LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 janvier 2021
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 87 FS-P
Pourvoi n° G 19-10.962
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 JANVIER 2021
Mme L... R..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° G 19-10.962 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à la Mutuelle générale de la police, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme R..., de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la Mutuelle générale de la police, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, M. Ricour, Mmes Capitaine, Gilibert, conseillers, M. Duval, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 2018), Mme R... a été engagée le 9 juillet 2008 par l'Unité mutualiste, aux droits de laquelle vient la Mutuelle générale de la police, puis a été promue cadre, le 1er juillet 2009, dans des fonctions de responsable du service de contrôle interne.
2. Suivant avenant du 1er juin 2010, elle a été nommée responsable du contrôle interne et de la gestion des risques. Cet avenant précisait que, conformément à l'accord collectif d'avril 2004, une période probatoire de six mois, allant du 1er juin au 31 décembre 2010, était fixée d'un commun accord et qu'il deviendrait définitif à l'issue de cette période probatoire.
3. Par avenant du 7 février 2011 à effet du 1er janvier 2011, les parties ont convenu d'un renouvellement de la période probatoire jusqu'au 30 juin 2011.
4. Le 5 mai 2011, l'employeur a mis fin à la période probatoire et la salariée a été réintégrée dans ses fonctions antérieures.
5. La salariée a été licenciée le 22 novembre 2012.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de rappels de salaire, outre les congés payés afférents, d'indemnité en contrepartie de la clause de non-concurrence, d'indemnité contractuelle de sortie, de rappel de primes 2011 et 2012 et de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors :
« 2°/ que l'article 4.6 de l'accord d'entreprise du 26 avril 2004 de la Mutuelle générale de la police prévoit que "les candidats retenus sur une fonction relevant d'une catégorie d'emploi différente de celle initialement occupée se voient appliquer une période probatoire dont la durée est définie à l'article 4.2 ; l'affectation à un poste de responsabilité supérieure est assortie d'une période probatoire ; sa durée ne peut excéder celle de la période d'essai du nouveau poste occupé" ; que l'article 4.2 prévoit que la période d'essai pour les cadres est de six mois, renouvelable une fois pour une durée qui ne peut excéder celle de la période initiale si la possibilité du renouvellement a été prévue dans le contrat de travail initial ; que la cour d'appel a constaté que les dispositions conventionnelles ont été méconnues en ce que l'avenant du 1er juin 2010 a fixé une période probatoire de sept mois et que le renouvellement n'est pas prévu par ledit avenant, en sorte que le renouvellement intervenu après l'expiration du délai initial est irrégulier et l'avenant du 1er juin 2010 est devenu définitif au 30 novembre 2010 ; qu'en écartant néanmoins l'application de l'avenant du 1er juin 2010 quant aux salaires et avantages contractuels qu'il stipule, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 devenu l'article 1103 du code civil et les articles 4.6 et 4.2 de l'accord d'entreprise du 26 avril 2004 ensemble l'article L. 2254-1 du code du travail ;
3°/ qu'en retenant, pour écarter tout effet juridique à l'avenant du 1er juin 2010 devenu définitif au 30 novembre 2010 s'agissant des salaires et avantages contractuels qu'il stipule, des motifs inopérants tenant à la légèreté de l'inobservation des délais et formes conventionnels, à l'absence de stipulation par l'accord de sanctions encourues, à l'absence d'allégation par la salariée de grief tiré de cette inobservation et de comportement abusif de l'employeur, à l'accord de la salariée pour le renouvellement avec une réserve inopérante, ainsi qu'au retour aux fonctions antérieures, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 devenu l'article 1103 du code civil et les articles 4.6 et 4.2 de l'accord d'entreprise du 26 avril 2004 ensemble l'article L. 2254-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4.6 et 4.2 de l'accord d'entreprise du 26 avril 2004 de la Mutuelle générale de la police et L 2254-1 du code du travail :
7. Il résulte de l'article 4.6 dudit accord que l'affectation à un poste de responsabilité supérieure est assortie d'une période probatoire dont la durée ne peut excéder celle de la période d'essai du nouveau poste occupé et que durant ou à l'issue de la période probatoire, le salarié qui ne donnerait pas satisfaction sera réintégré dans le même emploi ou à un emploi similaire à celui antérieurement occupé.
