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28/01/2021 | FRANCE | N°19-24704

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 28 janvier 2021, 19-24704


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 janvier 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 135 F-D

Pourvoi n° V 19-24.704

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021

La société Maisons CMC, société à responsabilité

limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-24.704 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (2e ch...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 janvier 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 135 F-D

Pourvoi n° V 19-24.704

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021

La société Maisons CMC, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-24.704 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. O... A..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de la société Maisons CMC, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 septembre 2019), M. A... a confié à la société Maisons CMC la construction de deux bâtiments à usage d'habitation, dont la réception, sans réserve, est intervenue le 2 avril 2009.

2. Se plaignant de ne pas avoir été intégralement payée de ses prestations, par acte du 1er décembre 2009, la société Maisons CMC a assigné M. A... en paiement, en référé et au fond.

3. Par ordonnance du 18 janvier 2010, le juge des référés a constaté le désistement d'instance de la société Maisons CMC et, par ordonnance du 14 janvier 2011, le juge de la mise en état a prononcé la radiation de l'instance au fond.

4. Par acte du 23 mars 2015, la société Maisons CMC a assigné M. A... en paiement de la somme de 177 788,20 euros.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Maisons CMC fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite sa demande, alors « que dans un courrier du 26 mars 2010, le notaire de M. A... indiquait au notaire de la société Maisons CMC : "M. O... A..., mon client, se propose d'effectuer une dation en paiement du lot n° 4 de l'ensemble immobilier sis à [...] , pour paiement de sa dette envers la SARL Maisons CMC, votre cliente" ; qu'en considérant que ce courrier, comme les autres éléments produits aux débats, ne pouvait s'analyser comme une reconnaissance de dette de M. A... vis-à-vis société Maisons CMC à concurrence de 178 788,30 euros et n'interrompait donc pas la prescription, au motif qu'il s'inscrivait dans le cadre "de pourparlers en vue d'une transaction, sans reconnaissance de la créance litigieuse", cependant que, dans son courrier du 26 mars 2010, le mandataire de M. A... reconnaissait expressément la créance de la société Maisons CMC sur son mandant, la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents qui lui sont soumis. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

6. Pour déclarer la société Maisons CMC prescrite en sa demande, l'arrêt retient que les différents échanges entre les parties pendant le délai de cinq ans suivant le 2 avril 2009 ne peuvent s'analyser comme une reconnaissance de dette de M. A... vis-à-vis de la société Maisons CMC à concurrence de la somme de 178 788,30 euros, mais uniquement comme des pourparlers en vue d'une transaction, sans reconnaissance de la créance litigieuse.

