LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 janvier 2021
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 77 F-D
Pourvoi n° M 19-24.466
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 JANVIER 2021
La société New Arc, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 19-24.466 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2019 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige l'opposant à M. Q... O..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société New Arc, de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de M. O..., après débats en l'audience publique du 24 novembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 septembre 2019), rendu en référé, le 18 décembre 2009, M. O... a donné à bail commercial à la société New Arc divers locaux à usage de discothèque.
2. Le 6 octobre 2015, M. O... a délivré à la société New Arc un commandement, visant la clause résolutoire, de payer un arriéré de loyers.
3. Le 20 juin 2016, M. O... a assigné en référé la société New Arc en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire.
4. Une ordonnance du 13 octobre 2016 a condamné la société New Arc au paiement de loyers et charges arriérés, constaté la résiliation du bail au 6 novembre 2015, suspendu les effets de la clause résolutoire et accordé à la société New Arc des délais de paiement.
5. Le 22 mai 2018, M. O... a délivré à la société New Arc un second commandement, visant la clause résolutoire, de payer un nouvel arriéré de loyers à compter du 10 novembre 2016 et, le 11 juin 2018, il lui a délivré un congé avec offre de renouvellement comportant une minoration du loyer.
6. La société New Arc a sollicité des délais de paiement et M. O... a demandé, à titre reconventionnel, la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. La société New Arc fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande et d'accueillir la demande reconventionnelle, alors « que la renonciation à un droit, expresse ou tacite, est possible et doit être claire et non équivoque ; qu'au demeurant, en retenant de la sorte, pour rejeter les prétentions de la société New Arc, que la renonciation alléguée du bailleur au bénéfice des causes de la première ordonnance de référé du 13 octobre 2016 et au bénéfice de la clause résolutoire visée dans le commandement du 22 mai 2018 ne résultait pas des pièces produites, une telle renonciation devant être claire et non équivoque, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, quand la délivrance, le 11 juin 2018, par M. O... à la société New Arc, dans la perspective de l'expiration du bail, d'un congé avec offre de renouvellement comportant une minoration du montant du loyer, constituait une renonciation claire et non équivoque du bailleur au commandement et à la précédente ordonnance de référé, la cour d'appel a violé l'article L. 145-41 du code de commerce, ensemble l'article 1134, devenu 1203, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1134, devenu 1103, du code civil et L. 145-41 du code de commerce :
8. Il résulte de ces textes que la renonciation à un droit peut être tacite dès lors qu'elle procède d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer.
9. Pour accueillir la demande reconventionnelle en constatation de la résiliation du bail, l'arrêt retient que la renonciation du bailleur au bénéfice de la première ordonnance et de la clause résolutoire visée dans le commandement du 22 mai 2018 ne résulte pas des pièces produites.
10. En statuant ainsi, alors qu'en délivrant à la locataire, postérieurement à l'ordonnance du 13 octobre 2016 et au commandement du 22 mai 2018, un congé avec offre de renouvellement, M. O... avait renoncé sans équivoque à se prévaloir de la résolution du bail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Condamne M. O... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. O... et le condamne à payer à la société New Arc la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour la société New Arc
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'intégralité des prétentions de la société New Arc et, en conséquence, d'AVOIR constaté, à la date du 22 juin 2018, la résiliation de plein droit du bail commercial conclu entre les parties, d'AVOIR dit que la société New Arc devrait libérer les lieux loués, à défaut de quoi M. O... pourrait faire procéder à son expulsion, d'AVOIR dit que la société New Arc serait redevable, à compter de la date de résiliation du bail et jusqu'à son départ effectif des lieux loués, d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer des charges figurant au bail résilié et d'AVOIR condamné la société New Arc à payer à M. O... la somme de 57.047 € à titre d‘arriérés de loyers, charges et d'indemnité d'occupation arrêtés au 31 décembre 2018 ;
