LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 janvier 2021
Cassation
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 100 F-D
Pourvoi n° S 19-17.870
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 JANVIER 2021
M. Q... H..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° S 19-17.870 contre l'ordonnance rendue en la forme des référés le 12 avril 2019 par le conseil de prud'hommes de Strasbourg, dans le litige l'opposant à la société [...], société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. H..., de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société [...], après débats en l'audience publique du 25 novembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par la formation des référés et en dernier ressort (conseil de prud'hommes de Strasbourg, 12 avril 2019), M. H... a été engagé par la société [...] le 7 janvier 2008.
2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 20 février 2019, en la forme des référés et, sur le fondement de l'article L. 3142-3 du code du travail, d'un différend né du refus de l'employeur de lui faire bénéficier de trois jours de congé pour la naissance de son fils.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'ordonnance attaquée de dire qu'il n'y a pas lieu à référé, alors « qu'en vertu des articles L. 3142-3 et R. 1455-12 2° du code du travail, en cas de différend dans la prise de congés pour événements familiaux, le refus de l'employeur peut être directement contesté par le salarié devant le conseil de prud'hommes statuant en la forme des référés ; que lorsqu'il est prévu que le conseil de prud'hommes statue en la forme des référés, il exerce les pouvoirs dont dispose la juridiction au fond et statue par ordonnance ayant l'autorité de la chose jugée relativement aux contestations qu'elle tranche ; qu'en disant n'y avoir lieu à référé en raison d'une contestation sérieuse, le conseil des prud'hommes, qui était saisi en la forme des référés et devait trancher le différend relatif à la prise d'un congé pour événement familial qui lui était soumis, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles L. 3142-3 et R. 1455-12 2° du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3142-3 et R. 1455-12 , 2° du code du travail :
4. Selon le premier de ces textes, en cas de différend dans la prise de congés pour événements familiaux, le refus de l'employeur peut être directement contesté par le salarié devant le conseil de prud'hommes statuant en la forme des référés, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Selon le second, à moins qu'il en soit disposé autrement, lorsqu'il est prévu que le conseil de prud'hommes statue en la forme des référés, la demande est portée à une audience tenue à cet effet aux jours et heures habituels des référés, dans les conditions prévues à l'article R. 1455-9 du code du travail, le conseil de prud'hommes exerçant alors les pouvoirs dont dispose la juridiction au fond et statuant par ordonnance ayant l'autorité de la chose jugée relativement aux contestations qu'elle tranche.
5. Pour dire qu'il n'y avait pas lieu à référé, l'ordonnance retient qu'en vertu de l'article R. 1455-5 du code du travail, la formation de référé peut ordonner seulement des mesures relevant de l'évidence ou d'obligations non contestées ou non sérieusement contestables, que le mode de calcul de la prise de congé pour naissance d'un enfant appliquée à l'équipe de suppléance est une contestation sérieuse.
6. En statuant ainsi, le conseil de prud'hommes, qui était saisi en la forme des référés et devait trancher le différend relatif à la prise d'un congé pour événement familial qui lui était soumis, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 12 avril 2019, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Strasbourg ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Schiltigheim statuant en la forme des référés ;
Condamne la société [...] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [...] et la condamne à payer à M. H... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. H...
Le moyen fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR dit qu'il n'y a pas lieu à référé.
AUX MOTIFS QUE après la naissance de son enfant, Monsieur H... a demandé à bénéficier des trois jours de congés auxquels il a droit ; il a ainsi sollicité les 17,18 et 24 novembre 2018 ; l'employeur lui a signifié que, conformément à la note de service du 5 octobre 2016, ces jours de congés ne doivent pas être fractionnés ; il est incontestable que Monsieur H... avait droit à trois jours de congés ; cependant en l'espèce Monsieur H... occupe, avec son accord, un poste dans une équipe qui ne travaille que les samedis et dimanches ; la répartition horaire de la semaine de travail à plein temps est ainsi faite sur ces deux jours ; un accord d'entreprise précise que, pour les prises de congé, le décompte de ces deux jours de travail équivaut à cinq jours de congés ; Monsieur H... estime que pour la prise de congé pour événement familial il faut appliquer la même méthode de calcul que pour les autres salariés de l'entreprise en donnant comme exemple et preuve des fiches de paie d'autres salariés ; le Conseil constate, après avoir entendu les parties et pris connaissance des conclusions, pièces déposées en annexe auxquelles il est renvoyé en tant que besoin pour un plus ample exposé des faits et des moyens de la cause : - que la partie défenderesse conteste le mode de calcul des congés pour naissance, - que la partie demanderesse conteste le refus de l'employeur de lui accorder le troisième jour de congé, - qu'en vertu de l'article R-1455-5 du Code du Travail, la formation de référé peut ordonner seulement des mesures relevant de l'évidence ou d'obligations non contestées ou non sérieusement contestable, - que le mode de calcul de la prise de congé pour naissance d'un enfant appliquée à l'équipe de suppléance est une contestation sérieuse.
ALORS QU'en vertu des articles L. 3142-3 et R. 1455-12 2° du code du travail, en cas de différend dans la prise de congés pour événements familiaux, le refus de l'employeur peut être directement contesté par le salarié devant le conseil de prud'hommes statuant en la forme des référés ; que lorsqu'il est prévu que le conseil de prud'hommes statue en la forme des référés, il exerce les pouvoirs dont dispose la juridiction au fond et statue par ordonnance ayant l'autorité de la chose jugée relativement aux contestations qu'elle tranche ; qu'en disant n'y avoir lieu à référé en raison d'une contestation sérieuse, le conseil des prud'hommes, qui était saisi en la forme des référés et devait trancher le différend relatif à la prise d'un congé pour événement familial qui lui était soumis, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles L. 3142-3 et R. 1455-12 2° du code du travail.