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17/02/2021 | FRANCE | N°19-17355

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 février 2021, 19-17355


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 février 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 234 F-D

Pourvoi n° H 19-17.355

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 FÉVRIER 2021

Mme K... D..., épouse B..., domic

iliée [...] , a formé le pourvoi n° H 19-17.355 contre l'arrêt rendu le 3 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le li...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 février 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 234 F-D

Pourvoi n° H 19-17.355

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 FÉVRIER 2021

Mme K... D..., épouse B..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° H 19-17.355 contre l'arrêt rendu le 3 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Wolters Kluwer France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La société Wolters Kluwer France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme D..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Wolters Kluwer France, après débats en l'audience publique du 6 janvier 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 avril 2019), Mme D... a été engagée à compter du 6 janvier 2014, par la société Wolters Kluwer France (la société) en qualité de chef de marché marketing au pôle formation, statut cadre, coefficient N 10, de la convention collective des cadres, techniciens et agents de maîtrise de la presse spécialisée suivant contrat à durée indéterminée contenant une convention de forfait en jours.

2. Licenciée pour insuffisance professionnelle, elle a, le 7 octobre 2015, saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement de diverses sommes indemnitaires.

3. Devant la cour d'appel, elle a réitéré ses prétentions initiales et y a ajouté une demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée et le moyen du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen du pourvoi principal de la salariée, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, le juge ne peut, pour rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires, faire peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires en se fondant exclusivement sur l'insuffisance des preuves rapportées par le salarié ; qu'en constatant que la salariée produisait aux débats des courriels échangés dans le cadre de l'activité professionnelle matinaux et tardifs, et en jugeant néanmoins que ces pièces n'étaient pas de nature à étayer la demande en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, quand il résultait de ses constatations que la salariée avait produit des éléments précis auxquels l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel, qui a fait peser sur la salariée la charge de preuve, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

6. Aux termes de ce texte, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Le salarié qui a été soumis à tort à une convention de forfait annuel en jours ou dont la convention de forfait en jours est déclarée nulle, privée d'effet ou inopposable peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article susvisé.

8. Pour rejeter la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, l'arrêt, qui a dit que l'inopposabilité de la clause portant sur la convention de forfait en jours permettait à la salariée de demander le paiement des éventuelles heures supplémentaires effectuées, retient que celle-ci sollicite le paiement de 428 heures supplémentaires en un an et demi d'activité et se plaint d'une surcharge de travail par courriel du 28 janvier 2015 et lettre du 4 février 2015. Il relève qu'alors que l'intéressée soutient effectuer 50 heures par semaine, son propre relevé donne un chiffre moindre et que sa prétention est fondée uniquement sur l'envoi de mails matinaux ou tardifs alors que ceux-ci ne suffisent pas à prouver les heures supplémentaires et qu'il ne s'agit que de courriels envoyés par elle et la plupart à elle-même. Il en déduit que cette demande d'heures supplémentaires n'est étayée par aucun élément probant permettant à l'employeur de répondre utilement.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme D... de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, outre congés payés afférents, l'arrêt rendu le 3 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Wolters Kluwer France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Wolters Kluwer France et la condamne à payer à Mme D... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme D...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme D... de sa demande tendant à voir condamner la société Wolters Kluwer France à lui payer la somme de 37.762,23 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations contractuelles sur le fondement des articles 1231-1 du code civil et L. 1222-1 du code du travail ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme D... prétend à l'exécution déloyale du contrat de travail et à l'inopposabilité de la convention de forfait sur plusieurs motifs : elle n'aurait pas dû se voir imposer une telle convention ; elle n'avait aucune autonomie dans l'organisation de son temps de travail ; elle n'a eu aucun entretien individuel ni aucun suivi de travail ; que la société réplique que la convention de forfait jours est licite en présence d'un accord d'entreprise de réduction du temps de travail du 10 mars 2000 qui fixe les conditions d'accès au forfait jours, le respect des jours de repos et le suivi du temps de travail ; que contrairement à ce que dit Mme D..., sa fonction de chef de marché marketing est assimilable à un « chef de projet occupé exclusivement à une mission de développement » prévu par l'accord d'entreprise pour l'application d'une convention de forfait jours ; que chaque entretien d'évaluation comporte une rubrique spécifique sur l'équilibre vie professionnelle/vie familiale ; que l'entreprise était très attentive à ce suivi tel que ceci ressort du courriel du 3 décembre 2013 ; qu'enfin autonomie n'est pas indépendance et la salariée devait bien évidemment signaler ses absences et les congés payés souhaités afin de garantir la bonne marche du service ; mais il y a lieu de constater que l'employeur ne produit aucun entretien d'évaluation permettant d'apprécier la charge de travail de la salariée ni en 2013, ni en 2014, en sorte que la convention de forfait jours doit lui être déclarée inopposable, confirmant ainsi la décision déférée ; que toutefois, Mme D... sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 12 mois de salaire au visa d'articles visant l'exécution de bonne foi du contrat de travail ; que l'inopposabilité de la clause permet à Mme D... de demander le paiement des éventuelles heures supplémentaires effectuées ; que l'inexécution déloyale du contrat de travail soulevé n'est pas caractérisée et aucun préjudice n'est démontré ; que Mme D... sera déboutée de cette demande de dommages et intérêts ;

