 octobre 2018), M. O... a travaillé au service de la société Les Halles Saint-Bruno, qui exploite une boucherie.
2. Se prévalant de l'existence d'un contrat à durée indéterminée, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture de ce contrat.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes liées à la rupture de son contrat de travail, alors « que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et, à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée ; que la cour d'appel a jugé que le salarié n'établissait pas la preuve d'un contrat à durée indéterminée ; qu'en statuant de la sorte pour rejeter les demandes du salarié relatives à la rupture de la relation de travail, sans vérifier si l'employeur justifiait de l'existence, qu'il revendiquait, d'un contrat à durée déterminée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil, ensemble l'article L. 1242-12 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1242-12 du code du travail et 1315, devenu 1353, du code civil :
4. Selon le premier de ces textes, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. À défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. Aux termes du second, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
5. Pour débouter le salarié de ses demandes liées à la rupture de son contrat de travail, l'arrêt retient que celui-ci affirme qu'embauché par contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2010, il a fait l'objet d'un licenciement verbal le 24 janvier 2012, qu'au seul soutien de ses assertions, il se limite à présenter la photocopie d'un contrat à durée indéterminée en date du 2 janvier 2010 et la photocopie d'un certificat de travail en date du 23 juin 2010 dont l'authenticité est contestée par l'employeur, que ce dernier, en revanche, se réfère à un relevé que le salarié a lui-même fourni par lequel Pôle emploi a attesté que l'intéressé avait bénéficié de l'allocation d'aide au retour à l'emploi notamment du 3 mars 2011 au 3 avril 2012. L'arrêt en déduit que le salarié était sans emploi le 24 janvier 2012 et que le contrat de travail avait pris fin antérieurement à cette date présentée comme étant celle d'un licenciement verbal, et qu'en tout cas, dès lors que la rupture de la relation de travail n'a pu intervenir dans les circonstances qu'allègue le salarié, ce dernier est mal fondé en ses prétentions.
6. En statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que les parties étaient liées entre les 1er janvier et 31 décembre 2010 par un contrat de travail et qu'il incombait à l'employeur d'établir que ce contrat avait la nature d'un contrat à durée déterminée, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. O... de ses demandes tendant à dire que la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement abusif et d'une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société Les Halles Saint-Bruno aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Les Halles Saint-Bruno à payer à la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour M. O...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. O... de ses demandes liées à la rupture de son contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE « le salarié intimé réclame une indemnité de licenciement, des indemnités de préavis et des dommages et intérêts pour licenciement abusif en affirmant qu'embauché par contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2010, il a fait l'objet d'un licenciement verbal le 24 janvier 2012 ; mais au seul soutien de ses assertions, le salarié intimé se limite à présenter la photocopie d'un contrat à durée indéterminée en date du 2 janvier 2010 et la photocopie d'un certificat de travail en date du 23 juin 2010 dont l'authenticité est contestée par l'employeur ; en revanche, la société appelante se réfère à un relevé que le salarié a lui-même fourni par lequel Pôle Emploi a attesté que B... O... avait bénéficié de l'allocation d'aide au retour à l'emploi notamment du 3 mars 2011 au 3 avril 2012 ; il s'en déduit que le salarié intimé était sans emploi le 24 janvier 2012 et que le contrat de travail avait pris fin antérieurement à cette date présentée comme étant celle d'un licenciement verbal ; en tout cas, dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pu intervenir dans les circonstances qu'allègue le salarié intimé, ce dernier est mal fondé en ses prétentions à une indemnité de licenciement, à des indemnités au titre du préavis, et à des dommages et intérêts pour licenciement abusif » ( cf. arrêt p. 3, 2. sur les demande liées à la rupture de son contrat de travail – p. 4, §1) ;
1° / ALORS QUE, d'une part, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et, à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée ; que la cour d'appel a jugé que M. O... n'établissait pas la preuve d'un contrat à durée indéterminée ; qu'en statuant de la sorte pour rejeter les demandes du salarié relatives à la rupture de la relation de travail, sans vérifier si l'employeur justifiait de l'existence, qu'il revendiquait, d'un contrat à durée déterminée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil, ensemble l'article L. 1242-12 du code du travail.
2°/ ALORS QUE, d'autre part et en tout état de cause, une part saisi d'un litige sur la nature de la relation de travail et les conséquences de sa rupture, le juge est tenu qualifier le contrat et de déterminer les circonstances de la rupture ; que la cour d'appel a jugé que la date de la rupture invoquée par M. O..., le 24 janvier 2012, n'était pas établie ; qu'en statuant de la sorte pour le débouter de ses demandes relatives à la rupture de la relation de travail, sans avoir démontré que le contrat de travail avait été conclu pour une durée déterminée et après avoir constaté que la relation de travail avait pris fin entre les parties, la cour d'appel, qui n'a pas recherché quelle était la nature du contrat et les circonstances dans lesquelles celui-ci avait pris fin, a statué par des motifs inopérants en violation des articles L. 1242-12 et L. 1245-1 du code du travail.