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27/01/2021 | FRANCE | N°18-22916

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 janvier 2021, 18-22916


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 janvier 2021

Rejet

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 77 F-D

Pourvoi n° F 18-22.916

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 JANVIER 2021

La

société [...] , société par actions simplifiée, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° F 18-22.916 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2018 p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 janvier 2021

Rejet

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 77 F-D

Pourvoi n° F 18-22.916

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 JANVIER 2021

La société [...] , société par actions simplifiée, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° F 18-22.916 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2018 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Gruau Laval, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Boisselet, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société [...] , de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Gruau Laval, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Boisselet, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 juin 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 2 février 2016, pourvoi n° 13-24.582), la société [...] est devenue, le 13 novembre 1995, le concessionnaire exclusif de la société Gruau Laval dans plusieurs départements du Sud-Est de la France.

2. Ce contrat, qui s'est renouvelé par tacite reconduction jusqu'en 2002, contenait une clause de résiliation selon laquelle la concession prendrait fin par résiliation anticipée, sans action judiciaire ni formalité autre que celles prévues, par déclaration de résiliation en cas de non-paiement à son échéance d'une somme due par le concessionnaire ou d'infractions de sa part à l'une des clauses des conditions générales ou particulières arrêtées entre les parties et que, dans un tel cas, la société Gruau Laval pourrait adresser au concessionnaire une mise en demeure par lettre recommandée constatant le défaut de paiement ou l'infraction et prononçant la résiliation, celle-ci opérant de plein droit huit jours après la mise en demeure.

3. Invoquant de nombreux impayés, la société Gruau Laval a assigné la société [...] en paiement et a demandé que soit constatée la résiliation du contrat du fait de sa défaillance. Reconventionnellement, la société [...] a demandé que soit prononcée la résiliation du contrat aux torts de la société Gruau Laval et que celle-ci soit condamnée à lui payer diverses sommes à titre de commissions et de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société [...] fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution du contrat de concession exclusive du 13 novembre 1995 à la date du 20 janvier 2004 à ses torts et de rejeter ses demandes de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que, de première part, les juges saisis d'une demande de résolution ou de résiliation judiciaire d'un contrat doivent, lorsque des manquements contractuels sont invoqués par chacune des parties, apprécier leur existence et leur gravité respective ; qu'en retenant, pour prononcer la résolution du contrat de concession exclusive du 13 novembre 1995 à la date du 20 janvier 2004 aux torts de la société [...] et pour débouter, en conséquence, la société [...] de ses demandes de dommages et intérêts, que la rupture des relations contractuelles était imputable à la seule société [...] du fait du non-paiement des factures, sans apprécier, lorsqu'elle a examiné les demandes des parties tendant au prononcé de la résolution ou de la résiliation judiciaire du contrat de concession exclusive du 13 novembre 1995, l'existence et la gravité du manquement contractuel, invoqué par la société [...] , tenant à l'inexécution par la société Gruau Laval de son obligation contractuelle de communiquer, chaque mois, à la société [...] un état de son chiffre d'affaires pour lui permettre de facturer les commissions qui lui étaient dues, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui est applicable à la cause ;

2°/ que, de seconde part, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'en énonçant, dès lors, que tant les opérations d'expertise que les pièces produites n'avaient pas établi, à l'encontre de la société Gruau Laval, que le non-paiement des commissions, quand elle relevait de l'article XII du contrat de concession exclusive du 13 novembre 1995 stipulait que la société Gruau Laval avait l'obligation contractuelle de communiquer, chaque mois, à la société [...] un état de son chiffre d'affaires pour lui permettre de facturer les commissions qui lui étaient dues, quand il incombait en conséquence à la société Gruau Laval d'apporter la preuve qu'elle avait exécuté cette obligation contractuelle et quand, en se déterminant comme elle l'a fait, elle a considéré que c'était à la société [...] qu'il appartenait d'apporter la preuve que la société Gruau Laval avait inexécuté cette même obligation, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les dispositions de l'article 1315 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui est applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

5. L'arrêt retient que la société [...] n'a pas respecté ses obligations contractuelles de paiement de ses factures dans les délais dès l'année 2000, de même que les reports d'échéance qui avaient été acceptés par la société Gruau Laval. Relevant que cette dernière était débitrice de commissions, il constate que la société [...] a réclamé le paiement de ses commissions par une première lettre du 18 décembre 2001, sans avoir auparavant reproché à la société Gruau Laval un défaut de communication des chiffres d'affaires permettant leur facturation. L'arrêt ajoute que la société [...] n'a jamais demandé le paiement de commissions ni fait état de leur non-règlement, tout en faisant part à son cocontractant de ses difficultés financières et demandant des délais de paiement. Il relève enfin que le chiffrage des sommes qui seraient dues à la société [...] ne relève que de ses propres affirmations et n'est nullement confirmé par l'expertise judiciaire ayant donné lieu à des opérations contradictoires.

