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17/02/2021 | FRANCE | N°19-16379

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 février 2021, 19-16379


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 février 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 176 F-D

Pourvoi n° W 19-16.379

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 17 FÉVRIER 2021

1°/ M. B... I...,

2°/ Mme X... E..., épouse I...,

dom

iciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° W 19-16.379 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2019 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 février 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 176 F-D

Pourvoi n° W 19-16.379

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 17 FÉVRIER 2021

1°/ M. B... I...,

2°/ Mme X... E..., épouse I...,

domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° W 19-16.379 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2019 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige les opposant à M. S... Y..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Darret-Courgeon, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme I..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. Y..., après débats en l'audience publique du 5 janvier 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Darret-Courgeon, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 12 mars 2019), après avoir vendu à la société Omnium de constructions développements locations (la société OCDL) un bien immobilier au prix de 1 550 000 euros, par acte authentique du 31 mai 2012 dressé par M. Y..., notaire, M. et Mme I... ont reçu le 28 avril 2014 une proposition de rectification au titre de l'imposition sur les plus-values résultant de cette cession, d'un montant total de 265 248 euros.

2. Reprochant à M. Y... d'avoir, dans l'acte de vente, distingué, d'une part, la partie maison et une partie de terrain vendues pour le prix de 550 000 euros, d'autre part, le surplus de terrain à bâtir cédé pour le prix de 1 000 000 euros et précisé que cette opération est totalement exonérée du paiement de l'impôt sur la plus-value, M. et Mme I... l'ont, par acte du 14 septembre 2016, assigné en responsabilité et indemnisation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. et Mme I... font grief à l'arrêt de limiter la condamnation de M. Y... à leur verser la somme de 20 348,46 euros au titre des intérêts de retard sur le paiement de l'impôt, alors :

« 1°/ qu'il résulte clairement et sans ambiguïté de la proposition de rectification du 28 avril 2014, de la réponse de l'administration fiscale aux observations de M. et Mme I... en date du 27 janvier 2015 et du courrier de la direction générale des finances publiques à M. et Mme I... en date du 25 septembre 2015, documents produits et expressément invoqués par M. et Mme I..., que l'administration fiscale s'est déterminée en faveur de la taxation de la plus-value uniquement à raison de la distinction artificiellement opérée par l'acte de vente notarié entre, d'une part, la vente de la maison et de 1 169 m² du terrain y attenant, pour un prix déterminé, et d'autre part, la vente séparée de 2 328 m² de ce même terrain présentés comme terrain à bâtir, pour un prix déterminé distinct ; qu'en se fondant néanmoins, pour affirmer que « le manquement de M. Y... n'a pas fait perdre aux époux I... de chance d'être exonérés totalement de l'impôt sur la plus-value », sur la considération qu' « en tout état de cause », la propriété de M. et Mme I... était « composée d'un terrain à bâtir » et sa cession ainsi soumise partiellement à l'impôt sur les plus-values, la cour d'appel a dénaturé par omission lesdits trois documents, violant par suite le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que, en tout état de cause, il résulte clairement et sans ambiguïté de la proposition de rectification du 28 avril 2014, de la réponse de l'administration fiscale aux observations de M. et Mme I... en date du 27 janvier 2015 et du courrier de la direction générale des finances publiques à M. et Mme I... en date du 25 septembre 2015, documents produits et expressément invoqués par M. et Mme I..., que la vente de l'ensemble de leur propriété aurait été totalement exonérée d'imposition sur les plus-values, comme portant sur leur résidence principale au jour de la cession, avec ses dépendances immédiates et nécessaires, si cette vente avait eu lieu au profit d'un acquéreur désireux de conserver la propriété en l'état, sans projet aboutissant à la qualification d'une partie de cette propriété en terrain à bâtir, acquéreur qu'ils n'auraient pas manqué de rechercher et de trouver si M. Y... n'avait pas manqué à son obligation d'information et de conseil ; qu'en se fondant néanmoins, pour affirmer que « le manquement de M. Y... n'a pas fait perdre aux époux I... de chance d'être exonérés totalement de l'impôt sur la plus-value », sur la considération qu' « en tout état de cause », la propriété de M. et Mme I... était « composée d'un terrain à bâtir » et sa cession ainsi soumise partiellement à l'impôt sur les plus-values, la cour d'appel a dénaturé par omission lesdits trois documents, violant par suite le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que la cour d'appel a constaté que M. et Mme I... ont signé le compromis de vente avec la société OCDL en juillet 2010, pour un prix de 1 550 000 euros présenté comme net de toute imposition sur les plus-values, mais qu'il leur a fallu attendre le 31 mai 2012 pour que soit enfin signé l'acte authentique de vente, pour le même prix de 1 550 000 euros à nouveau présenté par M. Y... comme net de toute imposition sur les plus-values ; que de ces motifs il résulte que M. et Mme I... n'avaient pas de contrainte de vente immédiate et que, s'ils avaient été informés des conséquences fiscales de la vente envisagée au profit de la société OCDL, ils auraient pu se permettre d'y renoncer pour rechercher un autre acquéreur quant à lui sans projet aboutissant à la qualification d'une partie de cette propriété en terrain à bâtir et donc pour un résultat financier en définitive plus favorable ; qu'en se fondant néanmoins, pour affirmer que « le manquement de M. Y... n'a pas fait perdre aux époux I... de chance d'être exonérés totalement de l'impôt sur la plus-value », sur la considération que M. et Mme I..., parce qu'ils avaient été contraints de vendre leur propriété, leur âge ne leur permettant plus de l'entretenir correctement, l'auraient de toute façon vendue dans les mêmes conditions, même s'ils avaient été mieux informés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard des articles 1382 et suivants anciens du code civil, devenus les articles 1240 et suivants du même code ;