8. L'article 4.2 fixe la durée de cette période à six mois pour les cadres, renouvelable une fois pour une durée qui ne peut excéder celle de la période initiale si la possibilité du renouvellement a été prévue dans le contrat de travail initial.
9. Aux termes de l'article L. 2254-1 du code du travail, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables.
10. Il résulte de ces dispositions qu'à l'expiration de la période probatoire, le salarié qui n'a pas été réintégré dans son ancien emploi ou un emploi similaire à celui antérieurement occupé est promu définitivement dans son nouveau poste.
11. Pour rejeter les demandes de la salariée, l'arrêt, après avoir relevé que l'avenant instituait une période probatoire de sept mois et que son renouvellement était intervenu sans que l'avenant le prévoie et alors que le délai initial de six mois était expiré, retient que cette méconnaissance des dispositions conventionnelles ne peut toutefois conduire au maintien de la salariée dans les fonctions qui étaient les siennes durant la période probatoire, que l'inobservation incontestable mais légère des délais et formes conventionnels dans l'avenant, ne porte pas à grave conséquence, puisque l'accord d'entreprise ne stipulait pas précisément les sanctions encourues, que la salariée n'articule aucun grief tiré de cette inobservation et que le renouvellement rétroactif à compter du 1er janvier 2011 est intervenu avec son accord.
12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le délai de la période probatoire avait expiré le 30 novembre 2010, et qu'à cette date la salariée était maintenue dans ses nouvelles fonctions, ce dont il résultait que l'avenant la nommant dans ces fonctions était devenu définitif, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme R... de ses demandes de rappels de salaire, majorés des congés payés afférents, d'indemnité en contrepartie de la clause de non-concurrence, d'indemnité contractuelle de sortie, de rappel de primes 2011 et 2012 et de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 27 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la Mutuelle générale de la police aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Mutuelle générale de la police et la condamne à payer à Mme R... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme R...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de ses demandes de rappels de salaire, outre les congés payés afférents, d'indemnité en contrepartie de la clause de non concurrence, d'indemnité contractuelle de sortie, de rappel de primes 2011 et 2012 et de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement.
AUX MOTIFS QUE la MGP rappelle justement que la période probatoire, distincte de la période d'essai, n'est pas régie par les dispositions du code du travail qui ne s'intéressent qu' à la période d'essai ; que pour sa part, Mme R... fait valoir à bon droit que la période probatoire est néanmoins prévue par les dispositions d'un accord d'entreprise du 26 avril 2004 qui stipule une durée de six mois pour les cadres, alors que l'avenant institue une période probatoire de 7 mois (1er juin-31 décembre 2010) ; qu'en outre, le renouvellement de la période probatoire est intervenu alors que l'avenant ne l'avait pas prévu et que le délai initial de six mois était expiré ; mais considérant que cette méconnaissance des dispositions conventionnelles par la MGP ne saurait pour autant conduire au maintien de Mme R... dans les fonctions qui étaient les siennes durant la période probatoire ; qu'en effet, l'inobservation incontestable mais légère des délais et formes conventionnels dans l'avenant, ne porte pas ici à grave conséquence, alors que l'accord d'entreprise ne stipule pas précisément les sanctions encourues et que Mme R... n'articule aucun grief , tiré de cette inobservation, étant rappelé que le renouvellement rétroactif à compter du 1er janvier 2011 est intervenu avec son accord -la réserve visant la période d'essai s'avérant inopérante, d'autant que le renouvellement est permis en matière de période d'essai ; qu'enfin, Mme R... se plaint de l'irrégularité de la conclusion de la période probatoire litigieuse sans démontrer ni même alléguer, à ce propos, un comportement abusif de son employeur et ne justifie nullement, en tout état de cause, comment l'irrégularité de la période probatoire pourrait juridiquement conduire à imposer à l'employeur une modification de fonctions qu'il a finalement choisi -après la lui avoir proposée- de ne pas accorder à son salarié ; que le rappel de salaire réclamé n'est donc pas fondé ; qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris qui a fait droit à cette première demande de Mme R... ; que sur la clause de non concurrence, l'indemnité contractuelle et les primes, Mme R... doit, de même, être déboutée de ses demandes fondées sur les dispositions de l'avenant du 1er juin 2010 qui l'avait promue, à titre probatoire et provisoire, responsable du contrôle interne et de la gestion des risques ; que, comme l'objecte la MGP, dans la mesure où la période probatoire n'a pas été favorable à la salariée qui a retrouvé -sans contestation d'ailleurs- son poste de responsable du contrôle interne, les dispositions de l'avenant précité du 1er juin 2010, indissociables du maintien de Mme R... au poste où elle avait été provisoirement promue, ne sont pas applicables à celle-ci qui n'est, ainsi, pas fondée à réclamer le bénéfice de ces divers avantages, non plus que le rappel des indemnités de rupture qu'elle sollicite en conséquence.
1° ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige tels que déterminés par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, la salariée a demandé la confirmation du jugement en ce qu'il lui a accordé un rappel de salaires, l'indemnité pour le clause de non concurrence et l'indemnité contractuelle de sortie stipulés dans l'avenant à effet du 1er juin 2010, outre le paiement des primes et du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement, sans demander une réintégration dans les fonctions ayant donné lieu à la période probatoire et dissociables des salaire et avantages contractuels stipulés ; qu'en la déboutant de ses demandes au motif que la méconnaissance des dispositions conventionnelles par l'employeur ne saurait conduire au maintien de la salariée dans les fonctions qui étaient les siennes durant la période probatoire et qu'elle a retrouvé son poste antérieur, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.
2° ALORS QUE l'article 4.6 de l'accord d'entreprise du 26 avril 2004 de la Mutuelle Générale de la Police prévoit que "les candidats retenus sur une fonction relevant d'une catégorie d'emploi différente de celle initialement occupée se voient appliquer une période probatoire dont la durée est définie à l'article 4.2. ; l'affectation à un poste de responsabilité supérieure est assortie d'une période probatoire ; sa durée ne peut excéder celle de la période d'essai du nouveau poste occupé" ; que l'article 4.2 prévoit que la période d'essai pour les cadres est de six mois, renouvelable une fois pour une durée qui ne peut excéder celle de la période initiale si la possibilité du renouvellement a été prévue dans le contrat de travail initial ; que la cour d'appel a constaté que les dispositions conventionnelles ont été méconnues en ce que l'avenant du 1er juin 2010 a fixé une période probatoire de sept mois et que le renouvellement n'est pas prévu par ledit avenant, en sorte que le renouvellement intervenu après l'expiration du délai initial est irrégulier et l'avenant du 1er juin 2010 est devenu définitif au 30 novembre 2010 ; qu'en écartant néanmoins l'application de l'avenant du 1er juin 2010 quant aux salaires et avantages contractuels qu'il stipule, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 devenu l'article 1103 du code civil et les articles 4.6 et 4.2 de l'accord d'entreprise du 26avril 2004 ensemble l'article L. 2254-1 du code du travail.
3° ALORS QU'en retenant, pour écarter tout effet juridique à l'avenant du 1er juin 2010 devenu définitif au 30 novembre 2010 s'agissant des salaires et avantages contractuels qu'il stipule, des motifs inopérants tenant à la légèreté de l'inobservation des délais et formes conventionnels, à l'absence de stipulation par l'accord de sanctions encourues, à l'absence d'allégation par la salariée de grief tiré de cette inobservation et de comportement abusif de l'employeur, à l'accord de la salariée pour le renouvellement avec une réserve inopérante, ainsi qu'au retour aux fonctions antérieures, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 devenu l'article 1103 du code civil et les articles 4.6 et 4.2 de l'accord d'entreprise du 26 avril 2004 ensemble l'article L. 2254-1 du code du travail.
4° ALORS QUE la salariée avait exposé que l'employeur avait eu recours au renouvellement de la période probatoire non prévu initialement et à sa rupture en raison de son opposition à la direction sur des questions de délégation et d'un signalement d'un conflit d'intérêts ; qu'en retenant, pour écarter tout effet juridique à l'avenant du 1er juin 2010 devenu définitif au 30 novembre 2010 s'agissant des salaires et avantages contractuels qu'il stipule, que la salariée ne démontre ni n'allègue un comportement abusif de l'employeur sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile.