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20/01/2021 | FRANCE | N°19-17708

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 janvier 2021, 19-17708


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 janvier 2021

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 77 F-D

Pourvoi n° R 19-17.708

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 JANVIER 2021

Mme V... Y..., domiciliée [.

..] , a formé le pourvoi n° R 19-17.708 contre l'arrêt rendu le 9 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 janvier 2021

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 77 F-D

Pourvoi n° R 19-17.708

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 JANVIER 2021

Mme V... Y..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° R 19-17.708 contre l'arrêt rendu le 9 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Fairman consulting, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme Y..., de Me Occhipinti, avocat de la société Fairman consulting, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ricour, conseiller rapporteur, Mme Valéry, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 avril 2019), Mme Y..., a été engagée par la société Fairman consulting (la société) par contrat du 12 janvier 2015 à effet du 12 avril 2015, en qualité de responsable de mission.

2. Le contrat de travail prévoyait une période d'essai de quatre mois, renouvelable une fois.

3. Le 15 mai 2015, la société a mis un terme à la période d'essai et, le même jour les parties ont signé un document intitulé : « Rupture du contrat existant et mise en place d'un nouveau contrat dans une nouvelle entité ».

4. A la même date un contrat a été signé entre la salariée et la société Fairman consulting limited, basée à Hong-Kong.

5. Le 28 juillet 2015 la salariée a été convoquée par la société à un entretien préalable pour le 24 août 2015 et licenciée pour faute grave le 1er septembre 2015.

6. Contestant la rupture de son contrat, la salariée a saisi la juridiction prud'homale

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à dire que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de condamner l'employeur à lui verser diverses sommes à titre d'indemnités de préavis, de congés payés y afférents, du salaire durant la mise à pied, des congés payés y afférents, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour travail dissimulé, alors « que la rupture du contrat de travail est définitive ; qu'en l'espèce, il était constant que le premier employeur, la société Fairman consulting, avait mis un terme à la période d'essai du premier contrat de travail par lettre remise en mains propres à la salariée, puis qu'il avait signé avec la salariée un acte intitulé ''Rupture contrat existant et mise en place d'un nouveau contrat dans nouvelle entité'' par lequel ils s'accordaient mutuellement pour mettre un terme au premier contrat de travail, afin que la salariée conclue un nouveau contrat de travail avec une autre société du groupe, la société Fairman consulting limited ; qu'en jugeant néanmoins, par motifs adoptés, que le premier contrat avait été ''réactivé par annulation de la rupture'' sans caractériser la volonté claire et non équivoque des parties, et notamment de la salariée, de revenir sur la rupture du premier contrat de travail conclue d'un commun accord et de le poursuivre ''pour le même objet et aux mêmes conditions'' la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige :

8. Selon ce texte les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

9. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages intérêts pour travail dissimulé, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le contrat, dont la prise d'effet a été fixée au 12 avril 2015, a été souscrit pour le même objet et aux mêmes conditions que celui qui s'est poursuivi le 15 mai 2015 à la suite de la « rupture contrat existant et mise en place d'un nouveau contrat » passé avec la filiale chinoise de la société Fairman consulting, qu'il a été réactivé par annulation de la rupture, et que moins de quatre mois se sont écoulés entre la prise d'effet de la période d'essai le 12 avril 2015 et la mise à pied et la convocation à l'entretien préalable à la rupture. Il en déduit que la période d'essai était toujours en cours lors de la notification de la rupture.

10. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat initial, comportant la période d'essai, avait été rompu d'un commun accord des parties le 15 mai 2015, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la volonté claire et non équivoque des parties de revenir sur cette rupture et de poursuivre le contrat initial aux mêmes conditions a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Fairman consulting à verser à Mme Y... la somme de 8 784,49 euros, l'arrêt rendu le 9 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Fairman consulting aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fairman consulting et la condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de ses demandes tendant à voir juger que les relations l'unissant Fairman consulting s'apparentait à un contrat de travail à durée indéterminée et que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamner la société Fairman consulting à lui verser les sommes de 18 000 euros au titre du préavis, outre 1 800 euros au titre des congés payés y afférents, 6 553,83 euros au titre du salaire durant la mise à pied, outre 655,38 euros au titre des congés payés y afférents, avec intérêts, 18 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 18 000 euros à titre de dommages intérêts pour travail dissimulé, avec intérêts, 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, et la remise de documents conformes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE 1. Sur la requalification de la période d'essai en contrat à durée indéterminée, la preuve du travail dissimulé et les heures supplémentaires Pour revendiquer le bénéfice des indemnités attachées au licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des dommages et intérêts au titre du travail dissimulé, Mme V... Y... conteste être restée en période d'essai au moment où son licenciement a été notifié, en affirmant, d'une part, que plus de quatre mois séparent la conclusion de son contrat le 12 janvier 2015 et la notification de son licenciement le 1er septembre 2015, et en concluant d'autre part à la nullité du second contrat qu'elle a signé le 15 mai 2015, alors qu'elle n'avait pas de visa pour travailler à Hong-Kong ainsi que cela était stipulé à l'article 1er de ce contrat selon lequel "votre emploi au sein de la Société débutera le 20 mai 2015 à condition que le visa demandé par la Société soit approuvé par le département de l'immigration du territoire administration spéciale de Hong Kong et vous serez salariée permanente de la Société". Enfin, pour soutenir que son emploi a commencé à compter du 27 février 2015, Mme V... Y... se prévaut du courriel que la société Fairman Consulting lui a adressé à cette date et dans lequel elle lui a demandé de "sortir quelques infos internes sur les projets MiFiD 2 à la BNP". Au demeurant, le visa ne constitue pas une condition substantielle du contrat de travail et le contrat, dont la prise d'effet a été fixée au 12 avril 2015, a été souscrit pour le même objet et aux mêmes conditions que celui qui s'est poursuivi le 15 mai 2015 à la suite de la "rupture contrat existant et mise en place d'un nouveau contrat" passé avec la filiale chinoise de société Fairman Consulting. D'autre part, Mme V... Y... ne justifie pas du temps qu'elle a consacré pour répondre au courriel de la société Fairman Consulting du 27 février 2015, et dont la demande ponctuelle correspondait à seulement recueillir des informations sur un établissement dans lequel elle a travaillé pendant deux ans. Et alors que moins de quatre mois se sont écoulés entre la prise d'effet de la période d'essai le 12 avril 2015 et la mise à pied et la convocation à l'entretien préalable à la rupture, il convient de confirmer le jugement qui a rejeté les demandes de requalification et indemnitaires de la salariée, le travail dissimulé de la salariée n'étant pas démontré. Il s'en suit également que la rémunération de la salariée en forfait jour a été régulièrement convenue entre les parties, de sorte que le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de paiement