4°/ que M. et Mme I..., dont il n'a été ni soutenu par M. Y... ni a fortiori retenu par la cour d'appel qu'ils auraient eu la moindre connaissance en matière de droit fiscal, ignoraient légitimement que le projet de l'acquéreur de construire sur leur propriété pût conférer à tout ou partie de celle-ci la qualité de terrain à bâtir au sens du droit fiscal, avec les conséquences financières susceptibles d'en découler ; qu'il incombait donc à M. Y..., notaire intervenu pour rédiger l'acte authentique de vente et professionnel tenu d'une obligation d'information et de conseil au profit des parties, spécialement des parties profanes, de les éclairer sur ce point déterminant de leur consentement ; et que M. et à Mme I... étaient en droit de se fier à la mention, incluse par M. Y... dans l'acte authentique de vente, que la vente était exonérée d'imposition sur les plus-values ; qu'en se fondant néanmoins, pour affirmer que « le manquement de M. Y... n'a pas fait perdre aux époux I... de chance d'être exonérés totalement de l'impôt sur la plus-value », sur la considération « que les époux I... avaient connaissance, dès le compromis, de ce qu'ils vendaient un terrain à bâtir », la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1382 et suivants anciens du code civil, devenus les articles 1240 et suivants du même code. »

Réponse de la Cour

4. Après avoir constaté que M. Y... avait manqué à son obligation de conseil en n'indiquant pas à M. et Mme I... que la vente de leur propriété serait de nature, pour le terrain attenant à la partie bâtie, à générer un impôt sur les plus-values, l'arrêt retient que, selon l'administration fiscale, un terrain à bâtir ne peut être regardé comme une dépendance immédiate et nécessaire à la résidence principale et que la qualification de terrain à bâtir est acquise, dès lors que des constructions peuvent être autorisées en application des documents d'urbanisme et que, dans la mesure où la propriété était composée d'un terrain à bâtir, sa cession était, en tout état de cause, soumise partiellement à l'impôt sur les plus-values. Il ajoute que M. et Mme I..., qui avaient connaissance, dès la signature du compromis, du caractère de terrain à bâtir de leur propriété, étaient contraints de la vendre au motif qu'ils ne pouvaient plus en assurer l'entretien quotidien, que, même s'ils avaient été mieux informés, ils l'auraient vendue et auraient été, hormis pour la maison et ses abords immédiats, soumis à l'impôt sur la plus-value, mais qu'en revanche, ils auraient versé les droits immédiatement et n'auraient pas subi le paiement des intérêts de retard.

