LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
MA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 février 2021
Cassation partielle
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 160 F-D
Pourvoi n° U 19-24.933
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 FÉVRIER 2021
M. H... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 19-24.933 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Minoterie de Leforest, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de M. N..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Minoterie de Leforest, après débats en l'audience publique du 8 décembre 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 27 septembre 2019), M. N... a été engagé le 3 septembre 2002 par la société Minoterie de Leforest en qualité de chauffeur livreur.
2. Le 14 octobre 2010, il a été victime d'un accident du travail et a été placé en arrêt de travail.
3. Le 2 août 2012, à l'occasion de la visite de reprise, le médecin du travail l'a déclaré apte à la reprise de son poste.
4. Après un nouvel examen du salarié les 7 septembre 2012 et 11 octobre 2012, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste.
5. M. N... a été licencié le 8 mars 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, et a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé et de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul, d'indemnité compensatrice de préavis et du solde d'indemnité de licenciement, alors « qu'est nul le licenciement mis en oeuvre sur le fondement d'un avis d'inaptitude du salarié intervenu à la suite d'un examen médical organisé par l'employeur dans le seul but de priver d'effet un précédent avis ayant conclu, alors que l'état de santé de ce salarié était le même, à son aptitude ; qu'en l'espèce, en retenant que le licenciement pour inaptitude était régulier, quand elle constatait qu'il avait été mis en oeuvre sur le fondement d'un avis d'inaptitude intervenu à la suite d'une visite médicale qui avait été organisée par l'employeur à seule fin de remettre en cause l'avis d'aptitude rendu à l'issue de la visite de reprise du 2 août 2012, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-12 et R. 4624-31 du code du travail dans leurs versions applicables au litige. »
Réponse de la Cour
7. Selon l'article R. 4631-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016, sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude qu'après avoir réalisé deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines.
8. Ce texte n'impose pas que la constatation de l'inaptitude soit faite lors d'un examen médical de reprise consécutif à une suspension du contrat de travail, le médecin du travail pouvant la constater après tout examen médical qu'il pratique au cours de l'exécution du contrat de travail.
9. La cour d'appel, qui a constaté que le médecin du travail, dont l'avis était à nouveau sollicité par l'employeur, avait, à l'issue de deux examens les 7 et 13 septembre 2012 et après étude de poste, émis un avis d'inaptitude du salarié à son poste de travail, avis confirmé par l'inspecteur du travail le 16 janvier 2013, a exactement retenu que cet avis émis par le médecin du travail à l'issue de deux examens médicaux espacés de deux semaines s'imposait au juge.
10. Le moyen n'est pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes d'indemnité compensatrice et de solde d'indemnité de licenciement, alors « que la rupture du contrat de travail pour inaptitude ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail ; qu'en l'espèce, en déduisant de ce que le licenciement pour inaptitude de M. H... N... était régulier, que ses demandes tendant au versement d'une indemnité compensatrice de préavis et d'un reliquat au titre de son indemnité de licenciement, n'étaient pas fondées, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-14 du code du travail :
12. Selon ce texte, la rupture du contrat de travail par l'employeur en cas d'impossibilité de reclassement du salarié déclaré inapte ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
13. Pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité compensatrice et de sa demande de complément de l'indemnité de licenciement, l'arrêt retient que l'avis d'inaptitude du médecin du travail s'impose au juge, que le licenciement n'est pas nul, et qu'il convient en conséquence de débouter le salarié de ses demandes au titre du licenciement.
14. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. N... de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice et du complément d'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 27 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;
Condamne la société Minoterie de Leforest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Minoterie de Leforest et la condamne à payer à M. N... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. N...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué, D'AVOIR dit le licenciement fondé et D'AVOIR débouté M. H... N... de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul, d'indemnité compensatrice de préavis et du solde d'indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS QU'« il résulte de l'article R 4624-31 du code du travail, en sa rédaction applicable en la cause que sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude qu'après avoir réalisé deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines ; que ce texte n'impose pas que la constatation de l'inaptitude soit faite lors d'un examen médical de reprise consécutif à une suspension du contrat de travail, le médecin du travail pouvant la constater après tout examen médical qu'il pratique au cours de l'exécution du contrat de travail, ni que chacun des deux examens conclue à l'inaptitude du salarié ; qu'en l'espèce, il apparaît que le 2 août 2012, M. N... a été soumis à une visite de reprise à l'issue de laquelle il a été déclaré apte à la reprise du poste qu'il occupait, le médecin du travail préconisant de privilégier le vrac ; que la société Minoterie de Leforest qui contestait la compatibilité du poste auquel il était affecté avec les recommandations du médecin du travail, a sollicité à nouveau l'avis de ce dernier; que le 7 septembre 2012 à l'issue d'une première visite, le médecin du travail a déclaré M. N... inapte à son poste; que le 11 octobre 2012, le médecin du travail, à l'issue d'une seconde visite et après une étude de poste réalisée dans l'entreprise le 13 septembre 2012, a confirmé l'inaptitude en précisant que M. N... était (apte) à un poste excluant les manutentions lourdes et/ou répétées; que cet avis émis par le médecin du travail à l'issue de deux examens médicaux espacés de deux semaines et confirmé par l'inspecteur du travail le 16 janvier 2013, s'impose en conséquence au juge; que le conseil de prud'hommes ne pouvait donc refuser de donner effet à l'avis d'inaptitude émis le 11 octobre 2012 et en déduire que le licenciement de M. N... était nul; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement sur ce point et de débouter M. N... de ses demandes au titre du licenciement »
ALORS QU'est nul le licenciement mis en œuvre sur le fondement d'un avis d'inaptitude du salarié intervenu à la suite d'un examen médical organisé par l'employeur dans le seul but de priver d'effet un précédent avis ayant conclu, alors que l'état de santé de ce salarié était le même, à son aptitude ; qu'en l'espèce, en retenant que le licenciement pour inaptitude de M. H... N... était régulier, quand elle constatait qu'il avait été mis en œuvre sur le fondement d'un avis d'inaptitude intervenu à la suite d'une visite médicale qui avait été organisée par la société Minoterie de Leforest à seule fin de remettre en cause l'avis d'aptitude rendu à l'issue de la visite de reprise du 2 août 2012, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-12 et R. 4624-31 du code du travail dans leurs versions applicables au litige.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué, D'AVOIR débouté M. H... N... de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de solde d'indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS QU'« il résulte de l'article R 4624-31 du code du travail, en sa rédaction applicable en la cause que sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude qu'après avoir réalisé deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines; que ce texte n'impose pas que la constatation de l'inaptitude soit faite lors d'un examen médical de reprise consécutif à une suspension du contrat de travail, le médecin du travail pouvant la constater après tout examen médical qu'il pratique au cours de l'exécution du contrat de travail, ni que chacun des deux examens conclue à l'inaptitude du salarié; qu'en l'espèce, il apparaît que le 2 août 2012, M. N... a été soumis à une visite de reprise à l'issue de laquelle il a été déclaré apte à la reprise du poste qu'il occupait, le médecin du travail préconisant de privilégier le vrac ; que la société Minoterie de Leforest qui contestait la compatibilité du poste auquel il était affecté avec les recommandations du médecin du travail, a sollicité à nouveau l'avis de ce dernier ; que le 7 septembre 2012 à l'issue d'une première visite, le médecin du travail a déclaré M. N... inapte à son poste; que le 11 octobre 2012, le médecin du travail, à l'issue d'une seconde visite et après une étude de poste réalisée dans l'entreprise le 13 septembre 2012, a confirmé l'inaptitude en précisant que M. N... était (apte) à un poste excluant les manutentions lourdes et/ou répétées ; que cet avis émis par le médecin du travail à l'issue de deux examens médicaux espacés de deux semaines et confirmé par l'inspecteur du travail le 16 janvier 2013, s'impose en conséquence au juge; que le conseil de prud'hommes ne pouvait donc refuser de donner effet à l'avis d'inaptitude émis le 11 octobre 2012 et en déduire que le licenciement de M. N... était nul ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement sur ce point et de débouter M. N... de ses demandes au titre du licenciement »
1) ALORS QUE la rupture du contrat de travail pour inaptitude ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail; qu'en l'espèce, en déduisant de ce que le licenciement pour inaptitude de M. H... N... était régulier, que ses demandes tendant au versement d'une indemnité compensatrice de préavis et d'un reliquat au titre de son indemnité de licenciement, n'étaient pas fondées, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail ;
2) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, en affirmant qu'il convenait de débouter M. H... N... de ses demandes au titre du licenciement, sans préciser les motifs pour lesquels ses demandes tendant au versement d'une indemnité compensatrice de préavis et d'un reliquat au titre de son indemnité de licenciement, n'auraient pas été fondées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.