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10/02/2021 | FRANCE | N°19-11318

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 février 2021, 19-11318


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 février 2021

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 126 F-D

Pourvoi n° V 19-11.318

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 FÉVRIER 2021

M. U... M..., domicilié [...] , a formé le pour

voi n° V 19-11.318 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ au ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 février 2021

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 126 F-D

Pourvoi n° V 19-11.318

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 FÉVRIER 2021

M. U... M..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° V 19-11.318 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [...] ,

2°/ au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. M..., de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 janvier 2019), M. M... s'est acquitté, au titre de l'année 2012, de la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) instituée par l'article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012. Il a contesté la validité de cette contribution en raison de l'absence de tout dispositif de plafonnement et de son caractère confiscatoire.

2. Après rejet de sa réclamation, il a saisi le tribunal de grande instance pour demander l'annulation de cette décision et la restitution de l'impôt acquitté.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. M... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que si l'imposition fiscale est une ingérence autorisée dans le droit au respect des biens, les Etats doivent néanmoins respecter une base raisonnable dans l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques fiscales ; qu'ainsi, toute ingérence doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général pour assurer le paiement de l'impôt et l'impératif de protection du droit de propriété, de sorte qu'il doit y avoir un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi ; que le caractère excessif, attentatoire ou confiscatoire d'une imposition se mesure nécessairement à l'aune des revenus dont dispose celui qui la supporte ; que pour annuler les effets de l'allégement de l'impôt de solidarité sur la fortune décidé en 2011, en vue du redressement des finances publiques, l'article 4 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 a institué, à la charge des redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, au titre de la seule année 2012, une CEF calculée selon un tarif progressif identique à celui appliqué pour le calcul de l'ISF au titre de 2011 ; que la CEF 2012 a ainsi permis de réinstaurer le barème de l'impôt sur la fortune en vigueur avant 2012, sans toutefois remettre en place les mécanismes de plafonnement dont était assortie l'ancienne mouture de l'impôt de solidarité sur la fortune ; qu'ainsi, la CEF ne prévoyait aucun dispositif de plafonnement destiné à éviter aux redevables de l'ISF d'être victimes d'une captation fiscale de leurs revenus ; que si la contribution litigieuse a été présentée comme une contribution exceptionnelle, elle n'en avait que l'appellation, mais en aucun cas les caractéristiques ; qu'il s'agissait en réalité d'une majoration des droits qui avaient d'ores et déjà été acquittés au titre de l'ISF 2012, et de la préfiguration du retour à l'ancien barème qui est intervenu à l'occasion de la loi de finances pour 2013 ; que, dans ce contexte, il est manifeste que l'impôt demandé au contribuable était pérenne, raison pour laquelle il convenait de le plafonner ; qu' il n'était pas contesté que l'imposition du patrimoine de M. M... au 1er janvier 2012 a dépassé, dans une très large mesure, le revenu fiscal de référence déclaré par l'intéressé au titre de l'année 2011 ; qu' en jugeant pourtant que la contribution litigieuse mise à la charge de M. M... n'était pas confiscatoire, bien que dépourvue de tout mécanisme de plafonnement, en raison de son caractère exceptionnel, de la circonstance qu'elle correspondait à 1,057 % du patrimoine imposable déclaré par le contribuable et que le contribuable ne justifiait pas avoir été contraint de céder une partie de son patrimoine pour s'en acquitter, la cour d'appel a violé l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'un impôt est confiscatoire s'il conduit à l'absorption intégrale des revenus disponibles du contribuable ou s'il conduit à l'aliénation forcée d'une partie du patrimoine du contribuable, ou encore s'il conduit à une diminution du patrimoine du contribuable, ou enfin s'il conduit à une expropriation du contribuable ; qu'en l'espèce, M. M... avait établi qu'il s'est acquitté de la somme de 338 184 euros au titre de la CEF 2012, portant l'imposition annuelle de son patrimoine à 453 153 euros (ISF d'un montant de 114 969 euros et une CEF de 338 184 euros) ; que son avis d'impôt sur le revenu de l'année précédente faisait apparaître un revenu fiscal de référence s'élevant à un montant de 123 241 euros ; qu'il en résulte que le total des impôts mis à sa charge au cours de l'année 2012, à savoir 453 153 euros, était très supérieur à son revenu fiscal de référence de 123 241 euros ; qu'en jugeant, par motifs propres et adoptés, que M. M... ne justifiait pas qu'il ait été contraint de céder une partie de son patrimoine pour s'acquitter de la CEF, ni même que son patrimoine ait diminué sur la période considérée, sans constater que la contribution litigieuse avait conduit à l'absorption intégrale des revenus disponibles du contribuable et que le montant de l'impôt exigible n'avait pas été atténué et corrigé par l'application d'un plafonnement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu'une imposition est confiscatoire et contraire à ce titre à l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lorsqu'elle constitue une charge dépassant les revenus annuels du contribuable ; qu'en l'espèce, M. M... avait établi qu'il s'était acquitté de la somme de 338 184 euros au titre de la CEF 2012, portant l'imposition annuelle de son patrimoine à 453 153 euros (ISF d'un montant de 114 969 euros et une CEF de 338 184 euros) ; que son avis d'impôt sur le revenu de l'année précédente faisait apparaître un revenu fiscal de référence s'élevant à un montant de 123 241 euros, près de six fois inférieur au montant de l'impôt ; qu'il en résulte que le total des impôts mis à sa charge au cours de l'année 2012, à savoir 453 153 euros, était très supérieur à son revenu fiscal de référence de 123 241 euros ; que cette ponction était manifestement disproportionnée au regard de l'intérêt général poursuivi et en l'absence de tout mécanisme de plafonnement ; qu'ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une violation de l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par refus d'application ;