5. De ces énonciations et constatations, procédant d'une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et d'une interprétation nécessaire des documents issus de l'administration fiscale, exclusive de dénaturation, la cour d'appel, a pu déduire que le manquement de M. Y... n'avait pas fait perdre à M. et Mme I... de chance d'être exonérés totalement de l'impôt sur la plus-value et avait seulement conduit au paiement des intérêts de retard ajoutés par l'administration fiscale au montant des droits.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. M. et Mme I... font grief à l'arrêt de limiter la condamnation de M. Y... au titre de leur préjudice moral à la somme principale de 10 000 euros, alors « que que M. et Mme I... sollicitaient l'allocation d'une indemnité de 60 000 euros au titre de leur préjudice moral, en faisant valoir que s'ils avaient été informés des conséquences fiscales et financières de la vente à la société OCDL, ils n'y auraient jamais consenti ; que, pour limiter à la somme de 10 000 euros l'indemnité allouée à M. et Mme I... à ce titre, la cour d'appel a dit que l'erreur commise par M. Y... « a empêché les époux I... d'anticiper un paiement qu'ils ont eu la désagréable surprise de se voir rappeler deux années plus tard, outre intérêts », retenant ainsi que leur seul préjudice à ce titre tenait au fait qu'ils n'avaient pas pu anticiper le paiement de l'imposition sur les plus-values et qu'ainsi, ils avaient dû verser et donc supporter des intérêts de retard ; que ce motif est ainsi dans un lien de dépendance nécessaire avec les motifs, critiqués par le premier moyen de cassation, selon lesquels, d'une part, la propriété de M. et Mme I... était en tout état de cause composée d'un terrain à bâtir de sorte que sa cession était nécessairement soumise pour partie à l'impôt sur les plus-values, d'autre part, M. et Mme I... étaient contraints de vendre et qu'ainsi, même s'ils avaient été mieux informés, ils auraient vendu leur propriété et auraient été, hormis pour la maison et ses abords immédiats, soumis à l'impôt sur la plus-value ; que la censure de l'arrêt sur ce premier moyen entraînera donc la censure par voie de conséquence du chef de l'arrêt ayant limité à la somme de 10 000 euros l'indemnité allouée à M. et Mme I... au titre de leur préjudice moral, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. Le premier moyen étant rejeté, le second, en ce qu'il invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme I... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme I....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné Me Y... à payer à M. et Mme I... la somme principale de 265 248 euros à titre de dommages et intérêts au titre du redressement fiscal et d'avoir, statuant à nouveau, limité la condamnation à dommages et intérêts de Me Y... au profit de M. et Mme I... à la somme principale de 20 348,46 euros au titre des intérêts de retard sur le paiement de l'impôt,

Aux motifs propres que « Sur la responsabilité du notaire :

L'acte de vente en page 8 déclare que la vente entre intégralement dans le cadre de l'exonération des plus-values.

Monsieur et Madame I... soutiennent qu'ils ont entendu vendre une propriété d'un seul tenant, mais que l'acte de Maître Y... distingue d'une part, la vente de la maison et d'autre part, celle d'un terrain à bâtir ; qu'en procédant de cette manière, Maître Y... a soustrait le terrain du bénéfice de l'article 150 U II-1° et 2° du code des impôts qui dispose que la plus-value réalisée lors de la cession de la résidence principale et ses dépendances immédiates est exonérée de l'impôt sur le revenu. Ils soutiennent que Maître Y... a manqué à son obligation de conseil en ne les informant pas des conséquences de cette division, allant jusqu'à mentionner dans l'acte que les époux I... sont exonérés de toute plus-value ; que cette mention a été déterminante de leur consentement à vendre dans ces conditions, qui n'auraient pas été les mêmes s'ils avaient vendu à un particulier.

