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20/01/2021 | FRANCE | N°19-84292

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 janvier 2021, 19-84292


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Q 19-84.292 F-D

N° 80

SM12
20 JANVIER 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 JANVIER 2021

Les sociétés Électricité de France, Dalkia France et Dalkia France holding ont formé des pourvois contre l'ordonnance du premier président près la cour d'appel de Ver

sailles, en date du 10 janvier 2019, qui a prononcé sur la régularité des opérations de visites et de saisies en vue de recherch...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Q 19-84.292 F-D

N° 80

SM12
20 JANVIER 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 JANVIER 2021

Les sociétés Électricité de France, Dalkia France et Dalkia France holding ont formé des pourvois contre l'ordonnance du premier président près la cour d'appel de Versailles, en date du 10 janvier 2019, qui a prononcé sur la régularité des opérations de visites et de saisies en vue de rechercher la preuve de pratiques prohibées par les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires en demande, en défense, et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Electricité de France, la société Dalkia France et la société Dalkia Smart Building anciennement dénommée EDF Optimal Solutions, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de L'administration autorité de la concurrence, et les conclusions de M. Valleix, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 décembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par requête du 10 novembre 2016, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence a demandé au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nanterre l'autorisation de procéder à des opérations de visite et de saisies dans les locaux des sociétés Électricité de France (EDF), Dalkia France et EDF Optimal Solutions (devenue Dalkia France holding) à Puteaux (92), ainsi que dans les locaux d'EDF à Paris (75), aux fins d'établir si ces sociétés se livraient à des pratiques prohibées par les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

3. Par ordonnance du 17 novembre 2016, le juge des libertés et de la détention a autorisé les opérations sollicitées, qui se sont déroulées du 22 au 23 novembre 2016.

4. Le 1er décembre 2016, les trois sociétés concernées ont formé un recours concernant le déroulement des opérations de visite et de saisies devant le premier président de la cour d'appel de Versailles .

5. Les opérations d'ouverture et d'expurgation des scellés fermés provisoires afin de procéder à la saisie définitive se sont déroulées ultérieurement, du 13 au 16 décembre 2016.

6. Avant-dire droit, le premier président, par ordonnance du 12 avril 2018, a enjoint aux parties de prendre connaissance du contenu des scellés provisoires fermés provenant de la Tour EDF de la Défense, puis de présenter leurs observations sur les pièces qui seraient couvertes ou non par le secret des correspondances avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense, les débats étant renvoyés au 22 novembre 2018.

Examen des moyens

Sur le premier moyen pris en sa deuxième branche et le deuxième moyen pris en sa première branche

7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Énoncé du moyen

8. Le moyen est pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L.450-4, du code de commerce, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 56, 57, 591 et 593 du code de procédure pénale.

9. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté les demandes d'annulation totales ou partielles des opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux d'EDF et de ses filiales Dalkia et EDF Optimal Solutions, et de restitution des pièces saisies, alors :

« 3°/ que les documents couverts par le secret professionnel sont par nature insaisissables ; qu'en affirmant « qu'en présence de doublons, il est inévitable que des fichiers ou courriels similaires à ceux que les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence ont supprimés puissent subsister dans les saisies définitives », ce dont il résulte que des documents insaisissables peuvent être saisis définitivement et être utilisés à l'encontre des sociétés visitées par l'Autorité de la concurrence, la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

4°/ que les documents couverts par le secret professionnel sont par nature insaisissables ; qu'en affirmant qu'il importe peu que certaines pièces couvertes par le secret professionnel n'aient pas été effectivement supprimées par l'Autorité de la concurrence dans la mesure où elles « ne pourraient en tout état de cause être utilisées dans la procédure postérieure si elle se poursuivait et l'Autorité de la concurrence ne pouvant en faire usage sous quelque condition que ce soit, de sorte qu'aucune atteinte aux droits de la défense n'est caractérisée », la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel a violé les textes visés au moyen. »

Réponse de la Cour

10. Pour rejeter le moyen de nullité fondé sur la saisie de documents ne pouvant pas l'être car couverts par le secret professionnel, l'ordonnance attaquée énonce que les requérantes reconnaissent elles-mêmes dans leurs conclusions que les listes de documents protégés à éliminer envoyées à l'Autorité de la concurrence n'étaient pas exhaustives, de sorte que, notamment en présence de doublons, il est inévitable que des fichiers ou courriels similaires à ceux que les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence ont supprimés puissent subsister dans les saisies définitives.