6. En cet état, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, a retenu que les manquements invoqués par la société [...] , relatifs aux commissions dues par la société Gruau Laval, n'étaient pas suffisamment graves pour prononcer la résolution du contrat de concession exclusive du 13 novembre 1995 aux torts de cette dernière, et en a déduit qu'il convenait de prononcer cette résolution aux torts de la société [...] et de rejeter ses demandes de dommages-intérêts.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La société [...] fait grief à l'arrêt de fixer à 47 739,03 euros TTC la somme due à la société Gruau Laval au titre des factures impayées, à 37 838,45 euros TTC la somme qui lui est due par cette société au titre des commissions, d'ordonner la compensation de ces deux dettes à concurrence de leurs montants respectifs, de la condamner en conséquence à payer à la société Gruau Laval la somme de 9 900 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2002, date de la mise en demeure, et de rejeter ses demandes de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que, de première part, en se fondant, pour fixer à 37 838,45 euros TTC la somme due par la société Gruau Laval à la société [...] au titre des commissions dues et pour, en conséquence, condamner la société [...] à la société Gruau Laval la somme de 9 900 euros et débouter la société [...] de ses demandes de dommages-intérêts, sur les seules opérations d'expertise judiciaire, qui portaient sur les sommes respectivement dues par les parties à la date du 23 janvier 2002, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par la société [...] si des commissions n'étaient pas dues par la société Gruau Laval à la société [...] au titre de la période postérieure au 23 janvier 2002, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui est applicable à la cause.

2°/ que, de seconde part, en énonçant, pour débouter la société [...] de ses demandes de dommages-intérêts, que les difficultés financières de la société [...] étaient imputables à d'autres causes que les commissions non réclamées qui lui étaient dues par la société Gruau Laval et qu'en conséquence, la société [...] ne rapportait pas la preuve d'un lien de causalité entre l'attitude qu'elle imputait à son adversaire et le préjudice financier qu'elle faisait valoir, quand la circonstance que les difficultés financières de la société [...] étaient imputables à d'autres causes que les commissions non réclamées qui lui étaient dues par la société Gruau Laval n'était de nature à justifier le rejet des demandes de dommages-intérêts de la société [...] qu'en ce que ces demandes tendaient à l'indemnisation des difficultés financières de la société [...] , et non en ce qu'elles tendaient à l'indemnisation des pertes de marge, du manque à gagner et des pertes de trésorerie subis par la société [...] , la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui est applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

9. D'une part, en l'état des conclusions de la société [...] qui, en leur dispositif, demandaient, au titre des commissions dues au 23 janvier 2002, la condamnation provisionnelle de la société Gruau Laval à lui payer la somme de 240 568,97 euros et, subsidiairement, la somme de 60 227,13 euros, et, au titre du manque à gagner sur commissions pour la période écoulée entre 2001 et 2004, le paiement de dommages-intérêts de 39 383 euros, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, après avoir analysé ces prétentions à la lumière des éléments de fait mis au débat par les parties et des conclusions de l'expert judiciaire, a retenu que le montant des sommes dues par la société Gruau Laval à la société [...] devait être fixé à la somme de 37 838,45 euros TTC.

10. D'autre part, l'arrêt retient que, tant les opérations d'expertise que les pièces produites n'ont établi à l'encontre de la société Gruau Laval que le non-paiement de commissions, ce qui ne pouvait lui être reproché dans la mesure où, se trouvant en présence d'un débiteur en difficulté, elle devait prendre les mesures nécessaires pour assurer le paiement des commandes qu'elle lui avait livrées. Il retient ensuite que les difficultés financières de la société [...] étaient imputables à d'autres causes que le non-paiement de ces commissions, d'ailleurs non réclamées, et notamment à une réduction du champ d'activité de la société. En cet état, la cour d'appel a pu retenir que la société [...] ne rapportait pas la preuve d'un lien de causalité entre l'attitude qu'elle impute à son adversaire et le préjudice financier qu'elle fait valoir, qui n'est que la conséquence de la résolution du contrat à ses torts.