L'acte comporte une mention erronée. Dès lors, Maître Y... a manqué à son obligation de conseil en ce qu'il n'a pas indiqué aux époux I... que la vente de leur propriété serait de nature, pour le terrain attenant à la partie bâtie, à générer un impôt sur les plus-values. Maître Y... reconnaît cette faute dans ses conclusions.

La responsabilité du notaire est ainsi engagée.

Sur le préjudice au titre du redressement fiscal :

Le préjudice qui résulte du manquement de Maître Y... au devoir de conseil s'analyse en une perte de chance qui ne peut donner lieu à réparation que s'il a eu pour conséquence la disparition certaine d'une éventualité favorable, en l'espèce, l'exonération totale à l'impôt sur les plus values.

Les faits se sont succédés ainsi :

* Les 5 et 15 juillet 2010, les époux I... et la société Omnium de Constructions Développements Locations, signent un compromis de vente du bien. Le bien est désigné comme comportant une maison d'habitation, un court de tennis, un puits, un terrain arboré clos de mur. La totalité pour une surface de 34 a 97 ca. La vente est conclue sous condition suspensive de l'obtention par l'acquéreur d'un permis de démolir la maison existante et un permis de construire un ensemble immobilier à usage d'habitation d'une SHON de 2 980 m² environ.

* Le 21 octobre 2010, la mairie ayant refusé le permis de démolir, l'acquéreur renonce à cette condition et maintient son intention d'acquérir et de déposer un permis de construire pour une SHON de 1 800 m² environ.

* Le 20 novembre 2010, les parties signent un avenant au compromis prévoyant la condition suspensive d'un permis de construire un ensemble immobilier à usage d'habitation, d'une SHON de 1 800 m² environ.

* Le 31 mai 2012, l'acte authentique de vente est signé par les parties. Le bien est désigné de façon identique au compromis. Le prix est de 1 550 000 euros, réparti à concurrence de 550 000 francs pour la maison et le terrain attenant (superficie de 11 a 69 ca) et de 1 000 000 euros pour le surplus du terrain d'une superficie de 23 a 28 ca. L'acte prévoit aussi que l'acquéreur a la jouissance immédiate du surplus du terrain et, au plus tard le 1er octobre 2012 pour la maison et le terrain attenant, alors occupés par les vendeurs.

Il ressort de cette chronologie que les époux I... avaient connaissance, dès le compromis, de ce qu'ils vendaient un terrain à bâtir. Ils avaient accepté, lors du compromis, que la partie à bâtir soit d'une surface plus importante que celle retenue dans l'avenant et dans l'acte authentique.

Il ressort des dispositions de l'article 150 U du code général des impôts que sont exonérés de l'impôt sur les plus values, la vente des biens qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession, et les biens qui constituent les dépendances immédiates et nécessaires de cette résidence principale, à condition que leur cession intervienne simultanément avec celle desdits immeubles.

Il ressort des explications données par l'administration fiscale dans sa proposition de rectification, qu'elle considère qu'un terrain à bâtir ne peut être regardé comme une dépendance immédiate et nécessaire à la résidence principale ; qu'il en résulte que la vente d'un terrain à bâtir est soumise à l'imposition sur la plus-value. Elle précise que la qualification de terrain à bâtir est acquise, dès lors que des constructions peuvent être autorisées en application des documents d'urbanisme.

Ainsi, dès lors que la propriété des époux I... était en tout état de cause composée d'un terrain à bâtir, sa cession était en tout état de cause soumise partiellement à l'impôt sur les plus-values.

