LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 février 2021
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 205 FS-D
Pourvoi n° B 18-19.784
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 FÉVRIER 2021
La société Domaine Clarence Dillon, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° B 18-19.784 contre l'arrêt rendu le 11 juin 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques, domicilié [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat de la société Domaine Clarence Dillon, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Champalaune, M. Ponsot, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mmes Le Bras, de Cabarrus, Comte, Lefeuvre, Tostain, Bessaud, Bellino, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 juin 2018) et les productions, le capital social de la société Château Tertre Daugay (la société Daugay), exploitant une propriété viticole à [...] (Gironde), était réparti à parts égales entre, d'une part, la société de droit américain Château Tertre Daugay LLC et, d'autre part, M. F... U... , Mme R..., son épouse, M. O... U... , Mme B... U... et Mme T... U... (les consorts U...).
2. Le 14 avril 2011, la société Daugay a emprunté 14 millions d'euros auprès d'une banque afin de procéder au rachat de ses actions détenues par la société Château Tertre Daugay LLC, les consorts U... s'étant portés caution de ce prêt. Aussitôt la cession réalisée, la société Daugay a réduit son capital, par annulation des titres acquis.
3. Le 26 mai 2011, les consorts U... ont conclu avec la société Domaine Clarence Dillon (la société Dillon) une promesse synallagmatique de cession de la totalité des titres de la société Daugay, entre-temps devenue la société TD, moyennant un prix qui, établi sur la base des comptes sociaux arrêtés au 31 octobre 2010, a été fixé à la somme de 34 millions d'euros, l'acte précisant que le montant de l'emprunt de 14 millions d'euros viendrait en déduction de ce prix et que le cessionnaire rembourserait le montant du prêt. Le prix provisoire a ainsi été fixé à 20 millions d'euros, à ajuster en fonction de la situation comptable à la date de la cession.
4. Le 24 juin 2011, la société L'Artémis, qui s'était substituée aux consorts U..., a cédé à la société Dillon la totalité des titres de la société TD, moyennant le paiement de 20 millions d'euros. La société Dillon a procédé au remboursement du prêt souscrit par la société TD et, le 25 juin 2011, celle-ci, devenue la société Quintus, a inscrit la somme de 14 millions au crédit du compte courant d'associé de la société Dillon et, symétriquement, cette dernière a inscrit une créance du même montant sur la société Quintus dans sa propre comptabilité. Le 29 juillet 2011, la société Quintus a augmenté son capital social à la fois par incorporation de réserves et en numéraire, cette augmentation de capital étant intégralement souscrite par la société Dillon et libérée par compensation avec le solde de son compte courant d'associé.
5. Le 17 septembre 2013, à la suite d'une vérification de la comptabilité de la société Dillon, l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification, en estimant que sa prise en charge du remboursement de l'emprunt et des honoraires de conseil du cédant constituait une charge augmentative du prix de cession imposable aux droits d'enregistrement. Après rejet de sa réclamation et mise en recouvrement des droits supplémentaires, la société Dillon a saisi un tribunal en remboursement des sommes ainsi versées.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
6. La société Dillon fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement l'ayant déboutée de ses demandes, alors « que le juge ne peut pas fonder sa décision de confirmer une décision de rejet par l'administration fiscale d'une réclamation élevée à l'encontre d'un avis de recouvrement de droits d'enregistrement sur des motifs suggérant que le justiciable a commis une fraude ou un abus de droit afin d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales qui pèsent sur lui, sans qu'aient été mis en oeuvre la procédure d'abus de droit fiscal et les garanties procédurales qui lui sont attachées ; qu'en l'espèce, pour confirmer la décision de rejet par l'administration fiscale de la réclamation formée par la société Dillon, la cour a retenu, par motifs adoptés des premiers juges, que les deux opérations, pourtant distinctes, de rachat de ses propres actions par la société Daugay auprès d'une société américaine en avril 2011 d'une part, et de promesse synallagmatique de cession du 26 mai 2011 conclue entre les consorts U..., associés de ladite société, et la société Dillon, d'autre part, constituaient une même opération devant être appréhendée dans un même ensemble ; qu'en suggérant ainsi implicitement que cette dernière société avait commis un abus de droit, sans qu'aucune procédure d'abus de droit fiscal ait été mise en oeuvre, la cour a violé l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. »
Réponse de la Cour
7. La procédure de l'abus de droit fiscal ne trouve à s'appliquer que lorsqu'il est démontré que l'opération en cause repose sur des actes fictifs ou des actes inspirés par un motif exclusivement fiscal.
