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13/01/2021 | FRANCE | N°19-18028

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 janvier 2021, 19-18028


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 janvier 2021

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 45 F-D

Pourvoi n° P 19-18.028

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 JANVIER 2021

I. M. H... C..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n°

P 19-18.028 contre l'arrêt rendu le 13 juin 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme L... E...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 janvier 2021

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 45 F-D

Pourvoi n° P 19-18.028

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 JANVIER 2021

I. M. H... C..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° P 19-18.028 contre l'arrêt rendu le 13 juin 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme L... E..., domiciliée [...] ),

2°/ à M. U... C..., domicilié [...] ,

3°/ à M. B... C..., domicilié [...] ,

4°/ à M. D... C..., domicilié [...] ),

5°/ à M. W... E..., domicilié [...] ,

6°/ à M. I... O..., domicilié [...] ),

7°/ à M. X... O..., domicilié [...] ),

8°/ à M. V... O..., domicilié [...] ),

9°/ à M. MS... Q..., domicilié [...] ,

10°/ à M. N... Q..., domicilié [...] ,

11°/ à Mme K... Q..., domiciliée [...] ,

défendeurs à la cassation.

II. M. H... C... a formé un pourvoi additionnel contre l'ordonnance rendue le 10 avril 2018 par la même cour d'appel (conseiller de la mise en état), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme L... E...,

2°/ à M. U... C...,

3°/ à M. B... C...,

4°/ à M. D... C...,

5°/ à M. W... E...,

6°/ à M. I... O...,

7°/ à M. X... O...,

8°/ à M. V... O...,

9°/ à M. MS... Q...,

10°/ à M. N... Q...,

11°/ à Mme K... Q...,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui du pourvoi principal et du pourvoi additionnel, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. H... C..., de la SARL Corlay, avocat de MM. MS... et N... Q... et de Mme K... Q..., et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bozzi, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance du conseiller de la mise en état et l'arrêt attaqués (Paris, 10 avril 2018 et 13 juin 2018), A... E... est décédée le [...] à Neuilly-sur-Seine et a été inhumée au [...] le 10 avril suivant. Par actes des 24, 26 mars et 18 avril 2014, Mme L... E..., MM. H..., U..., B..., D... C... et W... E... (les consorts C...), MM. T..., R..., I..., X... et V... O... ont assigné MM. MS... et N... Q... et Mme K... Q... devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'exhumation et de transfert de la dépouille mortelle de la défunte au Togo.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. H... C... fait grief à l'ordonnance de révoquer l'ordonnance de clôture du 27 mars 2018 et de prononcer la clôture au 10 avril 2018, alors « que l'ordonnance de clôture de la mise en état ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; que la cour d'appel ne peut procéder à la révocation sans préciser la cause grave la justifiant ; qu'en révoquant l'ordonnance de clôture du 27 mars 2018 sans préciser la nature de la cause grave qu'il retenait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 784 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 784 du code de procédure civile :

2. Aux termes de ce texte, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

3. Pour révoquer l'ordonnance de clôture, le conseiller de la mise en état s'est borné à indiquer qu'il existait une cause grave justifiant cette révocation.

4. En se déterminant ainsi, sans caractériser la cause grave survenue depuis l'ordonnance de clôture, le conseiller de la mise en état n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. M. H... C... fait grief à l'arrêt de rejeter la demande des consorts C... visant à l'inhumation et au transfert au Togo de A... E..., alors « que la cassation d'une décision de justice entraîne par voie de conséquence l'annulation de la décision qui en est la suite ; qu'en l'espèce, la cassation de l'ordonnance du 10 avril 2018 entraînera par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt du 13 juin 2018 sur le fondement de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 625 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

7. La cassation de la décision du conseiller de la mise en état du 10 avril 2018 entraîne l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt attaqué qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 10 avril 2018, entre les parties, par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris ;

CONSTATE l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt rendu le 13 juin 2018, entre les parties, par ladite cour d'appel ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 10 avril 2018 et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. MS... Q..., M. N... Q... et Mme K... Q... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Bozzi, conseiller faisant fonction de doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire empêché, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits aux pourvois principal et additionnel par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. H... C...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance du 10 avril 2018 attaquée d'AVOIR décidé de révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 27 mars 2018 et prononcé la clôture de l'audience le 10 avril 2018 ;

AUX MOTIFS QU'« il existe une cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture » ;