11 Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [...] et la condamne à payer à la société Gruau Laval la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la société [...] .

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR prononcé la résolution du contrat de concession exclusive du 13 novembre 1995 à la date du 20 janvier 2004 aux torts de la société [...] et D'AVOIR débouté la société [...] de ses demandes de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « sur la résolution judiciaire du contrat. / Aux termes de l'article 1184 ancien du code civil, applicable à la cause compte tenu de la date du contrat, " la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages intérêts. La résolution doit être demandée en justice
". / Chacune des parties se prévalant des manquements contractuels de son adversaire, il convient d'apprécier leurs existences et leurs gravités respectives. / [
] Pour demander la résolution du contrat aux torts de son adversaire, la société Gruau Laval invoque les retards de paiement de son adversaire. / Elle produit principalement divers courriers dont une lettre de M. N... C... du 16 février 2001 faisant état d'un vol de matériel ayant entraîné des retards de livraison et d'encaissement, un courrier du 28 février 2001 aux termes duquel la concluante évoque les retards de paiement et un fax de son adversaire annonçant le solde de règlement des factures pour 80 000 francs et un accord de son adversaire pour régler le solde, une proposition de moratoire, pour un total de 236 601, 09 francs du 16 mars 2001 avec maintien des relations commerciales, sous réserve des aspects financiers, un courrier de la société [...] du 16 mars 2001 faisant état de ses pertes et d'une demande d'étalement de ses dettes acceptée par son adversaire avec un encours de 300 000 francs, et de ses remerciements au soutien apporté dans une période difficile. / Elle justifie également de ce que M. D..., administrateur judiciaire désigné comme mandataire ad hoc sur demande de la [...] dans le cadre de l'article 35 de la loi du 1er mars 1984, aux fins de trouver une solution amiable aux difficultés persistantes du concessionnaire, a demandé un moratoire de trois mois le 3 août 2001. Il était fait état des mesures prises par le débiteur pour remédier à ses difficultés (fermetures de sites, licenciement, suppressions d'activités non rentables, apport en compte courant
) et l'arriéré était alors fixé à 215 747, 59 francs. La société Gruau Laval refusait le 4 décembre 2001 les propositions transactionnelles en réclamant à bref délai le paiement de la somme de 328 757, 44 francs. / Il est donc patent que la Sarl [...] n'a pas respecté ses obligations contractuelles à paiement des factures en ne s'acquittant pas de leur règlement dans les délais dès l'année 2000, ce qu'elle n'a pas contesté dans les courriers susvisés, qu'elle n'a pas non plus respecté les délais acceptés. / Par contre, les éléments rapportés par la société Gruau Laval de manière tardive, quant au non-respect par son adversaire de ses obligations de concessionnaire exclusif, soit des agissements rapportés principalement par le concessionnaire Renault, sont totalement insuffisants pour prouver l'existence concrète de tels manquements. / Concernant les griefs allégués par la société [...] , le contrat liant les parties stipule en son article IV qu'en contrepartie du travail effectué pour la commercialisation des produits cités ci-dessus afin de développer les ventes suivant des objectifs définis ensemble, le concessionnaire sera rémunéré sous forme de commission à hauteur de 3 % sur le montant de la transformation (hors transport) pour tous produits correspondant à la liste définie (minicars, fourgonnette, fourgon, monospace, cabine sur châssis), facturés sur le secteur concernés par la concession. / En son article XII, il stipule que " mensuellement, un relevé des commissions dues est effectué au regard des factures émises sur le mois considéré. Ce relevé sera accompagné des copies de factures émises par Gruau au client. Le règlement de ce relevé sera effectué sur présentation d'une facture émise par la société [...] (à 30 jours comptant) ". / Le premier courrier de cette dernière réclamant le paiement de ses commissions est en date du 18 décembre 2001 alors qu'elle n'avait jamais fait état précédemment de ce que les chiffres d'affaires n'étaient pas communiqués pour facturation des commissions. La société [...] n'a par ailleurs jamais demandé le paiement de factures de