La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/02/2021 | FRANCE | N°18-23398

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 février 2021, 18-23398


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 février 2021

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 138 F-D

Pourvoi n° E 18-23.398

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 FÉVRIER 2021

1°/ M. W... Q... ,

2°/ M

me V... J..., épouse Q... ,

domiciliés [...] ),

ont formé le pourvoi n° E 18-23.398 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2018 par la cour d'appel de Paris (...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 février 2021

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 138 F-D

Pourvoi n° E 18-23.398

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 FÉVRIER 2021

1°/ M. W... Q... ,

2°/ Mme V... J..., épouse Q... ,

domiciliés [...] ),

ont formé le pourvoi n° E 18-23.398 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige les opposant :

1°/ à M. U... Q... , pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ancien gérant de la Société d'investissement et de participation parisienne (SIPP),

2°/ à Mme L... G..., épouse Q... ,

domiciliés [...] ,
3°/ à Mme H... Q... , domiciliée [...] , demeurant également [...],

4°/ à Mme I... Q... , domiciliée [...] , demeurant également [...],

5°/ à M. D... K..., domicilié [...] ,

6°/ à M. Y... K..., domicilié [...] ,

7°/ à M. E... P..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ancien liquidateur de la Société d'investissement et de participation parisienne (SIPP),

8°/ à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. X... T..., prise en qualité de liquidateur de la Société d'investissement et de participation parisienne (SIPP), nommé en remplacement de M. E... P...,

9°/ à la Société d'investissement et de participation parisienne (SIPP), société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

10°/ à la société Gab, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

11°/ à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , en la personne de M. C... B..., domicilié en cette qualité [...], prise en qualité de mandataire ad hoc de la Société d'investissement et de participation parisienne (SIPP),

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. W... Q... et de Mme V... J..., épouse W... Q... , et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. W... Q... et à Mme V... J..., épouse Q... , (M. et Mme Q... ) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Société d'investissement et de participation parisienne (la société SIPP), M. P..., en son nom propre et en qualité d'ancien liquidateur de la société SIPP, et la SCP [...], en qualité de liquidateur de la société SIPP.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 juin 2018), M. et Mme Q... étaient associés, avec M. U... Q... et Mmes L..., H... et I... Q... (les consorts Q... ), de la société SIPP. M. U... Q... était gérant de cette société et président du conseil d'administration de la société Hôtel Royal Voltaire (la société HRV), détenue par la société SIPP et ses associés.

3. Le 1er mars 2002, la société HRV a été vendue à la société GAB, à Mme I... K..., à MM. M..., F... , D... et Y... K... et à M. N....

4. Soutenant que des assemblées générales de la société SIPP se seraient tenues à leur insu afin de procéder à une augmentation de capital conduisant à la dilution de leur participation et d'autoriser, ainsi sans leur accord, la cession des actions de la société HRV, M. et Mme Q... ont, par acte du 22 mai 2008, agi en annulation des assemblées générales de la SIPP tenues depuis le 22 juin 1993, puis, par acte du 9 mai 2009, en annulation de la cession de la société HRV datée du 1er mars 2002. Les consorts Q... leur ont opposé la prescription de leurs actions.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. M. et Mme Q... font grief à l'arrêt de dire prescrites et irrecevables les actions en annulation des assemblées générales de la société SIPP tenues avant le 23 mai 2005 et de celles tenues avant le 10 mai 2006 pour la vente des actions de la société HRV, de dire prescrites et irrecevables leurs demandes subsidiaires en paiement du prix de cession des actions de la société HRV et de rejeter leurs autres demandes, alors « que la preuve de l'existence et de la régularité d'une convocation à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée incombe à son gérant ; qu'en retenant que faute pour eux de produire l'ensemble des convocations versées aux débats en première instance par M. U... Q... , gérant de la société SIPP, pour établir qu'ils avaient été convoqués aux assemblées générales litigieuses, les époux Q... n'établissaient pas l'irrégularité de ces convocations, et qu'ils ne démontraient pas que les convocations produites avaient été envoyées à une adresse erronée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 (devenu 1353) du code civil, ensemble les articles 1304 (devenu 1144) et 1844-14 du code civil, les articles 2241 et 2242 du code civil, et l'article L. 235-9 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

