La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/02/2021 | FRANCE | N°18-26716

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 février 2021, 18-26716


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 février 2021

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 145 F-D

Pourvoi n° M 18-26.716

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 FÉVRIER 2021

Mme L... D..., domiciliée [...] , a formé

le pourvoi n° M 18-26.716 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2018 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 février 2021

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 145 F-D

Pourvoi n° M 18-26.716

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 FÉVRIER 2021

Mme L... D..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° M 18-26.716 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2018 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à M. N... E..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme D..., et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 25 octobre 2018), un jugement du 7 mars 2014 a prononcé la résolution de la vente d'un véhicule conclue entre Mme D... et la société Autottiki, en raison des vices cachés affectant le bien cédé, et a condamné la seconde à rembourser le prix de vente à la première, avec exécution provisoire.

2. Saisie, le 7 mai 2014, de l'appel de la société Autottiki, une cour d'appel a radié l'affaire pour défaut d'exécution du jugement.

3. Ayant ultérieurement appris que la société Autottiki avait fait l'objet d'une liquidation amiable, clôturée le 8 avril 2014, et qu'elle avait été radiée du registre du commerce et des sociétés au cours du même mois, Mme D... a assigné M. E..., en sa qualité de liquidateur amiable de la société Autottiki, en responsabilité.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme D... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir condamner M. E... à lui payer une certaine somme au titre de l'indemnisation de son véhicule et aux dépens afférents aux procédures devant le juge des référés, devant le tribunal de grande instance et devant la cour d'appel, alors « que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision, et qu'en l'absence d'actif social suffisant pour apurer le passif, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le liquidateur amiable de la société Autottiki n'avait pas provisionné la créance de Mme D... avant de clôturer la liquidation amiable et qu'il aurait dû déposer le bilan auprès du tribunal de commerce, la cour d'appel a estimé que Mme D... n'avait été privée d'aucune chance de participer au boni de liquidation dès lors que le compte définitif de liquidation amiable avait fait ressortir un solde négatif de 24 728 euros, comptes sociaux arrêtés au 31 décembre 2013 à l'appui, et que cette perte s'était imputée à due concurrence du solde négatif sur le compte courant ouvert à son nom dans les livres de la société ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le liquidateur amiable rapportait la preuve de l'absence de toute chance de recouvrement de sa créance, par Mme D..., dans le cadre d'une procédure collective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 237-12 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, et l'article L. 237-12, alinéa 1er, du code de commerce :

5. Aux termes du premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon le second, le liquidateur d'une société est responsable, à l'égard tant de celle-ci que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions.

6. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par Mme D..., l'arrêt, après avoir énoncé que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision, retient que, si M. E... a commis une faute engageant sa responsabilité personnelle en s'abstenant de provisionner la créance de Mme D... avant la clôture de la liquidation amiable, et en ne demandant pas l'ouverture d'une procédure collective s'il constatait que l'actif était insuffisant pour répondre du passif, il justifie du défaut de boni de liquidation à la date où la créance de Mme D... est devenue exigible, le procès-verbal de l'assemblée du 12 mars 2014 établissant que le compte définitif de liquidation faisait ressortir un solde négatif de 24 728 euros. L'arrêt en déduit que la perte de chance de Mme D... de participer au boni de liquidation après la faute du liquidateur amiable était nulle.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher si Mme D... n'avait pas été privée d'une chance de recouvrer tout ou partie de sa créance dans le cadre de la procédure collective qui aurait dû être ouverte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. E... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. E... à payer à Mme D... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme D....

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mme D... de ses demandes tendant à voir condamner M. E... à lui payer la somme de 13 860 euros au titre de l'indemnisation de son véhicule ainsi que les entiers dépens de la procédure de référé-expertise, aux dépens de la procédure de première instance devant le tribunal de grande instance de Bayonne et aux dépens d'appel devant la cour d'appel de Pau ;