commissions et n'a pas fait état de non-règlements, ce qu'elle n'aurait pas manqué de faire au vu de ses importantes difficultés si elle justifiait de créances liquides et exigibles, tandis qu'elle faisait parallèlement part à son cocontractant de ses difficultés financières et sollicitait des délais de paiement. / Le chiffrage des sommes qui lui seraient dues, dressé sur sa demande par la société Exafi, ne relève par ailleurs que de ses propres affirmations et n'est nullement confirmé par l'expertise judiciaire ayant donné lieu à des opérations contradictoires. / S'il n'est en conséquence pas contesté que la société Gruau Laval était débitrice de commissions, aux termes des investigations de l'expert, ceci ne peut être retenu comme un manquement contractuel grave ayant justifié la résolution du contrat aux torts de la société Gruau Laval lors de l'examen de la cause par le tribunal. / Concernant les réponses tardives et négatives relatives aux commandes, les griefs relatifs aux nouveaux agents Coder et Provence VI (rupture d'approvisionnement et d'information au profit de ces agents) et la coupure de la connexion internet, il résulte des éléments du dossier que la société [...] s'est effectivement prévalue de non-livraisons mais celles-ci ne sont intervenues, en dehors d'un problème ponctuel lié à un fournisseur, qu'en raison des impayés importants et il ne peut être reproché à la société Gruau Laval de ne pas avoir obéré une situation rendue déjà difficile par des impayés conséquents et d'avoir demandé en considération de ces impayés des paiements à la commande avant de procéder aux livraisons. Il ne résulte pas par ailleurs des éléments du dossier, en dehors des affirmations de la [...] , que la société Gruau Laval ait procédé de manière fautive à des livraisons préjudiciables hors délai. Le défaut d'information qu'elle invoque ne résulte par ailleurs que de ses courriers, soit de ses seules affirmations. / Concernant l'accès internet, la société [...] s'est effectivement plainte par courrier du 14 octobre 2002 d'un accès pas fonctionnel mais aucun élément technique n'établit concrètement le comportement fautif de la société Gruau Laval à ce titre. / Il découle de ce qui précède que la rupture des relations contractuelles est imputable à la seule société [...] du fait du non-paiement des factures de sorte que la résolution du contrat doit être prononcée à ses torts à la date du 20 janvier 2004. / [
] Sur la demande de dommages intérêts de la société [...] . / Bien que le contrat ait été résolu aux torts de la société [...] pour non-paiement des factures, cette dernière se prévaut d'un préjudice né du comportement fautif de son adversaire et à l'origine de ses difficultés de fonctionnement, de pertes de marge brute, de manque à gagner et de perte de trésorerie répertoriés par la société Exafi dans un rapport établi sur demande de l'appelante. / Cependant, tant les opérations d'expertise que les pièces produites n'ont établi à l'encontre de la société Gruau Laval que le non-paiement de commissions, se compensant en sa faveur avec des impayés de factures, étant souligné que le non-paiement persistant des factures dictait cette retenue de commissions dont le montant n'était d'ailleurs pas calculé. / Il ne peut être reproché à la société Gruau Laval, en présence d'un débiteur en difficultés et de l'incertitude du recouvrement de sommes déjà dues d'avoir pris des mesures assurant le paiement des commandes et il ne peut non plus lui être fait grief de ne pas avoir accepté les propositions du mandataire ad hoc d'un nouvel échéancier compte tenu de la situation déjà obérée et de l'échec antérieur de modalités de règlement, ce qui ne constituait donc pas un abus de position dominante. / Les explications données par la société [...] dans ses courriers ainsi que les explications du mandataire ad hoc M. D... établissent au contraire que les difficultés financières de l'appelante sont imputables à d'autres causes que les commissions non réclamées et notamment à des pertes sur les entreprises, entraînant la concentration des activités sur le site de Toulon et à une réduction du champ d'activité de la société. / En conséquence de ce qui précède, la société [...] ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre l'attitude qu'elle impute à son adversaire et le préjudice financier qu'elle fait valoir et elle doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes en paiement de dommages intérêts » (cf., arrêt attaqué, p. 12 et 13 ; p. 16 et 17) ;