6. Selon ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

7. Pour dire irrecevables, comme prescrites, les actions en annulation des assemblées générales de la société SIPP tenues avant le 23 mai 2005 et de celles tenues avant le 10 mai 2006 pour la vente des actions de la société HRV, dire prescrites et irrecevables les demandes subsidiaires de M. et Mme Q... en paiement du prix de cession des actions de la société HRV et rejeter leurs autres demandes, l'arrêt retient que les premiers juges ont expressément constaté que toutes les convocations requises avaient été produites par M. U... Q... , que M. et Mme Q... ne les ont pas toutes produites en appel et ne démontrent pas qu'elles ne leur ont pas été valablement adressées. Il en déduit que le délai de prescription de trois ans de l'article 1844-14 du code civil a couru à compter de la tenue des assemblées, de sorte que les demandes en annulation sont irrecevables comme prescrites.

8. En statuant ainsi, alors que la preuve de l'existence et de la régularité d'une convocation à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée incombe à son gérant et que celui-ci, non comparant en cause d'appel, n'avait pas produit devant les juges du second degré les éléments de preuve qu'il avait soumis au tribunal, comme l'article 132 du code de procédure civile lui en faisait obligation, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

Et sur ce premier moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

9. M. et Mme Q... font le même grief à l'arrêt, alors « que lorsque l'écriture ou la signature d'un acte sous seing privé est déniée, il incombe au juge de vérifier l'écrit contesté, à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte ; qu'en l'espèce, les époux Q... contestaient avoir signé les pouvoirs, versés aux débats en première instance par M. U... Q... , par lesquels ils auraient donné mandat à ce dernier de vendre les actions qu'ils détenaient chacun dans le capital de la société HRV ; qu'en écartant ce moyen sans procéder à la vérification des signatures portées sur les pouvoirs, le cas échéant en sollicitant la production des originaux par les défendeurs, la cour d'appel a violé les articles 287 et 288 du code civil, ensemble l'article 1324 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 (nouvel article 1373 du code civil). »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1324 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et les articles 287 et 288 du code de procédure civile :

10. Il résulte de ces textes que la vérification d'écriture doit être faite au vu de l'original de l'écrit contesté.

11. Pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que M. et Mme Q... prétendent, sans l'établir, que les pouvoirs datés des 28 octobre 2001 et 10 février 2002 autorisant M. U... Q... à vendre les actions qu'ils détenaient dans la société HRV, et qu'ils produisent aujourd'hui en copie, seraient des faux. Il retient encore qu'ils n'apportent aucun élément tendant à établir que ces pouvoirs ne seraient pas signés de leur main, étant relevé la similitude des signatures figurant sur les pouvoirs incriminés et sur les pièces d'identité alors jointes, de sorte qu'ils ne peuvent se limiter à demander la production des originaux en vue d'une expertise graphologique sans verser un spécimen de leurs signatures qui tendraient à étayer leurs affirmations.

12. En statuant ainsi, en se fondant sur des copies des procurations litigieuses, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit prescrites et irrecevables les actions en nullité des assemblées générales de la SARL SIPP tenues avant le 23 mai 2005 et de celles tenues avant le 10 mai 2006 pour la vente des actions de la société Hôtel Royal Voltaire, rejette les autres demandes de M. W... Q... et Mme V... J..., épouse Q... , et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. U... Q... et Mmes L..., H... et I... Q... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. U... Q... et Mmes L..., H... et I... Q... à payer à M. W... Q... et Mme V... J..., épouse Q... , la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. W... Q... et Mme V... J..., épouse W... Q... .

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit prescrites et irrecevables les actions en nullité des assemblées générales de la SARL SIPP tenues avant le 23 mai 2005, et celles tenues avant le 10 mai 2006 pour la vente des actions de la société HRV, d'avoir dit prescrites et irrecevables les demandes subsidiaires de Monsieur W... Q... et de Madame V... J... épouse Q... en paiement du prix de cession des actions de la société HRV, d'avoir débouté M. W... Q... et son épouse Mme V... J... de leurs autres demandes,