ET, AUX MOTIFS ADOPTES, QU'il résulte des pièces versées et des explications fournies aux débats que : la demanderesse conteste tout d'abord que lui soit applicable le forfait jour prévu en son contrat et sollicite de ce fait des dommages et intérêts ; que vu l'article L. 3121-46 du code du travail, modifié par loi n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 19 (V), applicable au moment de la relation de travail qui dispose que : « Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié », la demanderesse indique qu'un tel entretien n'a jamais eu cours ; que la partie défenderesse ne porte pas la preuve contraire aux débats ; que cette dernière ne porte non plus aux débats d'élément quant au suivi de la charge de la salariée ; que ces deux conditions sont nécessaires à l'application d'une clause de forfait jour, comme la loi l'oblige et comme il est constant, le conseil juge que la clause de forfait est inopposable à la salariée ; mais attendu que cette dernière ne porte aucun élément quant à une surcharge effective de travail ou sur une obligation de devoir travailler en dehors des plages habituelles dans l'entreprise ; qu'elle ne porte non plus d'élément permettant au conseil de déterminer si elle a subi un quelque préjudice du fait de cette convention ; que le préjudice, en l'espèce, ne saurait se voir revêtir un caractère d'automaticité, aussi le conseil déboute la demanderesse de sa demande de dommages et intérêts formulée sur les bases de l'article 1147 du code civil, en sa numérotation alors applicable ;

ALORS QUE lorsque l'employeur impose au salarié une convention de forfait jugée inopposable pour absence d'entretien annuel individuel et suivi de la charge de travail, l'inexécution déloyale du contrat de travail est caractérisée et le salariée doit être indemnisé du préjudice en découlant ; qu'en constatant que l'employeur ne produisait aucun entretien d'évaluation permettant d'apprécier la charge de travail de la salariée en 2013 et en 2014, de sorte que la convention de forfait jours devait être déclarée inopposable, et en déboutant néanmoins la salariée de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'inexécution déloyale du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1222-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme D... de sa demande tendant à voir condamner la société Wolters Kluwer France à lui payer les sommes de 9.281 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et 928 euros au titre des congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que les heures supplémentaires doivent avoir été effectuées à la demande de l'employeur ou à tout le moins avec son accord implicite et les heures supplémentaires doivent être nécessaires à la réalisation de sa mission ; que Mme D... sollicite le paiement de 428 heures supplémentaires en un an et demi d'activité ; qu'elle se plaint d'une surcharge de travail par courriel du 28 janvier 2015 et lettre du 4 février 2015 ; que cette plainte est manifestement en réaction à un licenciement envisagé par son supérieur hiérarchique, M. J..., qui aurait été abordé lors d'un entretien le 19 janvier 2015, selon les termes même du courrier de Mme D... ; que la cour relève que lorsque le directeur des ressources humaines lui répond par lettre du 17 février 2015, en contestant toute idée de licenciement et en faisant remarquer à la salariée que cette alerte sur la surcharge de travail intervient au moment où son responsable lui fait part de problèmes sur son travail, que le prédécesseur de Mme D... n'avait jamais fait remonter une difficulté sur sa charge de travail et une amplitude horaire telle qu'annoncée par la salariée (50 heures par semaine) que l'organisation personnelle de son prédécesseur lui permettait de gérer sereinement sa charge de travail et qu'elle était arrivée en période creuse alors que les budgets et plan de communication avaient été réalisés et l'offre formation 2014 bouclée ; que Mme D... ne contredit pas ces affirmations et dans sa lettre du 28 février 2015 elle amenuise sa plainte en ces termes « s'il m'est arrivé de mentionner que ma charge de travail était importante, je ne m'en suis véritablement plainte que lorsque j'ai réalisé que mon supérieur n'en tenait aucun compte en envisageant le remplacement de mon assistante par une stagiaire...Cependant je tiens à réaffirmer que je reste passionnée par mon travail et que je suis ravie de pouvoir continuer à exercer, en toute sérénité, mes responsabilités marketing » ; que Mme D... prétend effectuer 50 heures par semaine, son propre relevé donne un chiffre moindre et même lorsqu'elle travaille 31 heures par semaine, elle ajoute des heures supplémentaires comme par exemple pour la semaine 46 de 2014 ; que par ailleurs la prétention de Mme D... est fondée uniquement sur l'envoi de mails matinaux ou tardifs alors que ceux-ci ne suffisent pas à prouver les heures supplémentaires, alors qu'il ne s'agit que de courriels envoyés par elle et la plupart à elle-même, et enfin il est peu crédible qu'au moment du déclenchement de la procédure de licenciement, Mme D... ait continuer à effectuer des heures supplémentaires ; qu'en conséquence, cette demande d'heures supplémentaires n'est étayée par aucun élément probant permettant à l'employeur de répondre utilement ; que les premiers juges ont en outre parfaitement relevé qu'il ne résultait d'aucun élément l'existence d'une surcharge effective de travail ou d'une obligation de travailler en dehors des plages habituelles de l'entreprise ; que Mme D... sera déboutée de cette demande ;