7. En statuant ainsi, alors que la lettre du 26 mars 2010, adressée par le notaire de M. A... à son confrère, indiquait que le maître de l'ouvrage proposait à la société Maisons CMC une dation en paiement portant sur un des appartements construits par celle-ci « pour paiement de sa dette », ce qui constituait une reconnaissance non équivoque par le mandataire de M. A... du droit de celui contre lequel son mandant prescrivait, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il accueille la fin de non-recevoir tirée de la prescription et déclare irrecevables les demandes de la société Maisons CMC, l'arrêt rendu le 5 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne M. A... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. A... à payer à la société Maisons CMC la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Maisons CMC.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit à la demande de fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société Maisons CMC et d'avoir déclaré irrecevables les demandes de celle-ci ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le premier juge a, par des motifs pertinents que la cour ne peut qu'adopter et qui répondent suffisamment aux moyens soulevés par l'appelante, moyens identiques à ceux de première instance, fait une exacte appréciation des faits de la cause et a légalement motivé sa décision qui ne peut être que confirmée ; qu'en effet, il a retenu que le point de départ de la prescription devait être fixé la date du 2 avril 2009 correspondant à la réception sans réserves compte tenu que l'interruption générée par l'assignation du 1er décembre 2009 devait être considérée comme non avenu compte tenu du désistement dans le cadre de l'instance en référé et de la péremption au titre de l'action au fond, que les différents échanges entre les parties pendant le délai de cinq ans suivant le 2 avril 2009 ne pouvaient s'analyser comme une reconnaissance de dette de M. A... vis-à-vis de la société Maisons CMC à concurrence de la somme de 178.788,30 € mais uniquement de pourparlers en vue d'une transaction sans reconnaissance de la créance litigieuse, et que l'action était donc prescrite ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' en application de l'article 2224 du code civil, dont l'application à la présente espèce n'est pas contestée, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'occurrence, la Sarl Maisons CMC avait, par le même acte d'huissier du 1er décembre 2009, saisi le juge des référés et le juge du fond d'une action en paiement des sommes qui constituent aujourd'hui l'objet du litige et que, par ordonnance du 17 avril 2015, le juge de la mise en état avait constaté la péremption de l'instance au fond, en l'absence de tout acte de procédure postérieurement au 9 février 2010 ; qu'ainsi qu'en dispose l'article 2243 du code civil, l'interruption générée par l'assignation du 1er décembre 2009 doit être considérée comme non avenue, compte tenu du désistement dans le cadre de l'instance en référé et de la péremption au titre de l'action au fond ; que le point de départ de la prescription est donc, en l'espèce, la date du 2 avril 2009 correspondant à la réception sans réserve qui autorisait l'entrepreneur à poursuivre le recouvrement des sommes qu'il estimait lui être dues et qu'il a facturées le 21 juillet 2009 ; qu'il convient donc de vérifier s'il existe des actes interruptifs de prescription dans le délai de cinq ans suivant le 2 avril 2009 ; que la demanderesse soutient qu'il existe de la part du défendeur une reconnaissance de son droit à paiement à concurrence de 177.380,20 €, conforme aux dispositions de l'article 2240 du code civil selon lesquelles la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que cette reconnaissance, par le bénéficiaire de la prescription, qui peut être expresse ou tacite, aucune condition de forme n'étant exigée, résulte de tout fait impliquant sans équivoque l'existence du droit du créancier et une volonté corrélative de renoncer à se prévaloir de la prescription ; que c'est à juste titre que M. A... expose qu'il n'a existé que des pourparlers, notamment par l'intermédiaire des notaires, dans le cadre de la recherche d'une solution transactionnelle qui n'a jamais abouti, et que les termes des correspondances échangées à ce sujet entre le 4 novembre 2009 et le 12 octobre 2010, date de la dernière correspondance du notaire de M. A..., indiquant que son client n'était pas soumis à la TVA et qu'il lui adressait « le modèle 1, l'imprimé de plus-value et sa nouvelle note de frais » ; qu'il résulte effectivement de la lecture de ces différents courriers et échanges de mails que les parties avaient envisagé de mettre fin à leur litige par une solution transactionnelle sans qu'intervienne jamais de la part de M. A... une promesse de paiement pur et simple ; que par courriel à son notaire du 4 novembre 2009 visant une somme de 103.788,20 €, rectifiée par une main inconnue pour 178.788 €, il se limitait à une proposition de garantie dont la nature n'était pas précisée ; que le courrier du conseil de la Sarl Maisons CMC du 6 novembre 2009 adressé au notaire de M. A... et contenant la formule suivante : « voici la méthode que je vous propose de mettre en oeuvre pour résoudre le litige entre votre client, M. A..., et la société Maisons CMC que j'assiste » confirme explicitement l'existence d'un litige qui ne se résumait pas à un défaut de paiement, ce qui était corroboré par une demande de rédaction d'une reconnaissance de dette, puis une demande de reconnaissance du privilège de l'entrepreneur pour un montant restant donc à déterminer, puis la mise en route des compteurs et remise des consuels qui étaient suspendues du fait de l'entrepreneur ; que le 19 novembre 2009, Maître C... écrivait à M. A... qu'il réglerait 103.788,20 € sur les premiers fonds disponibles après paiement des créanciers hypothécaires ou privilégiés mais que par une mention manuscrite, le représentant de la Sarl Maisons CMC précisait que cette formule ne lui convenait pas et interrogeait son avocat ; que par courriel du même jour, la Sarl Maisons CMC informait M. A... qu'elle estimait sa créance à 178.788,20 € et qu'elle attendait un nouveau courrier du notaire ;
qu'il n'existait donc à cette date aucune reconnaissance non équivoque de la créance aujourd'hui revendiquée, ni promesse de paiement ; que les correspondances postérieures, échangées à partir du mois de mars, font allusion à une proposition de dation en paiement portant sur un appartement, pour paiement d'une dette dont le montant n'était pas précisé et ne l'était toujours pas à la date du 1er septembre 2010, Maître C... interrogeant le notaire de la Sarl Maisons CMC à ce sujet, lequel répondra le 14 septembre ; qu'il n'existe pas de poursuite des échanges de courriers après le 12 octobre 2010 ; que M. A... a offert, dans le cadre de concessions réciproques, qui n'ont finalement pas été acceptées, une dation pour mettre un terme à la situation litigieuse décrite dans le courrier du 6 novembre 2009, précité ; que cette dation n'a pas été concrétisée sans que cet échec puisse être imputé à faute à l'une ou l'autre des parties et ces différents échanges, qui précédent de plus de quatre ans l'assignation du 23 mars 2015, ne peuvent s'analyser comme une reconnaissance de la dette qu'aurait eue M. A... vis à vis de la Sarl Maisons CMC à concurrence de 178.788,30 € en principal ; que l'action sera donc déclarée prescrite ;

