La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/01/2021 | FRANCE | N°19-21351

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 janvier 2021, 19-21351


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 janvier 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 135 F-D

Pourvoi n° A 19-21.351

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 JANVIER 2021

M. T... Y..., domicilié [...] , a form

é le pourvoi n° A 19-21.351 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 janvier 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 135 F-D

Pourvoi n° A 19-21.351

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 JANVIER 2021

M. T... Y..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° A 19-21.351 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Air France, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. Y..., de Me Le Prado, avocat de la société Air France, après débats en l'audience publique du 2 décembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, Mme Berriat, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 juin 2019), M. Y..., né le [...] , engagé à compter du 4 mai 1988 en qualité d'officier pilote de ligne par la société Air Inter par contrat de travail repris en avril 1997 par la société Air France (la société), a été désigné délégué syndical.

2. Son employeur l'a informé par lettre du 20 mai 2008 en application de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile qu'il serait appelé à cesser son activité de pilote le 23 mai 2009 en raison de la limite d'âge fixée à 60 ans. L'autorisation administrative de licenciement, sollicitée par l'employeur, a été refusée le 2 mars 2009 par l'inspecteur du travail. Sur recours hiérarchique, le ministre du travail le 27 juillet 2009 a annulé la décision de l'inspecteur du travail et délivré l'autorisation. Par lettre du 30 juillet 2009, la société a notifié au salarié la rupture du contrat de travail au motif qu'il avait atteint le 23 mai 2009 la limite d'âge prévue par l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, qu'il ne pouvait donc plus exercer les fonctions d'officier navigant et que les recherches de reclassement au sol s'étaient révélées infructueuses. Le salarié a liquidé ses droits à retraite le 1er décembre 2009 auprès de la CRPN et le 1er mai 2010 auprès de la CNAV.

3. Sur recours contentieux, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête du salarié en annulation de l'autorisation de licenciement par jugement du 5 décembre 2011, lequel a été annulé par la cour administrative d'appel de Versailles par arrêt du 25 juin 2013. Le Conseil d'Etat a rejeté le 22 mai 2015 le pourvoi interjeté par l'employeur à l'encontre de cet arrêt.

4. Le 12 septembre 2013 suite à l'arrêt de la cour administrative d'appel, le salarié a sollicité sa réintégration. Par lettre du 3 octobre 2013, la société a confirmé sa réintégration dans les effectifs de la compagnie à la date du 13 septembre 2013. Par lettre du 23 juin 2014, la société a informé le salarié qu'en application de l'article L. 6521-4 du code des transports, il ne pouvait plus exercer le métier de pilote dans le transport aérien public, en raison de l'atteinte de la limite d'âge fixée à 65 ans, et lui a proposé plusieurs postes de reclassement au sol. La société l'a licencié par lettre du 27 août 2014.

5. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 19 juin 2015 pour réclamer le paiement d'un rappel de salaires pour la période du 4 août 2009 au 12 septembre 2013 ainsi que d'un solde d'indemnité compensatrice de congés payés et des dommages-intérêts en réparation de différents préjudices.

Examen des moyens

Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en ses troisième, cinquième et huitième branches

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en indemnisation pour la période du 4 août 2009 au 12 septembre 2013, alors :

« 3°/ que lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision ; qu'en déboutant M. Y... de sa demande d'indemnisation sur le fondement de cet article, après avoir pourtant constaté que, le 3 octobre 2013, Air France avait accepté sa réintégration dans ses fonctions de pilote, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 2422-1 du code du travail ;

5°/ que lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision ou au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration ; qu'ainsi, que le salarié soit réintégré ou non, il a droit dans tous les cas à une indemnisation sur le fondement de cette disposition ; qu'en relevant que l'annulation de la décision d'autorisation de licenciement de M. Y... était devenue définitive le 25 juin 2013 et que M. Y... était recevable en sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, et en le déboutant néanmoins de sa demande d'indemnisation à ce titre, la cour d'appel a violé l'article L. 2422-1 du code du travail ;

8°/ que la liquidation des droits à pension pendant la période d'indemnisation du préjudice subi par le salarié dont l'autorisation de licenciement a été annulée ne fait pas cesser ce préjudice dont la totalité doit être réparée pendant la période déterminée par l'article L. 2422-4 du code du travail ; qu'en déboutant M. Y... de sa demande d'indemnisation sur le fondement de cet article, motif pris de l'impossibilité de réintégration due à la liquidation de ses droits pensions de retraite, quand cette liquidation n'avait pas fait cesser son préjudice lié à l'annulation de l'autorisation de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 2422-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2411-1, L. 2422-1 et L. 2422-4 du code du travail :