8. C'est sans suggérer, même implicitement, que l'opération de cession des titres de la société TD constituait un abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales que la cour d'appel a considéré que les premiers juges n'avaient fait qu'user de leur pouvoir souverain d'appréciation des faits et circonstances de la cause en énonçant que l'opération devait être appréhendée « dans un même ensemble ».
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Et sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième branches
Enoncé du moyen
10. La société Dillon fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'aux termes de la promesse synallagmatique du 26 mai 2011, si les parties ont pris pour base de la valeur des titres de la société Daugay la somme de 34 millions d'euros établie au regard des comptes sociaux arrêtés au 31 octobre 2010, elles sont "cependant" convenues de "déduire" de ce montant la somme de 14 000 000 euros correspondant à l'emprunt souscrit par ladite société auprès de la Société générale pour l'acquisition de 234 468 titres en vue de la réduction de son capital ; qu'elles ont dès lors fixé le "prix provisoire" de la cession à la somme de 20 millions d'euros, le "prix définitif" pouvant éventuellement varier par correction du prix provisoire, si un bilan de cession devait faire apparaître, au jour de la cession, un "surcoût éventuel" au-delà de 135 000 euros de l'emprunt souscrit auprès de la Société générale et/ou une "diminution éventuelle" de plus de 2 % dans le bilan de cession de la différence positive ; qu'il s'ensuit que le prix de cession conclu entre les parties ne correspondait pas à la somme de 34 millions d'euros mais uniquement à la somme de 20 millions d'euros, que cette somme devienne définitive ou qu'elle soit éventuellement affectée par la variation d'éléments prévus par la convention et possiblement révélés par un bilan de cession au jour de cette dernière ; qu'en jugeant dès lors que la somme de 14 millions d'euros constituait un élément du prix de la cession de titres conclue, soi-disant surajouté à la somme de 20 millions d'euros, la cour a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil ;
2°/ qu'en toute hypothèse, que le droit d'enregistrement est assis sur "le prix exprimé" de la cession des droits sociaux ou sur la valeur réelle des titres si elle est supérieure ; qu'en l'espèce, la société Daugay a procédé au rachat de la moitié de ses titres, détenus par une société américaine, conformément aux dispositions de l'article L. 225-207 du code de commerce, ces titres étant donc annulés ; que, pour ce faire, elle a emprunté une somme de 14 millions d'euros, laquelle a dès lors constitué une dette sociale, inscrite à son passif ; que la cession de ses titres restant entre les mains de la société Dillon n'a pas changé cette situation dès lors que la société Daugay n'a pas perdu sa personnalité morale dans cette opération ; qu'il s'ensuit que, pour "exprimer" dans la promesse synallagmatique du 26 mai 2011 le prix de la cession, les parties étaient fondées, comme elles l'ont fait, à indiquer que "le montant de cet emprunt (venait) en déduction du prix de 34 millions d'euros (
)" (art. 8-1), de sorte que le solde de cette déduction constituait légalement le "prix exprimé" de la cession et, partant, l'assiette légale du droit d'enregistrement ; qu'en jugeant le contraire, la cour a violé l'article 726 II du code général des impôts ;
3°/ que le droit d'enregistrement est assis sur le "prix exprimé" de la cession des droits sociaux ou sur la valeur réelle des titres si elle est supérieure ; que ce droit est assis sur la valeur nette des parts cédées, après déduction de l'ensemble des dettes contractées par la société ; que, pour juger que la somme de 14 millions d'euros, correspondant à l'emprunt contracté par la société Daugay pour le rachat de la moitié de ses parts sociales, ne pouvait pas être intégrée dans la valeur nette des parts cédées, de sorte qu'elle ne pouvait non plus venir en déduction du prix, ainsi qu'en avaient disposé les parties dans la promesse synallagmatique de cession du 26 mai 2011, la cour, tant par motifs propres que par motifs adoptés, a retenu qu'il ne s'agissait pas d'une dette liée à l'activité de l'entreprise ; qu'en se déterminant ainsi, la cour, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article 726 II du code général des impôts ;