1°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, le juge ne peut, pour rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires, faire peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires en se fondant exclusivement sur l'insuffisance des preuves rapportées par le salarié ; qu'en constatant que la salariée produisait aux débats des courriels échangés dans le cadre de l'activité professionnelle matinaux et tardifs, et en jugeant néanmoins que ces pièces n'étaient pas de nature à étayer la demande en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, quand il résultait de ses constatations que la salariée avait produit des éléments précis auxquels l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel, qui a fait peser sur la salariée la charge de preuve, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le juge ne peut se déterminer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer que Mme D... « sollicite le paiement de 428 heures supplémentaires en un an et demi d'activité, qu'elle se plaint d'une surcharge de travail par courriel du 28 janvier 2015 et lettre du 4 février 2015 et que cette plainte est manifestement en réaction à un licenciement envisagé par son supérieur hiérarchique, M. J..., qui aurait été abordé lors d'un entretien le 19 janvier 2015, selon les termes même du courrier de Mme D... », sans motiver plus sa décision, la cour d'appel a méconnu les exigences de motivation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige, défini par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel (cf. p 13 à 17, productions), Mme D... faisait valoir qu'elle avait alerté, à de nombreuses reprises, sa hiérarchie de son volume horaire de 50 heures de travail par semaine et de sa surcharge de travail, notamment par courriels des 9, 14 et 28 janvier 2015 et par note du 19 janvier 2015 ; qu'en affirmant que Mme D... ne contredisait pas les affirmations de l'employeur dans sa lettre du 17 février 2015, selon lesquelles l'alerte de la salariée sur la surcharge de son travail intervenait au moment où son responsable lui avait fait part de problèmes sur son travail (le 19 janvier 2015) et qu'elle n'avait pas fait auparavant remonter une difficulté sur sa charge de travail, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, le juge ne peut, pour rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires, se fonder exclusivement sur l'insuffisance des preuves rapportées par le salarié ; qu'en se fondant sur le fait que Mme D... ne contredirait pas les affirmations de l'employeur dans sa lettre du 17 février 2015, selon lesquelles l'alerte de la salariée sur la surcharge de son travail était intervenue au moment où son responsable lui avait fait part de problèmes sur son travail et qu'elle n'avait pas fait auparavant remonter une difficulté sur sa charge de travail, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

5°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et congés payés y afférents, Mme D... produisait régulièrement aux débats ses courriels des 9, 14 et 28 janvier 2015 (cf. productions), alertant son employeur sur sa charge de travail et l'accomplissement de 50 heures par semaine ; qu'en rejetant sa demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents sans s'être prononcée sur ces pièces, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6) ALORS QUE le motif dubitatif équivaut au défaut de motif ; qu'en jugeant que Mme D... n'étayait pas sa demande en paiement d'heures supplémentaires, motifs pris de ce qu' : « il est peu crédible qu'au moment du déclenchement de la procédure de licenciement, elle ait continué à effectuer des heures supplémentaires », la cour d'appel a statué par des motifs dubitatifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Wolters Kluwer France

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR dit que le licenciement du 27 avril 2015 est sans cause réelle et sérieuse et en conséquence, d'AVOIR condamné la société WOLTERS KLUWER FRANCE à verser à Madame D... la somme de 18.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au taux légal et anatocisme à compter du prononcé de l'arrêt ;