1° ALORS QUE l'ordonnance de clôture de la mise en état ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; que la cour d'appel ne peut procéder à la révocation sans préciser la cause grave la justifiant ; qu'en révoquant l'ordonnance de clôture du 27 mars 2018 sans préciser la nature de la cause grave qu'il retenait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 784 du code de procédure civile ;

2° ALORS QUE l'ordonnance de clôture de la mise en état ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; qu'en se bornant à viser les motifs exposés dans les conclusions des consorts Q... au soutien de leur demande de révocation quand elles n'invoquaient aucune cause grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 784 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande des consorts C... visant à l'inhumation et au transfert au TOGO de Mme A... E... ;

AUX MOTIFS D'ABORD QUE « dans leurs dernières conclusions du 3 avril 2018, M. N... et Mme K... Q... demandent à la cour, au visa de l'article 908 du code de procédure civile de : - dire que les consorts C... et Les consorts O... n'ont pas d'intérêt légitime à agir, - en conséquence les déclarer irrecevables en leurs demandes, les en débouter, subsidiairement, - dire les consorts C... et les consorts O... mal fondés en leurs prétentions, fins et conclusions, en conséquence – confirmer le jugement entrepris en toutes ses disposions, y ajoutant – condamner in solidum les consorts C... et les consorts O... à leur payer, chacun, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 » (arrêt, p. 4) ;

