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14/01/2021 | FRANCE | N°19-18505

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 janvier 2021, 19-18505


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 janvier 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 41 F-D

Pourvoi n° H 19-18.505

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 JANVIER 2021

1°/ M. R... O..., domicilié [...] ,

2°/ la société R...

O... et Q... X..., société civile professionnelle, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° H 19-18.505 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2019 par ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 janvier 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 41 F-D

Pourvoi n° H 19-18.505

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 JANVIER 2021

1°/ M. R... O..., domicilié [...] ,

2°/ la société R... O... et Q... X..., société civile professionnelle, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° H 19-18.505 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société La Soulane, société par actions simplifiée,

2°/ à la société Nemea management participations, société par actions simplifiée,

toutes deux ayant leur siège immeuble [...] ,

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. O... et de la société [...] , de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des sociétés La Soulane et Nemea management participations, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 novembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 2 mai 2019), la société civile immobilière Quartier des Pêcheurs (la SCI) a été condamnée, par une ordonnance de référé du 28 novembre 2016, à payer à la société La Soulane diverses sommes.

2. La SCI s'étant engagée à vendre des biens immobiliers à deux acquéreurs, les sociétés La Soulane et Nemea management participations ont procédé, en exécution de l'ordonnance de référé, à des saisies-attributions entre les mains de la société civile professionnelle R... O... et Q... X... (la SCP), notaire, le 20 mars 2017.

3. La vente définitive des biens par la SCI est intervenue le 23 mars 2017.

4. Le 17 mai 2017, un huissier de justice a signifié à la SCP un certificat de non-contestation à la suite de la saisie-attribution du 20 mars 2017 et lui a demandé de lui verser les fonds saisis. La SCP a alors effectué deux virements de 5 343,50 euros et de 49 395 euros.

5. Reprochant à la SCP et à M. O..., notaire, l'insuffisance du montant des sommes versées et d'avoir favorisé la SCI à leur détriment, les sociétés La Soulane et Nemea management participations les ont assignés devant un juge de l'exécution en paiement des causes de la saisie et de dommages-intérêts.

Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La SCP et M. O... font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il condamne la SCP à payer à la société La Soulane la somme de 46 251,66 euros à titre principal avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2017 au titre des saisies-attributions du 20 mars 2017 et à la société Nemea management participations la somme de 7 798,16 euros à titre principal avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2017 au titre des saisies-attributions du 20 mars 2017, alors « que le tiers saisi n'est exposé à devoir garantir les causes de la saisie, sur le fondement du premier alinéa de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution, que s'il s'est abstenu de toute déclaration, une déclaration incomplète, inexacte ou mensongère ne pouvant que donner lieu à sa condamnation à dommages-intérêts sur le fondement du second alinéa de l'article R. 211-5 dans la limite du préjudice causé par l'inexactitude ; qu'en retenant, pour condamner la SCP [...] à payer les causes des saisies, que sa réponse à l'huissier était inexacte faute d'avoir mentionné le prix des ventes, quand elle constatait que le notaire avait ainsi fourni une réponse à l'huissier instrumentaire, qu'elle jugeait seulement inexacte, ce qui ne pouvait donner lieu qu'à une condamnation à des dommages-intérêts dans la limite du préjudice causé par la prétendue inexactitude des déclarations mais non à une condamnation à payer les causes des saisies, la cour d'appel a violé l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution :

7. Il résulte de ce texte que le tiers saisi, qui ne fournit pas les renseignements à l'huissier de justice, est condamné au paiement des causes de la saisie, une déclaration incomplète, inexacte ou mensongère ne pouvant donner lieu qu'à sa condamnation à dommages-intérêts.

8. Pour condamner la SCP à payer les causes des saisies, l'arrêt retient que l'absence de fourniture à l'huissier de justice, mandaté par les sociétés créancières, de renseignements complets relatifs à la présence en son étude de sommes destinées à la SCI débitrice justifie l'application des dispositions du premier alinéa de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le tiers saisi, qui ne s'était pas abstenu de procéder à la déclaration requise, avait procédé à une déclaration incomplète, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt confirmant le jugement en ce qu'il condamne la SCP à payer à la société La Soulane la somme de 46 251,66 euros à titre principal avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2017 au titre des saisies-attributions du 20 mars 2017 et à la société Nemea management participations la somme de 7 798,16 euros à titre principal avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2017 au titre des saisies-attributions du 20 mars 2017, entraîne la cassation de tous les autres chefs de dispositif de la décision attaquée, qui s'y attachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne les sociétés La Soulane et Nemea management participations aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. R... O... et par les sociétés La Soulane et Nemea management participations et condamne ces deux sociétés à payer à la SCP R... O... et Q... X... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille vingt et un, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. O... et la société R... O... et Q... X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement déféré notamment en ce qu'il avait condamné la SCP [...] à verser à la société La Soulane la somme de 46 251,66 euros à titre principal avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2017 au titre des saisies-attribution du 20 mars 2017, et à la société Nemea Management Participations la somme de 7 798,16 euros à titre principal avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2017 au titre des saisies-attribution du 20 mars 2017 ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande principale en paiement à l'encontre de la SCP notariale et de Me O... : qu'aux termes de l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et s'il y a lieu les cessions de créance, délégations et saisies antérieures ; que l'article R. 211-4 du même code précise, dans son premier alinéa, que le tiers saisi est tenu de fournir sur-le-champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L. 2113 et de lui communiquer les pièces justificatives ; que l'article L. 211-5 du dit code énonce que le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur ; qu'enfin, suivant l'article L. 211-9 du même code, en cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu'il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant le juge de l'exécution qui peut délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi ; qu'à la fin du premier trimestre de l'année 2017,la SCI a vendu divers lots de l'ensemble immobilier précité ; que les acquéreurs, en l'occurrence MM. J..., U... I... , ont signé l'acte de vente le 20 mai 2017 et ont consigné le montant de la transaction entre les mains du notaire instrumentaire ; que l'huissier mandaté par les sociétés La Soulane et Nemea Management Participations s'est présenté au cabinet de Me O... le 20 mars 2017 pour lui notifier la mesure de saisie-attribution ; que le notaire a considéré que les fonds consignés en son étude, en l'occurrence les sommes de 134.666,67 € et 135.000 € HT, n'appartenaient pas au vendeur dans la mesure où ce dernier n'avait pas encore apposé sa signature sur les actes de vente ; qu'il n'a donc pas informé l'huissier instrumentaire de leur existence ; que l'officier ministériel mandaté par les sociétés poursuivantes s'est de nouveau présenté au cabinet de Me O... le 23 mars 2017 à 10 heurs 45 ; qu'il n'a pu appréhender que les sommes de 5 343,50 euros et 49 395 euros, montants étranger aux ventes rapportés ci-dessus, qu'il n'a pas été informé de la présence de sommes bien supérieurs dans les comptes de l'étude ; que les actes authentiques n'ont été paraphés par la SCI venderesse que le 23 mars 2017 à 11h45 et 12h20 ; que compte-tenu de la chronologie de la cession des biens immobiliers, les appelants estiment que la somme détenue en l'étude était insaisissable au moment de la venue de l'huissier mandaté par les sociétés La Soulane et Nemea Management Participations ; que cette argumentation ne résiste cependant pas à l'examen ; qu'il convient tout d'abord de rappeler qu'une vente est parfaite dès l'obtention d'un accord entre les parties sur la chose vendue et son prix ; que la remise de la somme de 135 000 € entre les mains du notaire chargé de procédé à la régularisation de l'acte authentique traduit la réalité de l'accord intervenu entre le vendeur et les acquéreurs ; qu'il y a lieu ensuite de remarquer que les appelants ne produisent pas l'intégralité de l'acte authentique de vente conclue entre la SCI et MM. J... et U... ; que se retranchant abusivement vers un devoir de confidentialité, ils ne mettent pas la cour en mesure d'apprécier les modalités précises de la transaction et notamment la rédaction antérieure d'une promesse synallagmatique de vente ; que la consignation d'une somme d'argent est réalisée à titre de garantie du paiement du prix de vente par l'acquéreur ; que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a reconnu depuis longtemps que le notaire, en sa qualité de tiers saisi, dispose d'un pouvoir propre sur les fonds détenus pour le compte de ses clients (arrêt du 16 février 1978) ; que l'indication des horaires sur l'acte notarié de vente ne constitue en aucune manière une formalité obligatoire devant être accomplie lors de l'élaboration d'un acte authentique ; que seul l'officier ministériel mandaté par les sociétés créancières doit mentionner l'horaires des mesures d'exécution pratiquées en application de l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution ; que ce procédé, très inhabituel voire exceptionnel, traduit manifestement la volonté de l'officier public de souhaiter protéger la SCI venderesse ; qu'enfin, alors qu'ils étaient parfaitement informés des saisies pratiquées par les sociétés La Soulane et Nemea Management Participations sur les sommes détenues par la SCI, les appelants ont sciemment obtempéré au souhait du vendeur de transférer les fonds vers des comptes extérieurs. Ils ont ainsi permis à la société débitrice d'éviter l'appréhension par l'huissier mandaté par les sociétés créancières, lors de sa nouvelle venue à l'étude le 24 mars 2017, du produit de la vente des biens immobiliers ; qu'il n'est donc pas étonnant de constater que la SCP G... et Me O... ont refusé par la suite de communiquer les coordonnées des comptes sur lesquels les fond sont été transférés ; que les appelants se prévalent de l'existence d'un motif légitime tiré du secret professionnel auquel ils sont astreints ; qu'ils ne justifient cependant pas avoir matériellement rencontré un obstacle sérieux qui les auraient empêchés de s'acquitter immédiatement de leur obligation de renseignement et donc de coopérer à la procédure de saisie-attribution (arrêt de la deuxième chambre civile de la cour de cassation en date du 26 octobre 2004) ; que l'absence de fourniture à l'huissier mandaté par les sociétés créancières de renseignements complets relatifs à la présence en son étude de sommes destinées à la SCI débitrice justifie l'application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