d'heures supplémentaires ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU'il faut rappeler tout d'abord que la faute grave, et notamment lorsqu'elle est précédée d'une dispense d'activité, suppose que l'attitude du salarié trouble la bonne marche de l'entreprise et empêche de ce fait la poursuite du contrat de travail. Le fait que le salarié soit en période d'essai ne dispense pas l'employeur de prouver la réalité des faits qu'il lui reproche s'il pense devoir rompre la période d'essai au motif d'une faute grave. L'employeur se doit donc de respecter la procédure prévue au code du travail pour mettre en oeuvre un licenciement. En l'espèce, la chronologie des faits montre que Madame Y... était encore en période d'essai lorsqu'elle a été convoquée, le 28 juillet 2015, par la société Fairman Consulting à un entretien préalable assorti d'une mise à pied conservatoire. Le Conseil note que le contrat de travail qui avait cours était celui débutant le 20 avril 2015, rompu fin mai puis réactivé par annulation de la rupture. Le Conseil relève également que, même si Madame Y... a été placée en arrêt de travail le 28 juillet 2015, cela n'empêche pas l'employeur de diligenter une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, à condition que la salariée ait été avertie de ses droits. Le Conseil constate que tel est bien le cas : Madame Y... a été avertie dans les règles qu'elle était convoquée le 24 août 2015 à cet entretien mais elle n'a pas pris la peine d'échanger avec son employeur pour lui faire part d'une éventuelle impossibilité. Après avoir examiné les pièces et conclusions versées aux débats, et avoir écouté les observations des parties soutenues à la barre, le Conseil relève tout d'abord que la période durant laquelle Madame Y... a effectivement travaillé pour la société Fairman Consulting, dans le cadre de sa mission chez le client BNP à Hong Kong, s'étend du 26 juin au 6 juillet 2015. Les attestations produites par la Société montrent que Madame Y... s'est retrouvée en difficulté sur sa mission, ce qui a justifié l'intervention en soutien d'une consultante supplémentaire envoyée de France. La Société montre également que Madame Y... malgré ce soutien, commis divers manquements lors de la mission, tels que des négligences, des retards importants, des annulations de rendez-vous, la non-prise en compte de demandes du client ou des propos fautifs tenus à celui-ci, ce qui a justifié que la société BNP demande à la société Fairman Consulting le retrait de Madame Y... de la mission, qui sera effectif le 6 juillet 2015. De plus, alors que, dès le 8 juillet, la Société demandait à Madame Y... de rentrer à Paris avant le 17 juillet (et donc le 16 juillet au plus tard), celle-ci s'est abstenue de répondre clairement à son employeur, lui a annoncé qu'elle arriverait à Paris le 28 juillet pour, finalement, rentrer le 23 juillet, mais sans en informer son employeur, et alors même qu'elle continuait à être payée sans travailler depuis le 6 juillet. Le Conseil dit qu'une telle attitude de la salariée vis-à-vis de son employeur relève de la déloyauté et de l'insubordination et que, dans ces conditions, la rupture de la période d'essai au motif de manquements graves est justifiée. Madame Y... sera donc déboutée de sa demande sur la requalification de son licenciement. Madame Y... demande aussi que soit reconnu le fait qu'après le 19 mai 2015, elle aurait travaillé sans contrat de travail et que la société Fairman Consulting aurait commis un délit de travail dissimulé. Toutefois, ainsi que le Conseil l'a rappelé précédemment, Madame Y... était couverte durant cette période par son premier contrat de travail ; sa demande est donc inopérante. Elle sera donc déboutée. Enfin, Madame Y... demande que soient reconnues des heures supplémentaires qu'elle aurait effectuées lors de ses 6 semaines d'activité à Hong Kong, sans toutefois en apporter la preuve. Le Conseil rappelle également que son contrat initial stipulait une organisation du travail sur la base d'un forfait-jours annuel. Elle sera donc déboutée.