Dans leur acte introductif d'instance du 14 septembre 2016, les époux I... exposent qu'ils étaient contraints de vendre leur propriété au motif qu'ils ne pouvaient plus en assurer l'entretien quotidien. Dès lors qu'ils étaient contraints de vendre, les époux I..., même s'ils avaient été mieux informés, auraient vendu leur propriété et auraient été, hormis pour la maison et ses abords immédiats, soumis à l'impôt sur la plus-value.

Il résulte de tout ceci que le manquement de Maître Y... n'a pas fait perdre aux époux I... de chance d'être exonérés totalement de l'impôt sur la plus-value.

En revanche, s'ils avaient été mieux informés, ils auraient versé les droits immédiatement et n'auraient pas subi le paiement des intérêts de retard à hauteur de 20 554 euros que l'administration fiscale a ajouté au montant des droits de 244 694 euros. Ce préjudice n'est pas équivalent au montant des intérêts mais, compte tenu de ce que le notaire aurait déclaré cette plus value lors de la cession, il doit être estimé à 99 % du montant des intérêts.

Ainsi, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné Maître Y... à payer à Monsieur et Madame I... la somme de 265 248 euros de dommages et intérêts au titre de la réparation du redressement fiscal et le notaire sera condamné au paiement de la somme de 20 348,46 euros (20 554 euros x 99 %).

En application des dispositions de l'article 1153-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, les intérêts sur cette somme courront au taux légal à compter du présent arrêt » ;

1°) Alors qu' il résulte clairement et sans ambiguïté de la proposition de rectification du 28 avril 2014, de la réponse de l'administration fiscale aux observations de M. et Mme I... en date du 27 janvier 2015 et du courrier de la Direction Générale des Finances Publiques à M. et Mme I... en date du 25 septembre 2015, documents produits et expressément invoqués par M. et Mme I..., que l'administration fiscale s'est déterminée en faveur de la taxation de la plus-value uniquement à raison de la distinction artificiellement opérée par l'acte de vente notarié entre, d'une part, la vente de la maison et de 1 169 m² du terrain y attenant, pour un prix déterminé, et d'autre part, la vente séparée de 2 328 m² de ce même terrain présentés comme terrain à bâtir, pour un prix déterminé distinct ; qu'en se fondant néanmoins, pour affirmer que « le manquement de Maître Y... n'a pas fait perdre aux époux I... de chance d'être exonérés totalement de l'impôt sur la plus-value », sur la considération qu' « en tout état de cause », la propriété de M. et Mme I... était « composée d'un terrain à bâtir » et sa cession ainsi soumise partiellement à l'impôt sur les plus-values, la Cour d'appel a dénaturé par omission lesdits trois documents, violant par suite le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) Alors que, en tout état de cause, il résulte clairement et sans ambiguïté de la proposition de rectification du 28 avril 2014, de la réponse de l'administration fiscale aux observations de M. et Mme I... en date du 27 janvier 2015 et du courrier de la Direction Générale des Finances Publiques à M. et Mme I... en date du 25 septembre 2015, documents produits et expressément invoqués par M. et Mme I..., que la vente de l'ensemble de leur propriété aurait été totalement exonérée d'imposition sur les plus-values, comme portant sur leur résidence principale au jour de la cession, avec ses dépendances immédiates et nécessaires, si cette vente avait eu lieu au profit d'un acquéreur désireux de conserver la propriété en l'état, sans projet aboutissant à la qualification d'une partie de cette propriété en terrain à bâtir, acquéreur qu'ils n'auraient pas manqué de rechercher et de trouver si Me Y... n'avait pas manqué à son obligation d'information et de conseil ; qu'en se fondant néanmoins, pour affirmer que « le manquement de Maître Y... n'a pas fait perdre aux époux I... de chance d'être exonérés totalement de l'impôt sur la plus-value », sur la considération qu' « en tout état de cause », la propriété de M. et Mme I... était « composée d'un terrain à bâtir » et sa cession ainsi soumise partiellement à l'impôt sur les plus-values, la Cour d'appel a dénaturé par omission lesdits trois documents, violant par suite le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) Alors que la Cour d'appel a constaté que M. et Mme I... ont signé le compromis de vente avec la société O.C.D.L. en juillet 2010, pour un prix de 1 550 000 euros présenté comme net de toute imposition sur les plus-values, mais qu'il leur a fallu attendre le 31 mai 2012 pour que soit enfin signé l'acte authentique de vente, pour le même prix de 1 550 000 euros à nouveau présenté par Me Y... comme net de toute imposition sur les plus-values ; que de ces motifs il résulte que M. et Mme I... n'avaient pas de contrainte de vente immédiate et que, s'ils avaient été informés des conséquences fiscales de la vente envisagée au profit de la société O.C.D.L., ils auraient pu se permettre d'y renoncer pour rechercher un autre acquéreur quant à lui sans projet aboutissant à la qualification d'une partie de cette propriété en terrain à bâtir et donc pour un résultat financier en définitive plus favorable ; qu'en se fondant néanmoins, pour affirmer que « le manquement de Maître Y... n'a pas fait perdre aux époux I... de chance d'être exonérés totalement de l'impôt sur la plus-value », sur la considération que M. et Mme I..., parce qu'ils avaient été contraints de vendre leur propriété, leur âge ne leur permettant plus de l'entretenir correctement, l'auraient de toute façon vendue dans les mêmes conditions, même s'ils avaient été mieux informés, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard des articles 1382 et suivants anciens du Code civil, devenus les articles 1240 et suivants du même Code ;

