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17/02/2021 | FRANCE | N°19-21331

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 février 2021, 19-21331


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 février 2021

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 223 F-D

Pourvoi n° D 19-21.331

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 FÉVRIER 2021

Mme V... T..., domiciliée

[...] , a formé le pourvoi n° D 19-21.331 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 février 2021

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 223 F-D

Pourvoi n° D 19-21.331

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 FÉVRIER 2021

Mme V... T..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° D 19-21.331 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société FIS Investment Ventures LLC, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société FIS Financial Systems, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

3°/ au Défenseur des droits, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme T..., de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat des sociétés FIS Investment Ventures LLC et FIS Financial Systems, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du Défenseur des droits, après débats en l'audience publique du 5 janvier 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 juin 2019), Mme T... a été engagée en qualité d'analyste des contrôles internes à compter du 3 mai 2010 par la société Sungard Investment Ventures LLC, aux droits de laquelle vient la société FIS Investment Ventures LLC.

2. Elle a été en congé maternité du 1er juin 2011 au 2 janvier 2012, et a été licenciée pour motif économique le 12 février 2013.

3. Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de condamner solidairement les sociétés Sungard Financial Systems France, devenue Fis Financial Systems France, et Sungard Investment Ventures LLC, devenue Fis Investment Ventures LLC, à lui payer, sauf à déduire les revenus d'activité ou de remplacement perçus par la salariée pendant cette période qui devra en justifier, diverses sommes à titre de rappel de salaires du 13 mai 2013 jusqu'au jour de sa réintégration dans l'entreprise, ou à tout le moins au jour de l'audience du 7 mai 2019, et de congés payés afférents, alors « qu'aux termes du 3e alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ; que le licenciement prononcé à raison du genre, de la maternité et de la situation de famille est nul ; que, dès lors qu'il caractérise une atteinte au principe d'égalité entre les femmes et les hommes, constitutionnellement protégé par le 3e alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le salarié qui sollicite la poursuite du contrat de travail qui a été illégalement rompu a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, peu important qu'il ait ou non reçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a dit le licenciement de Mme T... discriminatoire, donc nul, pour être fondé sur son état de grossesse, son genre et sa situation de famille ; qu'en jugeant dès lors que la salariée ne pouvait prétendre qu'à une indemnité égale au montant des salaires qu'elle aurait perçus entre la rupture et la réintégration, dont il conviendra de déduire les revenus de remplacement perçus pendant cette période, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail en leur rédaction applicable au litige, ensemble le 3e alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. »

Réponse de la Cour

Vu l'alinéa 3 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et les articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail :

5. Selon les articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, tout licenciement prononcé à l'égard d'une salariée en raison de son état de grossesse est nul.

6. Dès lors qu'un tel licenciement caractérise une atteinte au principe d'égalité de droits entre l'homme et la femme, garanti par l'alinéa 3 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la salariée qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier pendant cette période.

7. Après avoir prononcé la nullité du licenciement pour discrimination liée à l'état de grossesse, au sexe et à la situation de famille de la salariée, l'arrêt ordonne que soit déduit du rappel de salaires dû entre la date du licenciement et la date effective de réintégration de la salariée dans l'entreprise, les sommes perçues à titre de revenus de remplacement.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement les sociétés Sungard Financial Systems France, devenue Fis Financial Systems France, et Sungard Investment Ventures LLC, devenue Fis Investment Ventures LLC, à payer à Mme T... les sommes de 375 879,60 euros à titre de rappel de salaires du 13 mai 2013 jusqu'au jour de sa réintégration dans l'entreprise, ou à tout le moins au jour de l'audience du 7 mai 2019, et de 37 787,96 euros au titre des congés payés afférents, sauf à déduire les revenus d'activité ou de remplacement perçus par la salariée pendant cette période qui devra en justifier, l'arrêt rendu le 18 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne les sociétés Fis Financial Systems France et Fis Investment Ventures LLC in solidum aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Fis Financial Systems France et Fis Investment Ventures LLC et les condamne in solidum à payer à Mme T... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme T...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné solidairement les sociétés Sungard Financial Systems France devenue Fis Financial Systems France et Sungard Investment Ventures LLC devenue Fis Investment Ventures LLC à payer à Mme T..., sauf à déduire les revenus d'activité ou de remplacement perçus par la salariée pendant cette période qui devra en justifier, les sommes de 375.879,60 € à titre de rappel de salaires du 13 mai 2013 jusqu'au jour de sa réintégration dans l'entreprise, ou à tout le moins au jour de l'audience du 7 mai 2019, et 37.787,96 € de congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QU'ainsi, Mme T... établit des faits - diminution de ses attributions à son retour de congé de maternité, licenciement reposant sur un prétendu motif économique et à l'issue de la période de protection - qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en raison de l'état de grossesse, le sexe et la situation de famille, l'employeur ne prouvant pas que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'il convient donc de lui accorder des dommages-intérêts dont le montant est précisé au dispositif ; que le licenciement est par voie de conséquence nul et la salariée est en droit de prétendre à sa réintégration dans son emploi d'analyste des contrôles internes moyennant une rémunération brute de 5.220,55 euros et un rappel de salaire à compter du 13 mai 2013 jusqu'au jour de sa réintégration ; que le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ; qu'il convient donc de déduire les revenus que le salarié aurait pu percevoir d'une autre activité professionnelle pendant cette période ; qu'en effet, le principe de non-discrimination en raison de l'état de grossesse, du sexe et de la situation de famille ne constitue pas une liberté fondamentale consacrée par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ni par la Constitution du 4 octobre 1958 ; qu'il n'est pas contesté que la salariée a retrouvé un emploi en cours de préavis ; qu'il est ainsi dû sur une période de 72 mois une somme de 375.879,60 euros (5.220,55 euros x 72 mois) sauf à déduire les revenus tirés d'une autre activité ou les revenus de remplacement ;

ALORS QU'aux termes du 3e alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ; que le licenciement prononcé à raison du genre, de la maternité et de la situation de famille est nul ; que, dès lors qu'il caractérise une atteinte au principe d'égalité entre les femmes et les hommes, constitutionnellement protégé par le 3e alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le salarié qui sollicite la poursuite du contrat de travail qui a été illégalement rompu a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, peu important qu'il ait ou non reçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a dit le licenciement de Mme T... discriminatoire, donc nul, pour être fondé sur son état de grossesse, son genre et sa situation de famille ; qu'en jugeant dès lors que la salariée ne pouvait prétendre qu'à une indemnité égale au montant des salaires qu'elle aurait perçus entre la rupture et la réintégration, dont il conviendra de déduire les revenus de remplacement perçus pendant cette période, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail en leur rédaction applicable au litige, ensemble le 3e alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-21331
Date de la décision : 17/02/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 fév. 2021, pourvoi n°19-21331


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.21331
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