5°/ que dans la promesse synallagmatique de cession du 26 mai 2011, la société Dillon s'est engagée à rembourser à la Société générale, au jour de la cession, l'emprunt de 14 millions d'euros souscrit par la société Daugay auprès d'elle pour acquérir des actions de son propre capital, cette somme étant inscrite "en compte-courant, à son nom, dans les livres" de cette dernière société ; qu'ainsi, cet engagement avait principalement pour objet de libérer la société Daugay de sa dette, laquelle grevait son passif, et non pas de libérer les cautions de leurs engagements souscrits en garantie de l'emprunt accordé, dont la société Dillon n'a pris en charge aucune dette personnelle ; qu'au demeurant, la dette de la société Daugay n'était pas garantie uniquement par ladite caution, mais aussi par des nantissements ; qu'en jugeant dès lors, pour rejeter les demandes de la société Dillon, que "le remboursement de l'emprunt n'avait d'autre objet qu'une charge imposée au cessionnaire par les consorts U..." pour les libérer "de leur engagement de caution", la cour a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil, ensemble l'article 726 II du code général des impôts ;
6°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'il ne peut davantage se fonder sur des documents qui n'ont pas été versés aux débats et dont il n'a pu vérifier le contenu ; que, pour rejeter les demandes de la société Dillon, la cour a notamment jugé que "l'article 16 du contrat de prêt (conclu entre la société Daugay et la Société générale le 13 avril 2011) précise que la cession des titres a rendu exigible le remboursement de l'emprunt de 14 millions" ; qu'en se déterminant ainsi au regard de ce contrat qu'aucune des parties n'avait versé aux débats et qu'elle n'a, par conséquent, pas pu examiner, la cour a violé l'article 7 du code de procédure civile ;
7°/ qu'à supposer que la cour ait pu considérer que le contrat de prêt était dans les débats, ce dernier prévoyait, en son article 16, deux possibilités d'exigibilité des sommes dues par la société Daugay, l'une "de plein droit" dont les conditions étaient étrangères au litige, l'autre "facultative" dans laquelle entrait possiblement l'opération litigieuse en tant que "mutation" ; que cependant, cette exigibilité étant alors purement facultative, la cour ne pouvait affirmer que la cession des titres, en vertu de cet article 16, avait "rendu exigible le remboursement de l'emprunt de 14 millions" ; qu'en se déterminant ainsi, la cour a dénaturé cette convention, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
8°/ que la circonstance que la cession des titres dût entraîner l'exigibilité du remboursement de l'emprunt de 14 millions ne résultait que des affirmations de l'administration fiscale, laquelle, dans sa proposition de rectification du 17 septembre 2013, avait indiqué qu'"il existait au jour de la cession des titres, une obligation de paiement immédiat. Selon l'article 16 du contrat de prêt où sont mentionnés les cas d'exigibilité anticipée, la cession de titres rend exigible le remboursement" ; qu'en se fondant dès lors, pour justifier sa décision, sur ces seules affirmations de l'administration fiscale, la cour a privé sa décision de base égale au regard de l'article 726 II du code général des impôts ;
9°/ que pour rejeter les demandes de la société Dillon et confirmer la décision prise par l'administration fiscale, la cour a finalement énoncé que l'engagement pris par le cessionnaire de payer le passif de la société Daugay, qui avait emprunté la somme de 14 millions d'euros, constituait "une charge augmentative du prix" ; qu'en concluant par cette affirmation lapidaire, sans avoir expliqué en quoi le fait, pour un cessionnaire, de prendre en charge le passif de la société dont il acquiert les titres constituerait une charge augmentative du prix de la cession, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 726 II du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