4°) Et alors que M. et Mme I..., dont il n'a été ni soutenu par Me Y... ni a fortiori retenu par la Cour d'appel qu'ils auraient eu la moindre connaissance en matière de droit fiscal, ignoraient légitimement que le projet de l'acquéreur de construire sur leur propriété pût conférer à tout ou partie de celle-ci la qualité de terrain à bâtir au sens du droit fiscal, avec les conséquences financières susceptibles d'en découler ; qu'il incombait donc à Me Y..., notaire intervenu pour rédiger l'acte authentique de vente et professionnel tenu d'une obligation d'information et de conseil au profit des parties, spécialement des parties profanes, de les éclairer sur ce point déterminant de leur consentement ; et que M. et à Mme I... étaient en droit de se fier à la mention, incluse par Me Y... dans l'acte authentique de vente, que la vente était exonérée d'imposition sur les plus-values ; qu'en se fondant néanmoins, pour affirmer que « le manquement de Maître Y... n'a pas fait perdre aux époux I... de chance d'être exonérés totalement de l'impôt sur la plus-value », sur la considération « que les époux I... avaient connaissance, dès le compromis, de ce qu'ils vendaient un terrain à bâtir », la Cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1382 et suivants anciens du Code civil, devenus les articles 1240 et suivants du même Code.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, qui a infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné Me Y... à payer à M. et Mme I... la somme principale de 265 248 euros à titre de dommages et intérêts au titre du redressement fiscal et, statuant à nouveau, limité la condamnation à dommages et intérêts de Me Y... au profit de M. et Mme I... à la somme principale de 20 348,46 euros au titre des intérêts de retard sur le paiement de l'impôt, et qui a infirmé le jugement entrepris également en ce qu'il avait débouté M. et Mme I... de leur demande au titre du préjudice moral, d'avoir limité la condamnation de Me Y... à ce dernier titre à la somme principale de 10 000 euros,

Aux motifs que « Sur la responsabilité du notaire :

L'acte de vente en page 8 déclare que la vente entre intégralement dans le cadre de l'exonération des plus-values.