Aux motifs propres que « A titre liminaire, il convient de retenir que M. U... Q... , attrait notamment en paiement par M. et Mme W... Q... , avait qualité pour opposer à ces derniers la prescription de leurs demandes. Pour soutenir que la prescription n'est pas acquise, M. et Mme W... Q... prétendent que les convocations aux assemblées des 6 septembre 1996 et 31 août 2001 ne leur ont pas été valablement adressées. Ils ont fait choix à ce titre de verser les seules pièces portant les numéros 33 et 34 et 238 à 254 parmi celles produites en première instance par M. U... Q... et visées dans le jugement déféré. Cependant, si les premiers juges n'ont effectivement cité au titre des convocations que certaines des pièces produites en première instance sous les numéros précités, ils ont néanmoins expressément constaté que toutes les convocations requises avaient été produites par M. U... Q... conformément à la liste annexée à ses écritures et désignant l'ensemble desdites convocations. Les appelants ne démontrent pas, au-delà de leurs affirmations, que ces convocations aient été délivrées à des adresses erronées. De plus, M. et Mme W... Q... prétendent, sans l'établir, que les pouvoirs datés des 28 octobre 2001 et 10 février 2002 autorisant M. U... Q... à vendre les actions qu'ils détenaient chacun dans la société Hôtel Royal Voltaire, et qu'ils produisent aujourd'hui en copie, seraient des faux. En effet, alors qu'ils sont demandeurs et que leur incombe la charge de la preuve, ils n'apportent aucun élément tendant à établir que ces pouvoirs ne seraient pas signés de leur main, étant relevé la similitude des signatures figurant sur les pouvoirs incriminés et sur les pièces d'identité alors jointes. Aussi ne peuvent-ils se limiter à solliciter la production des originaux en vue d'une expertise graphologique, sans seulement verser un spécimen de leurs signatures qui tendrait à étayer leurs affirmations. Pour ces motifs, il sera retenu que mandat a bien été donné par les époux W... Q... . Ce fait avéré contredit encore leur prétendue méconnaissance des résolutions votées lors des assemblées générales et dont l'annulation est poursuivie. Dès lors, et tandis qu'au-delà de leurs seules affirmations M. et R... W... Q... sont défaillants à caractériser la fraude prétendue, il convient de retenir comme l'ont admis les premiers juges qu'ils ont valablement été convoqués aux assemblées générales, et mis en mesure de discuter les résolutions soumises au vote tenant en particulier à l'augmentation de capital et à l'autorisation de cession de la SA Hôtel Royal Voltaire. En conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'entrer plus avant dans la discussion opposée par les appelants, il convient de faire courir le délai de prescription de trois ans de l'article 1844-14 du code civil à compter de la tenue des assemblées, et de les juger irrecevables en toutes leurs demandes d'annulation des assemblées générales comme étant prescrites. La décision déférée étant confirmée. Quant à la demande en annulation de la cession des actions, la validité des pouvoirs étant retenue, et aucune manoeuvre constitutive de fraude n'étant mieux ici démontrée, il convient de la juger également prescrite, mais sur le fondement de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, les époux W... Q... étant donc irrecevables. Pour les mêmes motifs, les demandes subsidiaires en paiement du prix doivent être également jugées prescrites. La décision déférée étant confirmée par substitution de motifs sans qu'il y ait lieu à plus ample examen »

Et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, que « Sur La prescription des actions en nullité soulevée par les consorts Q... : Attendu que les époux W... Q... ont introduit leurs actions en nullité : - le 22 mai 2008 concernent le contentieux RG 2008045957 sur la SIPP ; - le 9 mai 2009 concernant le contentieux RG 2009033354 sur la société Hôtel Royal Voltaire ; Attendu qu'ils demandent l'annulation des assemblées générales tenues par la SIPP depuis le 22 juin 1993 et en particulier la nullité de l'AGE du 6 septembre 1996 qui a procédé à une augmentation de capital de la société ; Attendu qu'ils demandent également la nullité de la cession des actions de la société Hôtel Royal Voltaire intervenue le 1er mars 2002 ; Attendu que l'article 1844-14 du Code Civil stipule : « Les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue » ; Attendu que le délai de prescription court à compter de la date de tenue des assemblées générales ; Attendu que les consorts Q... justifient dans leurs pièces l'envoi aux époux W... Q... des convocation aux AG, en particulier celle du 6 septembre 1996 (pièces 33 et 34 du 17 août 1996) concernant la SIPP et celles concernant la vente de la société Hôtel Royal Voltaire (pièces 238 à 254) ; Attendu que les consorts Q... produisent copie des pouvoirs établis par les époux W... Q... au profit de M. U... Q... les 21 novembre 2001 et 10 février 2002 pour la vente des titres qu'ils possédaient dans la société Hôtel Royal Voltaire ; En conséquence le Tribunal dira prescrites et irrecevables les actions en nullité des assemblées générales de la SIPP tenues avant le 23 mai 2005 pour la SIPP et celles tenues avant le 10 mai 2006 pour la vente des actions de la société Hôtel Royal Voltaire »