ALORS, D'UNE PART, QUE dans un courrier du 26 mars 2010, le notaire de M. A... indiquait au notaire de la société Maisons CMC : « M. O... A..., mon client, se propose d'effectuer une dation en paiement du lot n° 4 de l'ensemble immobilier sis à [...] , pour paiement de sa dette envers la SARL Maisons CMC, votre cliente » ; qu'en considérant que ce courrier, comme les autres éléments produits aux débats, ne pouvait s'analyser comme une reconnaissance de dette de M. A... vis-à-vis société Maisons CMC à concurrence de 178.788,30 € et n'interrompait donc pas la prescription, au motif qu'il s'inscrivait dans le cadre « de pourparlers en vue d'une transaction, sans reconnaissance de la créance litigieuse » (arrêt attaqué, p. 4, in fine), cependant que, dans son courrier du 26 mars 2010, le mandataire de M. A... reconnaissait expressément la créance de la société Maisons CMC sur son mandant, la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents qui lui sont soumis ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE lorsque le mandataire du débiteur reconnaît le droit de celui contre lequel son mandant prescrivait, le délai de prescription est interrompu, même si le montant exact du droit en cause n'est pas précisé ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le courrier du notaire de M. A... en date du 26 mars 2010, qui reconnaissait l'existence de la dette de son mandant, n'avait pas interrompu le délai de prescription, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil ;

ALORS, ENFIN, QU' il suffit que le principe de la dette soit reconnu pour que le cours de la prescription de l'action en recouvrement de la créance litigieuse soit interrompu pour le tout ; qu'en relevant à l'appui de sa décision, par motifs adoptés du jugement qu'elle confirmait (jugement, p. 5, alinéa 3), que le montant de la dette n'était pas précisé dans les courriers produits aux débats par la société Maisons CMC, cependant que la reconnaissance par le mandataire de M. A..., dans le courrier du 26 mars 2010, de la dette de son mandant suffisait à interrompre le délai de prescription de l'action en recouvrement de la société Maisons CMC, même si le montant exact de cette dette n'était pas précisé, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-24704
Date de la décision : 28/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 05 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 28 jan. 2021, pourvoi n°19-24704


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.24704
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