ALORS QUE, de première part, les juges saisis d'une demande de résolution ou de résiliation judiciaire d'un contrat doivent, lorsque des manquements contractuels sont invoqués par chacune des parties, apprécier leur existence et leur gravité respective ; qu'en retenant, pour prononcer la résolution du contrat de concession exclusive du 13 novembre 1995 à la date du 20 janvier 2004 aux torts de la société [...] et pour débouter, en conséquence, la société [...] de ses demandes de dommages et intérêts, que la rupture des relations contractuelles était imputable à la seule société [...] du fait du non-paiement des factures, sans apprécier, lorsqu'elle a examiné les demandes des parties tendant au prononcé de la résolution ou de la résiliation judiciaire du contrat de concession exclusive du 13 novembre 1995, l'existence et la gravité du manquement contractuel, invoqué par la société [...] , tenant à l'inexécution par la société Gruau Laval de son obligation contractuelle de communiquer, chaque mois, à la société [...] un état de son chiffres d'affaires pour lui permettre de facturer les commissions qui lui étaient dues, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui est applicable à la cause ;

ALORS QUE, de seconde part, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'en énonçant, dès lors, que tant que les opérations d'expertise que les pièces produites n'avaient établi, à l'encontre de la société Gruau Laval, que le non-paiement de commissions, quand elle relevait que l'article XII du contrat de concession exclusive du 13 novembre 1995 stipulait que la société Gruau Laval avait l'obligation contractuelle de communiquer, chaque mois, à la société [...] un état de son chiffre d'affaires pour lui permettre de facturer les commissions qui lui étaient dues, quand il incombait en conséquence à la société Gruau Laval d'apporter la preuve qu'elle avait exécuté cette obligation contractuelle et quand, en se déterminant comme elle l'a fait, elle a considéré que c'était à la société [...] qu'il appartenait d'apporter la preuve que la société Gruau Laval avait inexécuté cette même obligation, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les dispositions de l'article 1315 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui est applicable à la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR fixé à la somme de 47 739,03 euros toutes taxes comprises la somme due par la société [...] à la société Gruau Laval au titre des factures impayées, D'AVOIR fixé à la somme de 37 838, 45 euros toutes taxes comprises la somme due par la société Gruau Laval à la société [...] au titre des commissions dues, D'AVOIR ordonné la compensation de ces deux dettes à concurrence de leurs montants respectifs, D'AVOIR condamné en conséquence la société [...] à payer à la société Gruau Laval la somme de 9 900 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2002, date de la mise en demeure et D'AVOIR débouté la société [...] de ses demandes de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « sur les demandes en paiement. / Les opérations d'expertise ont permis d'établir que le montant des factures dues à la société Gruau Laval s'élevait à la somme de 47 739, 03 euros ttc tandis que les commissions dues à la société [...] s'élevaient à la somme de 37 838, 45 euros ttc. / Au vu des factures versées au dossier et des éléments recueillis par l'expert aux termes d'un travail sérieux, le montant total des factures effectivement dues par la société [...] à la société Gruau Laval doit être effectivement fixé à la somme de 47 739,03 euros. / D'autre part, la société Gruau Laval devait à la société [...] une commission de 3 % sur le montant des transformations hors transport pour tous produits correspondant à la liste définie dans le contrat de concession exclusive. Pour les produits commercialisés en kit, il était prévu un tarif de cession mais le contrat ne stipulait aucune commission rémunérant un travail de commercialisation. / Il résulte des éléments du dossier qu'un protocole d'accord avait été envisagé par les parties en décembre 1997 du fait de l'existence de deux agents sur le département des Alpes maritimes (les agents Garnero et Migliore) mais le document scellant l'accord n'avait été signé que par l'appelante. Ce document prévoyait une commission de 2 % au concessionnaire sur les chiffres d'affaires de ces deux agents lors d'achats de kits Gruau, véhicules de société cabines approfondies et iso City. / Ce protocole accepté par la seule société [...] avait cependant été appliqué par la société Gruau Laval. / C'est cependant à tort que la société [...] se prévaut de ce protocole pour réclamer un taux de commissionnement de 3 % sur les kits alors qu'elle ne peut prétendre qu'à ce qui a été tacitement accepté par la mise en oeuvre de son adversaire. / Les opérations d'expertise n'ont pas permis par ailleurs de confirmer les dires de la société [...] sur le non-respect par son adversaire du contrat de concession exclusive et du protocole par l'exclusion volontaire, et à tort, de factures devant être prises en charge, étant rappelé que les vérifications par sondages pratiqués de manière aléatoire ont été déterminées et validées par le juge. / Concernant la société Cim (Carrosserie isotherme Méditerranée) dont le siège se trouvait à Aix-en-Provence, la société [...] prétend devoir percevoir des commissions sur le chiffre d'affaires réalisé par cette société qui a été sa filiale, ce qui n'a pas d'incidence sur le droit à commission. / Aucun élément concret ne démontre cependant le bien-fondé de la demande de la société [...] en ce qu'il n'est pas démontré en quoi le chiffre d'affaires se rapporte à des activités donnant lieu à commission. / Il n'y a donc pas lieu d'intégrer dans le montant des commissions le chiffre d'affaires de la société Cim. / Le montant des sommes dues par la société Gruau Laval à la société [...] est en conséquence fixé au seul montant déterminé par l'expert, soit à la somme de 37 838, 45 euros ttc. / Après compensation, l'appelante reste débitrice d'une somme de 9 900, 58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2002, date de la mise en demeure initiale. / Le jugement est donc réformé en ce sens. / Sur la demande de dommages intérêts de la société [...] . / Bien que le contrat ait été résolu aux torts de la société [...] pour non-paiement des factures, cette dernière se prévaut d'un préjudice né du comportement fautif de son adversaire et à l'origine de ses difficultés de fonctionnement, de pertes de marge brute, de manque à gagner et de perte de trésorerie répertoriés par la société Exafi dans un rapport établi sur demande de l'appelante. / Cependant, tant les opérations d'expertise que les pièces produites n'ont établi à l'encontre de la société Gruau Laval que le non-paiement de commissions, se compensant en sa faveur avec des impayés de factures, étant souligné que le non-paiement persistant des factures dictait cette retenue de commissions dont le montant n'était d'ailleurs pas calculé. / Il ne peut être reproché à la société Gruau Laval, en présence d'un débiteur en difficultés et de l'incertitude du recouvrement de sommes déjà dues d'avoir pris des mesures assurant le paiement des commandes et il ne peut non plus lui être fait grief de ne pas avoir accepté les propositions du mandataire ad hoc d'un nouvel échéancier compte tenu de la situation déjà obérée et de l'échec antérieur de modalités de règlement, ce qui ne constituait donc pas un abus de position dominante. / Les explications données par la société [...] dans ses courriers ainsi que les explications du mandataire ad hoc M. D... établissent au contraire que les difficultés financières de l'appelante sont imputables à d'autres causes que les commissions non réclamées et notamment à des pertes sur les entreprises, entraînant la concentration des activités sur le site de Toulon et à une réduction du champ d'activité de la société. / En conséquence de ce qui précède, la société [...] ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre l'attitude qu'elle impute à son adversaire et le préjudice financier qu'elle fait valoir et elle doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes en paiement de dommages intérêts » (cf., arrêt attaqué, p. 15 à 17) ;