Et aux motifs éventuellement adoptés que « Sur la demande de production de documents sous astreinte Attendu que le Tribunal constate que les consorts Q... ont fourni, en appui de leurs demandes, l'ensemble des pièces listées dans leurs conclusions, que le Tribubal considère que ces documents sont aptes et suffisants pour qu'il puisse fonder sa décision ; Attendu que lors de l'audience du 5 avril 2016 devant le juge chargé d'instruire l'affaire, M. U... Q... représentant les consorts Q... , a mis à disposition du juge l'ensemble des originaux produits à l'instance ; Attendu que els époux W... Q... n'apportent pas la preuve que certaines pièces seraient des faux et attendu que leur représentant a déclaré devant le juge, le 5 avril 2016, que si une instance pénale avait été engagée sur ce motif, elle n'avait pas abouti »

Alors 1°/ que la prescription de l'action en nullité de l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée court à compter de la date à laquelle les associés demandeurs ont eu connaissance de la décision prise au cours de cette assemblée ; qu'à défaut de participation de l'associé à l'assemblée générale, et d'enregistrement de la décision de l'assemblée générale au greffe du tribunal, il incombe aux juges du fond, saisis d'une contestation en ce sens, de rechercher la date à laquelle l'associé sollicitant l'annulation d'une assemblée générale a eu connaissance de la délibération prise ; qu'en l'espèce, pour déclarer prescrites les demandes des époux Q... en annulation des assemblées générales de la société SIPP en date du 6 septembre 1996, ayant voté une augmentation de capital de la société, et celle en date du 31 août 2001, ayant décidé de la cession des titres de la société Hôtel Royal Voltaire, ainsi que des actes de cession subséquents, et l'action subsidiaire en paiement du prix des actions de la société Hôtel Royal Voltaire, la cour d'appel a retenu que les époux Q... avaient été régulièrement convoqués aux assemblées générales en cause et qu'en conséquence, le point de départ de la prescription de l'action en nullité devait être fixé à la date à laquelle s'étaient tenues ces assemblées ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si les délibérations votées lors de ces assemblées, auxquelles les époux Q... soutenaient ne pas avoir assisté, et dont ils faisaient valoir qu'elles n'avaient pas été enregistrées au greffe du tribunal de commerce, n'avaient pas été dissimulées aux époux Q... , et à quelle date ces derniers en avaient eu connaissance et avaient ainsi pu agir en justice pour en solliciter l'annulation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1304 (devenu 1144) et 1844-14 du code civil, ensemble l'article L. 235-9 du code de commerce, et les articles 2241 et 2242 du code civil ;

Alors 2°/ que la preuve de l'existence et de la régularité d'une convocation à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée incombe à son gérant ; qu'en retenant que faute pour eux de produire l'ensemble des convocations versées aux débats en première instance par M. U... Q... , gérant de la société SIPP, pour établir qu'ils avaient été convoqués aux assemblées générales litigieuses, les époux Q... n'établissaient pas l'irrégularité de ces convocations, et qu'ils ne démontraient pas que les convocations produites avaient été envoyées à une adresse erronée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 (devenu 1353) du code civil, ensemble les articles 1304 (devenu 1144) et 1844-14 du code civil, les articles 2241 et 2242 du code civil, et l'article L. 235-9 du code de commerce ;

Alors 3°/ que les convocations à certaines assemblée générale de la société versées aux débats par M. U... Q... (ses pièces n°s 238 à 254) n'étaient adressées qu'à Mme V... J... et non à M. W... Q... ; qu'en se fondant néanmoins sur ces pièces pour déduire que les époux W... Q... avaient été l'un et l'autre régulièrement convoqués aux assemblées générales de la société SIPP, la cour d'appel a dénaturé ces convocations, et ainsi violé l'article 1134 du code civil (nouvel article 1192 du code civil) ;