11. Après avoir rappelé que le droit d'enregistrement, prévu à l'article 726 II du code général des impôts, est assis sur le prix exprimé et le capital des charges qui peuvent ajouter au prix ou sur une estimation des parties si la valeur réelle est supérieure au prix augmenté des charges, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, constate que la promesse synallagmatique du 26 mai 2011 prévoyait que le prix de cession des titres de la société TD, fixé à 34 millions d'euros sur la base des comptes sociaux arrêtés au 31 octobre 2010, serait payé par un règlement comptant de 20 millions d'euros et par le remboursement, par le cessionnaire, du montant de l'emprunt de 14 millions d'euros, contracté par ladite société pour le rachat d'une partie de ses titres et qui serait inscrit en compte courant dans ses livres. Il relève que cet accord est intervenu avant l'acte de cession, que l'emprunt contracté par la société TD, le 14 avril 2011, que les cédants avaient personnellement garanti, était uniquement affecté au rachat des parts de l'associé américain, qu'il ne s'agit donc pas d'une dette contractée pour les besoins de l'activité de la société et qu'en réalité, à l'issue de l'opération, la société acquéreuse, qui a payé elle-même le prix des actions de cet associé, a pris le contrôle de la société TD dont elle est devenue l'unique associée.
12. En l'état de ces seuls motifs, abstraction faite de ceux, surabondants, critiqués par les sixième, septième et huitième branches, la cour d'appel, qui a restitué leur véritable portée aux actes en cause au regard de la commune intention des parties, a pu retenir que le remboursement de l'emprunt constituait une charge augmentative du prix, comme telle assujettie aux droits d'enregistrement.
13. En conséquence, le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Domaine Clarence Dillon aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Domaine Clarence Dillon et la condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour la société Domaine Clarence Dillon.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Paris ayant débouté la société Domaine Clarence Dillon de sa demande en remboursement de la somme de 772 880 euros versée à titre de droits d'enregistrement et accessoires, augmentés des intérêts moratoires capitalisés, et confirmé la décision de rejet par l'administration fiscale, le 20 novembre 2015, de sa réclamation,
Aux motifs propres qu'il est indéniable que l'emprunt contracté par la société cédante, le 14 avril 2011, était uniquement affecté au rachat de 50 % des parts de son associé et les consorts U... se sont portés cautions à titre personnel de l'emprunt ; qu'il ne s'agit donc pas d'une dette contractée pour les besoins de l'activité de la société ; que par ailleurs, les cédants ont personnellement garanti le paiement de la dette ; que le nantissement est intervenu moins d'un mois avant l'engagement de remboursement de l'emprunt par le cessionnaire ; qu'enfin, l'article 16 du contrat de prêt précise que la cession des titres a rendu exigible le remboursement de l'emprunt de 14 millions ; que la sas TD a inscrit la somme de 14 millions d'euros au crédit de son compte courant d'associé de la sas Domaine Clarence Dillon et celle-ci a enregistré une créance du même montant sur la sas TD ; que le fait que le montant de l'emprunt soit inscrit au crédit du compte courant de la société est sans incidence dès lors que les cédants avaient personnellement garanti le paiement du passif social ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que le remboursement de l'emprunt n'avait d'autre objet qu'une charge imposée au cessionnaire par les consorts U... auxquels s'est substituée la société L'Artémis le 24 juin 2011 ; que les consorts U... ont imposé cette charge au cessionnaire. En remboursant l'emprunt, la société Domaine Clarence Dillon a libéré les consorts U... ou par substitution, la société L'Artémis, de leur obligation de caution et dès lors cet engagement constitue un avantage indirect ; qu'il s'en déduit que la société Domaine Clarence Dillon n'est pas fondée à soutenir que la valeur nette de parts cédées doit tenir compte des dettes contractées, que la dette d'emprunt est une dette de la société qui constitue un passif et vient en déduction de la valeur des titres ; qu'I apparaît au contraire que le montant de 14 millions d'euros constitue la valeur réelle des titres acquis à la suite de l'opération de rachat ; que par conséquent, l'engagement pris par le cessionnaire