ET AUX MOTIFS ENSUITE QUE « les consorts C... font plaider que l'article 2213 du code général des collectivités territoriales ouvre la faculté de l'exhumation et du transport d'une dépouille mortelle lorsque le lieu de l'inhumation ne correspond pas à la volonté du défunt ; que la volonté a été exprimée sans équivoque par la défunte d'être inhumée à Lomé au Togo près du tombeau de sa mère décédée le 5 juin 1987 ce qui correspond à la coutume au Togo ; que M. O... T... KI... UP... qui est la personne la plus qualifiée pour dire quel doit être ce lieu de sépulture définitive a fait, à cet effet, une déclaration solennelle recueillie par acte authentique par Maître J... A. G..., notaire à Lomé (Togo) le 11 octobre 2013 ; Qu'ils précisent que A... E... s'était opposée à l'inhumation de son plus jeune fils, Y..., à Paris en 2004 ; que l'absence de communauté de vie entre elle et son mari depuis le 18 février 2001 disqualifie ce dernier pour être décisionnaire ; que la défunte n'avait plus aucun lien avec sa fille K... ce dont cette dernière convient dans ses conclusions de première instance ; que son fils aîné, N..., ne vivait plus depuis des années à son domicile et était en relations épisodiques avec elle ; Qu'ils font valoir que sur 69 années de sa vie, A... E... en a passé 55 en Afrique ; qu'elle est restée proche de sa famille au Togo, s'entendant ses père et mère de leur vivant, ses frères et sa soeur aînée, son frère coté paternel, ses cousins et surtout son vieil oncle maternel, patriarche de la famille dit « tuteur de la famille » ; qu'elle a acquis des biens immobiliers au Togo où elle a fait construire à Lomé une maison qu'elle a laissée à la garde de sa soeur aînée ; qu'ils ajoutent que durant le séjour de son frère aîné H... C... au Togo durant trois mois de novembre 2009 au 7 février 2010, leur soeur aînée, L..., a reçu un appel téléphonique de A..., lui demandant de faire les démarches pour faire refaire son passeport togolais, pour lui permettre de rentrer au Togo ; qu'à l'époque, elle espérait encore, après une intervention de dernière chance, pouvoir elle-même rentrer au Togo pour y finir ses jours, mais qu'elle n'a pas eu le temps de mettre à exécution ce projet ; Qu'ils prétendent que, quelque soit la durée de la concession prise au Père Lachaise, elle a une durée déterminée, ce qui est contraire à la tradition africaine ; Considérant que M. MS... Q... comme ses deux enfants, M. N... Q... et Mme K... Q..., soutiennent que les demandes des appelants sont irrecevables puisqu'ils n'ont pas la qualité de "plus proche parent" ; Considérant que M. MS... Q... qui a été l'époux de la défunte dont elle vivait séparée, s'il admet en avoir été tenu éloigné au cours des dernières années de sa vie, soutient que leur fils N... et le propre frère de la défunte, M. M... F... (dit F...) E..., sont restés jusqu'à son décès très proches de A... E... et remplissent la condition de "plus proche parent" exigée par l'article R 2213-40 du code général des collectivités territoriales à l'inverse des frères, soeur et cousins de la défunte, les appelants ; qu'il prétend qu'il n'existe aucun élément de preuve d'une quelconque volonté de A... E... d'être inhumée au Togo, précisant qu'elle a fait déposer son testament par son fils N... à l'Etude notariale Le tulle sans prendre de disposition à cet égard ; Considérant que M. N... Q... et Mme K... Q... qui sont donc les enfants de A... E..., rappellent de surcroît, que leur frère Y..., le plus jeune fils de la défunte, est enterré à Paris ; Considérant que, si aux termes de l'article 2 du décret n°2016-1253 du 26 septembre 2016 devenu l'article R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales "toute demande d'exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte", l'article 4 de la loi des 15 et 18 novembre 1887, applicable au cas d'espèce, indique que pour connaître des contestations sur les conditions des funérailles, compétence est donnée au juge judiciaire à qui il appartient de déterminer la volonté véritable du défunt quant au devenir de sa dépouille mortelle ; Considérant que pour apprécier l'opportunité de l'exhumation, il convient donc de s'assurer du non respect de la volonté de défunt ou du caractère provisoire de la sépulture car la paix due aux morts implique en priorité la stabilité de la sépulture ; Considérant que pour statuer, il n'est donc pas nécessaire de désigner la personne la plus qualifiée pour interpréter la volonté du défunt ou encore qui a la qualité de "plus proche