Alors 4°/ que les convocations à certaines assemblées générales de la société SIPP produites par M. U... Q... (pièces n°s 33 et 34) n'avaient été adressées qu'à M. W... Q... et non à son épouse Mme V... J... ; qu'en se fondant néanmoins sur ces pièces pour déduire que les époux W... Q... avaient été l'un et l'autre régulièrement convoqués aux assemblées générales de la société SIPP, la cour d'appel a dénaturé ces convocations, et ainsi violé l'article 1134 du code civil (nouvel article 1192 du code civil) ;

Alors en tout état de cause 5°/ qu' aux termes du jugement entrepris, le tribunal de commerce avait considéré que les consorts Q... justifiaient « dans leurs pièces l'envoi aux époux W... Q... des convocation aux AG, en particulier celle du 6 septembre 1996 (pièces 33 et 34 du 17 août 1996) concernant la SIPP et celles concernant la vente de la société Hôtel Royal Voltaire (pièces 238 à 254) » ; que le tribunal de commerce s'était ainsi exclusivement fondé sur les pièces n°s 33 et 34 produites par les défendeurs pour déduire la régularité de la convocation des époux Q... à l'assemblée générale du 6 septembre 1996, et sur les pièces n°s 238 à 254 pour juger régulière la convocation des époux Q... à l'assemblée générale ayant décidé de la cession des actions de la société Hôtel Royal Voltaire ; qu'en reprochant aux époux Q... de n'avoir versé aux débats en appel qu'une partie des convocations produites en première instance par M. U... Q... , à savoir les pièces n°s 33 et 34, et n°s 238 à 254, qui étaient pourtant les seules que le tribunal de commerce avait prises en compte pour juger que les époux Q... avaient été régulièrement convoqués aux deux assemblées générales litigieuses, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil (nouvel article 1103 du code civil), ensemble les articles 1304 (devenu 1144) et 1844-14 du code civil, et l'article L. 235-9 du code de commerce ;

alors 6°/ que lorsque l'écriture ou la signature d'un acte sous seing privé est déniée, il incombe au juge de vérifier l'écrit contesté, à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte ; qu'en l'espèce, M. W... Q... et son épouse contestaient avoir signé les pouvoirs, versés aux débats en première instance par M. U... Q... , par lesquels ils auraient donné mandat à ce dernier de vendre les actions qu'ils détenaient chacun dans le capital de la société Hôtel Royal Voltaire ; qu'en écartant ce moyen sans procéder à la vérification des signatures portées sur les pouvoirs, le cas échéant en sollicitant la production des originaux par les défendeurs, la cour d'appel a violé les articles 287 et 288 du code civil, ensemble l'article 1324 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 (nouvel article 1373 du code civil) ;

alors 7° / qu' il appartient au juge, saisi d'un incident de vérification d'un écrit nécessaire à la solution du litige, s'il estime que les documents versés aux débats ne lui permettent pas d'affirmer que l'acte dont une partie dénie l'écriture émane bien de cette partie, de lui enjoindre de produire tout document de comparaison lui paraissant nécessaire, et, s'il y a lieu, de lui faire composer, sous sa dictée, des échantillons d'écriture, ainsi que d'ordonner toutes autres mesures prévues en cas d'incident de vérification ; que, sauf à inverser la charge de la preuve, il ne peut statuer au fond qu'après avoir retenu que l'acte émane bien de la partie qui l'a désavoué ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1315 (devenu 1353) du code civil, ensemble les articles 287, 288 et 1324 (devenu 1373) du même code ;

alors 8° / en tout état de cause qu' en se bornant à retenir que les époux W... Q... n'apportaient pas d'éléments tendant à établir que les pouvoirs litigieux n'avaient pas été signés de leur main, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait que M. W... Q... et son frère M. U... Q... aient été en conflit depuis plus de douze ans, et que douze litiges, dont des plaintes pour faux et usage de faux, et menaces de mort, les aient opposés, n'excluait pas que les exposants aient pu donner en 2001 et 2002 pouvoir à M. U... Q... de vendre les titres de la société Hôtel Riyal Voltaire qu'ils détenaient, et à établir ainsi la fraude imputée à ce dernier, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 (devenu 1103) du code civil, ensemble l'article 1844-14 du même code, l'article L. 235-9 du code de commerce et l'article 367 de la loi du 24 juillet 1966.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux Q... de leurs demandes subsidiaires dirigées contre M. U... Q... ,