AUX MOTIFS QU' « il est constant que Madame D... a été alertée lors d'un rendez-vous avec Monsieur J... le 19 janvier 2015 soit trois mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, au moment où celle-ci sollicitait une prime pour une activité soutenue complexe sans recoupement avec son prédécesseur et après une période de deux mois de carence sur le poste (mail du 14 janvier 2015) ; que toutefois, l'employeur ne produit pas d'alertes antérieures, d'écrit, d'entretien d'évaluation, d'objectifs précis, d'autant que si certains faits sont établis, ils ne sont pas imputables à Madame D... tels que le retard pris par Monsieur J... dans les tarifs des stages 2015 malgré un rappel de la salariée les 21 et 24 juillet 2014 ce qui a généré les erreurs du catalogue 2015 (courriels des 2 et 3 septembre 2014) et ce même si Madame D... reconnaît qu'il faut être plus vigilant, elle comprise, sur l'ensemble du processus de fabrication en raison du moindre contrôle intermédiaire ; qu'un mail du 15 janvier 2015 révèle que la commande d'une étude marketing a été adressé pour accord à son supérieur hiérarchique contrairement à ce qu'invoque l'employeur ; que les annulations de conférences pour manque de remplissage ne sont pas imputables à la salariée, ont toujours existé et étaient même en nombre supérieur en 2013 avant l'arrivée de Madame D... (8 en 2013 contre 4 en 2014) étant précisé qu'en tout état de cause Madame D... ne décide pas du thème des conférences qui sont du ressort des chefs de projets mais seulement du marketing de celles-ci ; que le compte rendu d'évaluation de Monsieur J... 2013/2014 accessible à tous par suite d'une erreur de la société et produit aux débats démontre un contexte économique fortement défavorable pour les activités de formation, et une baisse de l'activité Formation et conférences avant même l'arrivée de la salariée, étant observé que le contrat de travail du supérieur hiérarchique de Madame D... a été rompu dans le même temps ; qu'en conséquence, les pièces produites quasiment exclusivement essentiellement par la salariée, n'établissent nullement une insuffisance professionnelle qui lui serait imputable ; que le licenciement sera dès lors jugé sans cause réelle et sérieuse ; qu'en fonction du préjudice subi par la salariée tenant à son âge (52 ans) son ancienneté (18 mois), de son salaire (3.146,85 euros) des circonstances de la rupture et de sa capacité à trouver un nouvel emploi, il y a lieu de lui allouer une somme de 18.000 euros » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'insuffisance professionnelle constitue une cause réelle et sérieuse lorsque le salarié n'exécute pas correctement les tâches qui lui sont confiées et qui correspondent à sa qualification professionnelle ; qu'il incombait notamment à Madame D... en sa qualité de chef de marché marketing de promouvoir les conférences et formations organisées par la société WOLTERS KLUWER FRANCE ; que dans ses conclusions d'appel, cette dernière offrait d'établir, justificatifs à l'appui, que le faible taux de remplissage ainsi que les annulations de conférences constatés et non contestés étaient imputables à Madame D... dans la mesure où, pour la conférence « Contrôle fiscal » de mars 2015, il avait été constaté l'existence d'un lien hypertexte inopérant que Madame D... aurait dû vérifier, que pour la conférence « Actualité du droit pénal » de 2015 la salariée avait utilisé des bases non correctement qualifiées ainsi que des canaux de distribution qui n'étaient adaptés et que pour les conférences à thématique sociale Madame D... avait pris la décision de réduire la période de commercialisation de 8 à 6 semaines ; qu'en jugeant cependant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans s'expliquer sur les conclusions de la société WOLTERS KLUWER FRANCE qui établissaient la responsabilité de Madame D... dans le faible taux de remplissage et l'annulation de plusieurs conférences et formations, et donc l'incapacité de la salariée à exercer ses fonctions et son manque d'implication, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QU'en retenant, pour dire que, bien qu'établi, le grief tiré de l'annulation et du faible taux de remplissage de plusieurs conférences ne serait pas imputable à Madame D..., que de telles annulations « ont toujours existé » et « étaient même en nombre supérieur en 2013 avant l'arrivée de Madame D... », la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé les articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en retenant, pour dire que, bien qu'établi, le grief tiré de l'annulation et du faible taux de remplissage de plusieurs conférences ne serait pas imputable à Madame D..., la circonstance que « Madame D... ne décide pas du thème des conférences qui sont du ressort des chefs de projet », sans s'expliquer sur les justifications de l'employeur selon lesquelles il s'agissait de formations sur des thèmes « porteurs » ou d'actualité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, que les juges doivent apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement au regard de l'ensemble des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement évoquait outre un manque d'efficacité des méthodes marketing mises en oeuvre par Madame D..., un manque de rigueur professionnelle caractérisé par le manque de suivi du budget marketing dont elle avait la responsabilité, ainsi que les « grosses difficultés » rencontrées en interne avec la cellule e-commerce ; que ces griefs précis et vérifiables étaient développés dans les écritures d'appel de l'exposante (pp. 7 à 16) et étayés par des pièces régulièrement versées aux débats ; que la cour d'appel s'est totalement abstenue de rechercher si ces griefs étaient ou non établis et s'ils ne justifiaient pas le licenciement de Madame D... ; qu'en statuant ainsi, sans prendre en compte l'ensemble des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a méconnu son office et a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1232-1, L.1232-6 et L.1235-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-17355
Date de la décision : 17/02/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 fév. 2021, pourvoi n°19-17355


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.17355
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