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28/01/2021 | FRANCE | N°19-22958

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 28 janvier 2021, 19-22958


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 janvier 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 97 FS-P+I

Pourvoi n° X 19-22.958

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021

Mme T... O..., domiciliée [...] , agissant tant en son nom perso

nnel qu'en qualité d'ayant droit de son mari H... O..., a formé le pourvoi n° X 19-22.958 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2019 par la cour d'...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 janvier 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 97 FS-P+I

Pourvoi n° X 19-22.958

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021

Mme T... O..., domiciliée [...] , agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de son mari H... O..., a formé le pourvoi n° X 19-22.958 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, dont le siège est 173-175 rue de Bercy, 75012 Paris, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme O..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de son mari H... O..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 décembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mmes Taillandier-Thomas, Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mme Cassignard, conseillers, Mme Le Fischer, M. Gauthier, Mme Dudit, M. Pradel, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juillet 2019), Mme O... a déclaré le 13 avril 2010 la maladie, dont son époux, H... O... (la victime), ingénieur de production employé par la société Sun Chemical, est décédé le 16 février 2010.

2. La caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la caisse) ayant refusé de prendre en charge la maladie au titre de la législation professionnelle, l'intéressée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

3. La caisse soutient que le pourvoi serait irrecevable en raison de sa tardiveté.

4. Cependant, la requérante justifie, par la production d'une attestation du greffe de la cour d'appel de Paris, que l'arrêt attaqué lui a été notifié le 23 juillet 2019.

5. Le pourvoi, enregistré le 20 septembre 2019, est donc recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Mme O... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, et par conséquent, de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée, alors « que dans le cas où ne sont pas remplies les conditions d'exposition au risque prévues par un tableau de maladies professionnelles mentionnant l'affection déclarée par le salarié, le juge saisi du différend ne peut se prononcer sur l'origine de la maladie déclarée sans l'avis préalable du CRRMP ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a tenu pour non établies les conditions d'exposition au risque prévues par le tableau n° 15 ter visant l'affection déclarée, de sorte qu'en écartant son origine professionnelle tout en retenant qu'il n'y avait pas lieu d'enjoindre à la caisse de recueillir l'avis préalable d'un CRRMP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, et le tableau n° 15 ter des maladies professionnelles dans sa rédaction issue du décret n° 95-1196 du 6 novembre 1995, applicables au litige :

7. Il résulte du premier de ces textes que si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie, telle qu'elle est désignée dans un des tableaux de maladies professionnelles, peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle a été directement causée par le travail habituel de la victime. Dans un tel cas, la caisse est tenue de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

8. Pour dire n'y avoir lieu de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, l'arrêt retient que pour bénéficier de la législation professionnelle en application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, il faut que soit établie une exposition aux produits chimiques limitativement énumérés par le tableau n° 15 ter, A ou B, et que les témoignages produits par l'appelante sont insuffisants à apporter cette preuve. Il en déduit qu'il ne peut donc pas être considéré que les conditions du tableau précité seraient remplies, et que le caractère professionnel de la maladie n'est pas établi. Il ajoute qu'à titre subsidiaire, l'intéressée considère que la cour doit enjoindre à la caisse de transmettre le dossier à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, que cependant l'alinéa 3 de l'article L. 461-1 permet qu'une maladie puisse être reconnue d'origine professionnelle si une ou plusieurs conditions figurant au tableau ne sont pas remplies, et qu'en l'absence d'exposition au risque avérée, il ne peut pas être fait application de ce texte.

9. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la victime était atteinte d'une maladie désignée au tableau n° 15 ter des maladies professionnelles sans remplir les conditions fixées par celui-ci, de sorte qu'elle ne pouvait statuer sans que l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ait été recueilli, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Paris aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et la condamne à payer à Mme O... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme O..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de son mari H... O...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté l'ayant droit (Mme O..., l'exposante) d'un salarié victime d'une pathologie désignée au tableau des maladies professionnelles, de sa demande tendant à voir enjoindre à l'organisme social (la CPAM de Paris) de saisir un CRRMP pour recueillir son avis préalable sur l'origine professionnelle de l'affection, et de l'avoir en conséquence débouté de sa demande de reconnaissance de la maladie au titre de la législation professionnelle ;

AUX MOTIFS QUE le tableau n° 15 ter des maladies professionnelles applicable concernait les « lésions prolifératives de la vessie provoquées par les amines aromatiques et leurs sels et la N-nitroso-dibutylamine et ses sels » ; que les lésions malignes de l'épithélium vésical devaient découler de l'exposition à une liste limitative de substances chimiques reconnues cancérigènes qui figurait au tableau ; que l'enquête diligentée par la caisse avait permis d'établir que H... O... travaillait pour une société spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d'encres et de vernis pour l'imprimerie ; qu'il intervenait ponctuellement sur divers sites de production d'encres ; que son collègue, M. B..., avait déclaré qu'il était exposé à divers produits mais pas à ceux figurant au tableau 15 ter A et B ; que, selon les indications de l'employeur, H... O... n'avait pas de mission de production des encres et vernis, mais occupait un poste de management au siège social, ne nécessitant que des visites ponctuelles dans les ateliers de production, ce qui ne caractérisait pas une exposition régulière aux produits ; que l'employeur ajoutait que les substances liées au tableau n° 15 ter B étaient des amines aromatiques exclues des encres d'imprimerie ; que les attestations produites par Mme O... pour établir qu'il y avait bien eu exposition au risque étaient insuffisantes à apporter cette preuve ; qu'il ne pouvait donc pas être considéré que les conditions du tableau précité auraient été remplies, de sorte que le caractère professionnel de la maladie n'était pas établi ; qu'en l'absence d'exposition au risque avérée, il ne pouvait être enjoint à la caisse de transmettre le dossier à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (arrêt attaqué, p. 3, motifs, 6ème, 7ème et 9ème al., et p. 4) ;

ALORS QUE, dans le cas où ne sont pas remplies les conditions d'exposition au risque prévues par un tableau de maladies professionnelles mentionnant l'affection déclarée par le salarié, le juge saisi du différend ne peut se prononcer sur l'origine de la maladie déclarée sans l'avis préalable du CRRMP ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a tenu pour non établies les conditions d'exposition au risque prévues par le tableau n° 15 ter visant l'affection déclarée, de sorte qu'en écartant son origine professionnelle tout en retenant qu'il n'y avait pas lieu d'enjoindre à la caisse de recueillir l'avis préalable d'un CRRMP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article L 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-22958
Date de la décision : 28/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles - Dispositions générales - Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles - Saisine par la caisse primaire d'assurance maladie - Nécessité - Cas - Détermination - Portée

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles - Dispositions générales - Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles - Avis - Demande - Condition

Il résulte de l'article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, que si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie, telle qu'elle est désignée dans un des tableaux de maladies professionnelles, peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle a été directement causée par le travail habituel de la victime. Dans un tel cas, la caisse est tenue de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Viole ce texte la cour d'appel qui statue sans que l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ait été recueilli, au motif de l'absence d'exposition au risque de la victime, alors qu'il ressortait de ses constatations que la victime était atteinte d'une maladie désignée au tableau n° 15 ter des maladies professionnelles sans remplir les conditions fixées par celui-ci


Références :

article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998

tableau n° 15 ter des maladies professionnelles dans sa rédaction issue du décret n° 95-1196 du 6 novembre 1995.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 05 juillet 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 28 jan. 2021, pourvoi n°19-22958, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.22958
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