Aux motifs propres que « Sur les demandes de dommages-intérêts formées à l'encontre de M. U... Q... M. et Mme W... Q... se plaignent au titre de leur préjudice du non-paiement du prix - demande non admise - et font état de deux créances de 685.767,09 euros pour M. W... Q... et de 1.829,39 euros pour son épouse, déclarées au passif de la SIPP. Ces sommes sont citées comme correspondant notamment, selon eux, à la valeur de leurs parts dans le capital de la SIPP, au remboursement d'un compte courant, et à une somme prélevée du compte d'assurance-vie de M. W... Q... pour le remboursement d'un prêt de la SIPP contracté auprès du CEPME. Cependant, et sans qu'il y ait lieu à plus ample examen du préjudice prétendu, il ne peut qu'être constaté ici encore que les époux W... Q... , auxquels incombe la charge de la preuve en leur qualité de demandeurs, n'établissent pas de manquement imputable à M. U... Q... à l'origine du dommage allégué, se fondant exclusivement sur des détournements et des fraudes non avérés. Leurs prétentions ne peuvent qu'être rejetées. Pour les mêmes motifs, leur demande en paiement de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral sera rejetée »

Et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, que « Sur les autres demandes des époux W... Q... Attendu que toutes les autres demandes des époux W... Q... trouvent leur fondement d'une part dans la demande de nullité des AGE de la SIPP et d'autre part dans la demande de nullité de la vente des actions de la société Hôtel Royal Voltaire, que celles-ci ont été déclarées prescrites et irrecevables. En conséquence le Tribunal déboutera les époux W... Q... de toutes leurs autres demandes »

Alors 1°/ que la demande des époux Q... tendant à la condamnation de M. U... Q... à leur verser la part du prix de cession des actions de la société Hôtel Royal Voltaire devant leur revenir, ainsi qu'à la mise en jeu de la responsabilité de M. U... Q... en qualité de dirigeant des sociétés SIPP et Hôtel Royal Voltaire, étaient présentées à titre subsidiaire, en cas de rejet de leurs demandes principales tendant notamment à l'annulation des assemblées générales de la société SIPP et de la cession des actions de la société Hôtel Royal Voltaire (Cf. les conclusions d'appel des époux Q... , p. 22, dernier § ; p. 27 ; le dispositif de leurs écritures, p. 31 et 32) ; qu'en retenant que « toutes les autres demandes des époux W... Q... trouvent leur fondement d'une part dans la demande de nullité des AGE de la SIPP et d'autre part dans la demande de nullité de la vente des actions de la société Hôtel Royal Voltaire », pour en déduire que celles-ci ayant été déclarées prescrites et irrecevables, les autres demandes des époux Q... devaient être rejetées, et en relevant que la demande de versement du prix de cession avait été « non admise » du fait de l'irrecevabilité des demandes principales des époux Q... , la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors 2° /qu' en se bornant à retenir, pour rejeter les demandes en paiement des époux Q... , que ces derniers « n'établiss[aient] pas de manquement imputable à M. U... Q... à l'origine du dommage allégué, se fondant exclusivement sur des détournements et des fraudes non avérés », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel des exposants, p. 24) s'il ne résultait des déclarations faites par M. U... Q... devant les services de police (Cf. rapport du 8 juin 2011, pièce n°10 produite par les époux Q... ) que ce dernier avait détourné le prix de cession des actions de la société Hôtel Royal Voltaire à son profit en déposant le produit de la vente sur un contrat d'assurance-vie ouvert à son nom, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 (devenu 1103) du code civil, ensemble l'article L. 223-22 du code de commerce ;

Alors enfin 3°/ qu' il incombait à M. U... Q... de rendre compte de sa gestion de la société SIPP, ainsi que de l'exécution des pouvoirs que lui auraient donné les époux Q... pour céder en leur nom les actions qu'ils détenaient dans le capital de la société Hôtel Royal Voltaire ; qu'en retenant, pour rejeter les demandes subsidiaires des époux Q... , que ces derniers, auxquels incombait la charge de la preuve en leur qualité de demandeurs, n'établissaient pas de manquement imputable à M. U... Q... à l'origine du dommage allégué, se fondant exclusivement sur des détournements et des fraudes non avérés, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, ensemble les articles 1134 (devenu 1103) et 1993 du code civil, et l'article L. 223-22 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-23398
Date de la décision : 10/02/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 fév. 2021, pourvoi n°18-23398


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.23398
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award