de payer le passif en se substituant à la société TD, qui avait emprunté la somme de 14 millions d'euros, constitue un avantage et une charge augmentative du prix ; qu'il convient de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges que la promesse synallagmatique du 26 mai 2011 de cession de l'intégralité des actions non cotées de la société TD indique un prix de 34 millions d'euros, établi d'une part sur la valeur de l'actif immobilisé, évalué d'un commun accord à 32.941.372 euros, d'autre part, sur la base des comptes sociaux arrêtés au 31 octobre 2010, dont le passif et l'actif sont schématiquement retracés, en ressortant une différence positive de 1.058.626 euros ; que le passif susdit, d'exploitation, n'intègre pas la dette due à la banque pour le rachat par la société de ses propres titres, les dettes bancaires figurant à concurrence de 270.265 euros ; qu'est ensuite rappelée cette dette, de 14 millions d'euros, et il est dit qu'elle vient en déduction du prix ; que pour autant, force est de constater que ce passif exceptionnel n'est que la contrepartie du rachat par la société TD de ses titres à la société de droit américain Château Tertre Daugay LLC, lesquels ont été annulés et son capital ayant ainsi été réduit d'autant ; que la conséquence en est le renchérissement du double de la valeur des parts, en restant la moitié ; que dès lors, outre qu'il ne s'agit pas d'une dette liée à l'activité de l'entreprise, elle a un impact direct sur la valeur des actions acquises ; qu'encore, il est remarquable que le rachat des parts de la société américaine soit intervenu à la mi-avril 2011, soit un mois avant la promesse conclue à l'avantage de la demanderesse, le 26 mai suivant, en sorte que l'opération doit être appréhendée dans un même ensemble ; que par ailleurs, il est constant que la société par actions simplifiée 1 Domaine Clarence Dillon a réglé 34 millions d'euros à l'occasion de la cession, soit 20 millions entre les mains de la société cédante et 14 millions pour solde de la dette née du rachat des parts par la société TD, entre les mains de la banque créancière ; qu'à supposer que le premier actionnaire n'ait pas été évincé, la base de calcul de leur évaluation n'aurait pu être que l'actif immobilisé tel qu'estimé par les parties et le solde positif des autres éléments portés au bilan, soit 34 millions d'euros, la réalité étant que soldant le prêt, la société par actions simplifiée Domaine Clarence Dillon paie le prix des actions de la société américaine, et in fine le coût du renchérissement des parts subsistantes et de sa prise de contrôle, puisqu'elle devient l'unique associée de la société TD ; que d'ailleurs, la promesse ne lui impute que le règlement du principal, soit 14 millions d'euros, correspondant au capital emprunté, les intérêts et accessoires n'étant pas, selon stipulation expresse, considérés ; que ces éléments participent nécessairement de l'ensemble permettant d'obtenir une évaluation aussi proche que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu de l'offre et de la demande sur un marché réel ; que c'est ainsi à bon droit que l'administration fiscale prétend asseoir les droits d'enregistrement sur la somme de 34 millions d'euros, correspondant à la valeur réelle des titres acquis ; que la demande de la société Domaine Clarence Dillon en remboursement des droits dont elle s'acquitta sur cette base sera rejetée ;
1° Alors que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'aux termes de la promesse synallagmatique du 26 mai 2011, si les parties ont pris pour base de la valeur des titres de la société Tertre Daugay la somme de 34 000 000 euros établie au regard des comptes sociaux arrêtés au 31 octobre 2010, elles sont « cependant » convenues de « déduire » de ce montant la somme de 14 000 000 euros correspondant à l'emprunt souscrit par ladite société auprès de la Société Générale pour l'acquisition de 234 468 titres en vue de la réduction de son capital ; qu'elles ont dès lors fixé le « prix provisoire » de la cession à la somme de 20 000 000 euros, le « prix définitif » pouvant éventuellement varier par correction du prix provisoire, si un bilan de cession devait faire apparaître, au jour de la cession, un « surcoût éventuel » au-delà de 135 000 euros de l'emprunt souscrit