11. Il ajoute que cependant, si des fichiers relevant de la protection des correspondances avocat-client pourraient éventuellement être récupérés car non définitivement supprimés, ce qui en l'espèce n'est nullement démontré dès lors que ni l'huissier de justice, ni le technicien informatique consulté a posteriori, n'étaient présents au moment des opérations litigieuses, qu'ils n'ont pas une parfaite connaissance des moyens techniques mis en oeuvre par les services d'instruction, que leurs constatations et conclusions ont porté sur des copies de supports que seules EDF et ses filiales affirment être la copie des données saisies, et que ces constatations et conclusions sont contredites par les procès-verbaux susvisés qui mentionnent l'élimination des données protégées, et ont été signés par les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence, les officiers de police judiciaire et les occupants des lieux, ils ne pourraient en tout état de cause être utilisés dans la procédure postérieure si elle se poursuivait, l'Autorité de la concurrence ne pouvant en faire usage sous quelque condition que ce soit, de sorte qu'aucune atteinte aux droits de la défense n'est caractérisée.

12. En l'état de ces seules énonciations, le premier président, qui a souverainement apprécié, d'une part que les éléments fournis par les sociétés demanderesses ne permettaient pas de remettre en cause les énonciations du procès-verbal de visite et saisies, d'autre part qu'il n'était pas établi que des documents relevant de la confidentialité avocat-client n'avaient pas été définitivement supprimés, a justifié sa décision et n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

Sur le deuxième moyen pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Énoncé du moyen

13. Le moyen est pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L.450-4, du code de commerce, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 56, 57, 591 et 593 du code de procédure pénale.

14. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté toutes les demandes d'annulation des opérations de visites et saisies effectuées dans les locaux d'EDF à Puteaux et de restitution des pièces saisies, alors :

« 2°/ qu'en affirmant que l'article L. 450-4 du code de commerce ne prévoit pas la présence ininterrompue d'un officier de police judiciaire pendant le déroulement de la visite et saisie tout en constatant que celui-ci a pour mission d'assister aux opérations, d'apporter leur concours en procédant le cas échéant aux réquisitions nécessaires, de tenir le juge des libertés et de la détention informé du déroulement des opérations, ce dont il résulte qu'un officier de police judiciaire doit assister à l'ensemble des opérations, la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;

3°/ que l'occupant des lieux dans lesquels ont été autorisées, par le juge des libertés et de la détention, des opérations de visite et saisie ne dispose pas du droit de saisir lui-même le juge qui a délivré l'autorisation, les officiers de police judiciaire chargés d'assister aux opérations devant, au cours de la visite, tenir ce magistrat informé des difficultés rencontrées ; que l'article L. 450-4 du code de commerce impose au juge des libertés qui autorise la visite de désigner le chef du service qui devra nommer les officiers de police judiciaire chargés d'assister à ces opérations et d'apporter leur concours en procédant le cas échéant aux réquisitions nécessaires, ainsi que de le tenir informé de leur déroulement, ou de délivrer une commission rogatoire, lorsqu'elles ont lieu en dehors du ressort de son tribunal de grande instance pour exercer ce contrôle au juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel s'effectue la visite, mais ne permet aucunement à ce magistrat de dispenser les officiers de police judiciaire d'accomplir la mission pour laquelle ils ont été désignés ; qu'en affirmant au contraire, pour valider les opérations de visites et saisies malgré la présence discontinue des officiers de police judiciaire pendant les opérations d'expurgation des documents placés sous scellés provisoires que « la présence discontinue des officiers de police judiciaire lors des opérations d'ouverture des scellés fermés provisoires et d'élimination des documents protégés à la tour EDF à Puteaux (
) avait été autorisée par les juges des libertés et de la détention à condition que l'OPJ soit joignable et se rende disponible à tout moment, ce mode de fonctionnement autorisé étant rappelé dans chaque PV », bien que le juge des libertés et de la détention n'ait pas le pouvoir de dispenser l'officier de police judiciaire chargé de le représenter, d'assister aux opérations, la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

4°/ que les opérations d'expurgation des documents placés sous scellés provisoires ne sont valables malgré l'absence de l'officier de police judiciaire pendant une partie de leur déroulement que si celui-ci était présent lors de l'inventaire et de la saisie définitive des fichiers expurgés et si la société visitée ne fait valoir aucune difficulté survenue au cours de opérations démontrant que l'absence temporaire de l'officier de police judiciaire a, en l'espèce, porté atteinte à ses intérêts ; qu'en considérant que la présence discontinue des officiers de police judiciaire n'entachait pas les opérations d'expurgation des documents placés sous scellés tout en constatant qu'un incident non tranché était survenu le 15 décembre 2016 pendant le déroulement des opérations, la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les textes visés au moyen. »