AUX MOTIFS QU'il y a lieu de constater, qu'en dépit des discussions évoquées par la société New Arc, aucun accord n'est intervenu entre les parties sur le prix du loyer de renouvellement du bail ; que la renonciation alléguée du bailleur au bénéfice des causes de la première ordonnance et au bénéfice de la clause résolutoire visée dans le commandement du 22 mai 2018 ne résulte pas des pièces produites, étant rappelé qu'une telle renonciation doit être claire et non équivoque, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que la société New Arc ne peut donc valablement prétendre qu'un nouveau bail, distinct de l'ancien s'est formé à compter du 18 décembre 2018, en suite du congé ; qu'il n'est pas contesté que la société New Arc ne s'est pas acquittée des causes du commandement du 22 mai 2018 qui visait un arriéré de loyers et charges du 10 novembre 2016 au 20 mars 2018, pour une période postérieure à celle retenue par l'ordonnance du 13 octobre 2016 ; qu'il s'ensuit que le bail commercial liant les parties s'est trouvé résilié de plein droit à la date du 22 juin 2018 par l'effet de la clause résolutoire contractuelle et en application de l'article L. 145-41 du code de commerce, rappelé dans l'acte ; que M. O... produit devant la cour un décompte détaillé de la location duquel il ressort que la dette de la société New Arc a augmenté, s'établissant à 57.047 € en décembre 2018 ; que la société New Arc ayant déjà bénéficié d'un long délai de grâce dans le cadre de la première procédure de référé, il n'y a pas lieu de lui en accorder de nouveau, et ce nonobstant ses explications ; qu'il convient, en conséquence, de faire droit à la demande en paiement formée par M. O... et, en suite de la résiliation de plein droit du bail, d'ordonner l'expulsion des lieux loués de la société New Arc avec l'obligation pour elle, jusqu'à son départ effectif des lieux, de payer une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges prévus au contrat résilié (v. arrêt, p. 4 et 5) ;
1°) ALORS QUE la renonciation à droit, expresse ou tacite, est possible et doit être claire et non équivoque ; qu'en retenant, pour rejeter les prétentions de la société New Arc, que la renonciation alléguée du bailleur au bénéfice des causes de la première ordonnance de référé du 13 octobre 2016 et au bénéfice de la clause résolutoire visée dans le commandement du 22 mai 2018 ne résultait pas des pièces produites, une telle renonciation devant être claire et non équivoque, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, sans dire en quoi la délivrance, le 11 juin 2018, par M. O... à la société New Arc, dans la perspective de l'expiration du bail, d'un congé avec offre de renouvellement comportant une minoration du montant du loyer, ne constituait pas une renonciation claire et non équivoque du bailleur au commandement et à la précédente ordonnance de référé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 145-41 du code de commerce, ensemble de l'article 1134, devenu 1203, du code civil ;
2°) ALORS QUE la renonciation à droit, expresse ou tacite, est possible et doit être claire et non équivoque ; qu'au demeurant, en retenant de la sorte, pour rejeter les prétentions de la société New Arc, que la renonciation alléguée du bailleur au bénéfice des causes de la première ordonnance de référé du 13 octobre 2016 et au bénéfice de la clause résolutoire visée dans le commandement du 22 mai 2018 ne résultait pas des pièces produites, une telle renonciation devant être claire et non équivoque, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, quand la délivrance, le 11 juin 2018, par M. O... à la société New Arc, dans la perspective de l'expiration du bail, d'un congé avec offre de renouvellement comportant une minoration du montant du loyer, constituait une renonciation claire et non équivoque du bailleur au commandement et à la précédente ordonnance de référé, la cour d'appel a violé l'article L. 145-41 du code de commerce, ensemble l'article 1134, devenu 1203, du code civil ;
3°) ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en toute hypothèse encore, ayant exclu toute renonciation du bailleur au bénéfice des causes de la première ordonnance du 13 octobre 2016 et au bénéfice de la clause résolutoire visée dans le commandement du 22 mai 2018, en faisant droit aux demandes de M. O... sans répondre aux conclusions de la société New Arc faisant valoir, reprenant en cela les motifs de l'ordonnance entreprise, que la précédente ordonnance de référé avait subordonné l'application de la clause résolutoire à l'envoi, par le bailleur, d'une lettre recommandée avec avis de réception à son locataire, de sorte que le nouveau commandement de payer n'avait pu produire le moindre effet, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.