auprès de la Société Générale et/ou une « diminution éventuelle » de plus de 2 % dans le bilan de cession de la différence positive ; qu'il s'ensuit que le prix de cession conclu entre les parties ne correspondait pas à la somme de 34 000 000 euros mais uniquement à la somme de 20 000 000 euros, que cette somme devienne définitive ou qu'elle soit éventuellement affectée par la variation d'éléments prévus par la convention et possiblement révélés par un bilan de cession au jour de cette dernière ; qu'en jugeant dès lors que la somme de 14 000 000 euros constituait un élément du prix de la cession de titres conclue, soi-disant surajouté à la somme de 20 000 000 euros, la cour a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil ;
2° Alors, en toute hypothèse, que le droit d'enregistrement est assis sur « le prix exprimé » de la cession des droits sociaux ou sur la valeur réelle des titres si elle est supérieure ; qu'en l'espèce, la société Tertre Daugay a procédé au rachat de la moitié de ses titres, détenus par une société américaine, conformément aux dispositions de l'article L. 225-207 du code de commerce, ces titres étant donc annulés ; que, pour ce faire, elle a emprunté une somme de 14 000 000 euros, laquelle a dès lors constitué une dette sociale, inscrite à son passif ; que la cession de ses titres restant entre les mains de la société Domaine Clarence Dillon n'a pas changé cette situation dès lors que la société Tertre Daugay n'a pas perdu sa personnalité morale dans cette opération ; qu'il s'ensuit que, pour « exprimer » dans la promesse synallagmatique du 26 mai 2011 le prix de la cession, les parties étaient fondées, comme elles l'ont fait, à indiquer que « le montant de cet emprunt (venait) en déduction du prix de 34 000 000 euros (
) » (art. 8-1), de sorte que le solde de cette déduction constituait légalement le « prix exprimé » de la cession et, partant, l'assiette légale du droit d'enregistrement ; qu'en jugeant le contraire, la cour a violé l'article L. 726 II du code général des impôts ;
3° Alors que le droit d'enregistrement est assis sur « le prix exprimé » de la cession des droits sociaux ou sur la valeur réelle des titres si elle est supérieure ; que ce droit est assis sur la valeur nette des parts cédées, après déduction de l'ensemble des dettes contractées par la société ; que, pour juger que la somme de 14 000 000 euros, correspondant à l'emprunt contracté par la société Tertre Daugay pour le rachat de la moitié de ses parts sociales, ne pouvait pas être intégrée dans la valeur nette des parts cédées, de sorte qu'elle ne pouvait non plus venir en déduction du prix, ainsi qu'en avaient disposé les parties dans la promesse synallagmatique de cession du 26 mai 2011, la cour, tant par motifs propres que par motifs adoptés, a retenu qu'il ne s'agissait pas d'une dette liée à l'activité de l'entreprise ; qu'en se déterminant ainsi, la cour, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L. 726 II du code général des impôts ;
4° Alors que le juge ne peut pas fonder sa décision de confirmer une décision de rejet par l'administration fiscale d'une réclamation élevée à l'encontre d'un avis de recouvrement de droits d'enregistrement sur des motifs suggérant que le justiciable a commis une fraude ou un abus de droit afin d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales qui pèsent sur lui, sans qu'aient été mis en oeuvre la procédure d'abus de droit fiscal et les garanties procédurales qui lui sont attachées ; qu'en l'espèce, pour confirmer la décision de rejet par l'administration fiscale de la réclamation formée par la société Domaine Clarence Dillon, la cour a retenu, par motifs adoptés des premiers juges, que les deux opérations, pourtant distinctes, de rachat de ses propres actions par la société Tertre Daugay auprès d'une société américaine en avril 2011 d'une part, et de promesse synallagmatique de cession du 26 mai 2011 conclue entre les consorts U..., associés de ladite société, et la société Domaine Clarence Dillon, d'autre part, constituaient une même opération devant être appréhendée dans un même ensemble ; qu'en suggérant ainsi implicitement que cette dernière société avait commis un abus de droit, sans qu'aucune procédure d'abus de droit fiscal ait été mise en oeuvre, la cour a violé l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