Monsieur et Madame I... soutiennent qu'ils ont entendu vendre une propriété d'un seul tenant, mais que l'acte de Maître Y... distingue d'une part, la vente de la maison et d'autre part, celle d'un terrain à bâtir ; qu'en procédant de cette manière, Maître Y... a soustrait le terrain du bénéfice de l'article 150 U II-1° et 2° du code des impôts qui dispose que la plus-value réalisée lors de la cession de la résidence principale et ses dépendances immédiates est exonérée de l'impôt sur le revenu. Ils soutiennent que Maître Y... a manqué à son obligation de conseil en ne les informant pas des conséquences de cette division, allant jusqu'à mentionner dans l'acte que les époux I... sont exonérés de toute plus-value ; que cette mention a été déterminante de leur consentement à vendre dans ces conditions, qui n'auraient pas été les mêmes s'ils avaient vendu à un particulier.

L'acte comporte une mention erronée. Dès lors, Maître Y... a manqué à son obligation de conseil en ce qu'il n'a pas indiqué aux époux I... que la vente de leur propriété serait de nature, pour le terrain attenant à la partie bâtie, à générer un impôt sur les plus-values. Maître Y... reconnaît cette faute dans ses conclusions.

La responsabilité du notaire est ainsi engagée.

Sur le préjudice au titre du redressement fiscal :

Le préjudice qui résulte du manquement de Maître Y... au devoir de conseil s'analyse en une perte de chance qui ne peut donner lieu à réparation que s'il a eu pour conséquence la disparition certaine d'une éventualité favorable, en l'espèce, l'exonération totale à l'impôt sur les plus values.

Les faits se sont succédés ainsi :

* Les 5 et 15 juillet 2010, les époux I... et la société Omnium de Constructions Développements Locations, signent un compromis de vente du bien. Le bien est désigné comme comportant une maison d'habitation, un court de tennis, un puits, un terrain arboré clos de mur. La totalité pour une surface de 34 a 97 ca. La vente est conclue sous condition suspensive de l'obtention par l'acquéreur d'un permis de démolir la maison existante et un permis de construire un ensemble immobilier à usage d'habitation d'une SHON de 2 980 m² environ.

* Le 21 octobre 2010, la mairie ayant refusé le permis de démolir, l'acquéreur renonce à cette condition et maintient son intention d'acquérir et de déposer un permis de construire pour une SHON de 1 800 m² environ.

* Le 20 novembre 2010, les parties signent un avenant au compromis prévoyant la condition suspensive d'un permis de construire un ensemble immobilier à usage d'habitation, d'une SHON de 1 800 m² environ.

* Le 31 mai 2012, l'acte authentique de vente est signé par les parties. Le bien est désigné de façon identique au compromis. Le prix est de 1 550 000 euros, réparti à concurrence de 550 000 francs pour la maison et le terrain attenant (superficie de 11 a 69 ca) et de 1 000 000 euros pour le surplus d'u terrain d'une superficie de 23 a 28 ca. L'acte prévoit aussi que l'acquéreur a la jouissance immédiate du surplus du terrain et, au plus tard le 1er octobre 2012 pour la maison et le terrain attenant, alors occupés par les vendeurs.

Il ressort de cette chronologie que les époux I... avaient connaissance, dès le compromis, de ce qu'ils vendaient un terrain à bâtir. Ils avaient accepté, lors du compromis, que la partie à bâtir soit d'une surface plus important que celle retenue dans l'avenant et dans l'acte authentique.

Il ressort des dispositions de l'article 150 U du code général des impôts que sont exonérés de l'impôt sur les plus values, la vente des biens qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession, et les biens qui constituent les dépendances immédiates et nécessaires de cette résidence principale, à condition que leur cession intervienne simultanément avec celle desdits immeubles.

Il ressort des explications données par l'administration fiscale dans sa proposition de rectification, qu'elle considère qu'un terrain à bâtir ne peut être regardé comme une dépendance immédiate et nécessaire à la résidence principale ; qu'il en résulte que la vente d'un terrain à bâtir est soumise à l'imposition sur la plus-value. Elle précise que la qualification de terrain à bâtir est acquise, dès lors que des constructions peuvent être autorisées en application des documents d'urbanisme.