ALORS QUE, de première part, en se fondant, pour fixer à la somme de 37 838, 45 euros toutes taxes comprises la somme due par la société Gruau Laval à la société [...] au titre des commissions dues et pour, en conséquence, condamner la société [...] à payer à la société Gruau Laval la somme de 9 900 euros et débouter la société [...] de ses demandes de dommages et intérêts, sur les seules opérations d'expertise judiciaire, qui portaient sur les sommes respectivement dues par les parties à la date du 23 janvier 2002, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par la société [...] , si des commissions n'étaient pas dues par la société Gruau Laval à la société [...] au titre de la période postérieure au 23 janvier 2002, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui est applicable à la cause ;

ALORS QUE, de seconde part, en énonçant, pour débouter la société [...] de ses demandes de dommages et intérêts, que les difficultés financières de la société [...] étaient imputables à d'autres causes que les commissions non réclamées qui lui étaient dues par la société Gruau Laval et qu'en conséquence, la société [...] ne rapportait pas la preuve d'un lien de causalité entre l'attitude qu'elle imputait à son adversaire et le préjudice financier qu'elle faisait valoir, quand la circonstance que les difficultés financières de la société [...] étaient imputables à d'autres causes que les commissions non réclamées qui lui étaient dues par la société Gruau Laval n'était de nature à justifier le rejet des demandes de dommages et intérêts de la société [...] qu'en ce que ces demandes tendaient à l'indemnisation des difficultés financières de la société [...] , et non en ce qu'elles tendaient à l'indemnisation des pertes de marge, du manque à gagner et des pertes de trésorerie subis par la société [...] , la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui est applicable à la cause.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-22916
Date de la décision : 27/01/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 19 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 jan. 2021, pourvoi n°18-22916


Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.22916
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