8. Pour rejeter les demandes d'indemnisation pour la période du 4 août 2009 au 12 septembre 2013, l'arrêt retient que l'action du salarié est recevable, l'annulation de la décision d'autorisation étant devenue définitive le 25 juin 2013, que le salarié a liquidé ses pensions de retraite le 1er décembre 2009 pour la CRPN et le 1er mai 2010 pour la CNAV, qu'il ne pouvait donc solliciter sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent, qu'il sera débouté de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait été réintégré le 13 septembre 2013 et qu'il était dès lors en droit de percevoir l'indemnité prévue à l'article L. 2422-4 du code du travail au cours de la période écoulée entre son éviction et sa réintégration et sous déduction des revenus de remplacement perçus pendant cette période, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Y... de ses demandes d'indemnisation pour la période du 4 août 2009 au 12 septembre 2013 sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, l'arrêt rendu le 18 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Air France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Air France et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de ses demandes en indemnisation pour la période du 4 août 2009 au 12 septembre 2013 ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande d'indemnisation fondée sur l'article L. 2422-4 du code du travail pour la période du 4 août 2009 ou 12 septembre 2013 ; que la société Air France oppose la prescription de la demande ; que cependant, le point de départ de la prescription est la date à laquelle l'annulation de la décision d'autorisation est devenue définitive, soit le 25 juin 2013. M. Y... ayant saisi le conseil de prud'hommes le 19 juin 2015, son action est recevable ; que M. Y... soutient que son indemnisation doit correspondre à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, que la liquidation de ses droits de la retraite en 2009 en 2010 ne fait pas obstacle à sa réintégration le 13 septembre 2013, et que les pensions et allocations perçues par lui ne viennent pas en déduction de son indemnisation sur le fondement de l'article L. 2422–4 du code du travail ; que cependant, pour percevoir sa pension de retraite, le salarié doit rompre tout lien professionnel avec son employeur ; qu'il en résulte que le salarié dont le contrat a été rompu par l'employeur qui a fait valoir ses droits à la retraite, ne peut ultérieurement solliciter sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent ; que M. Y... a liquidé ses pensions de retraite le 1er décembre 2009 pour la CRPN et le 1er mai 2010 pour la CNAV ; qu'il ne pouvait donc solliciter sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent, peu important qu'Air France ait accepté sa réintégration le 3 octobre 2013 ; qu'il sera donc débouté de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 2422–4 du code du travail ; qu'il sera fait droit à sa demande subsidiaire de dommages-intérêts pour licenciement nul ; qu'il lui sera accordé compte tenu de sa rémunération et des circonstances de la rupture une somme de 150.000 euros ; que par ailleurs, compte tenu du déplafonnement à compter du 1er janvier 2010 de l'âge limite impératif d'exercice de l'activité de pilote transport public de 60 à 65 ans, M. Y... a subi un préjudice moral dans la mesure où il avait il avait fait valoir ses droits à la retraite ; qu'il lui sera accordé une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige, définis par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel (cf. p. 40 à 42, productions), M. Y... sollicitait la condamnation de la société Air France à l'indemniser sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail pour la période du 4 août 2009 au 12 septembre 2013 sur la base d'un salaire mensuel brut de navigant de 22.605 euros ; que la société Air France se bornait à demander à la cour de juger, à titre principal, que la demande d'indemnisation était partiellement irrecevable car prescrite pour la période antérieure au 19 juin 2012 et, à titre subsidiaire de juger que l'indemnisation de M. Y... au titre de l'article L. 2422-4 du code du travail ne devrait intervenir que sur la base d'un salaire de 15.604,26 euros et qu'elle ne pouvait être supérieure à la somme de 357.350,89 euros (cf. arrêt, p. 4) ; que les parties au litige reconnaissaient donc le droit à indemnisation de M. Y... sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail ; qu'en déboutant M. Y... de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, en l'absence de toute demande en ce sens, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision ; que pour débouter M. Y... de sa demande d'indemnisation sur le fondement de cet article, la cour d'appel, après avoir retenu que l'annulation de la décision d'autorisation de son licenciement était devenue définitive le 25 juin 2013 et qu'il avait liquidé ses pensions de retraite le 1er décembre 2009 pour la CRPN et le 1er mai 2010 pour la CNAV, a estimé qu'il ne pouvait solliciter sa réintégration dans son emploi, peu important qu'Air France ait accepté sa réintégration le 3 octobre 2013 ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs ne caractérisant pas une impossibilité pour l'employeur de réintégrer le salarié dans son emploi ou dans un emploi équivalent, la cour d'appel a violé l'article L. 2422-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision ; qu'en déboutant M. Y... de sa demande d'indemnisation sur le fondement de cet article, après avoir pourtant constaté que, le 3 octobre 2013, Air France avait accepté sa réintégration dans ses fonctions de pilote, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 2422-1 du code du travail ;