parent" ; qu'aucune irrecevabilité ne peut donc en ressortir ; Considérant que la charge de la preuve du non-respect de la volonté du défunt pèse sur les appelants, demandeurs à cette exhumation ; Considérant qu'alors que la défunte a rédigé un testament par lequel elle ne fait que priver son mari de tout droit dans sa succession, elle n'a pris aucune disposition écrite concernant l'inhumation de sa dépouille mortelle ; Considérant que le frère de la défunte, M. M... F... (dit F...) E... dans un témoignage très précis et circonstancié de 19 pages, sous la forme d'un journal intime, décrit avec minutie chacun des instants passés avec sa soeur depuis le 1er août 2004 ; qu'il soutient que A... E... lui a déclaré le 25 août 2009, alors qu'elle était hospitalisée à l'hôpital américain à son frère : «GX... AJ..., que s'il m'arrive quelque chose, si la mort m'arrache à ce monde, je veux reposer à côté de mon fils Y.... Je veux partager avec lui la même sépulture » ; Qu'il précise dans ce même document que "vouloir que la volonté de DC... (soit) d'être inhumée au Togo "parmi les siens "pour éviter de partager la même sépulture que M. Q..., s'apparente simplement à une imposture" ; Considérant que M. M... F... est également très précis sur les circonstances qui l'ont amené à connaître les dernières volontés de la défunte dans la nuit du 25 au 26 août 2009, alors qu'il passait une soirée avec des amis et qu'il a dû se rendre, sur son injonction, au chevet de sa soeur ; qu'il confirme dans ce même témoignage le rôle joué par M. N... Q..., le fils de la défunte, de soutien sur la dernière période de sa vie ; Considérant qu'à l'inverse, dans une attestation nouvellement produite en appel, M, KI... SP... O..., devant notaire, indique quant à lui, qu'un "jour de février 2010 dame A... l'a appelé depuis Paris (France) au téléphone pour lui avouer ce qui suit : "papa, je t 'appelle parce que j 'ai très peur pour ma vie. Je suis en route pour une opération et je n 'ai pas l'impression de pouvoir y survivre... S'il m 'arrivait un malheur, tu devras faire connaître le contenu de mes confessions aux autorités légales françaises et prendre toutes les dispositions pour que mon corps soit rapatrié au Togo. Tous ces événements me font dire que si je venais à mourir, mon ex mari voudra ensevelir en France au lieu du Togo où j'exige d'être enterrée" ; Considérant que le fait que l'un de ces témoignages ait été recueilli par un officier ministériel est indifférent à la solution du litige qui ne dépend que de l'existence ou non d'une volonté claire qui aurait été exprimée par la défunte ; Qu'il convient d'observer que lorsque les appelants affirment que "la défunte vivait très douloureusement le naufrage de sa famille nucléaire et a éprouvé le besoin de rester proche de sa famille africaine pour conserver un sens à sa vie'", ils se livrent à une extrapolation de sa volonté qui ne repose sur aucun élément objectif ; que la séparation du couple que la défunte formait avec son mari et les circonstances de cette séparation n'ont donc aucune incidence directe sur le litige ; Considérant que les deux témoignages produits par l'une et l'autre des parties, sont tout à fait contradictoires ; qu'en l'état des pièces produites et des éléments du dossier, la preuve n'est pas rapportée de l'expression de la volonté de la défunte ; que la proximité conservée par M. M... F... (dit F...) E... jusqu'au décès donne cependant un plus grand crédit à son témoignage ; Considérant en conséquence qu'il ressort du témoignage de M. M... F... (dit F...) E..., à l'inverse de ce que les appelants devraient démontrer, une présomption de la volonté de A... E... d'être enterrée en France, au [...], à proximité de la tombe de son plus j eune fils décédé accidentellement ; que c'est encore l'opinion de son fils aîné avec lequel la défunte avait conservé des relations ; Considérant que dans cette hypothèse qui reste de l'absence d'expression réelle de la volonté de la défunte, il incombe encore à ceux qui sollicitent l'exhumation de rapporter la preuve du caractère provisoire de l'inhumation ou de justifier de motifs graves ou légitimes autorisant un tel transfert ; Que le régime juridique de la concession ne donne pas à l'inhumation au Père Lachaise un caractère provisoire ; Que l'existence de traditions différentes en Afrique tenant à l'importance notamment de la lignée maternelle ne constitue pas davantage une cause grave susceptible de justifier l'exhumation demandée, de sorte que le jugement sera confirmé » ;