1°) ALORS QUE la rupture du contrat de travail est définitive ; qu'en l'espèce, il était constant que le premier employeur, la société la société Fairman Consulting, avait mis un terme à la période d'essai du premier contrat de travail par lettre remise en mains propres à la salariée, puis qu'il avait signé avec la salariée un acte intitulé « Rupture contrat existant et mise en place d'un nouveau contrat dans nouvelle entité » par lequel ils s'accordaient mutuellement pour mettre un terme au premier contrat de travail, afin que la salariée conclue un nouveau contrat de travail avec une autre société du groupe, la société Fairman consulting limited ; qu'en jugeant néanmoins, par motifs adoptés, que le premier contrat avait été « réactivé par annulation de la rupture » (cf. jugement déféré p. 3) sans caractériser la volonté claire et non équivoque des parties, et notamment de la salariée, de revenir sur la rupture du premier contrat de travail conclue d'un commun accord et de le poursuivre « pour le même objet et aux mêmes conditions » (cf. arrêt attaqué p. 4), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS QUE les dispositions du titre III du livre II du code du travail relatif à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée ne sont pas applicables pendant la période d'essai ; que la rupture de la période d'essai ne constitue donc pas un licenciement ; que partant, l'employeur qui convoque le salarié à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour faute grave, puis lui notifie effectivement son licenciement pour faute grave, reconnaît par là-même que la rupture du contrat de travail ne constitue pas une rupture de la période d'essai ; qu'en l'espèce, en affirmant, pour statuer comme elle l'a fait, que la rupture litigieuse était intervenue au cours de la période d'essai, sans prendre en considération, comme elle y était invitée, le fait que l'employeur lui-même avait convoqué la salariée à un entretien préalable en lui indiquant qu'il envisageait son « licenciement pour faute grave » et lui avait ensuite notifié effectivement son « licenciement pour faute grave », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-25, L.1231-1, L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1, L1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE l'employeur ne peut prolonger abusivement la période d'essai ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la période d'essai avait débuté le 12 avril 2015 pour quatre mois, et devait expirer le 11 août 2015 ; qu'elle a encore constaté que l'employeur avait convoqué la salariée le 28 juillet 2015 à un entretien préalable fixé au 24 août, en la mettant concomitamment à pied, pour finalement prononcer son licenciement le 31 août 2015 ; qu'en estimant que la rupture était intervenue au cours de la période d'essai, sans rechercher si l'employeur ne l'avait pas abusivement prolongée en mettant la salariée à pied du 28 juillet au 31 août 2015, soit plus d'un mois pour un essai devant durer quatre mois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-25, L.1231-1, L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1, L1234-9 et L. 1235-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de ses demandes tendant à voir juger que les relations l'unissant Fairman consulting s'apparentait à un contrat de travail à durée indéterminée et que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamner la société Fairman consulting à lui verser les sommes de 18 000 euros au titre du préavis, outre 1 800 euros au titre des congés payés y afférents, 6 553,83 euros au titre du salaire durant la mise à pied, outre 655,38 euros au titre des congés payés y afférents, avec intérêts, 18 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 18 000 euros à titre de dommages intérêts pour travail dissimulé, avec intérêts, 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, et la remise de documents conformes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE 2. Sur le bien-fondé de la rupture disciplinaire de la période d'essai. Pour voir le jugement infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes d'indemnités et de dommages et intérêts, Mme V... Y... prétend que la rupture de la période d'essai est abusive, estimant, en premier lieu, que l'ampleur de la mission justifiait l'intervention de deux consultants, ce qu'elle avait indiqué à son employeur dès l'origine et ce que celui-ci a admis dans un courriel du 19 juin 2015, la salarié se prévalant en outre d'un courriel d'un collaborateur de la BNP Paribas indiquant être étonné de son départ. Elle estime, en deuxième lieu, abusif le bref délai que l'employeur lui a donné pour rentrer en France qui ne lui laissait pas le temps d'organiser son déménagement, l'employeur lui ayant acheté un billet non modifiable et non remboursable, et alors enfin que, de retour en France le 23 juillet, elle a été placée en arrêt maladie pour un syndrome anxio-dépressif. En troisième lieu, elle conclut ne pas avoir induit l'employeur sur le titre lui permettant de se rendre à Hong-Kong, et qu'il supporte seul le défaut de diligence dans les démarches administratives qu'il lui incombait d'entreprendre. Au demeurant, le manque d'implication dans l'exécution de la mission ainsi que la défiance de Mme V... Y... à l'égard du client sont attestés non seulement par M. B..., responsable du bureau de la société Fairman Consulting à Hong-Kong ainsi part Mme Q..., autre consultante de la société, mais aussi par le client lui-même qui a demandé qu'elle cesse d'intervenir. Mme V... Y... ne justifie pas davantage avoir légitimement pu différer de 17 jours après la fin de sa mission son retour en France, de sorte que par ces motifs, l'employeur était bien fondé à mettre un terme à la période d'essai de la salariée. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme V... Y... de l'ensemble de ces demandes.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU'il faut rappeler tout d'abord que la faute grave, et notamment lorsqu'elle est précédée d'une dispense d'activité, suppose que l'attitude du salarié trouble la bonne marche de l'entreprise et empêche de ce fait la poursuite du contrat de travail. Le fait que le salarié soit en période d'essai ne dispense pas l'employeur de prouver la réalité des faits qu'il lui reproche s'il pense devoir rompre la période d'essai au motif d'une faute grave. L'employeur se doit donc de respecter la procédure prévue au code du travail pour mettre en oeuvre un licenciement. En l'espèce, la chronologie des faits montre que Madame Y... était encore en période d'essai lorsqu'elle a été convoquée, le 28 juillet 2015, par la société Fairman Consulting à un entretien préalable assorti d'une mise à pied conservatoire. Le Conseil note que le contrat de travail qui avait cours était celui débutant le 20 avril 2015, rompu fin mai puis réactivé par annulation de la rupture. Le Conseil relève également que, même si Madame Y... a été placée en arrêt de travail le 28 juillet 2015, cela n'empêche pas l'employeur de diligenter une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, à condition que la salariée ait été avertie de ses droits. Le Conseil constate que tel est bien le cas : Madame Y... a été avertie dans les règles qu'elle était convoquée le 24 août 2015 à cet entretien mais elle n'a pas pris la peine d'échanger avec son employeur pour lui faire part d'une éventuelle impossibilité. Après avoir examiné les pièces et conclusions versées aux débats, et avoir écouté les observations des parties soutenues à la barre, le Conseil relève tout d'abord que la période durant laquelle Madame Y... a effectivement travaillé pour la société Fairman Consulting, dans le cadre de sa mission chez le client BNP à Hong Kong, s'étend du 26 juin au 6 juillet 2015. Les attestations produites par la Société montrent que Madame Y... s'est retrouvée en difficulté sur sa mission, ce qui a justifié l'intervention en soutien d'une consultante supplémentaire envoyée de France. La Société montre également que Madame Y... malgré ce soutien, commis divers manquements lors de la mission, tels que des négligences, des retards importants, des annulations de rendez-vous, la non-prise en compte de demandes du client ou des propos fautifs tenus à celui-ci, ce qui a justifié que la société BNP demande à la société Fairman Consulting le retrait de Madame Y... de la mission, qui sera effectif le 6 juillet 2015. De plus, alors que, dès le 8 juillet, la Société demandait à Madame Y... de rentrer à Paris avant le 17 juillet (et donc le 16 juillet au plus tard), celle-ci s'est abstenue de répondre clairement à son employeur, lui a annoncé qu'elle arriverait à Paris le 28 juillet pour, finalement, rentrer le 23 juillet, mais sans en informer son employeur, et alors même qu'elle continuait à être payée sans travailler depuis le 6 juillet. Le Conseil dit qu'une telle attitude de la salariée vis-à-vis de son employeur relève de la déloyauté et de l'insubordination et que, dans ces conditions, la rupture de la période d'essai au motif de manquements graves est justifiée. Madame Y... sera donc déboutée de sa demande sur la requalification de son licenciement. Madame Y... demande aussi que soit reconnu le fait qu'après le 19 mai 2015, elle aurait travaillé sans contrat de travail et que la société Fairman Consulting aurait commis un délit de travail dissimulé. Toutefois, ainsi que le Conseil l'a rappelé précédemment, Madame Y... était couverte durant cette période par son premier contrat de travail ; sa demande est donc inopérante. Elle sera donc déboutée. Enfin, Madame Y... demande que soient reconnues des heures supplémentaires qu'elle aurait effectuées lors de ses 6 semaines d'activité à Hong Kong, sans toutefois en apporter la preuve. Le Conseil rappelle également que son contrat initial stipulait une organisation du travail sur la base d'un forfait-jours annuel. Elle sera donc déboutée.

ALORS QUE l'insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère fautif et ne saurait donc, sauf à ce que soit caractérisée dans le chef du salarié une mauvaise volonté délibérée ou une abstention volontaire, fonder une rupture du contrat de travail ayant une nature disciplinaire, ce qui est nécessairement le cas en cas d'invocation par l'employeur d'une faute grave ; qu'en l'espèce, en jugeant fondés, au soutien de la rupture pour faute grave du contrat de travail de Mme Y..., qui avait donc une nature nécessairement disciplinaire, les griefs invoqués par l'employeur et qui étaient tirés des supposées insuffisances professionnelles de la salariée (cf. arrêt attaqué p. 3 et 5), sans caractériser la volonté délibérée de la salariée de commettre des manquements dans l'exécution de ses missions ou son abstention volontaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-25, L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1, L1234-9 et L. 1235-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-17708
Date de la décision : 20/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 jan. 2021, pourvoi n°19-17708


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Occhipinti, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.17708
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