4°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motif ; qu'en constatant, d'une part, que : « Par lettre du 12 septembre 2013, Monsieur Y... a fait valoir son droit à réintégration à son poste de pilote commandant de bord. Par lettre du 3 octobre 2013, la société a confirmé sa réintégration dans les effectifs de la compagnie à la date du 13 septembre 2013 » (cf. arrêt, p. 2 § 8) et, d'autre part, que « Air France avait accepté sa réintégration le 3 octobre 2013 » (cf. arrêt p. 5 § 6) et en affirmant cependant que le salarié ne pouvait solliciter sa réintégration, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision où au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration ; qu'ainsi, que le salarié soit réintégré ou non, il a droit dans tous les cas à une indemnisation sur le fondement de cette disposition ; qu'en relevant que l'annulation de la décision d'autorisation de licenciement de M. Y... était devenue définitive le 25 juin 2013 et que M. Y... était recevable en sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, et en le déboutant néanmoins de sa demande d'indemnisation à ce titre, la cour d'appel a violé l'article L. 2422-1 du code du travail ;

6°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. p. 26 et 42, production), M. Y... faisait valoir, à titre subsidiaire, que : « Si par extraordinaire, la cour jugeait que la réintégration de M. Y... à son poste de pilote-commandant de bord était absolument impossible le 13 septembre 2013, quand bien même Air France l'y a effectivement réintégré à compter de cette date, sur le fondement de l'article L. 2422-1 du code du travail, alors, toujours sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, puisqu'il vise tant le cas du salarié protégé réintégré que celui qui ne l'a pas été, la cour condamnera Air France à payer à M. Y... la somme totale brute de 1.003.662 euros, pour la période du 4 août 2009 au 12 septembre 2013, assortie des intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 1er janvier 2010, sur le fondement de l'article 1153-1 et 1154 du code civil, avec remise par Air France des fiches de salaire mensuelles y afférentes et paiement des cotisations aux organismes sociaux concernés, indemnisation déterminée sur la base d'un salaire de navigant mensuel moyen brut de 22.605 euros calculé sur la moyenne des 12 derniers mois d'activité précédents la rupture annulée, dont sera déduit du total net la somme nette totale de 50.882 euros perçue au titre de sa pension CNAV et celle de 5.571 euros correspondant à l'allocation pôle emploi perçue par M. Y... sur ladite période » ; qu'en déboutant purement et simplement M. Y... de cette demande, sans avoir répondu à ce moyen pertinent des conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE les juges doivent motiver leur décision ; qu'en déboutant purement et simplement M. Y... de sa demande subsidiaire en paiement d'une indemnité au titre de l'article L. 2422-1 du code du travail pour le cas où il n'aurait pu solliciter sa réintégration, sans motiver décision sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

8°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la liquidation des droits à pension pendant la période d'indemnisation du préjudice subi par le salarié dont l'autorisation de licenciement a été annulée ne fait pas cesser ce préjudice dont la totalité doit être réparée pendant la période déterminée par l'article L. 2422-4 du code du travail; qu'en déboutant M. Y... de sa demande d'indemnisation sur le fondement de cet article, motif pris de l'impossibilité de réintégration due à la liquidation de ses droits pensions de retraite, quand cette liquidation n'avait pas fait cesser son préjudice lié à l'annulation de l'autorisation de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 2422-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande tendant à voir condamner la société Air France à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de préjudice moral spécial, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, devenu 1231-1 du code civil ;

AUX MOTIFS QUE M. Y... soutient qu'à compter du 13 septembre 2013, les conditions de sa réintégration ont été vexatoires, déloyales et lentes ; que cependant, ayant fait valoir ses droits à la retraite, il ne pouvait solliciter sa réintégration ; qu'en tout état de cause, Air France a accepté dès le 3 octobre 2013 de le réintégrer, soit moins de 3 semaines après sa demande de réintégration ; qu'elle lui a proposé des postes au sol qu'elle pouvait seuls lui offrir puisqu'il avait atteint la limite d'âge pour des postes de navigant ; que M. Y... ne justifie d'aucun manquement de la part de la société et sera donc débouté de cette demande ;