Réponse de la Cour

15. Pour rejeter, faute de grief, le moyen de nullité fondé sur l'absence des officiers de police judiciaire lors de certaines phases des opérations, l'ordonnance attaquée énonce que la présence discontinue des officiers de police judiciaire lors des opérations d'ouverture des scellés fermés provisoires et d'élimination des documents protégés à la tour EDF à Puteaux avait été autorisée par le juge des libertés et de la détention à condition que l'officier de police judiciaire soit joignable et se rende disponible à tout moment, ce mode de fonctionnement autorisé étant rappelé dans chaque procès-verbal.

16. En prononçant ainsi, et dès lors qu'il ressort par ailleurs de l'ordonnance attaquée que l'officier de police judiciaire, avisé de l'incident relatif aux 125 documents dont la saisie était contestée par la société EDF, a saisi le même jour le juge des libertés et de la détention, lequel a décidé des suites à donner à cette contestation, le premier président a justifié sa décision et n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

17. En effet, il résulte de ces constatations que l'absence temporaire de l'officier de police judiciaire n'a pas empêché la demanderesse de solliciter, par l'intermédiaire de ce dernier, le contrôle du juge des libertés et de la détention, et qu'il n'a ainsi pas été porté atteinte à ses intérêts.

Sur le premier moyen pris en sa première branche et le deuxième moyen pris en ses cinquième et sixième branches

Énoncé des moyens

18. Les moyens sont pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L.450-4, du code de commerce, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 56, 57, 591 et 593 du code de procédure pénale.

19. Le premier moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a a rejeté les demandes d'annulation totales ou partielles des opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux d'EDF et de ses filiales Dalkia et EDF Optimal Solutions, et de restitution des pièces saisies, alors :

« 1°/ que la confection de scellés provisoires est une faculté laissée à l'appréciation des enquêteurs, agissant sous le contrôle du juge ; que le juge ne saurait à la fois prétendre que la société visitée peut refuser d'utiliser cette procédure et faire obstacle à l'organisation d'un débat contradictoire sur la saisie de chaque document placé sous scellés fermés provisoires ; qu'en affirmant au contraire que « la société visitée peut refuser d'utiliser cette procédure (de scellés fermés provisoires) qui lui est proposée », puis en considérant que le juge des libertés et de la détention avait pu valablement mettre fin au débat contradictoire sur les scellés provisoires en raison de contingences matérielles, la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel a violé les textes visés au moyen. »

20. Le deuxième moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté toutes les demandes d'annulation des opérations de visites et saisies effectuées dans les locaux d'EDF à Puteaux et de restitution des pièces saisies, alors :

« 5°/ que lorsque la confection de scellés provisoires a été décidée par les enquêteurs agissant sous le contrôle du juge, ces scellés provisoires doivent être ouverts puis reconstitués en présence des sociétés concernées et leurs avocats, afin qu'ils soient en mesure d'en connaître le contenu et de faire valoir, au cours de leur inventaire, que certaines pièces ne pouvaient être saisies ; qu'en décidant au contraire que saisi d'un incident survenu le 15 novembre 2016, pendant les opérations d'expurgation des scellés provisoires, le juge des libertés et de la détention avait pu ordonner la mise sous scellés fermés provisoires de 125 documents litigieux, avec transmission de ces derniers au premier président de la cour d'appel « en considérant qu'au regard de l'avancement des opérations de suppression (troisième jour des opérations au vu du nombre de documents à supprimer), il n'était pas opportun d'instaurer un débat contradictoire entre EDF et l'Autorité de la concurrence sur l'examen, courriel par courriel, de ce qui devrait relever ou non de la correspondance avocat-client, en présence de l'officier de police judiciaire », la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel, qui a privé les sociétés concernées et leurs avocats de la possibilité de connaître le contenu des scellés provisoires et de faire valoir leur observations avant la fin des opérations de visite et saisie et avant tout recours, a violé les textes visés au moyen ;