4°/ que l'article 4 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 a institué, à la charge des redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, au titre de la seule année 2012, une CEF calculée selon un tarif progressif identique à celui appliqué pour le calcul de l'ISF au titre de 2011 ; qu'il résulte des dispositions de l'article 885 A du code général des impôts que les conditions d'assujettissement à l'ISF s'apprécient au 1er janvier de chaque année d'imposition ; que M. M... s'est acquitté de la CEF pour 338 184 euros ; qu'après avoir relevé que ce montant a été calculé après imputation de l'ISF 2012, sur la base de la déclaration de son patrimoine net imposable au 1er janvier 2012, de sorte que le caractère confiscatoire de cet impôt devait être apprécié en rapprochant son montant de celui des revenus nets perçus par le contribuable au titre de l'année 2011, l'arrêt, qui a refusé de comparer le total des impôts mis à sa charge au cours de l'année 2012, à savoir 453 153 euros, par rapport à son revenu fiscal de référence d'un montant de 123 241 euros, a violé l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

4. Après avoir énoncé, par motifs propres et adoptés, qu'une ingérence dans le droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, de sorte que l'obligation financière née du prélèvement d'impôt ou de contribution peut léser cette garantie si elle impose à la personne en cause une charge excessive ou porte fondamentalement atteinte à sa situation financière, et relevé que la CEF avait pour objet de réduire le déficit public pour 2012 et qu'elle n'a été perçue qu'une seule fois, l'arrêt constate que cette contribution, d'un montant initial de 338 184 euros, s'est élevée, pour M. M..., à la somme de 178 215 euros après imputation de l'ISF.

5. L'arrêt relève encore, par motifs propres et adoptés, que l'imposition du patrimoine de M. M... ne représente que 1,05 % de son patrimoine imposable. Il relève encore que son revenu fiscal de référence pour l'année 2011, qui ne permet pas à lui seul d'établir le caractère confiscatoire de cet impôt, n'a représenté que 0,40 % de son patrimoine déclaré au 1er janvier 2012, ce qui résulte des choix de gestion de M. M... qui ne participent pas d'impératifs protégés par le premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il relève enfin que M. M... ne rapporte pas la preuve de ce que l'acquittement de la CEF, dont le plafonnement ne s'imposait pas, aurait conduit à l'absorption intégrale de ses revenus disponibles et à l'aliénation de tout ou partie de son patrimoine.

6. En l'état de ces motifs, dont il résulte que le paiement de la CEF n'avait pas constitué, pour M. M..., une charge excessive au regard de sa situation patrimoniale, la cour d'appel a pu écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen, qui manque en fait dans sa quatrième branche, n'est donc pas fondé.