1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. p. 39 et 40, productions), M. Y... faisait valoir que par lettre du 12 septembre 2013, il avait fait valoir son droit à réintégration à son poste de pilote-commandant de bord B 777 auprès d'Air France, sur le fondement de l'article L. 2422-1 du code du travail, en suite de l'arrêt rendu par la cour d'appel administrative de Versailles, que par lettre du 3 octobre 2013, la société Air France lui avait confirmé sa réintégration, lui précisant que sa reprise était soumise à une visite médicale et une aptitude médicale classe 1 de navigant, que ce n'était que le 22 novembre 2013, près de deux mois et demi après, qu'Air France avait finalement organisé sa visite médicale du travail, étant précisé que M. Y... avait déjà fait le nécessaire par anticipation et justifiait ainsi de son aptitude médicale classe 1 dès sa demande de réintégration, qu'en novembre 2013, il avait déposé sa demande de badge CMC (Crew Member Certificate) au service des badges d'Air France, afin de pouvoir effectuer son activité aéronautique, mais ce n'était là encore que le 19 mars 2014, après plusieurs relances, soit près de 4 mois après, que ce badge lui avait été finalement délivré et qu'enfin après rebondissements au cours de son stage, entamé seulement le 6 janvier 2014, soit près de 4 mois après sa réintégration, il avait appris, par lettre d'Air France datée du 6 mai 2014, qu'une commission d'encadrement s'était réunie le 8 avril 2014 et l'avait éliminé de son stage de reprise ; qu'il en déduisait que les conditions de sa réintégration à compter du 13 septembre 2013 avaient été particulièrement vexatoires, déloyales et abusivement lentes ce qui lui avait causé un grave préjudice moral ; qu'en déboutant M. Y... de sa demande tendant à voir condamner la société Air France à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de préjudice moral spécial, motifs pris de ce que la société lui aurait proposé des postes au sol puisqu'il avait atteint la limite d'âge pour des postes de navigant, ce qui n'était pourtant pas en débat, et sans répondre à ces chefs pertinents des conclusions de l'exposant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en déboutant M. Y... de sa demande tendant à voir condamner la société Air France à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de préjudice moral spécial, sans s'être prononcée sur les pièces n° 11, 12, 13, 14-1, 14-2, 15 et 48 (cf. productions), régulièrement produites aux débats et qui démontraient que M. Y... avait fait valoir son droit à réintégration au poste de pilote CDB 777 et non à un poste au sol, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande tendant à voir condamner la société Air France à lui verser la somme de 37.752 euros à titre d'indemnité de fin de carrière (IFC) ;

AUX MOTIFS QUE si Air France a accepté de réintégrer M. Y..., celui-ci n'a pas accepté les possibilités de reclassement dans un poste au sol qui lui était proposées et a été licencié pour ce motif (cf. arrêt p. 7 § 5) ; qu'il a été indiqué que Monsieur Y... n'avait jamais pris son poste dans le cadre de ce second contrat de travail ; qu'il sera donc débouté de cette demande ;

1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. p. 34 à 36 et 42, production), M. Y... faisait valoir, à titre subsidiaire, que si, par extraordinaire, la cour considérait qu'il n'avait pu être réintégré sur le fondement de l'article L. 2422-1 du code du travail et que son contrat de navigant rompu en 2009 n'avait donc pas été rétabli en 2013, incontestablement, il avait alors occupé un poste de navigant au sein d'Air France du 13 septembre 2013 au 30 novembre 2014, dans le cadre d'un nouveau contrat et dont la rupture au 30 novembre 2014 donnait lieu au versement d'une indemnité de fin de carrière ; qu'en déboutant M. Y... de sa demande tendant à voir condamner la société Air France à lui verser la somme de 37.752 euros à titre d'indemnité de fin de carrière, sans avoir répondu à ce chef pertinent de conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour débouter M. Y... de sa demande tendant à voir condamner la société Air France à lui verser la somme de 37.752 euros à titre d'indemnité de fin de carrière, la cour d'appel a énoncé que M. Y... n'avait jamais pris son poste dans le cadre de ce second contrat de travail ; qu'en se déterminant ainsi, sans s'être prononcée sur la lettre d'Air France du 23 juin 2014 (cf. pièce n° 17, production), le certificat de travail établi par Air France (pièce n° 48, production) et les bulletins du salaire de novembre 2013 à novembre 2014 (cf. pièce 21 adverse, production), régulièrement produits aux débats et qui démontraient que M. Y... avait occupé un poste de commandant de bord jusqu'au 30 novembre 2014, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le juge ne peut se déterminer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer que Monsieur Y... n'avait jamais pris son poste dans le cadre de second contrat de travail, la cour d'appel a méconnu les exigences de motivation de l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande tendant à voir condamner la société Air France à lui verser la somme de 17.846 euros à titre d'indemnisation pour perte de chance d'utiliser son droit au DIF de 120 heures créditées en 2009 ;