5° Alors que dans la promesse synallagmatique de cession du 26 mai 2011, la société Domaine Clarence Dillon s'est engagée à rembourser à la Société Générale, au jour de la cession, l'emprunt de 14 000 000 euros souscrit par la société Tertre Daugay auprès d'elle pour acquérir des actions de son propre capital, cette somme étant inscrite « en compte-courant, à son nom, dans les livres » de cette dernière société ; qu'ainsi, cet engagement avait principalement pour objet de libérer la société Tertre Daugay de sa dette, laquelle grevait son passif, et non pas de libérer les cautions de leurs engagements souscrits en garantie de l'emprunt accordé, dont la société Domaine Clarence Dillon n'a pris en charge aucune dette personnelle ; qu'au demeurant, la dette de la société Tertre Daugay n'était pas garantie uniquement par ladite caution, mais aussi par des nantissements ; qu'en jugeant dès lors, pour rejeter les demandes de la société Domaine Clarence Dillon, que « le remboursement de l'emprunt n'avait d'autre objet qu'une charge imposée au cessionnaire par les consorts U... » pour les libérer « de leur engagement de caution » (arrêt, p. 6, § 7), la cour a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil, ensemble l'article L. 726 II du code général des impôts ;
6° Alors que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'il ne peut davantage se fonder sur des documents qui n'ont pas été versés aux débats et dont il n'a pu vérifier le contenu ; que, pour rejeter les demandes de la société Domaine Clarence Dillon, la cour a notamment jugé que « l'article 16 du contrat de prêt (conclu entre la société Tertre Daugay et la Société Générale le 13 avril 2011) précise que la cession des titres a rendu exigible le remboursement de l'emprunt de 14 millions » (arrêt, p. 6, § 3) ; qu'en se déterminant ainsi au regard de ce contrat qu'aucune des parties n'avait versé aux débats et qu'elle n'a, par conséquent, pas pu examiner, la cour a violé l'article 7 du code de procédure civile ;
7° Alors, en toute hypothèse, qu'à supposer que la cour ait pu considérer que le contrat de prêt était dans les débats, ce dernier prévoyait, en son article 16, deux possibilités d'exigibilité des sommes dues par la société Tertre Daugay, l'une « de plein droit » dont les conditions étaient étrangères au litige, l'autre « facultative » dans laquelle entrait possiblement l'opération litigieuse en tant que « mutation » ; que cependant, cette exigibilité étant alors purement facultative, la cour ne pouvait affirmer que la cession des titres, en vertu de cet article 16, avait « rendu exigible le remboursement de l'emprunt de 14 millions » ; qu'en se déterminant ainsi, la cour a dénaturé cette convention, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
8° Alors, en toute hypothèse, que la circonstance que la cession des titres dût entraîner l'exigibilité du remboursement de l'emprunt de 14 millions ne résultait que des affirmations de l'administration fiscale, laquelle, dans sa proposition de rectification du 17 septembre 2013, avait indiqué qu'il « il existait au jour de la cession des titres, une obligation de paiement immédiat. Selon l'article 16 du contrat de prêt où sont mentionnés les cas d'exigibilité anticipée, la cession de titres rend exigible le remboursement » (p. 14, in fine) ; qu'en se fondant dès lors, pour justifier sa décision, sur ces seules affirmations de l'administration fiscale, la cour a privé sa décision de base égale au regard de l'article L. 726 II du code général des impôts ;
9° Alors, en définitive, que pour rejeter les demandes de la société Domaine Clarence Dillon et confirmer la décision prise par l'administration fiscale, la cour a finalement énoncé que l'engagement pris par le cessionnaire de payer le passif de la société Tertre Daugay, qui avait emprunté la somme de 14 millions d'euros, constituait « une charge augmentative du prix » ; qu'en concluant par cette affirmation lapidaire, sans avoir expliqué en quoi le fait, pour un cessionnaire, de prendre en charge le passif de la société dont il acquiert les titres constituerait une charge augmentative du prix de la cession, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 726 II du code général des impôts.