Ainsi, dès lors que la propriété des époux I... était en tout état de cause composée d'un terrain à bâtir, sa cession était en tout état de cause soumise partiellement à l'impôt sur les plus-values.

Dans leur acte introductif d'instance du 14 septembre 2016, les époux I... exposent qu'ils étaient contraints de vendre leur propriété au motif qu'ils ne pouvaient plus en assurer l'entretien quotidien. Dès lors qu'ils étaient contraints de vendre, les époux I..., même s'ils avaient été mieux informés, auraient vendu leur propriété et auraient été, hormis pour la maison et ses abords immédiats, soumis à l'impôt sur la plus-value.

Il résulte de tout ceci que le manquement de Maître Y... n'a pas fait perdre aux époux I... de chance d'être exonérés totalement de l'impôt sur la plus-value.

En revanche, s'ils avaient été mieux informés, ils auraient versé les droits immédiatement et n'auraient pas subi le paiement des intérêts de retard à hauteur de 20 554 euros que l'administration fiscale a ajouté au montant des droits de 244 694 euros. Ce préjudice n'est pas équivalent au montant des intérêts mais, compte tenu de ce que le notaire aurait déclaré cette plus value lors de la cession, il doit être estimé à 99 % du montant des intérêts.

Ainsi, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné Maître Y... à payer à Monsieur et Madame I... la somme de 265 248 euros de dommages et intérêts au titre de la réparation du redressement fiscal et le notaire sera condamné au paiement de la somme de 20 348,46 euros (20 554 euros x 99 %).

En application des dispositions de l'article 1153-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, les intérêts sur cette somme courront au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur le préjudice résultant de l'intervention d'un avocat fiscaliste :

(...)

Sur le préjudice moral :

Maître Y... est auxiliaire de justice, ce qui confère aux yeux du vendeur profane toute crédibilité sur les informations qu'il dispense. L'erreur qu'il a commise a empêché les époux I... d'anticiper un paiement qu'ils ont eu la désagréable surprise de se voir rappeler deux années plus tard, outre intérêts. Ils ont ainsi subi un préjudice moral et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il les a déboutés de ce chef de préjudice.

Ce préjudice sera justement réparé par une indemnité de 10 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt » ;

Alors que M. et Mme I... sollicitaient l'allocation d'une indemnité de 60 000 euros au titre de leur préjudice moral, en faisant valoir que s'ils avaient été informés des conséquences fiscales et financières de la vente à la société O.C.D.L., ils n'y auraient jamais consenti ; que pour limiter à la somme de 10 000 euros l'indemnité allouée à M. et Mme I... à ce titre, la Cour d'appel a dit que l'erreur commise par Me Y... « a empêché les époux I... d'anticiper un paiement qu'ils ont eu la désagréable surprise de se voir rappeler deux années plus tard, outre intérêts », retenant ainsi que leur seul préjudice à ce titre tenait au fait qu'ils n'avaient pas pu anticiper le paiement de l'imposition sur les plus-values et qu'ainsi, ils avaient dû verser et donc supporter des intérêts de retard ; que ce motif est ainsi dans un lien de dépendance nécessaire avec les motifs, critiqués par le premier moyen de cassation, selon lesquels, d'une part, la propriété de M. et Mme I... était en tout état de cause composée d'un terrain à bâtir de sorte que sa cession était nécessairement soumise pour partie à l'impôt sur les plus-values, d'autre part, M. et Mme I... étaient contraints de vendre et qu'ainsi, même s'ils avaient été mieux informés, ils auraient vendu leur propriété et auraient été, hormis pour la maison et ses abords immédiats, soumis à l'impôt sur la plusvalue ; que la censure de l'arrêt sur ce premier moyen entraînera donc la censure par voie de conséquence du chef de l'arrêt ayant limité à la somme de 10 000 euros l'indemnité allouée à M. et Mme I... au titre de leur préjudice moral, en application de l'article 624 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-16379
Date de la décision : 17/02/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 12 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 17 fév. 2021, pourvoi n°19-16379


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.16379
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