6°/ que la visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées et que celui-ci peut se rendre dans les locaux pendant l'intervention et décider, à tout moment, la suspension ou l'arrêt de la visite ; qu'en affirmant que le juge des libertés et de la détention ayant autorisé la visite avait effectué un contrôle effectif des opérations d'expurgation des scellés provisoires après avoir été saisi d'un incident le 15 décembre 2016, avant la clôture des opérations, en transmettant au premier président de la cour d'appel saisi du recours un scellé contenant les documents litigieux à charge pour lui de trancher à sa place ce litige relatif au déroulement des opérations, la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 450-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

21. Les moyens sont réunis.

22. Pour rejeter le moyen de nullité fondé sur la méconnaissance de son office par le juge des libertés et de la détention, l'ordonnance attaquée énonce qu'en ordonnant la mise sous scellés fermés provisoires de 125 documents litigieux, le juge des libertés et de la détention, en considérant qu'au regard de l'avancement des opérations de suppression (troisième jour des opérations au vu du nombre de documents à supprimer), il n'était pas opportun d'instaurer un débat contradictoire entre EDF et l'Autorité de la concurrence sur l'examen, courriel par courriel, de ce qui devrait relever ou non de la correspondance avocat-client, en présence de l'officier de police judiciaire, a effectué un contrôle effectif des opérations et la mesure ordonnée a permis la préservation des droits de la défense d'EDF, le juge des libertés et de la détention ayant transmis ces documents au premier président, juridiction prévue par l'alinéa 12 de l'article L. 450-4 du code de commerce pour trancher tout litige relatif au déroulement des opérations.

23. En prononçant ainsi, le premier président a justifié sa décision sans se contredire ni méconnaître les textes visés aux moyens.

24. En effet, il n'entrait pas dans l'office du juge des libertés et de la détention, qui en l'espèce avait contrôlé dans son ensemble le déroulement des opérations de visites et de saisies, de se prononcer sur le caractère saisissable ou non des documents en question, le premier président, seul compétent pour en connaître, étant d'ailleurs saisi d'un recours contre le déroulement desdites opérations.

25. Ainsi, les moyens ne sauraient être accueillis.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

26. Le moyen est pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 450-4, du code de commerce, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 56, 57, 591 et 593 du code de procédure pénale.

27. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté la demande de restitution des documents placés sous scellés fermés provisoires A et B, alors :

« 1°/ que toutes les pièces et supports informatiques couverts par le secret professionnel entre un avocat et son client sont comme tels insaisissables ; qu'en considérant, pour refuser de restituer 125 pièces au titre de la protection de la correspondance avocat-client, qu'elles ne relèvent manifestement pas de l'exercice des droits de la défense dans le présent dossier de concurrence ou dans une procédure de concurrence, quand toutes les correspondances avocat client sont couvertes par le secret professionnel quel que soit le contentieux en cause, la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas a violé les textes visés au moyen ;

2°/ qu'il incombe au conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel d'analyser in concreto chaque courriel qui lui est soumis afin d'apprécier si celui-ci est ou non couvert par le secret professionnel ; qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter l'essentiel de la demande de restitution que « selon l'autorité de la concurrence, l'intégralité de ces 125 pièces ne relève pas de la protection de la correspondance avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense dans une procédure en matière de concurrence, à l'exception de 4 documents pour lesquels il pourrait subsister un doute qu'il convient de discuter », sans procéder lui-même à l'examen in concreto de chacun des documents encore placés sous scellés fermés provisoires à la demande du juge des libertés et de la détention, la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision. »

Réponse de la Cour

28. Pour rejeter la demande de restitution des documents placés sous scellés fermés provisoires A et B, l'ordonnance attaquée énonce que le premier président a ordonné, le 25 avril 2018, leur ouverture et l'organisation d'un débat contradictoire entre EDF et l'Autorité de la concurrence sur le caractère protégé ou non des documents y étant contenus, auquel les requérantes n'ont pas voulu prendre part, ainsi qu'à la réouverture des débats portant exclusivement sur ce point.

29. Le premier président ajoute que selon l'Autorité de la concurrence, l'intégralité de ces 125 pièces ne relève pas de la protection de la correspondance avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense dans une procédure en matière de concurrence, à l'exception de quatre documents pour lesquels il pourrait subsister un doute qu'il convient de discuter.

30. Après avoir analysé les quatre courriels en question, et relevé que les requérantes n'ont présenté aucun argument, se limitant à demander la restitution de l'intégralité des documents au motif qu'ils n'auraient pas été saisis, le premier président conclut que, bien que ces quatre courriels aient pour destinataire ou expéditeur direct un avocat indépendant, ils ne relèvent manifestement pas de l'exercice des droits de la défense dans le présent dossier de concurrence.

