LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 janvier 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 127 F-D
Pourvoi n° U 19-24.358
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021
La société Francemurs investissements, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 19-24.358 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Rennequin Hermès, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société Francemurs investissements, de la SCP Boullez, avocat de la société Rennequin Hermès, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2019), la société civile immobilière Rennequin Hermès (la SCI Rennequin Hermès) a consenti à la société Francemurs investissements une promesse unilatérale de vente portant sur des lots de copropriété sous diverses conditions suspensives.
2. La promesse prévoyait une faculté de substitution au profit de toute personne physique ou morale.
3. Le 16 octobre 2015, la société Francemurs investissement a fait sommation à la SCI Rennequin Hermès de régulariser la vente devant notaire le 20 octobre 2015.
4. Celle-ci n'ayant pas déféré à cette sommation, la société Francemurs investissement l'a assignée afin de voir constater le caractère parfait de la vente et obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 250 000 euros à titre de dommages-intérêts.
5. La SCI Rennequin Hermès lui a opposé une fin de non-recevoir au motif qu'elle s'était substituée la société Natexis lease immo au titre d'une opération de crédit-bail immobilier permettant le financement de l'acquisition.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. La société Francemurs investissements fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande aux fins de voir déclarer la vente parfaite, alors :
« 1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce la sommation délivrée le 16 octobre 2015 par la société Francemurs Investissements, bénéficiaire de la promesse de vente, à la société Rennequin Hermès, promettant, sur laquelle la cour d'appel a fondé sa décision, énonçait expressément que la société Francemurs Investissements « est toujours d'accord pour acquérir le bien dans les termes de la promesse » ; qu'il s'en déduisait sans la moindre ambiguïté que le bénéficiaire avait lui-même levé l'option et n'avait pas entendu se substituer un tiers, en l'occurrence la société Natixis lease immo ; qu'en retenant toutefois que, par cette sommation, la société Francemurs Investissements s'était substituée cette dernière dans la promesse de vente, la privant ainsi de qualité pour exiger l'exécution de ladite promesse, la cour d'appel en a dénaturé le sens et la portée et violé le principe précité, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;
2°/ que l'option d'une promesse de vente une fois levée par le bénéficiaire lui-même, aucune substitution ne peut intervenir ; qu'il se déduisait en l'espèce de la sommation du 16 octobre 2015, qui mentionnait expressément que la société Francemurs Investissements « est toujours d'accord pour acquérir le bien dans les termes de la promesse », que celle-ci, bénéficiaire de la promesse de vente, avait levé l'option en vue d'acquérir le bien objet de ladite promesse ; qu'en retenant toutefois l'existence d'une substitution opérée par celle-ci au profit de la société Natixis lease immo, la cour d'appel, qui n'a pas appliqué la loi du contrat, a violé l'article 1134 ancien du code civil, devenu l'article 1103, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. D'une part, ayant relevé que la société Francemurs investissements avait fait sommation à la SCI Rennequin Hermès le 16 octobre 2015 « pour la signature de l'acte de vente et du contrat de crédit-bail s'y trouvant attaché entre la société Francemurs Investissements et Natixis lease immo » et que le projet d'acte de vente désignait celle-ci en qualité d'acquéreur, la cour d'appel, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, rendue nécessaire par l'ambiguïté des termes de la sommation, a pu retenir qu'en application de la clause de la promesse de vente, Francemurs investissements avait informé la SCI Rennequin Hermès qu'elle s'était substituée la société Natixis lease immo à l'occasion de l'opération de crédit-bail immobilier destinée à financer l'acquisition du bien.
8. D'autre part, ayant soutenu, dans ses conclusions d'appel, que le crédit-bailleur était présent au rendez-vous du 20 octobre 2015, de sorte que, sur sa sommation, la substitution pouvait être exercée et la vente réalisée et que le fait d'avoir informé la SCI Rennequin Hermès de sa volonté de faire usage de la faculté de substitution ne constituait pas l'exercice de cette faculté, qui ne pouvait intervenir que le jour de la vente, la société Francemurs investissements n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures.
9. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Francemurs investissements aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Francemurs investissements et la condamne à payer à la SCI Rennequin Hermès la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Francemurs investissements
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable la demande de la société Francemurs investissements aux fins de voir déclarer la vente parfaite,
Aux motifs que la société Francemurs Investissements avait fait sommation à la société Rennequin Hermès le 16 octobre 2015 « pour la signature de l'acte de vente et du contrat de crédit-bail s'y trouvant attaché entre la société Francemurs Investissements et Natixis Lease Immo », informant ainsi la société Rennequin Hermès de l'intervention dans l'acte de vente de la société Natixis Lease Immo qu'elle s'était substituée à l'occasion de l'opération de crédit-bail immobilier réalisée pour financer l'acquisition du bien ; qu'en outre le projet d'acte de vente désigne cette dernière en qualité d'acquéreur ; que la société Francemurs investissements s'étant substituée à la société Natixis Lease Immo, elle n'avait plus qualité pour agir aux fins de déclarer parfaite la vente à son profit,
Alors, d'une part, que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce la sommation délivrée le 16 octobre 2015 par la société Francemurs Investissements, bénéficiaire de la promesse de vente, à la société Rennequin Hermès, promettant, sur laquelle la cour d'appel a fondé sa décision, énonçait expressément que la société Francemurs Investissements « est toujours d'accord pour acquérir le bien dans les termes de la promesse » ; qu'il s'en déduisait sans la moindre ambiguïté que le bénéficiaire avait lui-même levé l'option et n'avait pas entendu se substituer un tiers, en l'occurrence la société Natixis Lease Immo ; qu'en retenant toutefois que, par cette sommation, la société Francemurs Investissements s'était substituée cette dernière dans la promesse de vente, la privant ainsi de qualité pour exiger l'exécution de ladite promesse, la cour d'appel en a dénaturé le sens et la portée et violé le principe précité, ensemble l'article 122 du code de procédure civile,
Alors, d'autre part, que, l'option d'une promesse de vente une fois levée par le bénéficiaire lui-même, aucune substitution ne peut intervenir ; qu'il se déduisait en l'espèce de la sommation du 16 octobre 2015, qui mentionnait expressément que la société Francemurs Investissements « est toujours d'accord pour acquérir le bien dans les termes de la promesse », que celle-ci, bénéficiaire de la promesse de vente, avait levé l'option en vue d'acquérir le bien objet de ladite promesse ; qu'en retenant toutefois l'existence d'une substitution opérée par celle-ci au profit de la société Natixis Lease Immo , la cour d'appel, qui n'a pas appliqué la loi du contrat, a violé l'article 1134 ancien du code civil, devenu l'article 1103, ensemble l'article 122 du code de procédure civile.