7. Dans la mesure où la Cour a pu faire application des principes dégagés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, il n'y a pas lieu de saisir celle-ci pour avis.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. M... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. M... et le condamne à payer au directeur général des finances publiques et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour M. M....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a débouté monsieur U... M... de l'ensemble de ses demandes tendant au dégrèvement de la somme de 338 184 euros dont il s'est acquitté au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune et qui a confirmé la décision de rejet du 22 avril 2015,

Aux motifs propres que « la CEF s'inscrit dans le droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur des lois qui assurent le paiement de l'impôt dès lors que ces principes de fonctionnement et modalités de calcul sont précisés par une loi conforme à la constitution ; que la CEF est exigible au titre de la seule année 2012 et le montant brut de cet impôt est établi après déduction de l'ISF ; que le droit à restitution acquis en application des articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts au titre des impositions afférentes aux revenus réalisés en 2010, en s'imputant sur l'ISF dû au titre de l'année 2012 pour les contribuables redevables de cet impôt, produit ses effets sur la cotisation d'ISF due 2012 ; que le plafonnement de la CEF ne s'impose pas, étant un impôt qui a pour assiette le patrimoine indépendamment du niveau des revenus ; que si l'imposition du patrimoine de Monsieur M... a dépassé son revenu fiscal de référence en 2011, elle n'a représenté que 1,057 % du patrimoine imposable (31 993 805 €) ; que la seule comparaison avec le revenu fiscal de référence ne permet pas d'établir le caractère confiscatoire d'un impôt assis sur le patrimoine, ce qui traduit, ainsi que l'a relevé le tribunal, des choix de gestion qui ne participent pas d'impératifs protégés par le protocole invoqué et qui ne sauraient être opposés à l'administration fiscale pour l'évaluation de la faculté contributive ; qu'il est souligné que Monsieur M... ne justifie pas avoir été contraint de céder une partie de son patrimoine pour s'acquitter de cette imposition ; qu'il est précisé que Monsieur M... a été en mesure de déduire le montant brut de l'ISF au titre de l'année 2012, soit 159 969 euros dont 21 081 € ont été réglés par l'imputation d'une créance sur le trésor public de bouclier fiscal qu'il détenait 2011 ; que la CEF ne présente pas un caractère confiscatoire et ne comporte pas violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH ; que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions » ;