31. C'est à tort que le premier président retient que seuls seraient insaisissables les documents qui relèveraient de l'exercice des droits de la défense dans le présent dossier de concurrence, alors que cette protection s'étend à l'ensemble des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense.

32. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors qu'il appartenait à la société objet des visites et saisies, qui était en mesure d'établir à l'occasion du renvoi à l'audience prévue à cette fin, dans le cadre de son recours devant le premier président, si les documents relevaient de la confidentialité des échanges avec ses avocats, de désigner précisément les documents qu'elle estimait protégés à ce titre, pour qu'ils ne soient pas saisis.

33. Par ailleurs, le premier président, qui a constaté que seule l'Autorité de la concurrence avait présenté des observations sur le caractère saisissable des documents, a procédé à l'examen in concreto de ceux qu'il a estimé devoir être analysés au vu de ces observations.

34. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

35. Le moyen est pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 450-4, du code de commerce, 700 du code de procédure civile, 591 et 593 du code de procédure pénale.

36. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a a condamné les sociétés Electricité de France, Dalkia France et EDF Optimal Solutions à payer à l'Autorité de la Concurrence la somme de 100 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ qu'une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat ne peut pas demander au juge une indemnité au titre des frais irrépétibles sans justifier de frais spécifiques, distincts de ceux du fonctionnement normal de ses services contentieux : qu'en allouant à l'Autorité de la concurrence une indemnité de 300 000 euros au titre des frais irrépétibles bien que les frais de mise sous scellés provisoires et d'expurgation des documents couverts par le secret professionnel effectués par ses propres agents, étaient liés à l'exercice normal de son activité et qu'elle n'a recouru au ministère d'un avocat ni dans le cadre de procédure de mise sous scellés provisoires, et d'expurgation, ni même pour se défendre au recours des sociétés EDF et ses filiales devant la cour d'appel, la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel a violé les textes visés au moyen,

2°/ que les frais irrépétibles sont ceux exposés à l'occasion d'une instance judiciaire ; qu'en condamnant les sociétés EDF à payer à l'Autorité de la concurrence la somme totale de 300 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile prétendument justifiée par les frais engagés par l'Autorité de la concurrence pour faire réaliser par ses propres agents, les opérations de visite et saisies qu'elle a elle-même initiées et conduites et non pour défendre au recours contre ces opérations, la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

3°/ que la confection de scellés provisoires est une faculté laissée à l'appréciation des enquêteurs, agissant sous le contrôle du juge ; qu'en allouant à l'Autorité de la concurrence une indemnité de 300 000 euros au titre de sa demande de frais irrépétibles soi-disant justifiée par la mise à la charge des sociétés visités des frais de placement de certains documents sous scellés provisoires et d'expurgation de ces derniers dans la mesure où cette procédure aurait été mise en place afin de mieux protéger les droits des entreprises en cause et sur leur demande expresse, quand l'Autorité de la concurrence prend l'initiative de réaliser une visite domiciliaire, conduit seule les opérations et décide également seule la mise sous scellés provisoires de certains documents, la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel a violé les textes visés au moyen. »

Réponse de la Cour

37. Pour condamner les sociétés Electricité de France, Dalkia France et EDF Optimal Solutions à payer à l'Autorité de la concurrence la somme de 100 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'ordonnance attaquée énonce que l'équité commande de faire droit à la demande de l'intimée au titre de ses frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

38. En statuant ainsi, le premier président a justifié sa décision sans insuffisance ni contradiction, et n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, dès lors que, d'une part, il ne se déduit pas des motifs de l'ordonnance attaquée que les sommes allouées correspondaient aux frais de scellés provisoires, ou d'expurgation de ces scellés, ni qu'ils ne correspondaient pas à des frais engagés à l'occasion de l'instance devant le premier président, d'autre part l'application de l'article 700 du code de procédure civile n'exige aucune motivation particulière du juge.

39. Dès lors, le moyen doit être écarté.

40. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 3 000 euros la somme globale que les sociétés Electricité de France, Dalkia France et Dalkia France holding devront payer à l'Autorité de la concurrence en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt janvier deux mille vingt et un.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-84292
Date de la décision : 20/01/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Premier Président près la Cour d'Appel de Versailles, 10 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 jan. 2021, pourvoi n°19-84292


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.84292
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