Aux motifs qu'en application de l'article L. 237-12 du code de commerce, le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions ; qu'il appartient au créancier d'établir le fait que la faute du liquidateur amiable est la cause du préjudice qu'il subit ; qu'en l'espèce, L... D... établit qu'elle avait une créance exigible fondée sur le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne du 7 mars 2014, ayant condamné la société Autottiki à lui régler la somme de 13 860 euros ; que cette condamnation est désormais définitive après l'ordonnance de radiation du 15 octobre 2014 en appel ; que sur demande d'exécution de la décision du 30 décembre 2041, le représentant de la société Autottiki a précisé que la société avait été radiée en avril 2014 et que la procédure avait été clôturée au 8 avril 2014 ; qu'or la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision ;
que le liquidateur amiable ne pouvait clôturer la procédure de liquidation amiable le 8 avril 2014 alors qu'il avait nécessairement connaissance de la condamnation de la société par jugement du tribunal de grande instance de Bayonne du 7 mars 2014 dont la société Autottiki a relevé appel dès le 7 mai 2014, et avant radiation de l'instance d'appel le 15 octobre 2014 ; que la faute du liquidateur est établie puisqu'il ne démontre pas qu'il avait provisionné la créance de L... D... avant la clôture de la liquidation amiable et qu'il aurait dû déposer le bilan auprès du tribunal de commerce ; que sur le préjudice, N... E... invoque la perte de chance du créancier de participer à l'éventuelle distribution du boni de liquidation puisqu'il ne peut prétendre obtenir davantage que ce qu'il aurait obtenu si le liquidateur n'avait pas commis de faute ; que N... E... justifie du défaut de boni de liquidation à la date où la créance de L... D... est devenue exigible puisqu'il ressort du procès-verbal de l'assemblée de la société, à associée unique, du 12 mars 2014, que le compte définitif de liquidation a fait ressortir un solde négatif de 24 728 euros, comptes sociaux arrêtés au 31 décembre 2013 à l'appui, et que cette perte s'est imputée à due concurrence du solde négatif sur le compte courant ouvert à son nom dans les livres de la société ; que dès lors, la perte de chance de participer au boni de liquidation après la faute du liquidateur est nulle ; qu'il convient d'infirmer le jugement et de débouter L... D... de sa demande en paiement de dommages et intérêts ; que par ailleurs, le tribunal de commerce de Bayonne a commis une erreur d'appréciation en condamnant M. E... à des dépens qui ne dépendaient pas de la seule instance objet du litige et notamment aux entiers dépens de la procédure de référé expertise, de la procédure de première instance devant le tribunal de grande instance de Bayonne et aux dépens d'appel devant la cour d'appel de Pau, au lieu, le cas échéant si L... D... l'avait demandé, d'allouer des dommages et intérêts pour les dépens avancés dans des procédures connexes par L... D... ; qu'eu égard à la situation des parties et à la faute retenue à l'encontre du liquidateur amiable, N... D... sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles ;

Alors 1°) que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision, et qu'en l'absence d'actif social suffisant pour apurer le passif, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le liquidateur amiable de la société Autottiki n'avait pas provisionné la créance de Mme D... avant de clôturer la liquidation amiable et qu'il aurait dû déposer le bilan auprès du tribunal de commerce, la cour d'appel a estimé que Mme D... n'avait été privée d'aucune chance de participer au boni de liquidation dès lors que le compte définitif de liquidation amiable avait fait ressortir un solde négatif de 24 728 euros, comptes sociaux arrêtés au 31 décembre 2013 à l'appui, et que cette perte s'était imputée à due concurrence du solde négatif sur le compte courant ouvert à son nom dans les livres de la société ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le liquidateur amiable rapportait la preuve de l'absence de toute chance de recouvrement de sa créance, par Mme D..., dans le cadre d'une procédure collective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 237-12 du code de commerce ;

Alors 2°) que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, il résultait de ses conclusions d'appel que Mme D... sollicitait, sur le fondement de l'article L. 237-12 du code de commerce, la condamnation de M. E..., ès qualité de liquidateur amiable de la société Autottiki, à lui payer des sommes à titre de dommages et intérêts en raison de sa faute commise dans le cadre des opérations de liquidation amiable et l'ayant privé de la possibilité de produire ses créances dans le cadre d'une procédure collective ; qu'elle sollicitait à ce titre les sommes de 13 860 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à l'indemnisation du véhicule, 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais de gardiennage et au titre de son préjudice de jouissance, ainsi que le montant des entiers dépens de la procédure de référé expertise, de la procédure de première instance devant le tribunal de grande instance de Bayonne et de la procédure devant la cour d'appel ; qu'en retenant que Mme D... n'avait pas demandé à se voir allouer des dommages et intérêts pour les dépens avancés dans des procédures connexes par L... D..., la cour d'appel a méconnu l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-26716
Date de la décision : 10/02/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 25 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 fév. 2021, pourvoi n°18-26716


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.26716
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award