AUX MOTIFS QUE par lettre du 30 juillet 2009, la société Air France a notifié au salarié la rupture de son contrat de travail au motif qu'il avait atteint la limite d'âge prévue par l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile (cf. arrêt p. 2 § 6) ; que la société Air France a licencié M. Y... avec un préavis de 3 mois débutant le 1er septembre 2014 et prenant fin le 30 novembre 2014 (cf. arrêt, p. 2) ; qu'il sera fait droit à sa demande subsidiaire de dommages et intérêts pour licenciement nul (cf. arrêt, p. 5) ; que la portabilité du droit individuel à la formation permet au salarié dont le contrat de travail est rompu de demander pendant son préavis ou après la cessation du contrat à bénéficier des heures acquises au titre du DIF et non utilisées ; que cependant ce dispositif n'est pas applicable en cas de départ à la retraite ; qu'il convient de rejeter cette demande ;

ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motif ; qu'en constatant que M. Y... avait été licencié une première fois le 30 juillet 2009 pour atteinte de la limite d'âge, ce qui constituait un licenciement nul comme discriminatoire (cf. arrêt p. 2 § 6 et p. 5) et, une seconde fois par lettre du 27 août 2014 avec un préavis de 3 mois débutant le 1er septembre 2014 et prenant fin le 30 novembre 2014 (cf. arrêt, p. 2 § 10) et en déboutant néanmoins le salarié de sa demande tendant à voir condamner la société Air France à lui verser la somme de 17.846 euros au titre de son indemnisation pour perte de chance d'utiliser son droit au DIF de 120 heures créditées en 2009, motif pris que ce dispositif n'était pas applicable en cas de départ à la retraite, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Air France à verser à M. Y... la somme limitée de 150.000 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE M. Y... a liquidé ses pensions de retraite le 1er décembre 2009 pour la CRPN et le 1er mai 2010 pour la CNAV ; qu'il ne pouvait donc solliciter sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent, peu important qu'Air France ait accepté sa réintégration le 3 octobre 2013 ; qu'il sera donc débouté de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 2422–4 du code du travail ; qu'il sera fait droit à sa demande subsidiaire de dommages-intérêts pour licenciement nul ; qu'il lui sera accordé compte tenu de sa rémunération et des circonstances de la rupture une somme de 150.000 euros ;

1°) ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motif ; qu'en énonçant, dans ses motifs, qu' : « il sera fait droit à sa demande subsidiaire de dommages-intérêts pour licenciement nul ; qu'il lui sera accordé compte tenu de sa rémunération et des circonstances de la rupture une somme de 150.000 euros », et en condamnant la société Air France à payer à M. Y... la somme de 150.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE les juges doivent motiver leur décision ; qu'en se bornant à retenir, pour fixer à l'indemnité minimale de six mois de salaire, le montant des dommages et intérêts alloués à M. Y..., qu' « il sera fait droit à sa demande subsidiaire de dommages-intérêts pour licenciement nul ; qu'il lui sera accordé compte tenu de sa rémunération et des circonstances de la rupture une somme de 150.000 euros », la cour d'appel a statué par une motivation de pure forme et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;

3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, les dommages et intérêts alloués à la victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte ni perte ni profit ; qu'en limitant à la somme de 150.000 euros, soit environ six mois de salaire, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloués à M. Y..., salarié protégé, qui avait fait l'objet d'un licenciement nul, fondé sur motif discriminatoire du fait de l'âge, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, l'article 1147 du code civil dans sa rédaction alors applicable, devenu 1231-1 du code civil, ensemble les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-21351
Date de la décision : 27/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 jan. 2021, pourvoi n°19-21351


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.21351
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award