1° ALORS QUE le tiers saisi n'est exposé à devoir garantir les causes de la saisie, sur le fondement du premier alinéa de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution, que s'il s'est abstenu de toute déclaration, une déclaration incomplète, inexacte ou mensongère ne pouvant que donner lieu à sa condamnation à dommages et intérêts sur le fondement du second alinéa de l'article R. 211-5 dans la limite du préjudice causé par l'inexactitude ; qu'en retenant, pour condamner la SCP [...] à payer les causes des saisies, que sa réponse à l'huissier était inexacte faute d'avoir mentionné le prix des ventes, quand elle constatait que le notaire avait ainsi fourni une réponse à l'huissier instrumentaire, qu'elle jugeait seulement inexacte, ce qui ne pouvait donner lieu qu'à une condamnation à des dommages et intérêts dans la limite du préjudice causé par la prétendue inexactitude des déclarations mais non à une condamnation à payer les causes des saisies, la cour d'appel a violé l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

2° ALORS QU'en toute hypothèse, la créance éventuelle du débiteur saisi sur le tiers saisi, qui ne peut être saisie, n'a pas à être déclarée par le tiers saisi ; qu'en jugeant que la SCP [...] avait procédé à une déclaration inexacte puisqu'elle était débitrice du prix des ventes envers la SCI venderesse au moment des saisies litigieuses pratiquées après remise du prix par les acquéreurs au notaire mais avant la réitération des ventes par actes authentiques, au motif qu'à ce moment, les ventes étaient parfaites, bien que, quand bien même la SCI venderesse était créancière des acquéreurs, elle n'était pas créancière du notaire dont la dette ne naissait qu'avec la réitération authentique des ventes, la cour d'appel a violé les articles L. 112-1, L. 211-3, R. 211-4 et R. 211-5 du code de procédures civiles d'exécution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-18505
Date de la décision : 14/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 02 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 jan. 2021, pourvoi n°19-18505


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.18505
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