Aux motifs adoptés qu'« il doit être rappelé que jusqu'à l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2011, un mécanisme de plafonnement spécifique était appliqué afin que le montant cumulé de l'impôt de solidarité sur la fortune et des impôts dus en France, à l'exclusion de la taxe foncière et la taxe d'habitation, et à l'étranger, au titre des revenus et produits de l'année précédente, ne pût excéder 85 % des revenus perçus au titre de cette même année par le redevable de l'impôt ; qu'à compter de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012, la réforme de la fiscalité du patrimoine institué par la loi du 29 juillet 2011 a notamment eu pour principal objet de simplifier le tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune en instituant deux tranches d'imposition et un taux marginal d'imposition réduit, à savoir 0,50 % au lieu de 1,8 %, si bien que, compte tenu de l'abaissement du taux marginal d'imposition opéré, le législateur n'a pas conservé le mécanisme de plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune ; qu'en revanche, l'instauration de la contribution exceptionnelle sur la fortune par la loi du 16 août 2012 n'a pas été accompagnée d'une mesure de rétablissement d'un mécanisme de plafonnement de l'impôt ; que l'exposé des motifs de la loi du 16 août 2012 précise que la contribution exceptionnelle sur la fortune a eu pour objet de réduire le déficit public pour 2012 en faisant participer les contribuables les plus aisés de façon à répartir équitablement la charge fiscale supplémentaire ; que dès lors, cette réduction caractérise les exigences de l'intérêt général de la communauté, au sens de la Convention, exigences que le demandeur n'allègue pas être déraisonnables ; qu'au surplus, la contribution critiquée a eu un caractère exceptionnel et n'a pas été maintenue au-delà de l'année 2012, ce qui (
) est un élément participant du juste équilibre qui est recherché ; qu'au reste, ce dernier a été en mesure de déduire de la contribution exceptionnelle sur la fortune, le montant brut de l'impôt de solidarité sur la fortune due au titre de l'année 2012, soit 159 969 €, dont 21 081 € était réglé par imputation d'une créance due sur le Trésor public à raison du plafonnement de l'imposition au regard de ses revenus antérieurs, laquelle compensation, inhérente à l'institution critiquée, a pour effet objectif de limiter le règlement ; que si cette imposition de son patrimoine a dépassé son revenu fiscal de référence en 2011, dans la mesure où il résulte de son avis d'imposition qu'il a déclaré percevoir des salaires de 14 606 €, des revenus mobiliers soumis à prélèvement libératoire de 106 976 €, des revenus d'actions et de parts de 555 €, des plus-values sur valeurs mobilières de 16 265 € et des revenus fonciers de 6 765 €, il doit être relevé qu'elle correspond à 1,05 % du patrimoine imposable ; que le revenu fiscal de référence de l'année 2011 n'a représenté cette année que 0,40 % du patrimoine déclaré au 1er janvier 2012, ce qui relève manifestement de choix de gestion, qui ne participent pas d'impératifs protégés par le protocole invoqué et qui ne sauraient être opposés à l'administration pour l'évaluation de la faculté contributive ; qu'encore il ne justifie pas avoir été contraint de céder une partie de son patrimoine pour s'acquitter de cette imposition, se bornant à déduire de l'insuffisance de ses revenus de 2011 la nécessité d'une telle aliénation, et ce alors même, comme le remarque l'administration fiscale, que la valeur de son patrimoine, telle qu'exprimée par ses déclarations à l'impôt de solidarité sur la fortune, a crû depuis 2012, et qu'il ne s'explique pas plus sur ses revenus perçus cette année, qui lui auraient permis de régler la contribution querellée, exigible au mois de novembre 2012 ; qu'en conséquence, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur le caractère latent ou pas de ses revenus, n'étant en la cause que la réalité, ou pas, de la confiscation alléguée, dont la charge de la preuve incombe au contribuable, force est de constater que Monsieur U... M... échoue à établir que la contribution exceptionnelle sur la fortune acquittée en 2012 aurait conduit à l'absorption intégrale de ses revenus disponibles et à l'aliénation de partie de son patrimoine, en sorte que l'imposition litigieuse aurait présenté un caractère excessif et une atteinte fondamentale à sa situation financière ; qu'il ne peut être suivi en sa demande de dégrèvement, qui doit être rejetée » ;