ALORS QUE la cassation d'une décision de justice entraine par voie de conséquence l'annulation de la décision qui en est la suite ; qu'en l'espèce, la cassation de l'ordonnance du 10 avril 2018 entrainera par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt du 13 juin 2018 sur le fondement de l'article 625 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande des consorts C... visant à l'inhumation et au transfert au TOGO de Mme A... E... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « les consorts C... font plaider que l'article 2213 du code général des collectivités territoriales ouvre la faculté de l'exhumation et du transport d'une dépouille mortelle lorsque le lieu de l'inhumation ne correspond pas à la volonté du défunt ; que la volonté a été exprimée sans équivoque par la défunte d'être inhumée à Lomé au Togo près du tombeau de sa mère décédée le 5 juin 1987 ce qui correspond à la coutume au Togo ; que M. O... T... KI... UP... qui est la personne la plus qualifiée pour dire quel doit être ce lieu de sépulture définitive a fait, à cet effet, une déclaration solennelle recueillie par acte authentique par Maître J... A. G..., notaire à Lomé (Togo) le 11 octobre 2013 ; Qu'ils précisent que A... E... s'était opposée à l'inhumation de son plus jeune fils, Y..., à Paris en 2004 ; que l'absence de communauté de vie entre elle et son mari depuis le 18 février 2001 disqualifie ce dernier pour être décisionnaire ; que la défunte n'avait plus aucun lien avec sa fille K... ce dont cette dernière convient dans ses conclusions de première instance ; que son fils aîné, N..., ne vivait plus depuis des années à son domicile et était en relations épisodiques avec elle ; Qu'ils font valoir que sur 69 années de sa vie, A... E... en a passé 55 en Afrique ; qu'elle est restée proche de sa famille au Togo, s'entendant ses père et mère de leur vivant, ses frères et sa soeur aînée, son frère coté paternel, ses cousins et surtout son vieil oncle maternel, patriarche de la famille dit « tuteur de la famille » ; qu'elle a acquis des biens immobiliers au Togo où elle a fait construire à Lomé une maison qu'elle a laissée à la garde de sa soeur aînée ; qu'ils ajoutent que durant le séjour de son frère aîné H... C... au Togo durant trois mois de novembre 2009 au 7 février 2010, leur soeur aînée, L..., a reçu un appel téléphonique de A..., lui demandant de faire les démarches pour faire refaire son passeport togolais, pour lui permettre de rentrer au Togo ; qu'à l'époque, elle espérait encore, après une intervention de dernière chance, pouvoir elle-même rentrer au Togo pour y finir ses jours, mais qu'elle n'a pas eu le temps de mettre à exécution ce projet ; Qu'ils prétendent que, quelque soit la durée de la concession prise au Père Lachaise, elle aune durée déterminée, ce qui est contraire à la tradition africaine ; Considérant que M. MS... Q... comme ses deux enfants, M. N... Q... et Mme K... Q..., soutiennent que les demandes des appelants sont irrecevables puisqu'ils n'ont pas la qualité de "plus proche parent" ; Considérant que M. MS... Q... qui a été l'époux de la défunte dont elle vivait séparée, s'il admet en avoir été tenu éloigné au cours des dernières années de sa vie, soutient que leur fils N... et le propre frère de la défunte, M. M... F... (dit F...) E..., sont restés jusqu'à son décès très proches de A... E... et remplissent la condition de "plus proche parent" exigée par l'article R 2213-40 du code général des collectivités territoriales à l'inverse des frères, soeur et cousins de la défunte, les appelants ; qu'il prétend qu'il n'existe aucun élément de preuve d'une quelconque volonté de A... E... d'être inhumée au Togo, précisant qu'elle a fait déposer son testament par son fils N... à l'Etude notariale Le tulle sans prendre de disposition à cet égard ; Considérant que M. N... Q... et Mme K... Q... qui sont donc les enfants de A... E..., rappellent de surcroît, que leur frère Y..., le plus jeune fils de la défunte, est enterré à Paris ; Considérant que, si aux termes de l'article 2 du décret n°2016-1253 du 26 septembre 2016 devenu l'article R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales "toute demande d'exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte", l'article 4 de la loi des 15 et 18 novembre 1887, applicable au cas d'espèce, indique que pour connaître des contestations sur les conditions des funérailles, compétence est donnée au juge judiciaire à qui il appartient de déterminer la volonté véritable du défunt quant au devenir de sa dépouille mortelle ; Considérant que pour apprécier l'opportunité de l'exhumation, il convient donc de s'assurer du non respect de la volonté de défunt ou du caractère provisoire de la sépulture car la paix due aux morts implique en priorité la stabilité de la sépulture ; Considérant que pour statuer, il n'est donc pas nécessaire de désigner la personne la plus qualifiée pour interpréter la volonté du défunt ou encore qui a la qualité de "plus proche parent" ; qu'aucune irrecevabilité ne peut donc en ressortir ; Considérant que la charge de la preuve du non-respect de la volonté du défunt pèse sur les appelants, demandeurs à cette exhumation ; Considérant qu'alors que la défunte a rédigé un testament par lequel elle ne fait que priver son mari de tout droit dans sa succession, elle n'a pris aucune disposition écrite concernant l'inhumation de sa dépouille mortelle ; Considérant que le frère de la défunte, M. M... F... (dit F...) E... dans un témoignage très précis et circonstancié de 19 pages, sous la forme d'un journal intime, décrit avec minutie chacun des instants passés avec sa soeur depuis le 1er août 2004 ; qu'il soutient que A... E... lui a déclaré le 25 août 2009, alors qu'elle était hospitalisée à l'hôpital américain à son frère : «GX... AJ..., que s'il m'arrive quelque chose, si la mort m'arrache à ce monde, je veux reposer à côté de mon fils Y.... Je veux partager avec lui la même sépulture » ; Qu'il précise dans ce même document que "vouloir que la volonté de DC... (soit) d'être inhumée au Togo "parmi les siens "pour éviter de partager la même sépulture que M. Q..., s'apparente simplement à une imposture" ; Considérant que M. M... F... est également très précis sur les circonstances qui l'ont amené à connaître les dernières volontés de la défunte dans la nuit du 25 au 26 août 2009, alors qu'il passait une soirée