1° Alors, en premier lieu, que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que si l'imposition fiscale est une ingérence autorisée dans le droit au respect des biens, les Etats doivent néanmoins respecter une base raisonnable dans l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques fiscales ; qu'ainsi, toute ingérence doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général pour assurer le paiement de l'impôt et l'impératif de protection du droit de propriété, de sorte qu'il doit y avoir un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi ; que le caractère excessif, attentatoire ou confiscatoire d'une imposition se mesure nécessairement à l'aune des revenus dont dispose celui qui la supporte ; que pour annuler les effets de l'allégement de l'impôt de solidarité sur la fortune décidé en 2011, en vue du redressement des finances publiques, l'article 4 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 a institué, à la charge des redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, au titre de la seule année 2012, une contribution exceptionnelle sur la fortune calculée selon un tarif progressif identique à celui appliqué pour le calcul de l'ISF au titre de 2011 ; que la contribution exceptionnelle sur la fortune 2012 a ainsi permis de réinstaurer le barème de l'impôt sur la fortune en vigueur avant 2012, sans toutefois remettre en place les mécanismes de plafonnement dont était assortie l'ancienne mouture de l'impôt de solidarité sur la fortune ; qu'ainsi, la contribution exceptionnelle sur la fortune ne prévoyait aucun dispositif de plafonnement destiné à éviter aux redevables de l'ISF d'être victime d'une captation fiscale à leurs revenus ; que si la contribution litigieuse a été présentée comme une contribution exceptionnelle, elle n'en avait que l'appellation, mais en aucun cas les caractéristiques ; qu'il s'agissait en réalité d'une majoration des droits qui avaient d'ores et déjà été acquittés au titre de l'ISF 2012, et de la préfiguration du retour à l'ancien barème qui est intervenu à l'occasion de la loi de finances pour 2013 ; que, dans ce contexte, il est manifeste que l'impôt demandé au contribuable était pérenne, raison pour laquelle il convenait de le plafonner ; qu' il n'était pas contesté que l'imposition du patrimoine de monsieur M... au 1er janvier 2012 a dépassé, dans une très large mesure, le revenu fiscal de référence déclaré par l'intéressé au titre de l'année 2011 ; qu' en jugeant pourtant que la contribution litigieuse mise à la charge de Monsieur M... n'était pas confiscatoire, bien que dépourvue de tout mécanisme de plafonnement, en raison de son caractère exceptionnel, de la circonstance qu'elle correspondait à 1,057 % du patrimoine imposable déclaré par la contribuable et que le contribuable ne justifiait pas avoir été contraint de céder une partie de son patrimoine pour s'en acquitter, la cour d'appel a violé l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2° Alors, en deuxième lieu, qu' un impôt est confiscatoire s'il conduit à l'absorption intégrale des revenus disponibles du contribuable ou s'il conduit à l'aliénation forcée d'une partie du patrimoine du contribuable, ou encore s'il conduit à une diminution du patrimoine du contribuable, ou enfin s'il conduit à une expropriation du contribuable ; qu'en l'espèce, Monsieur U... M... avait établi qu'il s'est acquitté de la somme de 338 184 € au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune 2012, portant l'imposition annuelle de son patrimoine à 453 153 € (ISF d'un montant de 114 969 € et une contribution exceptionnelle sur la fortune de 338 184 €) ; que son avis d'impôt sur le revenu de l'année précédente faisait apparaître un revenu fiscal de référence s'élevant à un montant de 123 241 € ; qu'il en résulte que le total des impôts mis à sa charge au cours de l'année 2012, à savoir 453 153 €, était très supérieur à son revenu fiscal de référence de 123 241 € ; qu' en jugeant, par motifs propres et adoptés, que Monsieur U... M... ne justifiait pas qu'il ait été contraint de céder une partie de son patrimoine pour s'acquitter de la contribution exceptionnelle sur la fortune, ni même que son patrimoine ait diminué sur la période considérée, sans constater que la contribution litigieuse avait conduit à l'absorption intégrale des revenus disponibles du contribuable et que le montant de l'impôt exigible n'avait pas été atténué et corrigé par l'application d'un plafonnement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3° Alors, en troisième lieu, qu'une imposition est confiscatoire et contraire à ce titre à l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lorsqu'elle constitue une charge dépassant les revenus annuels du contribuable ; qu'en l'espèce, monsieur U... M... avait établi qu'il s'était acquitté de la somme de 338 184 € au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune 2012, portant l'imposition annuelle de son patrimoine à 453 153 € (ISF d'un montant de 114 969 € et une contribution exceptionnelle sur la fortune de 338 184 €) ; que son avis d'impôt sur le revenu de l'année précédente faisait apparaître un revenu fiscal de référence s'élevant à un montant de 123 241 €, près de six fois inférieur au montant de l'impôt ; qu'il en résulte que le total des impôts mis à sa charge au cours de l'année 2012, à savoir 453 153 €, était très supérieur à son revenu fiscal de référence de 123 241 € ; que cette ponction était manifestement disproportionnée au regard de l'intérêt général poursuivi et en l'absence de tout mécanisme de plafonnement ; qu'ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une violation de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par refus d'application ;

4° Alors, en quatrième lieu, que l'article 4 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 a institué, à la charge des redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, au titre de la seule année 2012, une contribution exceptionnelle sur la fortune calculée selon un tarif progressif identique à celui appliqué pour le calcul de l'ISF au titre de 2011 ; qu'il résulte des dispositions de l'article 885 A du code général des impôts que les conditions d'assujettissement à l'ISF s'apprécient au 1er janvier de chaque année d'imposition ; que monsieur M... s'est acquitté de la contribution exceptionnelle sur la fortune pour 338 184 € ; qu'après avoir relevé que ce montant a été calculé après imputation de l'ISF 2012, sur la base de la déclaration de son patrimoine net imposable au 1er janvier 2012, de sorte que le caractère confiscatoire de cet impôt devait être apprécié en rapprochant son montant de celui des revenus nets perçus par le contribuable au titre de l'année 2011, l'arrêt, qui a refusé de comparer le total des impôts mis à sa charge au cours de l'année 2012, à savoir 453 153 €, par rapport à son revenu fiscal de référence d'un montant de 123 241 €, a violé l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-11318
Date de la décision : 10/02/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 fév. 2021, pourvoi n°19-11318


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.11318
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