avec des amis et qu'il a dû se rendre, sur son injonction, au chevet de sa soeur ; qu'il confirme dans ce même témoignage le rôle joué par M. N... Q..., le fils de la défunte, de soutien sur la dernière période de sa vie ; Considérant qu'à l'inverse, dans une attestation nouvellement produite en appel, M, KI... SP... O..., devant notaire, indique quant à lui, qu'un "jour de février 2010 dame A... l'a appelé depuis Paris (France) au téléphone pour lui avouer ce qui suit : "papa, je t 'appelle parce que j 'ai très peur pour ma vie. Je suis en route pour une opération et je n 'ai pas l'impression de pouvoir y survivre... S'il m 'arrivait un malheur, tu devras faire connaître le contenu de mes confessions aux autorités légales françaises et prendre toutes les dispositions pour que mon corps soit rapatrié au Togo. Tous ces événements me font dire que si je venais à mourir, mon ex mari voudra ensevelir en France au lieu du Togo où j'exige d'être enterrée" ; Considérant que le fait que l'un de ces témoignages ait été recueilli par un officier ministériel est indifférent à la solution du litige qui ne dépend que de l'existence ou non d'une volonté claire qui aurait été exprimée par la défunte ; Qu'il convient d'observer que lorsque les appelants affirment que "la défunte vivait très douloureusement le naufrage de sa famille nucléaire et a éprouvé le besoin de rester proche de sa famille africaine pour conserver un sens à sa vie'", ils se livrent à une extrapolation de sa volonté qui ne repose sur aucun élément objectif ; que la séparation du couple que la défunte formait avec son mari et les circonstances de cette séparation n'ont donc aucune incidence directe sur le litige ; Considérant que les deux témoignages produits par l'une et l'autre des parties, sont tout à fait contradictoires ; qu'en l'état des pièces produites et des éléments du dossier, la preuve n'est pas rapportée de l'expression de la volonté de la défunte ; que la proximité conservée par M. M... F... (dit F...) E... jusqu'au décès donne cependant un plus grand crédit à son témoignage ; Considérant en conséquence qu'il ressort du témoignage de M. M... F... (dit F...) E..., à l'inverse de ce que les appelants devraient démontrer, une présomption de la volonté de A... E... d'être enterrée en France, au [...], à proximité de la tombe de son plus j eune fils décédé accidentellement ; que c'est encore l'opinion de son fils aîné avec lequel la défunte avait conservé des relations ; Considérant que dans cette hypothèse qui reste de l'absence d'expression réelle de la volonté de la défunte, il incombe encore à ceux qui sollicitent l'exhumation de rapporter la preuve du caractère provisoire de l'inhumation ou de justifier de motifs graves ou légitimes autorisant un tel transfert ; Que le régime juridique de la concession ne donne pas à l'inhumation au Père Lachaise un caractère provisoire ; Que l'existence de traditions différentes en Afrique tenant à l'importance notamment de la lignée maternelle ne constitue pas davantage une cause grave susceptible de justifier l'exhumation demandée, de sorte que le jugement sera confirmé » ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QU'« aux termes de l'article L. 2213-40 du code général des collectivités territoriales, toute demande d'exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte ; qu'eu égard au respect de la paix due aux morts, il n'est possible déroger au principe de l'immutabilité des sépultures qu'en justifiant d'une nécessité absolue, d'un motif grave ou sérieux ou du caractère provisoire de l'inhumation ; que sont notamment considérés comme des motifs graves, le respect de la volonté exprimée ou présumée du défunt, le respect de la volonté du concessionnaire de la sépulture et le caractère provisoire de la sépulture ; qu'en l'espèce, eu égard aux principes ci-avant rappelés, le tribunal constate que Mme L... E... ainsi que M. H... C... et W... E..., sans justifier de leur état civil, se présentent comme les frères et soeurs de la défunte, n'établissent pas, en présence d'un conjoint survivant et de deux enfants, leur qualité de plus proche parent de la défunte ; qu'ils n'apparaissent dès lors pas être les personnes les plus qualifiées pour témoigner de la volonté du défunt ; qu'il n'établissent au demeurant pas davantage que les dispositions prises lors de l'inhumation, dont le caractère provisoire n'est pas même allégué, ont été contraires à la volonté de la défunte, ni ne justifient d'un quelconque document par lequel la défunte aurait exprimé sa volonté d'être enterrée au Togo ; que la volonté exprimée par celle-ci lors du décès de son fils Y... en 2004, qu'il soit inhumé en France, au [...], atteste au contraire de sa volonté présumée d'être enterrée en France, précisément au [...], près de son fils ; que la preuve n'est ainsi pas faite que les dispositions prises lors du décès de Mme E... ont été contraires à sa volonté »

1°/ ALORS QU'en décidant que les consorts C... ne rapportent pas la preuve de la volonté de la défunte d'être inhumée en Afrique, sans rechercher, comme ils l'y invitaient, si l'attestation de M. KI... SP... O..., doyen de la famille, n'était pas corroborée par le fait que la défunte avait acquis une résidence à Lomé et entrepris des démarches pour renouveler ses papiers d'identité togolais, ainsi que par les traditions africaines, particulièrement celles de l'ethnie Ewé dont est issue la défunte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 15 novembre 1887 et de l'article R. 2213-4 du code des collectivités territoriales ;

2°/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des conclusions des parties ; qu'en relevant que les traditions africaines ne constituent pas une cause grave alors que les consorts C..., qui avaient seulement mis en avant l'existence de ces traditions pour corroborer la volonté de la défunte, n'ont jamais soutenu qu'elle constituait une cause grave, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions d'appel des consorts C..., a violé l'article 4 du procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-18028
Date de la décision : 13/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 jan. 2021, pourvoi n°19-18028


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SARL Corlay, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.18028
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